Traitement médical de l`endométriose – Endometriosis treatment
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Traitement médical de l`endométriose – Endometriosis treatment
Dossier D ossier Traitement médical de l’endométriose Endometriosis treatment C. Jamin*, P. Madelenat** L’ endométriose est définie lorsque l’on découvre la présence de tissu endométrial comportant à la fois des glandes et du stroma en dehors de la cavité utérine. Il s’agit d’une pathologie estrogénodépendante, comme en témoignent son apparition postpubertaire et sa disparition après la ménopause, ou tout au moins l’amendement de sa symptomatologie. Un certain nombre de prérequis sont nécessaires à la réflexion sur sa prise en charge médicale. Tout d’abord, aucun des traitements médicaux actuellement disponibles n’a permis de démontrer un effet quelconque sur l’évolution même de la maladie, le traitement d’endométriomes et la restauration de la fertilité. Le traitement ne sera donc que symptomatique et son principal objectif vise à diminuer la symptomatologie, en particulier douloureuse. Comme il s’agit d’une pathologie aujourd’hui non guérissable, les traitements devront être pris au (très) long cours. Ainsi, à efficacité égale, les traitements ayant la meilleure innocuité présumée ou démontrée seront toujours choisis en première intention. Pour ce qui est de la recherche de l’effet thérapeutique, la notion primordiale est que les saignements intra-abdominaux sont aujourd’hui considérés comme responsables des douleurs. On cherche donc, en premier lieu, un traitement qui entraînera une aménorrhée. Ensuite, lorsque, malgré l’aménorrhée, ces traitements ne sont pas suffisamment efficaces, on privilégie ceux à effet antiprolifératif endométrial. Enfin, toujours dans la conception physiopathologique de la maladie, après l’aménorrhée, après l’effet antiprolifératif, on cherche à induire une hypoestrogénie. Le traitement médical de l’endométriose doit donc toujours suivre cette hiérarchie. Une dernière étape pourra peut-être un jour être envisagée, celle d’agir sur les caractéristiques spécifiques du tissu endométriosique. Cette voie est en cours d’évaluation, avec l’utilisation des inhibiteurs de l’aromatase en particulier. Les contraceptifs estroprogestatifs (1) En suivant les recommandations hiérarchiques ci-dessus, les contraceptifs estroprogestatifs sont prescrits en toute première intention du fait de leur tolérance très bien évaluée. On * 169, bd Haussmann, 75008 Paris. ** 5, avenue Émile-Deschanel, 75007 Paris. 30 peut, en modulant les rythmes d’administration, réduire, si ce n’est faire disparaître totalement, les hémorragies de privation (les administrations longues ont, en effet, démontré une efficacité supérieure aux administrations classiques) [2]. Il est logique de proposer les produits les plus atrophiants, ayant donc un climat progestatif dominant, et il est souhaitable de choisir des traitements avec le minimum d’estrogènes, sachant que la dose utilisée dans tous les contraceptifs à notre disposition est suffisante pour offrir une bonne substitution. Qu’est-ce qu’un climat progestatif dominant dans un contraceptif ? Les marqueurs métaboliques observés sous estroprogestatifs ne sont pas témoins du climat progestatif mais du climat androgénique. La classification proposée antérieurement sur le climat des estroprogestatifs est fausse puisqu’elle évaluait uniquement l’impact androgénique des produits sur le foie en mesurant par exemple la Testosterone Binding Globulin (TeBG). À l’échographie, l’épaisseur endométriale est plus faible avec les estroprogestatifs à climat progestatif dominant, il s’agit de la seule classification logique. En ce qui concerne l’évaluation de l’épaisseur endométriale sous divers traitements contraceptifs estroprogestatifs, aucune différence significative entre les différents produits n’a pu être montrée, il semble pourtant que les produits dosés à 20 mcg, en combiné monophasique avec les progestatifs de troisième génération, permettent un meilleur contrôle de l’endomètre. Du fait de la dispersion des résultats, on bannira, en particulier, les produits multiphasiques. Toujours dans l’optique de respecter la hiérarchie citée plus haut, on proposera plutôt des traitements à cycles longs, deux à trois cycles suivis d’une semaine ou moins d’arrêt, rendu nécessaire par l’apparition de métrorragies. Vercellini (2) a montré que le score de dysménorrhée est nettement meilleur lorsque l’on prescrit les estroprogestatifs en cycles longs plutôt que mensuels. Bien que les travaux comparatifs soient rares entre estroprogestatifs et autres traitements de l’endométriose, la diminution des douleurs, un effet antiprolifératif du tissu endométrial avéré, la possibilité de diminution de la fréquence des saignements et surtout une très bonne tolérance à très long terme font des estroprogestatifs le traitement de première ligne de la symptomatologie de l’endométriose. De plus, ils ont un effet antiprolifératif et pro-apoptotique sur les cellules endométriales de femmes porteuses d’une endométriose (3). La Lettre du Gynécologue - n° 331 - avril 2008 Les microprogestatifs Il en existe deux types : les microprogestatifs classiques qui, pris en continu, sont sans effet anovulatoire et antigonadotrope, mais entraînent fréquemment une aménorrhée et une réduction de l’épaisseur endométriale. La seconde génération de microprogestatifs (Cérazette®) est anovulatoire, a un effet antigonadotrope modeste et associe à l’effet des microprogestatifs classiques un abaissement modéré du taux d’estradiol : ce produit devra donc être préféré aux microprogestatifs classiques. Il a aussi une excellente tolérance à très long terme, en maintenant un taux d’estradiol endogène suffisant pour prévenir la perte osseuse postménopausique et entraîne un taux important d’aménorrhées. Il a donc toute sa place en deuxième ligne pour traiter les douleurs d’endométriose, cette deuxième ligne s’expliquant par le fait que nous disposons de très peu d’articles évaluant son efficacité. Dans une étude restreinte en postchirurgie conservatrice, Cérazette® a été comparé à un estroprogestatif avec comme critère la réapparition de la symptomatologie douloureuse, les résultats étaient similaires (4). Implanon® délivre du désogestrel en continu pendant trois ans et a un effet contraceptif. Il entraîne très souvent lui aussi une aménorrhée et a, par ailleurs, un effet atrophiant sur l’endomètre tout en maintenant un taux d’estradiol circulant suffisant. Il s’agirait donc d’un très bon candidat pour la prise en charge des douleurs de l’endométriose. Une étude sur un petit nombre de patientes avec une endométriose pelvienne sévère a été publiée en 2005 avec, semble-t-il, des résultats satisfaisants (5). Les macroprogestatifs (6) Divers travaux ont évalué l’efficacité des dérivés des 19-nortestostérones, des prégnanes ou des norprégnanes dans le traitement de l’endométriose (6, 7). Il sont plus efficaces que les microprogestatifs, car leur action antigonadotrope est plus puissante et ils associent ainsi à l’effet progestatif pur, une hypoestrogénie nette. Bien qu’aucune démonstration clinique ne permette de l’affirmer, il semble plus logique d’utiliser au moins en théorie les dérivées prégnanes ou norprégnanes en raison de leur absence d’effet estrogénique intrinsèque. La majorité d’entre eux est, par ailleurs, beaucoup mieux tolérée que les dérivés 19-nortestostérones. Bien évidemment, il faut choisir des produits non androgéniques et pour le long terme, le MPA et son dérivé de longue durée d’action, le DMPA, sont à bannir. C’est pourtant bien le MPA, entraînant des effets indésirables androgéniques et glucocorticoïdes, qui a été le plus étudié à la dose de 20 à 100 mg par jour. À très long terme, ces produits prégnanes et norprégnanes entraînent une hypoestrogénie qui pourrait être délétère sur les plans vasculaire et osseux, sachant que pour ce dernier, il est démontré qu’à l’arrêt des traitements, on observe une récupération de la masse osseuse qui avait diminué, en particulier lors de l’utilisation du MPA longue durée d’action. La Lettre du Gynécologue - n° 331 - avril 2008 D’après les études, il semble que ces produits, pour être efficaces, doivent être utilisés au minimum 20 ou 21 jours sur 28, si ce n’est en continu. En effet, l’administration des progestatifs simplement en deuxième partie de cycle s’est révélée inefficace (6). Bien que les démonstrations cliniques manquent, on peut suggérer que la durée d’administration des progestatifs doit être adaptée à la clinique avec une fenêtre thérapeutique tous les deux ou trois mois pour éviter de voir apparaître trop de métrorragies liées à leurs effets vasculaires endométriaux. Une étude a évalué l’effet de la didrogestérone à la dose de 40 mg par jour ne montrant pas de différence avec le placebo sur les douleurs (7). Dans une étude comparative avec la pilule estroprogestative, il semble que les macroprogestatifs soient plus efficaces uniquement sur la dysménorrhée à 12 mois en comparaison avec la pilule, mais au prix d’effets indésirables beaucoup plus importants, cela validant la notion de hiérarchie développée dans cet article (6). Dossier D ossier Le stérilet au lévonorgestrel (Miréna®) Il peut ne pas sembler logique d’utiliser un traitement à effet progestatif uniquement local loin des nodules endométriosiques intra-abdominaux. Cependant, son efficacité a été prouvée en première intention ou après traitement chirurgical (8). Là encore, du fait de son excellente tolérance, Miréna® représente donc une solution de première ligne pour la prise en charge de l’endométriose, peut-être même avant les macroprogestatifs. Dans un cas d’endométriose résistant à tout traitement, l’association Miréna® + Implanon® a donné d’excellents résultats, l’hypothèse étant l’effet synergique d’un traitement progestatif local et général (9). Les agonistes du GnRH (10) Ces produits n’ont pas d’effet atrophiant propre sur l’endomètre, mais entraînent une hypoestrogénie profonde. Ils ont été proposés soit en préopératoire, soit en postopératoire, soit dans des circonstances exceptionnelles en cas de contre-indication aux autres traitements médicaux. Aujourd’hui, il n’existe aucun consensus sur leur utilisation du fait de leurs effets indésirables, y compris pré- ou postchirurgicale. Les analogues sont donc peu utilisables dans l’endométriose. Pour palier les inconvénients de leur prise au long cours, il a été proposé d’adjoindre un traitement estrogénique et/ou progestatif permettant d’éviter les manifestations de l’hypoestrogénie profonde sans altérer l’effet thérapeutique (add-back therapy) [11]. Malheureusement, les doses d’estroprogestatifs à utiliser pour contrebalancer totalement les effets indésirables sont trop élevées et font perdre une partie du bénéfice thérapeutique. Pour cette add-back therapy, la tibolone (Livial®) a été proposée, car elle n’a pas d’effet sur la prolifération endométriale, permettant ainsi de substituer la carence estrogénique sans 31 Dossier D ossier risque de réveil de l’endométriose. Des résultats encore préliminaires vont dans le sens d’un intérêt majeur de cette technique. Nous utilisons, en particulier, ce type de traitement chez des femmes ayant une endométriose sous-péritonéale profonde afin de gagner du temps et d’éviter des interventions chirurgicales itératives, mais bien évidemment ce type de traitement ne peut pas être proposé à une large échelle avant une validation complète. Le danazol® (12) Il s’agit d’un dérivé de la testostérone antigonadotrope qui altère la stéroïdogenèse. Son utilisation est actuellement abandonnée en raison de ses effets androgéniques entraînant une mauvaise tolérance clinique et biologique. Des recherches sont en cours pour une administration locale. Les traitements en cours d’évaluation (13) Les antiprogestérones La gestrinone est une antiprogestérone qui n’a jamais été commercialisée en France. Elle donne des résultats cliniques satisfaisants identiques au Danazol®. En revanche, sa tolérance est encore plus mauvaise que le Danazol® avec, en particulier, davantage d’effets indésirables androgéniques. Diverses publications ont été réalisées avec d’autres antiprogestérones, comme la mifépristone et l’asoprisnil. Dans des études de phase III, ce dernier semble proposer des résultats intéressants. Il induit une aménorrhée dose-dépendante sans effet sur le taux d’estradiol. Reste à en évaluer l’effet endométrial à long terme. Les inhibiteurs de l’aromatase Leur utilisation aurait une certaine logique dans le traitement de l’endométriose puisque l’on sait que le tissu endométriosique a une activité aromatasique contrairement au tissu endométrial normal (14). L’anastrozole a été proposé pour le traitement de l’endométriose chez des femmes en préménopause en association avec un estroprogestatif chez 15 femmes qui avaient une endométriose résistant à un estroprogestatif classique (15). L’adjonction de l’inhibiteur a eu une action importante sans effet indésirable, mais il s’agit encore de résultats préliminaires. Reste à évaluer à long terme cette association d’estroprogestatifs et d’inhibiteurs de l’aromatase sur l’os et tous les tissus hormonodépendants. Rappelons que les inhibiteurs de l’aromatase ne peuvent pas être utilisés chez des femmes non ménopausées. Les autres perspectives Les inhibiteurs du TNF alpha ont été évalués chez le singe avec des résultats sur le développement de l’endométriose. Les SERM ont été testés chez le rongeur, mais pas chez l’homme. Les inhibiteurs des matrix métalloprotéinases sont en cours 32 d’évaluation sur des modèles animaux. Enfin, des recherches sur des immunomodulateurs sont aussi menées, comme la pentoxifylline qui a l’avantage de ne pas être un contraceptif. Pour conclure, le traitement de l’endométriose est symptomatique. À efficacité équivalente, ce qui ne peut être évalué que par l’utilisation, le critère déterminant, sauf cas particuliers, est l’innocuité démontrée ou fortement suspectée à long terme. Dans ce cadre se trouvent, au cas par cas, les estroprogestatifs contraceptifs en prises longues, le microprogestatif Cérazette®, l’implant Implanon®, ou le stérilet au lévonorgestrel Miréna®. L’étape suivante fait appel aux macroprogestatifs puis peut-être à l’association Implanon® + Miréna®. En dernière intention et actuellement en cours d’évaluation dans les endométrioses profondes, on peut proposer les analogues de la LH-RH associés à Livial®. Dans de rares cas et pour de courtes durées, les analogues seront proposés seuls. n Références bibliographiques 1. Moore J, Kennedy S, Prentice A. 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