Endométriose et fécondation in vitro – Endometriosis and in vitro

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Endométriose et fécondation in vitro – Endometriosis and in vitro
DOSSIER
Endométriose : douleur et fertilité
Endométriose
et fécondation in vitro
Endometriosis and in vitro fertilization
H. Dechaud*, C. Dechanet*, C. Brunet*, L. Reyftmann*, S. Hamamah*, B. Hedon*
L
* Département de gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction,
CHU Arnaud-de-Villeneuve, Inserm
U847, 371, avenue du Doyen-GastonGiraud, 34295 Montpellier Cedex.
’endométriose est une pathologie qui se caractérise par la présence de tissu endométrial en
dehors de la cavité utérine. Elle touche environ
10 % des femmes en âge de procréer. Sur le plan
clinique, elle est à l’origine de douleurs pelviennes
et/ou d’infertilité. Le diagnostic repose sur l’aspect
visuel des lésions d’endométriose associé à une
analyse anatomopathologique (1, 2). L’American
Fertility Society (AFS) classe la sévérité de l’endométriose en quatre stades (3).
Les mécanismes qui engendrent une infertilité liée à
l’endométriose sont multiples. Dans les endométrioses
sévères, les perturbations de l’anatomie pelvienne et les
adhérences peuvent, à elles seules, expliquer l’infertilité
(4). Cependant, ces atteintes pelviennes sévères ne
sont pas présentes chez toutes les femmes souffrant
d’infertilité liée à une endométriose. Chez les patientes
avec une endométriose minime, la présence de lésions
d’endométriose péritonéale entraîne des perturbations
cellulaires et du liquide péritonéal, à l’origine même
de l’infertilité (5, 6).
En matière de traitement de l’infertilité liée à l’endométriose, la chirurgie, en détruisant les lésions superficielles et profondes et en libérant les adhérences,
permet l’obtention de grossesse spontanée (7, 8). Les
traitements médicaux de l’endométriose ont peu de
place dans le seul et unique but de traiter l’infertilité
(9). En revanche, leur place est indiscutable dans la
prise en charge de la douleur liée à l’endométriose.
Les techniques d’assistance médicale à la procréation
(AMP) sont largement proposées, soit en complément des chances de grossesse spontanée, soit en
complément de la chirurgie (10).
Parmi les techniques d’AMP, les inséminations
peuvent être proposées dans les stades I et II. Pour
les stades plus sévères ou en présence d’adhérences
pelviennes, la fécondation in vitro (FIV) est indiquée
(11, 12). Dans ce cadre, plusieurs interrogations sont
posées. Cette revue vise divers objectifs : évaluer si
l’endométriose sévère a un impact sur les résultats
de la FIV, estimer s’il existe des complications spéci-
26 | La Lettre du Gynécologue • n° 351 - avril 2010 fiques à la FIV dans ce contexte, rechercher si un
protocole de stimulation ovarienne est plus adapté
pour ces patientes, observer si la maladie endométriosique évolue sous traitement de stimulation
ovarienne, et enfin, savoir si les kystes d’endométriose posent des problèmes spécifiques pour la FIV.
Impact de l’endométriose
sévère sur les résultats
de la FIV
L’endométriose sévère altère-t-elle les résultats de la
FIV, alors qu’elle est une indication validée ? Le débat
reste ouvert dans la littérature avec des résultats
non consensuels. Plusieurs facteurs peuvent intervenir dans le pronostic de la FIV pour endométriose
sévère. Premièrement, la pathologie elle-même,
par son effet inflammatoire, ses adhérences et ses
atteintes ovariennes (13). Deuxièmement, par les
effets parfois indésirables de la chirurgie itérative
sur les ovaires, ce qui a pour conséquence de réduire
la réserve ovarienne en follicules (14). Troisièmement, l’endométriose sévère peut rendre les ponctions folliculaires difficiles, donc incomplètes (15).
Quatrièmement, l’endométriose peut-elle altérer la
qualité des ovocytes recueillis après la ponction ?
Enfin, l’endométriose (et non pas l’adénomyose)
peut-elle avoir une influence sur les taux d’implantation embryonnaire (4) ?
Il est difficile de répondre point par point à l’ensemble des ces questions. Cela est lié, d’une part, à
l’hétérogénéité des groupes d’étude et, d’autre part,
à la difficulté de mettre en place des travaux prospectifs et randomisés. En 2002, une méta-analyse
réalisée à partir de 22 études (2 377 cycles de FIV
pour endométriose versus 4 383 cycles sans endométriose) montrait que l’endométriose tendait à
réduire le taux de grossesse après FIV (16) [OR : 0,56 ;
IC95 : 0,44-0,56 pour le taux de grossesse ; OR : 0,86 ;
IC95 : 0,85-0,88 pour le taux d’implantation et OR :
Résumé
L’endométriose et l’infertilité sont étroitement liées. L’endométriose sévère influe-t-elle sur les résultats de la
fécondation in vitro (FIV) ? Y a-t-il des complications et quel protocole choisir pour ces patientes ? Quelles sont
les effets indésirables des kystes d’endométriose ? Autant de questions que différentes études se sont posées
depuis des années, les réponses étant bien souvent contradictoires. Aujourd’hui, la FIV représenterait un mode
de traitement efficace de l’infertilité chez les patientes souffrant d’endométriose sévère.
Mots-clés
Endométriose
Fécondation in vitro
Keywords
Endometriosis
In vitro fertilization
0,81 ; IC95 : 0,79-0,83 pour le taux de fécondation].
Les résultats de la FIV ont été comparés selon la
sévérité de l’endométriose : les chances de grossesses sont réduites de 36 % chez les femmes qui
ont une endométriose sévère comparées à celles
qui ont une endométriose modérée avec un OR à
0,64 (IC95 : 0,35-1,17). Cependant, d’autres études
montrent que l’endométriose affecte peu ou pas les
résultats de la FIV. Un travail sur les taux cumulés
de naissance après FIV compte 63,2 % de naissances
chez les patientes avec endométriose, 55,8 % chez
les infertilités tubaires et 61,8 % chez les infertilités
inexpliquées (17). Ces résultats se retrouvent sur les
différents registres de FIV. Toutefois, la critique faite
à ces registres est que la description des populations
est parfois incomplète et sujette à discussion. Par
ailleurs, l’absence de groupe contrôle limite l’interprétation de ces travaux.
Une étude incluant les résultats de transfert d’embryons congelés montre que les taux cumulés de
naissances vivantes sont respectivement de 55,8 %
dans les stades I/II d’endométriose, de 40,3 % dans
les stades III/IV, et de 43,7 % dans le groupe de référence (infertilité tubaire) [18]. Le taux d’annulation
des cycles de traitement est particulièrement élevé
dans le groupe des endométrioses sévères (50 %).
L’endométriose, en particulier sévère, a tendance
à réduire les chances de succès de la FIV. Cependant, les taux cumulés de grossesse restent dans
un pronostic plutôt favorable. Toutefois, les taux
élevés d’annulation de cycles peuvent venir fausser
l’interprétation de ces résultats. En conclusion, les
patientes ayant une endométriose doivent bénéficier
d’une prise en charge en FIV, d’autant plus rapidement que l’endométriose est sévère.
Le recours au don d’ovocytes est indiqué chez
certaines patientes souffrant d’endométriose sévère.
Ce modèle de prise en charge permet de dédouaner
toute arrière-pensée vis-à-vis de la qualité et de la
quantité d’ovocytes. En 2000, une étude a montré
que les stades III et IV n’affectent pas les résultats
du don d’ovocytes (19). Les taux d’implantation ne
sont pas modifiés par l’endométriose. Les taux de
naissances vivantes dans les stades III et IV sont
équivalents à ceux du groupe contrôle (28 % versus
27,2 %).
Complications spécifiques
de l’endométriose sévère
durant la FIV
La complication redoutée en présence d’une endométriose sévère, en particulier lorsqu’un endométriome
est diagnostiqué, est l’abcès ovarien (20). Celui-ci est
presque toujours consécutif à la ponction de l’endométriome. L’incidence des abcès ovariens est de 0,2 %
en l’absence d’endométriose, et de 2,3 % si un endométriome est présent (21). Une étude récente menée
sur 214 cycles avec ponction folliculaire montre que
le risque d’abcès sur endométriose est très faible, à
condition d’éviter autant que possible, de ne pas ponctionner les endométriomes (20). La clinique de ces
abcès post-ponction ovarienne peut être très variable,
avec des expressions précoces ou tardives (parfois
même retardées au cours du deuxième trimestre de
la grossesse post-FIV) [22-24]. Seule une désinfection vaginale draconienne est efficace en termes de
prévention des infections post-ponction folliculaire.
L’antibioprophylaxie n’a pas démontré son efficacité
dans cette situation.
Protocole de stimulation
ovarienne adapté
à l’endométriose sévère
Les patientes ayant une endométriose devraient
pouvoir bénéficier des mêmes protocoles de stimulation ovarienne que les autres dès lors qu’une FIV est
retenue. Les critères de choix du protocole de stimulation sont les mêmes que pour les patientes hors endométriose. Le problème des douleurs associées doit être
pris en compte. Le protocole idéal est donc celui qui
va générer le maximum d’ovocytes fécondables et le
meilleur confort pour la patiente. Enfin, il faut considérer la présence d’éventuel kystes endométriosiques,
que ce soit au moment même de la stimulation ou
avant, avec le risque de déficience ovarienne liée à
la chirurgie, parfois itérative, de ces kystes. Dans ce
contexte, les protocoles longs des agonistes de la
GnRH, de l’hormone folliculostimulante [FSH] ou de
l’hormone glycoprotéine [hMG] devraient répondre à
l’ensemble de ces exigences. Le blocage de l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien par les agonistes permet,
d’une part, de maîtriser le cycle et d’homogénéiser
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la cohorte folliculaire et, d’autre part, de réduire l’inflammation pelvienne liée à l’endométriose. Dans ce
cadre, des protocoles ultralongs ont été proposés qui
bloquent l’axe durant trois mois avant de débuter la
stimulation. Certains proposent parfois de prolonger
le blocage six mois. Dans une revue de la Cochrane
Database, ce type de protocole paraît le mieux adapté
aux patientes ayant une endométriose sévère (25).
En ce qui concerne le taux de naissances vivantes par
patiente, l’OR est de 9,19 (IC95 : 1,08-78,22), celui des
taux de grossesses cliniques par patiente est de 4,28
(IC95 :2-9,15). Le blocage prolongé dans les protocoles
ultralongs entraîne une déplétion profonde en gonadotrophines endogènes nécessitant une stimulation
par hMG plutôt que par FSH recombinante. La dose
de départ doit être choisie en fonction du compte
des follicules antraux. Celui-ci peut être réalisé au
moment du contrôle de désensibilisation (26). La
durée de stimulation ovarienne est identique. Dans la
méta-analyse de la Cochrane Database, les données
sont insuffisantes pour conclure sur les risques de
grossesse multiple, d’avortement spontané, de grossesse extra-utérine ou de malformation. Une autre
étude montre que ces protocoles ultralongs nécessitent davantage de gonadotrophines avec une durée de
stimulation plus longue, moins d’ovocytes récupérés
et moins d’embryons “top quality” (27). En revanche,
le taux d’implantation embryonnaire est meilleur,
suggérant peut-être une action sur une certaine
part d’adénomyose (28). L’utilisation de protocoles
ultralongs peut être recommandée s’il n’existe pas
d’indication de chirurgie avant la FIV (par exemple,
une infertilité masculine sévère), si la chirurgie est
incomplète ou impossible, induisant un recours direct
à la FIV, ou s’il existe une récidive clinique et/ou échographique au moment de la FIV (29).
La place des protocoles avec les antagonistes de la
GnRH n’est pas clairement définie chez les patientes
souffrant d’endométriose.
Évolution de l’endométriose
sous stimulation ovarienne
L’endométriose peut être considérée comme une
maladie estrogéno-dépendante. Par ailleurs, il est
reconnu que l’endométriose est une pathologie récidivante, que ce soit après traitement chirurgical ou
après traitement médical. L’exposition temporaire ou
répétée à de forts taux d’estrogènes, comme durant
les stimulations ovariennes pour FIV, contribue-telle
ou non à la récidive de la maladie ? Dans la littérature, cela n’est pas clairement démontré. Quelques
28 | La Lettre du Gynécologue • n° 351 - avril 2010 cas cliniques suggèrent que la stimulation ovarienne
puisse compliquer une endométriose. Toutefois, aucun
essai prospectif ne permet de conclure définitivement
sur cette question. En 2006, une étude rétrospective a
analysé le risque de récidive chez des patientes ayant
une endométriose modérée ou sévère et qui ont eu
recours à une stimulation ovarienne en vue d’insémination ou de FIV (30). La conclusion de ce travail est
que la prise en charge en FIV expose moins à la récidive
qu’une insémination. Les protocoles de stimulation
ovarienne pour FIV n’auraient pas d’effets indésirables
en termes de récidive de l’endométriose. L’interrogation
porte toutefois sur le fait que les patientes prises en
charge en FIV ne sont peut-être pas exactement les
mêmes que celles prises en charge en insémination, en
particulier en ce qui concerne leur perméabilité tubaire.
Par ailleurs, les protocoles utilisant des agonistes de
la GnRH pourraient aussi avoir un impact positif sur
le risque de récurrence de l’endométriose.
Problématique des kystes
d’endométriose vis-à-vis
de la FIV
Hormis le risque d’abcès ovarien post-ponction, les
endométriomes posent le problème de leur traitement ou non avant de débuter un cycle de stimulation
ovarienne. D’un côté, un endométriome volumineux
peut gêner le développement folliculaire ainsi que le
monitorage de l’ovulation, entraînant ainsi une réponse
inadéquate (31, 32). D’un autre côté, la chirurgie des
endométriomes peut être délabrante pour le cortex
ovarien et entraîner une diminution de la réserve
ovarienne, d’autant plus sévère que certaines patientes
peuvent avoir eu des chirurgies ovariennes itératives
(33, 34). Ces considérations doivent être étudiées au
moment du choix thérapeutique devant un endométriome avant FIV. En pratique, deux situations se
dégagent. La première est celle où l’endométriose est
connue et a déjà été traitée chirurgicalement. Dans
ce cas, l’analyse histologique du kyste ne pose pas de
difficulté, et seuls les kystes au-delà de 6 cm doivent
être à nouveau traités, avec toute la prudence indiquée par le risque de déficience ovarienne. Pour des
endométriomes de plus petit volume ou lorsqu’une
chirurgie n’est pas retenue, le protocole ultralong peut
être indiqué, sachant que son action sur le volume du
kyste peut être très aléatoire. La seconde situation
est celle où l’indication de la FIV est autre que l’endométriose. L’endométriome est alors une découverte
fortuite dans la prise en charge globale de la patiente.
Dans ce cas et en présence de kystes volumineux, se
DOSSIER
pose le problème de l’histologie du kyste avant toute
stimulation ovarienne. La réalisation d’une chirurgie
avec analyse anatomopathologique est logique en
préalable à la stimulation ovarienne. Cette kystectomie
doit être réalisée avec précaution, afin de ne pas diminuer le capital folliculaire de la patiente. Dans ce cas, si
l’endométriome est accompagné d’une endométriose
péritonéale sévère et inflammatoire, un protocole ultralong agoniste de la GnRH et hMG doit être proposé à
la patiente juste après la chirurgie.
La conduite à tenir vis-à-vis de ces endométriomes
avant FIV est controversée dans la littérature. La
même année, deux équipes, partant du même
constat de base (l’endométriome entraîne des
différences marginales sur les résultats de la FIV),
ont pu écrire des conclusions opposées dans des
revues scientifiques différentes. L’une préconise la
chirurgie avant toute stimulation, tandis que l’autre
suggère de ne pas opérer (35, 36). En revanche, les
effets indésirables d’une kystectomie sur les résultats
de la stimulation ovarienne sont décrits. La kystectomie
entraîne un allongement de la durée de stimulation et
une augmentation des doses nécessaires de gonadotrophine. Le nombre d’ovocytes recueillis est réduit
de façon significative (37). Par ailleurs, il n’y a pas de
conséquences significatives sur les taux de fécondation,
d’implantation et de grossesse. Si une chirurgie est
retenue, elle doit être extrêmement prudente vis-à-vis
de la réserve ovarienne, surtout en cas de kystectomie
bilatérale. Dans ce cas, le risque de ménopause précoce
est multiplié par 2,4 (IC95 : 0,5-6,8) [38]. Compte tenu
de cela, le drainage de l’endométriome doit être discuté
en tant qu’alternative à la chirurgie. Il se fait selon la
même technique que la ponction folliculaire, soit en
début de cycle, soit au moment du contrôle de désensibilisation, en avertissant la patiente des avantages
et, surtout, des inconvénients potentiels en termes
de risque infectieux. Ce drainage ne permet pas de
réduire la dose totale de FSH recombinante nécessaire à la stimulation ovarienne. En revanche, il permet
de réduire la durée de la stimulation et de redonner
des paramètres de stimulation équivalents à ceux du
groupe contrôle (39). Le drainage ne modifie pas les
résultats en termes de taux d’implantation, de taux de
grossesse ou de risque d’avortement spontané. Il existe
donc peu de preuves, à ce jour, en faveur d’un drainage
systématique des endométriomes, sauf probablement
si leur diamètre dépasse 6 cm.
Conclusion
Chez les patientes souffrant d’endométriose sévère,
la FIV représente un mode de traitement efficace de
l’infertilité et complète la chirurgie. Les paramètres
pronostiques de la FIV sont identiques à ceux des
autres patientes. Il faut cependant ajouter les risques
uniquement liés à la sévérité de l’endométriose, notamment celui de déficience ovarienne. Dans ce contexte,
auquel s’ajoute très souvent celui des douleurs liées à
l’endométriose, la prise en charge en FIV doit être la
plus précoce possible, selon des protocoles adaptés
et en avertissant les patientes des risques spécifiques
liés aux ponctions folliculaires.
■
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