Les relations entre l`enfant et son enseignant
Transcription
Les relations entre l`enfant et son enseignant
Les relations entre l’enfant et son enseignant À la maternelle, votre enfant travaillait pour faire plaisir à son enseignant. À l’école élémentaire, les relations avec son professeur sont souvent plus distantes. Il prend du recul – tant mieux – mais verbalise parfois davantage une situation tendue avec lui. À l’écoute de votre enfant OYEZ ATTENTIF Le SAVIEZ-vous? Deux tiers des enseignants en écoles élémentaires, dont une majorité a moins de sept ans d’ancienneté, avouent avoir des difficultés à instaurer la discipline dans leurs classes. Pour près de 45 % des enseignants sondés, les parents manquent d’autorité. Leur impression générale ? Se voir déléguer l’apprentissage de la vie en société. (Sondage réalisé en 2002 par le journal La classe) racontez votre expérience à votre enfant. Il saura que cette situation n’est pas exceptionnelle et qu’il n’est pas le seul dans ce cas-là. Cela le rassurera de voir que vous en parlez librement, sans traumatisme. N’hésitez pas à lui raconter aussi que vous avez connu d’autres professeurs formidables ! L’aider à déculpabiliser E N’EST PAS parce que votre enfant croit que son enseignant ne l’aime pas qu’il est responsable d’une telle situation. Diteslui bien que dans la vie, on ne peut pas apprécier tout le monde ni se faire aimer de tous. Lui-même a des affinités avec certaines personnes et pas avec d’autres. Vous aussi. C’est humain. Par ailleurs, son professeur est là pour lui apprendre des tas de choses, pas pour devenir l’ami des élèves. Une maîtresse, rappellent les psychologues, « n’est pas une deuxième maman ». Cela étant, tentez quand même d’en savoir plus et de comprendre pourquoi l’enseignant semble l’avoir pris en grippe, mais abstenez-vous de tout commentaire négatif à l’égard de son professeur. Votre enfant pourrait en profiter pour exagérer la situation, voire refuser de retourner à l’école. C Le bien-être de l’enfant si votre enfant revient par exemple un jour de l’école en vous disant : « j’aime pas ma maîtresse ! », « elle est méchante », « elle est trop nulle », « elle est moche ». Ces propos « à chaud » traduisent un malaise avec son professeur. Ne banalisez pas son problème. Pas de « tu exagères sûrement un peu », « je suis sûre que cela va s’arranger demain » ou encore « ce n’est rien »… Au contraire, écoutez-le attentivement et encouragez-le à vous raconter tout ce qu’il a sur le cœur. Si vous avez connu ce type de situation vous-même, étant écolier, S i LES RELATIONS ENTRE L’ENFANT ET SON ENSEIGNANT TSP5_p260-321.indd Sec1297 297 26/05/08 14:46:54 Comprendre la situation OUR MIEUX CERNER le problème, demandez à votre enfant de vous donner des exemples de situations qui lui ont semblé injustes et de vous dire ce qu’il ressent. S’il a des mauvaises notes, par exemple, et qu’il s’en plaint, n’est-ce pas parce qu’il a mal travaillé ou pas assez ? Expliquezlui que c’est son comportement ou son travail qui sont jugés, pas sa personne (enfin, normalement !). Faites aussi la part des choses : qu’il vous raconte donc comment il se comporte à l’école. Est-il poli avec son enseignant ? ne chahute-til pas avec ses camarades alors qu’il vient d’exiger le silence ? comment prend-il la parole en classe ? etc. Si vraiment vous pensez que le problème vient de l’enseignant, consolez votre enfant et expliquezlui qu’il doit prendre son mal en patience jusqu’à la fin de l’année scolaire. P Prendre rendez-vous avec l’enseignant a un sommeil agité, mal au ventre tous les matins avant d’aller à l’école, ne raconte plus ses journées... c’est que le problème perdure. Demandez un rendez-vous à son enseignant. Attention toutefois à ne pas le faire via le cahier de correspondance, car cela laisse une trace que votre enfant pourrait découvrir. Il est préférable que le courrier soit donné à part. Le jour J, n’arrivez pas bille S I VOTRE ENFANT en tête en annonçant à l’enseignant que votre enfant ne l’aime pas ou que vous ne comprenez pas pourquoi il n’apprécie pas votre enfant à sa juste valeur. Essayez plutôt d’engager une discussion avec l’enseignant en lui parlant de votre enfant. Dites-lui que ce dernier ne se sent pas très à son aise dans sa classe et que vous ne comprenez pas pourquoi. Aurait-il remarqué quelque chose ? N’hésitez pas à lui parler du caractère de votre enfant (timide, susceptible, angoissé…), d’une situation du moment qui le fragiliserait (déménagement, chômage, divorce, maladie, naissance d’un petit frère ou d’une petite sœur…). Interrogez ensuite l’enseignant : comment perçoit-il votre enfant ? a-t-il des amis ? ET SI VOTRE ENFANT ÉTAIT LE CHOUCHOU ? À l’inverse, il peut arriver que votre enfant se retrouve une année avec un professeur qui l’apprécie beaucoup, et les autres enfants le ressentent. A priori, cette situation est plus agréable que celle évoquée plus haut, encore que tous les enfants ne la vivent pas très bien. Car lorsqu’on devient 298 le préféré de sa maîtresse, les camarades de classe vous tournent souvent le dos. Dites-lui qu’être aimable, c’est plutôt agréable dans la vie. Et ce n’est pas une raison pour que les autres lui en veuillent, mais plutôt une bonne occasion pour votre enfant d’aider les élèves les plus faibles. LES RELATIONS ENTRE L’ENFANT ET SON ENSEIGNANT TSP5_p260-321.indd Sec1298 26/05/08 14:46:55 Si les problèmes relationnels persistent… I VOUS JUGEZ la situation vraiment insupportable et que la guerre est déclarée entre votre enfant et son enseignant, vous pouvez faire intervenir le directeur de l’école, qui vous écoutera et servira S 3 questions ainsi d’intermédiaire pour essayer d’assainir la situation. Vous pouvez aussi contacter les associations de parents d’élèves qui sauront vous conseiller sur la meilleure attitude à adopter vis-à-vis de l’enseignant, en particulier, et de l’école, en général. S’il existe un conseil d’élèves dans votre école (voir p. 77), auquel assistent les enfants délégués de classe, incitez votre enfant à demander au délégué de sa classe d’exposer le problème au directeur d’établissement lors d’une séance. Programmes et apprentissages son comportement en classe lui semblet-il équilibré ? joue-t-il dans la cour ? etc. Parfois, le simple fait d’évoquer tous ces aspects de la personnalité de votre enfant, sans agressivité vis-à-vis de l’enseignant, suffit à faire prendre conscience à son professeur d’un problème qu’il n’avait pas forcément remarqué. Et par conséquent il sera plus attentif à l’égard de votre enfant. En dernier recours D’ UNE MANIÈRE GÉNÉRALE, il est primordial de tout faire pour établir avec l’enseignant une solide relation de confiance, à Sylvie Cadolle, SOCIOLOGUE ET MAÎTRE DE CONFÉRENCES À L ’IUFM DE C RÉTEIL OÙ ELLE ENSEIGNE LA PHILOSOPHIE ET LA SOCIOLOGIE DE L ’ ÉDUCATION à la psychologie ? Pas assez. C’est bien là tout le problème. À l’académie de Créteil, les étudiants ont 24 heures de formation concernant la psychologie de l’enfant et cela ne s’appelle même pas ainsi, mais « Éthique de l’enseignement, des droits de l’homme et de l’enfant ». Auparavant, on enseignait la « pédagogie institutionnelle »*. Aujourd’hui, on considère que les futurs professeurs apprennent mieux leur métier sur le tas. • Qu’en est-il de la gestion d’une classe ? Rien non plus ou si peu. C’est dramatique mais c’est ainsi : on peut être enseignant sans avoir la moindre formation en psycho- logie de l’enfant et en gestion de classe. Or, sans théorie, il est difficile de prendre du recul avec les élèves, notamment ceux qui sont en échec scolaire ou qui se comportent mal en classe. • Justement, qu’en est-il de l’indiscipline dans les classes ? Les professeurs ont un gros problème avec les élèves indisciplinés : les textes officiels interdisent toutes les punitions, sauf la mise à l’écart du groupe pendant un moment. Je leur explique que s’ils doivent utiliser la technique de la carotte et du bâton, il vaut mieux alors donner des récompenses que des punitions ! Le bien-être de l’enfant • Les futurs enseignants sont-ils formés * Élaborée par des instituteurs, la « pédagogie institutionnelle » a pour objectif de créer et de faire respecter des règles de vie dans l’école, par des institutions appropriées, à l’opposé des écoles casernes. Si l’enfant perçoit le lieu classe comme un endroit de repères, de sécurité, de vie, où l’on peut régler des questions, il va progressivement prendre en charge sa vie d’écolier. Il va retrouver le goût d’apprendre, à travers son engagement et ses initiatives. i LES RELATIONS ENTRE L’ENFANT ET SON ENSEIGNANT TSP5_p260-321.indd Sec1299 299 26/05/08 14:46:59 en allant le rencontrer autant que possible, en vous intéressant à sa méthode de travail, sa notation, ses exigences mais aussi ses relations avec les élèves, avec votre enfant en particulier. N’hésitez pas à proposer votre aide aussi. Cela étant, et si vous pensez avoir tout fait en vain pour débloquer la situation, faites part de vos objections. Vous trouvez que l’enseignant est trop dur avec votre enfant, dites-le lui. Respecter le professionnalisme de l’enseignant c’est bien, mais si quelque chose vous gêne dans sa conduite, allez au bout de votre ressenti. Parole de parents… Pierre, papa de Léon, 13 ans n primaire, mon fils était très timide. Plus qu’aujourd’hui. En plus, il était dyslexique. Deux bonnes raisons, me semble-t-il, qui pouvaient expliquer son mal-être à l’école. En effet, il n’arrivait pas du tout à s’y épanouir. Il me disait souvent que sa maîtresse ne l’aimait pas. D’après lui, elle le traitait de “ trop lent ”… Jusqu’au jour où j’ai pris rendez-vous avec cette enseignante. Elle a fini par me dire que, peut être, il faudrait envisager d’inscrire Léon dans une autre école parce que celle où elle avait la chance d’enseigner était élitiste. J’ai vu rouge et je me suis plaint auprès du directeur, exigeant que Léon change de classe. Ce ne fut pas possible, mais la maîtresse n’a plus jamais fait de remarques désobligeantes à Léon, qui a fini son année tant bien que mal. En juin, fin de l’année scolaire, quel soulagement pour lui – et pour moi ! – de penser que l’année suivante il aurait un autre enseignant ! Aujourd’hui, ce n’est plus qu’un mauvais souvenir de son école primaire, le seul heureusement, et Léon est à présent plus épanoui au collège. «E » Marie, maman de Louise, 8 ans «D ès les premiers jours d’école, j’ai senti que quelque chose n’allait pas entre Louise et sa maîtresse. Ma fille rentrait de l’école chaque jour un peu plus contrariée. Et quand on lui demandait : “ ça va à l’école ? ”, elle nous répondait : “ bof, j’aime pas ma maîtresse ; elle ne me parle pas ! ”. Nous avons creusé pour en savoir plus, et elle nous répondait invariablement : “ elle ne me regarde jamais quand je lève le doigt ” ou “ quand j’ai une bonne note, elle ne me dit pas bravo comme elle fait avec les autres, mais “enfin, tu vas t’y mettre !”, etc. Au fur et à mesure des semaines qui avançaient, nous trouvions Louise de plus en plus triste et de moins en moins motivée pour aller à l’école. Nous avons fini par prendre rendez-vous avec sa maîtresse, non sans avoir bien épluché auparavant les relevés de notes, les rendus de contrôles… Histoire d’arriver en parfaite connaissance de la situation. Nous avions prétexté une rencontre “ de courtoisie ” pour nous présenter et la rencontrer. Nous y sommes allés avec notre fille et nous sommes tombés sur une jeune professeur, fraîchement sortie de l’IUFM, un peu agressive, pas très sûre d’elle. Du moins, au début de l’entretien. Nous l’avons d’emblée remerciée pour le travail qu’elle allait accomplir tout au long de l’année. Puis, nous nous sommes intéressés au programme, à la classe, à ses exigences… Elle s’est petit à petit “ déridée ”, et nous avons senti que sous la glace, il y avait beaucoup de maladresse due à son jeune âge et à son manque d’expérience. Ma fille l’a senti aussi et après ce rendez-vous, elle s’est beaucoup moins plainte de sa maîtresse. » 300 LES RELATIONS ENTRE L’ENFANT ET SON ENSEIGNANT TSP5_p260-321.indd Sec1300 26/05/08 14:46:59