Vodka, cigares et saumon portent haut les couleurs de
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Vodka, cigares et saumon portent haut les couleurs de
ENJEUX R label ENJEUX R label entreprise Vodka, cigares et saumon portent haut les couleurs de la Suisse Ces produits de luxe ont en commun d’évoquer la fête. Mais pas uniquement. Ils osent aussi l’extravagance d’être fabriqués entre les cantons de Saint-Gall, de Lucerne et de Vaud. leur meilleur grain. Investit dans un nouveau système de distillation qui l’oblige à modifier son centre de production. Et tremble parfois. «Je savais qu’il existait près de 4000 vodkas dans le monde. Et notre petite entreprise familiale n’avait pas de budget énorme pour lancer un nouveau produit.» Par Katja Schaer La consécration des experts Mais il persévère. Perfectionne sa méthode de filtration et affine le goût. Trois distillations pour un alcool à 96 degrés. En 2003, il touche au but et lance Xellent. Une bouteille rouge comme le drapeau suisse, au design sobre, presque austère, «comme un petit soldat», s’amuse Andreas Affentranger. Et un goût parfait. «Quand j’ai vu la réaction des personnes présentes au premier cocktail, j’ai su que j’avais gagné.» D’ailleurs, les consommateurs ne sont pas les seuls à lui donner raison. Lors de la dernière Spirits Competition de San Francisco, Xellent est consacrée par un jury de dix experts, qui lui décernent unanimement la médaille d’or. Et à ceux qui lui diront que rien, dans l’histoire de cette eau-de-vie, n’a trait à la Suisse, Andreas Affentranger rétorquera simplement que «nous n’avons pas inventé la vodka. Mais nous l’avons perfectionnée.» QUAND L’EUROPE DE L’EST ÉPOUSE LES GLACIERS D’ENGELBERG L 42 No 14 LUXES PAR BILAN QUAND LES FEUILLES DOMINICAINES SE FUMENT SUR COMPOSITION SUISSE M ALBAN KAKULYA Andreas Affentranger: «Nous les Suisses n’avons pas inventé la vodka, mais nous l’avons perfectionnée.» DOMINIC BÜTTNER-PIXSIL.COM es circonstances les plus inattendues servent parfois à engendrer les objets les plus remarquables. La vodka Xellent doit, par exemple, indirectement son existence à un changement de législation. Ou plus précisément à un ajustement fiscal. En 1999, la diminution de la taxe sur les spiritueux étrangers livre les producteurs nationaux à une concurrence accrue. Et c’est ainsi qu’Andreas Affentranger, propriétaire de la distillerie Diwisa, se penche sur la création d’un produit lucernois d’exception, à même de séduire les marchés étrangers. «Notre analyse montrait que la vodka était l’un des rares alcools forts dont la consommation augmentait dans le monde», se souvient l’entrepreneur. Bien que l’idée de fabriquer une vodka sous une bannière helvétique paraisse audacieuse, sa réflexion le pousse à se rendre compte que «des notions comme la pureté de l’eau des glaciers d’Engelberg, le seigle ou la perfection technique nécessaire à une distillation de haute qualité étaient des éléments typiquement suisses». Téméraire, Andreas Affentranger ose alors ce que personne n’avait encore risqué: une vodka haut de gamme entièrement produite en Suisse. Il choisit ses seigles, picasso et matador. Passe des accords avec dix-sept agriculteurs chargés de lui fournir Mirko Giotto: «Ce qui m’intéressait, ce n’était pas une appellation, mais de composer mon mélange.» irko Giotto est un amoureux du cigare. De la passion à la création, il y a un pas qu’il a franchi en 2005, lors d’une soirée de bienfaisance. Il y voit un petit chariot couvert de cigares défiler entre les tables. «En les voyant, je me suis pris à rêver que cela soit ma marque sur ce chariot. La première chose que j’ai faite a été d’en déposer le nom.» LUXES PAR BILAN No 14 43 ENJEUX R label Vo d k a , c i g a r e s e t s a u m o n p o r t e n t h a u t l e s c o u l e u r s d e l a S u i s s e El Sueño. Le rêve, justement. Pour la simple beauté du mot. Mais le désir de Mirko Giotto ne se borne pas à une appellation. Ce qui l’intéresse, c’est de composer son propre mélange. Son choix se porte sur les tabacs de Saint-Domingue. «Je n’aurais pas pu, pour des raisons légales, créer ma propre marque à Cuba. Mais nombre de tabacs d’origine cubaine sont cultivés en République dominicaine, où les conditions climatiques sont similaires.» Alors, depuis Echichens en terres vaudoises, l’entrepreneur planche sur son produit. Travaille à évincer ce petit goût âpre qu’il reproche aux tabacs dominicains. Choisit une nuance plus foncée pour la cape, cette feuille qui habille le cigare. Revoit le mélange de la tripe, lui donnant à la fois son goût et la qualité de sa combustion. Fume et recompose ses déclinaisons: tripe, sous-cape, cape. Par une entreprise alémanique, il fait venir des centaines de cigares, de différentes compositions, qu’il fume un à un. «Il faut en goûter plusieurs pour être sûr», explique-t-il. Et il réinvente ses mélanges. Jusqu’à trouver le bon. QUAND LE SAUMON VOYAGE DE LA COUR DU TSAR À UNE FERME SAINT-GALLOISE L’ histoire du saumon Balik labellisé «made in Switzerland» est celle de la redécouverte d’une recette remontant à l’époque du tsar Nicolas II. L’aventure commence il y a une cinquantaine d’années. L’acteur de théâtre allemand Hans Gerd Kübel s’offre une ferme à Ebersol, dans le canton de Saint-Gall. Entourée de verdoyants pâturages, la propriété n’est alors rien d’autre qu’une bucolique maison de vacances. Jusque dans les années 1970. Le jour où Hans Gerd Kübel rencontre «Monsieur Kaplan», petit-fils du Une rencontre inoubliable Les bonnes adresses Saumon Balik d’Ebersol Boutique Caviar House Prunier: Crans-Montana, Genève et Lausanne Globus: Genève et Lausanne En vente aussi dans les magasins spécialisés Saumon Tsar Nicolaj: 330 fr./kg Saumon Classique ouverture (tranches): 32 fr./200 g U ALBAN KAKULYA Un emballage différent Le patron s’attaque ensuite à l’emballage. «J’ai repris l’idée des pots à tabac de la fin du XIXe siècle, et j’ai conçu une jarre de céramique avec une petite éponge insérée sous le couvercle en guise d’humidificateur.» Mais l’affaire se corse: personne ne semble à même de fabriquer un produit à la hauteur de ses attentes. «Après trois séries ratées, un producteur a refusé de travailler pour moi.» Le projet s’arrête net pendant près de six mois. Mirko Giotto cherche, démarche, négocie. Et finit par trouver un petit fabricant dans le sud de la France, capable de réaliser ce qu’il attend: une jarre de céramique ivoire parfaitement façonnée pour contenir vingtcinq cigares choisis entre trois modules: corona, robusto et belicoso. Quand Mirko Giotto décrit son cigare, il souligne sa force, son harmonie, son amplitude. Mais, de la composition, il ne dit rien. Types de tabac, mélanges, feuilles du haut plus fortes ou du bas du plant, plus légères, rien n’est révélé. Les volutes d’El Sueño gardent dès lors leur part de mystère. Comme tous les rêves, après tout. 44 No 14 LUXES PAR BILAN fumeur de poissons à la cour du tsar, ce dernier lui propose d’installer un four dans sa ferme d’Ebersol et de lui apprendre à fumer du saumon. Une proposition incongrue, vraisemblablement motivée par le besoin d’argent, et que l’acteur accepte sans trop y réfléchir. Quelques mois après, M. Kaplan se met au travail et fait construire un fumoir immense, capable de contenir plus de 50 kilos de poisson. L’acteur, captivé par cette nouvelle activité, ne se laisse pas décourager par la capacité exagérée de son installation. Plus artiste qu’entrepreneur, il ne parvient toutefois pas à rentabiliser l’affaire et finit par envisager de détruire son fumoir. M. Kaplan lui apprend alors à fumer les morceaux les plus fins: les filets dorsaux. C’est ainsi que débute l’authentique saumon Balik d’Ebersol. Vodka Xellent Globus Innovation: Lausanne Grand Passage: Genève Coop et Manor: dans toute la Suisse En vente aussi dans plusieurs restaurants et magasins spécialisés 49 fr./7dl U Cigares El Sueño Beau-Rivage Palace: Lausanne Maillefer Tabacs: Lausanne Golf Club de Bonmont: Chéserex Golf Club du Domaine Impérial: Gland Ou sur www.el-sueno.net De 400 à 490 francs la jarre de 25. Egalement vendus à la pièce. U Peter Rebeiz: «Les conditions d’Ebersol sont tout simplement parfaites pour produire ce saumon.» A la fin des années 1980, le PDG de Caviar House Prunier goûte le saumon de la ferme d’Ebersol. «J’ai été émerveillé, raconte Peter Rebeiz. Et j’ai immédiatement pris rendez-vous avec le producteur.» Peter Rebeiz se souvient, amusé, de leur rencontre: «J’ai vu arriver un grand barbu sur une Harley-Davidson. C’était Hans Gerd Kübel.» Depuis, l’aventure se poursuit. Avec son lot de rebondissements. Quand Hans Gerd Kübel a voulu céder l’affaire, Peter Rebeiz a repris la ferme. «Mais il m’a fallu trois ans pour décrocher un permis auprès des autorités saint-galloises.» Avec le temps, le saumon Balik a été perfectionné. «Nous sommes très stricts dans le choix de notre poisson, explique le patron. Nous le fumons avec notre propre bois et n’utilisons que l’eau de source de notre terrain d’Ebersol.» L’exploitation, elle, occupe plus de quarante employés, tous au bénéfice de plusieurs années de formation. «La logique industrielle voudrait que nous fassions ce saumon ailleurs que dans une ferme isolée, ajoute Peter Rebeiz. Mais les conditions d’Ebersol sont tout simplement parfaites.» D’ailleurs, le terme de «Balik» (initialement orthographié «Balyk») suffit à raconter le produit: en russe, le mot signifie «le meilleur du poisson». Tout simplement. B LUXES PAR BILAN No 14 45