PETIT GUIDE HUMORISTIQUE ET DéCALé à LLUSAGE DES

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PETIT GUIDE HUMORISTIQUE ET DéCALé à LLUSAGE DES
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Clin d’œil
de notre rédacteur
Petit guide humoristique et décalé
à l’usage des stagiaires
en soins infirmiers néophytes
Olivier n’a pas sorti les violons pour vous annoncer son départ de la Rédaction, sa
manière à lui : témoigner de son métier d’étudiant. Afin de mener sa dernière année
de formation Bachelor dans des conditions optimales, la raison lui a dicté de cesser
cette activité. La rédactrice et le comité lui souhaite bon vent et le remercient pour
son implication, ses suggestions et sa motivation.
Etudiant à La Source depuis février 2007, je traîne mes Crocks®1 depuis bientôt quatre ans dans les
services de soins du CHUV2, Saint-Loup et autres EMS3 de la région lausannoise ou service de jour de
psychiatrie de l’enfant. Aujourd’hui, je souhaite vous livrer avec humilité une synthèse de ma courte
expérience de stagiaire infirmier, livrée ici sous forme d’un guide immersif, dédié à mes camarades
de début de cycle. Cet article n’a nulle autre prétention que de dépeindre avec humour certaines
situations cliniques mémorables, que j’ai eu la chance (ou non) de vivre lors de mes différents stages.
Une sorte d’avant-goût de la pratique clinique réflexive des soins infirmiers en quelques « conseils » à
prendre ou à laisser, c’est selon…
Gérer les remarques et les attitudes désobligeantes des diplômé(e)s, types : « Ici, on n’est
pas là pour étaler sa science, on agit. » ou « Mais vous apprenez quoi à l’école ? », voire :
« C’est comme ça que tu refais le pansement d’une voie centrale, toi ? »
En résumé, les options suivantes s’offrent à vous dans ce genre de cas : monter au créneau direct,
en sortant bouclier et flashball4, opter pour une fin de non-recevoir, vous confondre en excuses et
justifier vos lacunes de façon plus ou moins recevable ou… vous métamorphoser en Bob l’éponge.
Accepter d’être celui qui ne sait pas, ou moins, apprendre des autres et garder à l’esprit que l’on retire
souvent nombre d’éléments positifs et formateurs des situations jugées les plus inconfortables. Ne
dit-on pas que l’on apprend plus de ses échecs que de ses succès, reste simplement à trouver les
moyens de les valoriser. C’est, selon moi, la première qualité d’un(e) bon(ne) PF5 à se souvenir qu’il,
qu’elle a été un jour étudiant-te.
1
Chaussures légères en plastique très en vogue dans les services de soins
Centre hospitalier universitaire vaudois
3
EMS : établissements médico-sociaux
4
Pistolet à balle en caoutchouc utilisé par les services de police pour neutraliser un individu « sans » le blesser
5
Praticien-formateur
2
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Œuvrer pour sa future profession… lutter farouchement contre la pratique systématique des soins par protocoles.
Certaines infirmières, sans doute bercées trop longuement par une vision efficiente et médico-déléguée
de la profession s’évertueront à vous convaincre que l’on sait si l’on fait bien « selon le protocole du
service. » Je reste, pour ma part, convaincu qu’un soin de qualité ou qu’une surveillance ciblée reposent,
avant tout, sur la capacité qu’a ou non l’étudiant de motiver ses choix et ses techniques. Elaborer des
liens entre connaissances physiopathologiques et observations cliniques et argumenter ses choix à
partir de données empiriques. Ainsi, vous éviterez l’écueil de l’apprentissage par mimétisme ou du
« faire selon le protocole ad hoc pour satisfaire la PF. » Profitez de travailler tous les jours avec de
nouveaux référents, métamorphosez-vous en Bob l’éponge et saisissez par la même autant d’occasions de développer et d’affiner votre pratique clinique. Seul risque : se perdre dans la constellation de
techniques de soins adaptées de façons différentes d’un diplômé à l’autre.
Affronter ses peurs, gérer son stress…
Un patient qui s’évertue à mourir, malgré des soins dûment prodigués, se révèle souvent d’une opiniâtreté
aussi imprévisible que stressante dans son entreprise mortifère. Je m’explique. Imaginez la scène :
une réanimation au cours de laquelle, fort emprunté, l’étudiant qui, bien qu’avisé, se demande quelle
attitude adopter. Mécanisme de défense numéro un : fuir, vite, bien et le plus discrètement possible !
Prendre ses jambes à son coup et filer se planquer dans le local dédié aux statifs6 et aux pompes7
prêtes pour la maintenance, jusqu’à la prochaine accalmie sur le front du 144. Pas très pro, désastreux
pour l’estime de soi, voire un poil délicat à gérer par la suite, vous en conviendrez… Et puis, difficile de
passer inaperçu quand on mesure 1.90 pour 95 kilos, en ce qui me concerne. Autre stratégie d’adaptation immédiate : amener promptement le chariot de réa au lit du patient, coller les patchs du défibrillateur, allumer le tout et, bien que terrorisé, entreprendre un massage cardiaque improvisé, tant
pis pour les côtes du patient que l’on ne manquera pas de faire céder sous les paumes de nos mains
moites de stress. Mais croyez-moi, dans ces moments-là, quand le scope hurle asystolie8 toutes lumières au rouge, que trois infirmières braillent en cœur : un médecin ! Et qu’une quinzaine de blouses
blanches déboulent en courant dans votre service, les côtes du patient deviennent franchement le
cadet de vos soucis. Dans un registre plus soft, ventiler au masque, prendre des notes, que sais-je…
Rassurer les autres patient des box voisins sur l’avenir de leur homologue si mal embarqué et après
tout, c’est déjà pas mal. La morale de l’histoire est qu’il est, à mon sens, toujours plus facile d’affronter
ses peurs de façon progressive, plutôt que de se laisser progressivement grignoter de l’intérieur par
ces dernières. Vous êtes là pour apprendre, essayer, vous exercer, non pour briller et vous convertir
en Zorro à blouse blanche.
6
Support à roulettes pour suspendre les perfusions
Machine dédiée à contrôler en permanence le volume de soluté délivré au patient
8
Absence d’activité cardiaque décelable (pas contraction des ventricules)
7
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Message spécifique à l’attention des hommes en formation
Au risque de passer pour l’affreux misogyne de service, chers futurs collègues masculins, ne l’oubliez
jamais, vous évoluez dans un univers matriarcal et « œstrogènisé » à souhait où règnent en maître la
dernière recette de poulet au curry allégé, la jupe H&M en coton écru, à 49.90 CHF « up to date »9 et les
anecdotes au sujet du petit dernier de 18 mois devant son petit pot jambon-carotte. Aussi, montrezvous… diplomate avec ces dames. Rien de plus simple pour y parvenir, ne sous-estimez pas l’importance de ces discussions, a priori futiles, sur la bonne marche des services au quotidien. Une bonne
unité jase marmite et Tupperware « maison » de derrière les fagots, au desk. Forcément, la virilité en
prend un coup lorsqu’on se surprend soi-même à causer mode féminine et caquelon à fleurs de chez
Manor, entre deux réfections de pansement. Pourtant, rien de mieux que de « laisser parler la femme
qui est en soi » (message personnel de ma dernière PF) et de profiter de ces instants très « Desperate
housewives »10 pour s’élever progressivement au rang, tant convoité, du plus féminin des collègues
masculins. Vous avez dit : androgyne soignant ?
Humour, maître-mot de la longévité du soignant…
L’humour est aux soins infirmiers ce que la soupape est à la cocotte-minute : l’ultime rempart avant
l’explosion. Rappelez-vous : on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui. Ma philosophie de soignant :
sans humour, impossible de tenir le choc à long terme.
Bref rappel pour les stagiaires de passage au CHUV…
En dépit des apparences, le québécois demeure un des nombreux accents fleuris de la langue française, non un obscur dialecte d’Outre-Atlantique. Avec le temps, on s’y fait et puis libre à vous de vous
« tirer une bûche pour cruiser la cute veilleuse au rapport du matin*1 » ou encore « J’m’en vais faire
la tournée des cabarets ! »*2. Rien que pour ça, un stage au CHUV reste un must à ne manquer sous
aucun prétexte.
9
« A la mode… »
Série américaine sur le quotidien de femmes au foyer
*1
Trad. « Prends une chaise et viens donc draguer la veilleuse lors de la prise du rapport matinal… »
*2
Trad. « Je vais distribuer les plateaux-repas des patients. »
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Un bon étudiant est un numéro. Reste à savoir lequel et comment le gérer…
Vous vous rappelez sans doute de la délicieuse « Numéro 13 », splendide assistante à voile et à vapeur
de la série Dr House11 ? En tant qu’étudiant infirmier, vous êtes parfois ce numéro, surtout dans les
grandes institutions de soins. D’autres étaient là avant vous et les suivants vous emboîteront le pas à
peine votre blouse raccrochée au vestiaire. Pour rappel, hiérarchiquement, on compte le Professeur
(à ne jamais regarder droit dans les yeux), les médecins cadres (particulièrement habiles dans l’art
subtil de vous ignorer), les chefs de clinique (mais où sont-ils ?), les assistants (vos plus grands alliés),
les étudiants en médecine, les infirmières spécialisées, les infirmières diplômées (vos tendres mèresfouettardes) et : VOUS ! Ainsi, tout le monde est, en gros, votre supérieur, direct ou non. Dans ces
conditions, difficile au demeurant de trouver sa place. Mon tuyau :
Référente d’un jour… référente toujours ! Parfois, il ne vaut mieux pas…
Savoir-faire, savoir-être et savoir transmettre… ne s’improvisent pas. Un jour, l’un de mes meilleurs PF
m’a dit : « Enseigner ou apprendre, c’est choisir. » Souvenez-vous en, lorsque la surcharge de travail, la
pression et le stress se feront sentir.
Limite du système de formation, tout n’est pas bon… pour ma formation.
Ne l’oubliez jamais, en tant qu’étudiant, vous êtes là pour apprendre, non pour soulager les services
de soins. N’en déplaise à certains soignants qui n’adhèrent pas à notre système de formation pour des
motifs parfois discutables ou qui n’ont jamais développé l’état d’esprit « tout un chacun peut participer
à la formation de ses pairs ». C’est bien dans l’adversité que l’on se révèle…
Bon vent, bon stage
and never give up !
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Olivier HATET
ème année
elor 3
Etudiant Bach
urnal Source
Rédacteur jo
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12
Série américaine narrant les frasques d’un médecin diagnosticien cynique et de son équipe
« N’abandonne jamais ! »

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