Des exemples qui nous viennent de Pologne
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Des exemples qui nous viennent de Pologne
ÉDITORIAL Des exemples qui nous viennent de Pologne Example from Poland Philippe THOMAS, Richard PEIX grands moyens. La médecine non conventionnée avec les organismes régionaux ou d’état, à honoraires libres, fonctionne de mieux en mieux, merci pour elle. Pour les personnes handicapées ou en perte d’autonomie et qui doivent, faute d’autres possibilités rester chez elles, les systèmes d’aides ménagères existent, mais de façon sporadique, organisés à partir des municipalités. Des infirmières peuvent aussi intervenir à domicile, mais elles sont en faible nombre, et très rares dans les milieux ruraux. Inutile donc de souligner que les familles sont fortement sollicitées. Les hôpitaux fonctionnent bien, avec un personnel compétent, dévoué et motivé. Leur contingent de personnel est cependant fixé de façon réglementaire, ce pour limiter les dépenses. Toujours pour contenir les dépenses hospitalières, elles sont limitées par les régions, par un processus proche de notre budget global. Le dérapage était inévitable, et si le prix de journée officiel est pour l’hôpital de Gdansk de 110 Zlotys (environ 30€), son coût réel est au-delà de 200 Zlotys, tout à la charge de la collectivité publique. La différence s’appelle endettement croissant. Pour les deux hôpitaux de Gdansk, il représente maintenant une part importante du budget de la région. Dans toutes les unités visitées, deux équipes de deux infirmières se relaient toutes les 12 heures pour s’oc- I l est intéressant de se rendre quelques jours dans un autre pays pour travailler et mesurer les écarts de ce qui nous séparent au-delà des frontières. L’occasion était offerte à un cadre de santé et à un médecin du Service de Psychogériatrie de Limoges de se rendre à Gdansk dans le cadre d’un échange Européen (Léonardo) pour découvrir la prise en charge des malades mentaux âgés en Pologne. Nous passons trop rapidement sur la qualité de l’accueil par les personnels des services hospitaliers universitaires ou non, pour constater comme on peut se l’imaginer, la pauvreté des moyens mis à disposition des plus démunis. Confort intellectuel que de se dire "nous, nous sommes des heureux nantis !" par rapport à des pays qui à maints égards sont encore émergents. Arrêtons là ce mouvement pour regarder les points faibles et les points forts de l’organisation des soins en Pologne, en particulier aux personnes âgées présentant des troubles cognitifs ou psychiatriques. Du côté des points faibles, la principale problématique polonaise est dans la quasi absence de réseau médical de ville. Certes, la médecine de ville est accessible à tous, bien remboursée par un système de sécurité sociale, mais fonctionnant sans grande coordination, et surtout sans Service Universitaire de Psychogériatrie, Centre Hospitalier Esquirol, 87025 Limoges Cedex, France. La Revue de Gériatrie, Tome 30, N°8 OCTOBRE 2005 537 Des exemples qui nous viennent de Pologne cuper de 35 malades, plus deux lits d’urgence, pratiquement toujours occupés. Il n’y a guère de temps pour le soin relationnel, la sociothérapie et la réhabilitation. L’hôpital a obligation de soin, mais la durée maximum d’une hospitalisation est arbitrairement fixée à un maximum de 2 mois. Il n’y a pas ou peu de soins ambulatoires organisés à partir de l’hôpital, et une simple lettre au médecin traitant accompagne la sortie du malade. Pour les malades chroniques, la réhospitalisation est donc fréquente. "Ici c’est bien, dehors, c’est nul" nous dit une malade sur place. En revanche le système de soins polonais a ses points forts, par exemple son accès à tous, la gratuité des soins, mais dans la mesure des disponibilités en lits. La plupart des médicaments utilisés en psychogériatrie en France sont disponibles en Pologne. La personne âgée n’est pas considérée comme une personne handicapée différente des autres malades. Les malades sont catégorisés selon les soins -pris au sens le plus large- et surtout les temps d’intervention qu’ils nécessitent, ce indépendamment de leurs âges, et des indemnités sont versées en fonction du handicap, que la personne travaille, soit en invalidité ou retraitée. Alors même qu’en France, la création d’un Ordre Infirmier, tel un serpent de mer, réapparaît dans les couloirs de l’Assemblée Nationale pour y rester bien caché et pour l’instant ne pas en sortir, les infirmières polonaises, de leur côté, sont particulièrement bien organisées, et une Chambre Régionale des Métiers leur est spécifique. Celle-ci gère les habilités professionnelles, enregistre les diplômes, autorise ou non les installations dans le privé ou après une suspension de travail de plus d’un an valide les capacités pour la reprise d’une activité professionnelle. La Chambre intervient aussi pour défendre la profession et les salaires. Sa présidente est élue pour 4 ans renouvelables une seule fois. Outre le bulletin de liaison, la Chambre organise les formations des spécialités et la formation permanente. Les infirmières reçoivent une formation en 3 ans, selon une maquette européenne et, comme aux USA ou au Canada, si elles le veulent et si elles en ont la possibilité financière (5000 Zlotys, 60% payés par la Chambre), elles peuvent compléter celle-ci par une spécialisation de deux ans dans un domaine spécifique de la médecine. Cette spécialisation s’accompagne d’une formation universitaire à type de maîtrise en soins infirmiers. La rémunération en ville ou à l’hôpital est valorisée selon le niveau de compétences professionnelles. Dans les domaines de sa spécialisation, l’infirmière peut prescrire des médicaments sur une liste limitative fournie par les autorités de tutelle. Il faut ici rappeler et regretter la rareté de la spécialisaLa Revue de Gériatrie, Tome 30, N°8 OCTOBRE 2005 tion des infirmières dans notre pays, ce en dehors de rares exceptions comme les infirmières anesthésistes, et surtout la non reconnaissance salariale des quelques infirmières cliniciennes qui se sont formées. Comment pourrons nous développer des réseaux de soins et de coordination pour les personnes âgées comparables à ceux qui existent au Canada, sans former les personnels pour s’en occuper ? Nous sommes loin de tout cela, quand par exemple toujours au Canada, des soignants sont spécialisés dans l’opération de la cataracte. Ne peut-on imaginer certaines étapes de l’évaluation Gériatrique, et même certaines évaluations neuropsychologiques effectuées par des infirmières cliniciennes. En France l’avenir médical en terme d’effectifs est préoccupant. La carence en spécialistes médicaux est prise en compte outre Atlantique. La Pologne s’équipe en personnel compétent pour forger son avenir et préparer son système de soin à plus d’efficacité. Sur les 138 infirmières de l’hôpital de Gdansk visité, 10 étaient en formation pour devenir spécialistes, et cette formation était prise en charge par l’établissement. Les infirmières spécialisées peuvent enfin faire à l’université un doctorat en soins infirmiers. Elles peuvent faire de la recherche dans les domaines du soin infirmier, notamment sur les protocoles infirmiers et participer à des congrès de haut niveau. Ceci est d’autant plus important que dans bien des maladies, en particulier chez la personne âgée, l’essentiel du coût de prise en charge est lié aux actes de soins. Un infirmier de la Chambre de Gdansk faisait sa thèse sur les niveaux d’agressivité des personnes âgées en maison de retraite. La roue tourne. Ici les réformes sont toujours discutées mais comme le poète qui veut jouer plus haut que son luth, certains de nos politiques pensent, parlent mais agissent peu, quand ils ne sont pas paralysés par les multiples rouages complexes de l’Administration. Nous n’avancerons pas sur des intentions mais sur les moyens à mettre en place pour satisfaire les besoins sanitaires de la population. Nous prenons ainsi, année après année, sans vague, et peu à peu un retard, même par rapport à des pays moins favorisés que nous. Quand on voit les difficultés actuelles des EHPAD avec les malades déments ou qui posent des problèmes de comportement, on peut se demander si des infirmières spécialisées en psychogériatrie ne pourraient pas apporter un soutien technique et humain aux équipes rapidement dépassées, ne serait-ce qu’en raison du nombre de soignants, évitant ainsi le recours à des réhospitalisations qui se soldent souvent par des impossibilités de pouvoir renvoyer le malade dans sa struc■ ture d’origine. 538