JOSE MARIA SICILIA

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JOSE MARIA SICILIA
JOSE MARIA SICILIA
The Instant
18 mai – 20 juin 2013
Rue de l’Abbaye 2a B 1000 Bruxelles
meessendeclercq.com
« Notre faculté de percevoir la qualité dans la nature commence, comme en art, par le plaisir des yeux. Elle s’étend
ensuite, suivant différentes étapes du beau, jusqu’à des valeurs non encore captées par le langage. »
Aldo Leopold
Pour sa deuxième exposition personnelle à la galerie, José María Sicilia investit le
corps entier de la galerie avec des œuvres sur papier et des sculptures.
L’idée directrice de l’exposition, intitulée The Instant, est d’approfondir sa recherche
autour des sonagrammes qui sont des retranscriptions graphiques de sons suivant
différentes variables (l’amplitude, le temps et la fréquence par exemple). Pour les
travaux présentés au rez-de-chaussée et au premier étage, les sonagrammes sont
stylisés et proviennent de chants d’oiseaux d’espèces variées. Les premières œuvres
créées en 2009-2010 autour de cette thématique avaient une apparence
chromatique sobre (graphite sur plâtre blanc) alors qu’ici, le visiteur est confronté à
une véritable symphonie d’exubérance et de couleurs chatoyantes. On retrouve,
dans le grand triptyque de la salle de gauche, un rouge caractéristique chez Sicilia
mais aussi, dans d’autres œuvres, des aplats de couleur pure alternés avec de larges
plages de blanc qui donnent une respiration aux œuvres. La dimension organique de
ces œuvres est manifeste et on perçoit un écho à la beauté de la nature et à sa
prodigalité. L’imbrication des formes symbolisant chacune le chant d’un oiseau donne
même l’impression d’un puzzle qui une fois assemblé mène à l’harmonie. Cette
orchestration des formes et des couleurs laisse toutefois apparaître, de temps à
autre, les gestes de la main de l’artiste. Qu’il soit muni d’un pinceau, un pochoir ou
un outil, on sent qu’il donne quartier libre à la ligne et que de cette liberté jaillissent
les frémissements de la couleur. Les développements des tracés, les déliés et les
lignes coups de fouet symboliseraient-ils migrations et vols sinueux ?
On lit volontiers ces travaux comme s’il s’agissait de signes dessinés et qu’une fois
perçus dans leur totalité, ils devenaient intelligibles ou audibles ; difficile de ne pas
entendre, dans l’œuvre tout en recouvrement noir, le rappel sonore du hibou ou le
hululement d’une chouette et difficile de ne pas soupçonner de longs silences, vierges
de tout piaillement ou de tout croassement, dans les surfaces blanches. La qualité de
ces œuvres est d’allier une « musicalité visuelle » à une vie sous-jacente pleine de
joie et d’énergie.
Outre la couleur, Sicilia a incorporé la notion de translucidité pour ces nouveaux
travaux. Cette notion, fondamentale dans sa pratique artistique (on la retrouve
autant dans ses œuvres sur cire d’abeille que dans ses estampes ou dans ses œuvres
sur papier), est induite par la finesse des papiers qu’il utilise. Passionné par la
complexité du papier Japon et la méticulosité des artisans japonais, Sicilia a
expérimenté de nombreux types de papiers avant de trouver celui-ci qui allie
souplesse, légèreté et résistance, ce qui lui permet de le plier, le déplier, le replier et
de jouer sur l’intérieur et l’extérieur. En regardant attentivement, le visiteur peut
dans certains cas découvrir qu’un pli a engendré une tache de couleur de type
Rorschach ou qu’un aplat peint sur une zone de jonction du papier plié se retrouve à
deux endroits éloignés l’un de l’autre.
Une autre caractéristique de ces œuvres est l’impression sur les deux faces du
papier, le recto et le verso. En oeuvrant sur les deux côtés, Sicilia atténue la vigueur
de certaines couleurs. Cette qualité du papier est très riche aux yeux de l’artiste et
lui permet de moduler contrastes et dégradés, de jouer sur les traces et les formes
morcelées.
Les nombreux voyages de l’artiste au Japon l’ont amené à s’intéresser de plus en plus
aux traditions et croyances animistes japonaises. Sicilia a été invité à exposer en
octobre prochain au Fukushima Prefectural Museum of Art et a développé dans la
foulée de ses premières visites dans la région du séisme un travail liant sa recherche
de sonagrammes au drame de 2011. Il s’est basé sur des relevés du taux de
radioactivité du réacteur n°1 de la centrale nucléaire accidentée pour visualiser des
sonagrammes en trois dimensions qui sont exposés dans la wunderkammer. Les
vingt petites sculptures intitulées Winter Flowers Fukushima rendent en quelque sorte
visible l’invisible. Elles semblent faites d’os ou d’une autre matière organique, ce qui
accentue leur étrangeté.
A travers cette exposition, on sent chez Sicilia une véritable promiscuité avec la
nature ; sa beauté mais aussi son côté ravageur comme à Fukushima. D’une certaine
façon, il nous rappelle que nous appartenons plus à un univers que l’univers ne nous
appartient.

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