nuit Radical Jewish Culture

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nuit Radical Jewish Culture
nuit Radical Jewish Culture
par Alex Dutilh
1) Masada, le symbole
Le quartet s’est créé presque par hasard, pour les besoins d’une musique de film noir, The Thief.
John Zorn (sax alto) y est entouré de Dave Douglas (trompette), Greg Cohen (contrebasse) et
Joey Baron (batterie). Convaincu de tenir là un groupe à l’alchimie exceptionnelle, John Zorn les
réunit pour un premier concert sur la scène de la Knitting Factory à l’occasion de son 40ème
anniversaire, le 2 septembre 1993. Le groupe s’appellera Masada, du nom du haut lieu de la
résistance du peuple juif en Israël au moment de l’occupation romaine (un long siège achevé dans
le sang au sommet d’une montagne).
Dans le prolongement de l’euphorie, John Zorn commence à écrire un répertoire “sur mesure”.
Cinq mois plus tard, le 20 février 1994, les quatre homes entrent en studio et mettent en boîte
quasiment trois albums dans la même journée !
Le 18 mai, Masada est à l’affiche du Festival de Jérusalem pour un concert d’une intensité et d’un
engagement hallucinants.
CD "Live in Jerusalem, 1994", Tzadik 7322
Piram, de John Zorn, par John Zorn, Masada
Ravayah, idem
Zebdi, idem
Kanah, idem
Shilhim, idem
Ziphim, idem
Abidan, idem
Netivot, idem
Zelah, idem
Idalah-Abal, idem
Jair, idem
Ashnah, idem
1
2) La genèse
1920 – 1993 : des premiers échos de la musique Yiddish dans le jazz au concert inaugural de
Masada à la Knitting Factory, une longue maturation. Au passage, des solistes qui ont marqué
l’histoire (les clarinettistes Naftule Brandwein puis Dave Tarras), un pianiste culte, aujourd’hui
nonagénaire mais toujours en activité (Irving Fields et son fameux “Bagels and Bongos”) et de
longues périodes de silence où la communauté juive, soucieuse d’intégration, taisait son
patrimoine de musique populaire.
Il faut attendre le milieu des années 1980 pour voir les Klezmatics non seulement reprendre le
flambeau, mais le faire basculer dans la modernité par une approche du son collectif nourrie du
jazz et du rock et par la constitution d’un répertoire original. Fini le folklore, on entre bel et bien
dans la création.
1992, John Zorn crée et enregistre Kristallnacht comme un point de non retour : plus rien ne sera
comme avant.
Et voilà que la scène du jazz alternatif “downtown” s’engouffre dans la brèche sous des noms qui
n’ont pas froid aux yeux : New Klezmer Trio, Hasidic New Wave, Paradox Trio...
2
Palesteena, trad. par
Original Dixieland Jazz
Band
Firn Di Mekhhutonim
Aheym, trad. par Naffule
Brandwein
Kale Bazetzns Un A
Fraylekhs, trad. par Joseph
Cherniavsky YiddishAmerican Jazz Band
The Bridgegroom Special,
trad. par Sam Medoff, Dave
Tarras
CD "Klezmer !"
Yazoo 7017
Sher, trad. par Boiled in
Lead
CD "Klezmer !"
Yazoo 7017
Bei Mir Bist Du Schon de
Secunda, Cahn, Chaplin,
Jacobs, par Irving Fields
CD "Bagels and Bongos"
Universal B0004859-12
Ay Nshomah, de Burton
Greene, par Klezmokum
CD "Klezmokum"
Bvhaast 9209
Shtetl (Ghetto Life) de/par
John Zorn
Tzfia (Looking Ahead)
de/par John Zorn
CD "Kristallnacht"
Tzadik 7301
Fun Tashlikh, trad. par
Klezmatics
CD "Rhythm + Jews"
Flying Fish 70591
Phrases, de Ben Goldnerg,
par New Klezmer Trio
Araber Tants, trad. par
Klezmatics
Bebka, trad. par Hasidic
New Wave
Alts far Gelt, trad. par
Paradox Trio
Ziphim, de John Zorn, par
John Zorn, Masada
CD "Klezmer 1993"
Knitting Factory 123
3
3) La formulation
1995 : John Zorn crée le label Tzadik (Juste) et en son sein la collection Radical Jewish Culture.
Avec la référence TZ 7101, David Krakauer inaugure le premier numéro de la série avec son
groupe Klezmer Madness.
Dirigé par Michael Dorf, le club new-yorkais The Knitting Factory, alors situé sur Houston Street à
l’entrée du Lower East Side, (il a aujourd’hui déménagé dans Tribeca), devient le lieu de rendezvous de toute une génération de musiciens juifs soucieux de confronter leurs racines avec les
musiques expérimentales du moment, jazz, rock ou électronique. La « bande à Zorn » en fait sa
vitrine permanente, avant de voler de ses propres ailes, lorsque le saxophoniste ouvre son propre
club, The Tonic, au 107 Norfolk St., un ancien entrepôt de vins dans un quartier où l’on ne compte
plus les synagogues laissées à l’abandon.
Là, à partir de 1999, durant quatre ans, David Krakauer va programmer tous les dimanches midi
un brunch klezmer où se succéderont la plupart des jeunes groupes de la mouvance Radical
Jewish Culture.
4
Africa Bulgar, trad. arr. D.
Krakauer, par David
Krakauer
Funky Dave, de Tarras,
Heimisher Sher, par David
Krakauer
Rachab, de John Zorn, par
David Krakauer
CD "Klezmer Madness"
Teadik 7101
Satmer Hafakos #6, trad.
arr. HNW, par Hasidic New
Wave
CD "Jews and the Abstract
Truth"
Knitting Factory 192
Hanukkah Bush, de/par
Anthony Coleman
Frut Flys, de/par Steve
Dalachinsky
Hava Nagila, trad. arr. U.
Caine, par Uri Caine
CD "A Guide For The
Perplexed"
Knitting Factory 216
Joshua's Song, de Uri
Caine, par Zohar
CD "Keter"
Knitting Factory 236
Bb Bulgar, trad., Dolgin,
Krakauer, par Socalled &
Krakauer
Electro Taxim, trad.,
Solmon, Krakauer, Dolgin,
B. Schechter
Confession, par Pharaoh's
Daughter
CD "Music From The
Winery"
Tzadik 7196
5
4) Une culture en mouvement
Quinze ans après le démarrage de la série Radical Jewish Culture du label Tzadik, plus que « l’air
de famille », c’est le pluralisme des démarches présentées qui frappe.
On y retrouve aussi bien des pionniers du free jazz (Perry Robinson et Burton Greene) que des
tout jeunes musiciens français (Zakaryah) ; des rabbins (avec Greg Wall) que des agnostiques
(Marc Ribot) ; ceux qui prolongent l’héritage ashkénaze (Naftule’s Dream) comme les amoureux
des parfums latinos (Roberto Rodriguez) ou des couleurs sépharades (Anthony Coleman) ; des
figures ancestrales de Manhattan (Irving Fields) comme les nouveaux talents israéliens (Danny
Zamir et Uri Gurvitch) ; et le violon (Jenny Scheinman) ou l’accordéon (Cracow Klezmer Band) y
sont accueillis avec la même générosité que la clarinette (Ben Goldberg) ou le textures de guitare
saturée (John Madof)...
6
Syl Freylekhs de S. Rollins,
B. Greene, par Perry
Robinson, Burton Greene
CD "Two Voices in the
Desert"
Tzadik 8442
Ha'Tzofeh le'Tovah, de
Greg Wall, par Greg Wall's
Later Prophet
CD "Ha'Orot"
Tzadik 8137
Zkhor Dovor, de Skulaner
Rebbe, Rabbi Portugal, par
London, Sklamberg, Caine
CD "Nigunim"
Tzadik 7129
Yo ! I Killed Your God,
de/par Marc Ribot
CD "Yo ! I Killed Your God"
Tzadik 7134
Rosa de Vincent Posty, par
Zakaryah
CD "The True Story
Concerning Martin Behaim"
Tzadik 8129
Black Wedding, de Glenn
Dickson, par Naftule's
Dream
CD "Smash, Clap !"
Tzadik 7129
The Rebbe's Hasid, de
Naftule Brandwein, par Tim
Sparks
CD "Little Princess"
Tzadik 8143
My Yiddishe Mama, de
Yellen, Pollack, par Irving
Fields
CD "My Yiddishe Mama's
Favorite"
Tzadik 8117
Naphtali, de/par Steven
Bernstein
CD "Diaspora Suite"
Tzadik 8122
Morenica, trad., par
Sephardic Tinge
CD "Morenica"
Tzadik 7124
Judges, de Jon Madof, par
Rashanim
CD "The Gathering"
Tzadik 8144
Wolfie's Corner, de Roberto
Juan Rodriguez, par
Speteto Rodriguez
CD "Baila ! gitano Baila !"
Tzadik 7189
Lailadance, de/par David
Buchbinder
CD "Odessa/Havana"
Tzadik 8121
The Theme & Poem 15,
de/par Danny Zamir
CD "Satlah"
Tzadik 7139
Joseph The Storyteller,
de/par Uri Gurvitch
CD "The Storyteller"
Tzadik 8135
The Rabbi's Lover, de/par
Jenny Scheinman
CD "The Rabbi's Lover"
Tzadik 7165
A Devilish Tale, de
Jaroslaw Bester, par
Cracow Klezmer Band
CD "Remembrance"
Tzadik 8116
Asimor, de John Zorn, par
Ben Goldberg
CD "Baal"
Tzadik 7381
Zavebe, de John Zorn, par
The Deamers
CD "Ipos"
Tzadik 7380
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5) Anthony Coleman à Banlieues Bleues
Le 14 avril à la Dynamo de Pantin, l’édition 2010 du festival Banlieues Bleues présentait une
soirée consacrée à Anthony Coleman. Après une première partie en piano solo, entièrement
consacrée aux compositions de Jelly Roll Morton, le pianiste présentait en quartet la création
européenne de Damaged by Sunlight.
Il s’agit d’une suite de 50 minutes, en cinq mouvements, inspirée par la détérioration par la lumière
trop violente des cinq peintures murales de Mark Rothko qui se trouvent dans une salle à manger
de la Harvard University de Cambridge, à côté de Boston.
(à consulter : article du New York Times1)
Le quartet est composé de Anthony Coleman (piano et voix), Ashley Paul (saxophone alto), Brad
Jones (contrebasse) et Satoshi Takeishi (batterie, percussions).
Une figure universelle de la culture juive (Mark Rothko), par un quartet radical, une œuvre de
création, la boucle est bouclée...
À noter que d’autres extraits de ce double concert d’Anthony Coleman vous seront proposés par
France Musique dans les mois qui viennent. Les dates en seront indiquées ici même lorsqu’elles
seront connues.
What Is It, de/par Anthony Coleman
The Away Network, idem
1
http://www.nytimes.com/1988/08/08/arts/mark-rothko-s-harvard-murals-are-irreparably-faded-bysun.html?pagewanted=1
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