Séance» spirite relance le Bio 72, salle carougeoise
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Séance» spirite relance le Bio 72, salle carougeoise
Une «Séance» spirite relance le Bio 72, salle carougeoise sauvée de la destruction. Chouchou de la critique en France, adoubé par le Festival de Cannes, Kiyoshi Kurosawa (né en 1955 à Kobé et sans lien de famille avec Akira) peine toujours à se faire un prénom en Suisse. C'est ainsi une nouvelle fois par la bande que nous parvient Séance, film tourné pour la télévision en 2000, montré au Festival de Locarno l'année suivante et finalement distribué en France. Réalisé entre les formidables Charisma et Kaïro, il s'agit d'un opus mineur, mais qui surclasse aisément toutes les autres sorties de la semaine. Car Kurosawa est un vrai cinéaste, de ceux qui bâtissent une oeuvre, même lorsqu'ils remplissent comme ici leur contrat pour une petite série B fantastique. Kiyoshi Kurosawa sait faire monter l'angoisse tout en créant du sens S'inspirant d'un roman du prolifique auteur britannique Mark McShane, Séance on a Wet Afternoon (1961, filmé par Bryan Forbes en 1964), Kurosawa a tôt fait de prendre ses libertés. Profitant du thème du spiritisme, il réalise un vrai film de fantômes alors que l'original ne décollait pas du simple thriller psychologique. Le cinéaste s'arrange aussi pour renouer avec son thème favori - la perte des repères de l'individu dans une société contemporaine qu'il perçoit comme aliénante et anxiogène -,. exploré ici à travers la mise à l’épreuve d'un couple. Quadragénaires mariés et sans enfants, Junko et Koji Sato mènent une existence tranquille dans leur villa en rase campagne. Médium en mal de reconnaissance, Junko décide un jour de travailler comme serveuse tandis que son mari, preneur de son pour une télévision locale, lui passe toutes ses lubies. Un jour, elle est contactée par la police pour aider à élucider la disparition d'une petite fille. Or cette dernière, qui a échappé à son ravisseur, s'est justement réfugiée dans une caisse de Koji alors qu'il, enregistre en forêt le bruit du vent. Ils finiront par la découvrir (déjà trop tard?) grâce aux dons de Junko. Alors que Koji craint la méprise policière, Junko voit là un moyen de faire ses preuves à moindres frais. C'est compter sans la réapparition de l'enfant comme fantôme après qu'ils se sont rendus responsables d'une seconde mort de l'enfant... Héritier d'un fantastique feutré dans la lignée de Jacques Tourneur, Kurosawa fait monter l'angoisse tout en créant du sens. En effet, si la réalité du fantôme est donnée comme objective, on a tôt fait de lui deviner une fonction plus métaphorique: virus révélateur, projection d'un refoulé (dans le roman, le couple enlevait la fille qui, pour la femme, devenait indissociable de son propre enfant mort-né) ou d'une culpabilité? De toute façon, au-delà de l'élément fantastique, on assiste avant tout à la désagrégation du couple. D'un côté comme de l'autre, Kurosawa œuvre en finesse. Le surnaturel est introduit dès la première séquence, à travers une discussion entre un étudiant et son maître de thèse. Pendant ce temps, Junko attend à côté, à disposition de l'étudiant pour une démonstration qui n'adviendra pas. Cadrages et bruitages la donnent cependant déjà en contact avec l'au-delà. Bien plus tard, la discussion académique reviendra à l'esprit lorsque le placide Koji est soudain confronté à un Doppelgänger, un double qui révèle soudain toute l'intensité de son malaise. La crise du couple, elle, s'accomplit presque sans un éclat de voix. Pourtant, une fois l'irréparable arrivé, on en refait aisément l'historique. Ainsi va le cinéma de Kiyoshi Kurosawa, d'abord tranquillement réaliste, en accord avec ses limites budgétaires, mais bientôt saturé de ruptures de ton, de décrochages fantastiques, de renvois à distance qui produisent du sens directement lisible ou non, peu importe. D'une manière ou d'une autre, ses films vous hantent durablement. Dans Séance, c'est déjà la couleur verte dominante qui imprime un subtil malaise. Le contraste entre les occupations des conjoints, puis la tension entre le talent réel de Junko et son entourloupe intriguent. Enfin, l'humanité des interprètes, Koji Yakusho et Jun Fubuki, suscite une identification bénéfique. Le seul bémol vient sans doute des apparitions à répétition du fantôme, qui finissent par manquer de subtilité. Défaut mineur pour un grand petit film. Norbert CREUTZ Le Temps – 6 octobre 2004