RÊVES+RÊVE DE SINGE - L`écran de Saint Denis
Transcription
RÊVES+RÊVE DE SINGE - L`écran de Saint Denis
jeudi 7 février écran 1 RÊVES DREAMS D’AKIRA KUROSAWA JAPON–ÉTATS-UNIS/1990/COULEUR/1H57/VOSTF/35 MM AVEC AKIRA TERAO, MITSUNORI ISAKI, MITSUKO BAISHO, MIEKO HARADA, TOSHIHIKO NAKANO, MARTIN SCORSESE écran 2 RÊVE DE SINGE CIAO MASCHIO DE MARCO FERRERI FRANCE–ITALIE/1977/COULEUR/1H53/VF/35 MM/INT. – 12 ANS AVEC GÉRARD DEPARDIEU, MARCELLO MASTROIANNI, JAMES COCO, GAIL LAWRENCE Akira Kurosawa nous adresse ici huit rêves qui se présentent comme son testament et le récit de sa vie, de l’enfance à la mort: Soleil sous la pluie, Le Verger aux pêchers, La Tempête de neige, Le Tunnel, Les Corbeaux, Le Mont Fuji en rouge, Les Démons gémissants, Le Village des moulins à eau. À New York envahie par les rats, où les gratte-ciel donnent sur une plage immense, Luigi découvre dans le sable le cadavre d’un singe géant, et surtout un bébé singe. Il le confie à Lafayette, qui l’habille et le déclare comme s’il s’agissait de son enfant. « Il est frappant de constater à travers Dreams combien certains cinéastes, à la fin de leur vie, éprouvent ce besoin de réduire l’espace d’un cinéma dont ils ont fait le tour. Réduction géographique du territoire filmé, fruit d’une expérience esthétique (aller à l’essentiel), qui devient chez Kurosawa repli figuratif. On quitte la représentation du spectacle du monde, ses bruits et ses couleurs, pour l’image mentale (le rêve), ultime forteresse cachée du corps humain. Ce repli sur l’image virtuelle au détriment de la restitution de perceptions réelles, extérieures au corps, n’étant pas pour Kurosawa synonyme d’enfermement introspectif, déconnecté de la réalité. Le rêve ne refuse pas la réalité, ne s’y substitue pas mais la rencontre de front. Dreams donne ce sentiment extraordinaire et angoissant (le cauchemar l’emporte sur le rêve) que du Japon, aujourd’hui, il n’y a plus rien à percevoir. Que le pays est détruit (apocalypse), qu’il n’a plus rien (un paysage perdu de vue à jamais) et qu’il ne reste plus qu’à témoigner de cette inconsolable perte. » « Marco Ferreri dit qu’il a choisi ce quartier de New York (fantastique à l’écran par sa réalité même) parce que l’herbe y soulève l’asphalte, qu’on y sent venir le “retour au Moyen Âge” en pleine crise historique. Il dit aussi qu’il a voulu effacer, une bonne fois, l’“image historique” de l’homme fixée par l’humanisme. L’apocalypse est maintenant dépassée. Il faut chercher l’homme nouveau qui refera la civilisation dans d’autres rapports avec la femme et l’enfant. […] Sans mouvements de caméra acrobatiques et flamboyants, sans effets esthétiques, sans dialogues littéraires (Depardieu s’exprime parfois uniquement avec un sifflet), Ferreri a construit un univers d’images émotionnelles qui nous envoûtent en ce qu’elles font apparaître la réalité profonde de ce que nous redoutons et espérons, de ce qui pourrait changer et de ce qui a, déjà, changé. On prend le film au cœur, comme cela, d’emblée, et si l’on veut y appliquer une “grille” intellectuelle, cela ne marche pas. En Italie – signe des temps? – Rêve de singe est, déjà, un succès populaire. » CHARLES TESSON, CAHIERS DU CINÉMA N° 431-432, MAI 1990 JACQUES SICLIER, LE MONDE, 27 MAI 1978