Les conséquences du stress au travail
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Les conséquences du stress au travail
LE STRESS AU TRAVAIL Jurisprudence relative à la prise en charge en accident du travail des conséquences du stress au travail 06/02/08 Comité Santé Sécurité - Philippe STENGER SOMMAIRE Reconnaissance du stress au titre des accidents du travail Définition de l’accident du travail Exemples de reconnaissance en A.T. des conséquences du stress Appréciation des faits en cas de litige Les principes en matière de preuve Renversement de la présomption d’A.T. Conclusion 06/02/08 Comité Santé Sécurité - Philippe STENGER 2 Reconnaissance du stress au titre des accidents du travail Les conséquences du stress au travail (dépression, malaise cardiaque, accident vasculaire cérébral, infarctus, suicide…) peuvent être prises en charge en accident du travail par la Sécurité Sociale, sous réserve de respecter les règles légales de prise en charge ainsi que les critères dégagés par la jurisprudence. Le stress est mal identifié par le Code du travail : celui-ci impose des moyens de prévention visant la « santé mentale » du salarié (art. L. 230-2). Le concept de santé mentale est toujours absent du Code de la Sécurité Sociale. Distinction du stress avec le harcèlement moral et la violence. 06/02/08 Comité Santé Sécurité - Philippe STENGER 3 Définition de l’accident du travail Définition générale de l’accident du travail prévue par l’article L.411-11 du Code de la Sécurité Sociale : «Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise». La jurisprudence a dégagé 3 éléments caractéristiques de l’A.T.: - un fait accidentel soudain/certain, - une lésion corporelle, - un fait lié au travail. 06/02/08 Comité Santé Sécurité - Philippe STENGER 4 Exemples de reconnaissance en A.T. des conséquences du stress (1/2) Exemples de jurisprudence : Exemple de fait accidentel soudain : dépression nerveuse soudaine, deux jours après un entretien d’évaluation avec annonce de rétrogradation, l’expert médical technique ayant pu confirmer sans ambiguïté la relation causale entre cet entretien et la dépression soudaine (Cass.civ. 2e, 1er juillet 2003, n° 02-30576). S’il y a harcèlement (agissements répétés dans le temps), il faut que l’un de ces agissements ait été déterminant dans le passage à l’acte suicidaire. A défaut d’être apparu soudainement, l’état dépressif consécutif à un harcèlement ne peut être pris en charge en A.T. (Cass.civ. 2e, 24 mai 2005 n°840) Exemple de lésion corporelle : La lésion peut être un dommage physique, mais aussi un trouble psychique, comme par exemple un stress posttraumatique ou une dépression après un braquage (Cass.civ. 2e, 15 juin 2004, n° 02-31194). 06/02/08 Comité Santé Sécurité - Philippe STENGER 5 Exemples de reconnaissance en A.T. des conséquences du stress (2/2) Exemples de faits accidentels liés au travail : - fait survenu sur les lieux et au temps de travail habituels, donc « à l’occasion du travail », à la condition que le salarié ait été tenu par un lien de subordination au moment du travail (ex.: Cass.soc., 24 janvier 2002, Diamantine c/ Brucker, n° 00-14379, suicide dans les locaux de l’entreprise et pendant le service) ou - en dehors du contexte professionnel, car il sera survenu « par le fait du travail ». Exemple d’un salarié ayant fait une tentative de suicide à son domicile, pendant un arrêt de travail, cette tentative étant consécutive à un traumatisme lié à une dégradation continue des relations de travail (Cass. 2e civ., 22 février 2007, M.Y c/ M.X et CPAM de la Sarthe, n° 05-13771) ou - aboutissement d’un état dépressif trouvant sa cause dans un accident du travail ou de trajet préexistant. Exemple : suicide suite à un accident ayant entraîné l’amputation du bras gauche après quatre années de procédures diverses (Cass.soc.19 décembre 1991 n°4558) ou syndrome dépressif ayant conduit la victime à se suicider et qui avait sa cause directe dans un accident de la circulation dans l’exercice de ses fonctions (Cass.soc. 15 février 2001 n° 9917406) 06/02/08 Comité Santé Sécurité - Philippe STENGER 6 Appréciation des faits en cas de litige En tout état de cause, l’appréciation du caractère professionnel de l’accident est laissée aux juges du fond. Il s’agit d’une question de fait, qui ne relève pas du contrôle de la Cour de cassation. 06/02/08 Comité Santé Sécurité - Philippe STENGER 7 Les principes en matière de preuve (1/3) Accidents dans l’entreprise = présomption d’accident du travail : La présomption d’imputabilité est la règle lorsque l’accident est survenu par le fait ou à l’occasion du travail. Il s’agit d’une présomption simple, qui peut être renversée par la CPAM ou par l’employeur, en établissant : - que le travail n’a joué strictement aucun rôle dans la survenance du décès (C.A. Riom, 22 février 2000, Brucker c/ SA Diamentine et CPAM de l’Allier) . Il faut faire la preuve d’un état préexistant au travail et qu’il n’y ait aucun doute sur la cause du mal - ou que le salarié s’est soustrait à l’employeur (exemples : abandon de poste, insubordination, utilisation de l’outil de travail à des fins personnelles, infraction pénale…) . 06/02/08 Comité Santé Sécurité - Philippe STENGER 8 Les principes en matière de preuve (2/3) - La CPAM et l’employeur doivent prouver que la cause du suicide n’est pas une dégradation des conditions de travail dans l’entreprise ou du climat psychologique dans le cadre des relations de travail (contexte de harcèlement moral). Cas particuliers : - En mission : il y a présomption, sauf si la preuve est apportée que le salarié a interrompu sa mission pour un motif personnel (appréciation des juges du fond en général plutôt favorable aux salariés) ou que les lésions (ou le décès) ont une cause totalement étrangère au travail - En période d’astreinte : il n’y a pas présomption, sauf si le salarié reste sous l’autorité de l’employeur et dans un lieu imposé par celui-ci, distinct du domicile du salarié (Cass.civ.2e , 2 nov. 2004 n°1570). Ainsi un accident cardiaque survenu au cours d’une période d’astreinte au domicile du salarié n’est pas imputable (Cass.soc., 2 avril 2003, n°1143) 06/02/08 Comité Santé Sécurité - Philippe STENGER 9 Les principes en matière de preuve (3/3) Accidents en dehors de l’entreprise = preuve par le salarié Le salarié, ou ses ayants droits, doit prouver l’existence d’un lien de causalité directe entre le fait générateur (des conditions de travail dégradées dont le stress constitue la manifestation) et le dommage (le suicide, la dépression, l’accident cardiaque…) . Exemple déjà cité de l’arrêt du 22 février 2007 : tentative de suicide au domicile du salarié reconnue comme étant intervenue par le fait du travail, car le salarié, prothésiste, a rapporté la preuve que son équilibre psychologique avait été gravement compromis par la dégradation continue des relations de travail (pressions permanentes de l’employeur sur le volume de travail, sur la rapidité d’exécution, un avertissement prononcé à la veille des vacances pour un refus d’heures supplémentaires, deux attestations relatant les relations conflictuelles entre l’employeur et les 2 prothésistes, le témoignage de la sœur du salarié sur l’usure psychique de l’intéressé…) 06/02/08 Comité Santé Sécurité - Philippe STENGER 10 Renversement de la présomption d’A.T. (1/3) Exclusion de la qualification d’accident du travail : s’il y a eu faute intentionnelle de la victime, « acte réfléchi, volontaire et totalement étranger au travail »(Cass.soc. 4 février 1987, n°85-14.594,CPAM Lot et Garonne c/ Gri et a.). Art. L. 453-1 du Code de la Sécurité Sociale : « Ne donne lieu à aucune prestation ou indemnité, en vertu du présent livre, l'accident résultant de la faute intentionnelle de la victime. » Toutefois la faute intentionnelle sera occultée en cas de : - comportement fautif de l’employeur. Exemple: pendaison sur le lieu de travail après un harcèlement moral (Ch.soc. 24 janvier 2002, société Diamantine c/ B. et autres, n° 00-14379) - suicide au travail commis dans « un moment d’aberration exclusif de tout élément intentionnel », le salarié ayant perdu le contrôle de lui-même (Ch.soc. 20 avril 1988, CPAM de l’Essonne c/ Sahabou et a., n° : 86-15690) 06/02/08 Comité Santé Sécurité - Philippe STENGER 11 Renversement de la présomption d’A.T. (2/3) Exclusion de la qualification d’accident du travail : s’il y a absence de lien de causalité avec le travail : - pour un suicide exclusivement lié à l’état dépressif antérieur du salarié (Cass. 2e civ., 20 décembre 2001, n° 00-12916); suicide d’un chauffeur routier en l’absence de lien avec son travail de la journée (Cass.soc. 23 septembre 1982, n° 81-14698); ou des deux (Cass. 2e civ., 3 avril 2003, Mme X c/ Caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Vienne, n° 01-14160) - pour un accident cardiaque lié à un état pathologique préexistant sans rapport avec l’activité professionnelle (Cass.soc. 4 juil. 2001, n°3223 Corbel et a. c/SA Nord Eclair) - pour une tentative de suicide, en raison d’une « origine dans des difficultés privées et personnelles » du salarié (Cass. 2e civ., 18 octobre 2005, Mme X c/ Institution Notre-Dame, n° 04-30205) - pour un suicide d’une salariée dans les toilettes de l’entreprise pour des motifs non liés directement à son travail mais au contentieux qui opposait son mari et leur employeur commun (C.A. Paris, 18e ch. B, 15 juin 1995, n°5) 06/02/08 Comité Santé Sécurité - Philippe STENGER 12 Renversement de la présomption d’A.T. (3/3) - pour la dépression d’un salarié suite à une modification de ses fonctions et au déménagement d’une partie de ses affaires, en l’absence de preuve du lien de causalité (Cass.civ.2e, 24 mai 2005, n° 2005-028541). A l’inverse le lien de causalité ne peut être combattu pour des troubles psychologiques consécutifs à un braquage sur le lieu de travail : exemple du directeur d’une agence bancaire menacé sur son lieu de travail par un client armé d’un couteau de cuisine (Cass.soc., 15 juin 2004, n°02-31.194) - pour un suicide intervenu 4 mois après un accident de la route dans le cadre du travail, la victime n’ayant été que très légèrement blessée et son état anxieux ainsi que son intention suicidaire étaient antérieurs à l’accident (Cass. soc., 7 juillet 1994, n°91-11.588, Curie c/ CPAM du Jura a.) 06/02/08 Comité Santé Sécurité - Philippe STENGER 13 Conclusion L’importance de l’enjeu rend la charge de la preuve particulièrement lourde, tant pour le contestataire de la présomption qui doit établir la cause totalement étrangère que pour la victime qui, en défense, a fortement intérêt à démontrer la cause professionnelle. Le plus difficile est de distinguer l’inadmissible de l’acceptable, de différencier le harcèlement ou l’agression physique, des moments de forte pression professionnelle, des contraintes imposées par les impératifs de bonne gestion inhérents à la marche de l’entreprise. Le salarié peut en effet ressentir à tort des exigences nouvelles comme une agression, alors qu’elles sont simplement liées à la vie d’une entreprise évoluant dans un environnement concurrentiel (TGI Paris, 25 oct.2002). 06/02/08 Comité Santé Sécurité - Philippe STENGER 14