Aujourd`hui, grâce au scanner, les momies parlent

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Aujourd`hui, grâce au scanner, les momies parlent
Article paru le 28/06/2000
HAUTE GARONNE : Recherche médicale
Aujourd'hui, grâce au scanner, les momies
parlent
Plus besoin d'altérer et de profaner les momies pour les étudier. Des chercheurs de la clinique
Pasteur et de la faculté dentaire de Toulouse ont mis au point un procédé d'imagerie médicale en
trois dimensions pour « disséquer virtuellement » les corps embaumés.
Sur le squelette, on devine deux petits bras croisés sur la poitrine, dans la position du dieu Osiris. Le
bébé, âgé de sept mois, a deux membres arrachés et son crâne présente de multiples fractures. Né à
l'époque pré-romaine, 300 ans avant J-C, l'enfant a certainement péri écrasé. Mais comment détecter
les lésions, les pathologies éventuelles, alors que le corps du jeune enfant est entièrement recouvert de
bandelettes? Comment dresser un véritable diagnostic sans « dépecer » la momie préparée pour
traverser l'éternité? Depuis que l'égyptologie existe, les chercheurs tentent de concilier deux impératifs
souvent opposés: étudier sans profaner, sans altérer, ce que l'Histoire a mis au jour. En quelques
années, la science a fait un bond gigantesque en utilisant le scanner, l'imagerie dite numérique qui
permet de reconstituer un objet anatomique en trois dimensions.
Depuis les radios de Ramsès
On est loin de la radiographie conventionnelle déjà utilisée sur de nombreuses momies, la plus célèbre
étant celle de Ramsès II. Toulouse est aujourd'hui à l'épicentre de ces nouvelles technologies qui
servent tout à la fois la recherche médicale et l'anthropologie. Jacques Treil, neuroradiologue à la
clinique Pasteur, s'est associé à des universitaires pour mettre au point des méthodes originales de
biométrie en 3 D. L'outil a été développé avec des chercheurs de la faculté dentaire de Toulouse, les
professeurs Jean Casteigt, Jacques Faure, Philippe Pomar et Christophe Bou. Tous quatre ont travaillé
à partir de deux momies appartenant aux collections du musée Georges Labit (1).
Ce qui est génial dans ce procédé, c'est qu'on peut « disséquer virtuellement » le sujet sans
intervention: « Les images obtenues sur écran mettent en évidence les lésions osseuses ou dentaires.
Elles nous renseignent sur l'origine, la fréquence des maladies qui sont souvent la conséquence des
habitudes alimentaires et des modes de vie », souligne Jacques Treil, spécialiste de radiologie maxillofaciale.
Chirurgie égyptienne
Grâce à l'imagerie, l'investigation est encore plus poussée: « On apprend aussi quelles sont les
techniques chirurgicales et les pratiques d'embaumement. Et on est stupéfait devant la précision des
tranchées pratiquées au travers des os de la face et de la base du crâne pour extraire le cerveau »,
poursuit le neuroradiologue. Aujourd'hui, un logiciel permet même de reconstruire en 3 D les éléments
d'anatomie, les dents, les os, la peau, le cerveau, jusqu'à bâtir un modèle original de « normalité » pour
mieux caractériser les défauts résultant de maladies. En an thropologie, on peut également étudier
l'espèce humaine à travers les évolutions du crâne. C'est justement les travaux que va entreprendre
Jacques Treil en septembre prochain. A l'occasion de fouilles conduites en Afrique du Sud, il va
s'intéresser aux moeurs des australopithèques nos plus lointains représentants.
C'était il y a quelque trois millions d'années.
Jean-Marie DECORSE
(1)La momie de bébé provient d'Antinoë La deuxième correspond à un sujet adulte de l'époque
pharaonique (1.800 avant JC). Toutes deux font partie des fouilles Gaïet financées par
Guimet au siècle dernier. Le fruit de ces mises au jour a été distribué ensuite aux musées
français. C'est ainsi que Toulouse en a hérité de deux.