Grain de SEL n¡25 - Inter-réseaux Développement rural

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Grain de SEL n¡25 - Inter-réseaux Développement rural
DOSSIER
Les nouveaux enjeux fonciers
Neuf ans après la conférence régionale à Praia sur le foncier et la décentralisation au Sahel,
le Cilss1 et ses partenaires se sont retrouvés pour discuter de nouvelles orientations politiques.
E
n 1994, lors du forum « Praia 1994 » (Cap-Vert), avait
été souligné que certains aspects de politiques foncières
sont porteurs d’exclusion, d’intolérance et, à terme, de
destruction des sociétés sahéliennes. Des orientations
avaient alors été suggérées pour une gestion plus équitable et
décentralisée du foncier et des ressources naturelles, et les États
membres du Cilss et leurs partenaires avaient été invités à les
mettre en œuvre.
L’objectif de ce nouveau forum « Praia+9 » (à Bamako en
novembre dernier) était de faire le point sur la mise en œuvre des
orientations de 1994 et de proposer de nouvelles orientations
pour la prochaine décennie pour faire du foncier rural un facteur
de développement durable au Sahel et en Afrique de l’Ouest.
Un nouveau
contexte
La sous-région a connu de nombreux changements ces dernières années, comme :
– la consolidation de la société civile, et la confirmation de
sa légitimité et de sa capacité à prendre part à la recherche de
solutions quant au foncier et à la décentralisation ;
– les nouvelles initiatives au plan national, sous-régional et
régional : décentralisation, révision des législations foncières
et de gestion des ressources naturelles, programmes de lutte
contre la désertification, intégration régionale... ;
– les nouveaux engagements au plan international : conventions de Rio, biodiversité et désertification ; sommet de
Johannesburg sur le développement durable…
Les défis actuels de la mondialisation, la raréfaction des ressources,
les sécheresses récurrentes et la désertification, les rigueurs de
la compétitivité économique et le spectre des conflits meurtriers aux niveaux national ou inter-étatique exigent des pays
de l’Afrique de l’Ouest qu’ils œuvrent davantage à la mise en
place d’espaces écologiques et économiques viables, et qu’ils
anticipent les conflits latents autour de la gestion des ressources
communes nationales et des ressources partagées ou transfrontalières : il y a donc nécessité de nouvelles orientations
politiques en matière foncière et de ressources naturelles.
Des thèmes
émergents
1 Comité permanent
inter-États de lutte
contre la sécheresse
au Sahel.
Aujourd’hui, les enjeux fonciers sont liés à :
– la décentralisation : en 1994, alors que la décentralisation débutait, avaient alors été soulignées les nécessaires réformes législatives et institutionnelles pour adapter la gestion du foncier et
des ressources naturelles à l’esprit de la décentralisation. Aujourd’hui,
la plupart des pays ont déjà adopté les textes de base en la matière et certains ont même mis en place des collectivités territoriales
décentralisées. Mais la responsabilisation des acteurs de base
n’est pas encore effective sur le terrain et des questions demeurent : quelle gouvernance locale, quelle coopération décentralisée, au regard du processus d’intégration régionale ?
– l’intégration régionale : malgré les organisations sous-régionales comme la Cedeao et l’Uemoa et leurs traités fondateurs basés
20 Grain de sel • N° 25 • Décembre 2003
sur les principes de la libre circulation des personnes et des biens
et du droit d’établissement, la sécurisation en matière de foncier rural à l’échelle communautaire est loin d’être assurée, tant
en droit (législations à l’encontre des principes communautaires) qu’en pratique. Se posent actuellement des questions
autour de l’harmonisation des politiques et législations foncières
dans le sens des textes communautaires, de la gestion rationnelle
des ressources et des transhumances transfrontalières.
– l’accès équitable aux terres et aux ressources naturelles :
Malgré leur poids démographique, l’importance de leur rôle
économique et de la place qu’ils occupent au sein des sociétés
rurales ouest-africaines, les femmes, les jeunes et certains
groupes socioprofessionnels, tels les éleveurs, sont le plus souvent exclus des instances décisionnelles relatives aux questions foncières. Comment assurer un accès équitable aux ressources naturelles ? Comment intégrer les relations de genre dans
les mécanismes du foncier ? Comment intégrer efficacement
les mécanismes du foncier rural dans les stratégies de lutte
contre la pauvreté ?
– la sécurisation foncière : la mise en œuvre de politiques de
sécurisation foncière est indispensable pour mieux engager
les acteurs dans des actions durables de gestion des ressources
naturelles, alors que dans la plupart des sociétés ouest-africaines, les politiques foncières sont confrontées à la dualité
entre les législations foncières issues de la colonisation
et les « droits coutumiers ». Ici, les questions qui se posent
sont : quelles conventions locales de gestions foncières appropriées ? Comment concevoir et mettre en œuvre les plans
fonciers locaux ? Comment clarifier les régimes de droit
coutumier et de droit moderne ? Quels dispositifs pour la
résolution des conflits ?
– l’agriculture durable : la productivité de l’agriculture est au
centre des préoccupations des décideurs africains. Dans la plupart des pays ouest-africains, la faiblesse des écosystèmes et des
systèmes de production mettent en exergue la dualité entre
l’accroissement de la productivité et la préservation de l’environnement. Comment alors préserver les intérêts des générations futures face aux besoins immenses d’une population
qui augmente très rapidement : question de la gestion de la
fertilité des sols, et des place et rôle des nouveaux acteurs
comme l’« Agro-business ».
Suite à ces questions discutées lors du forum, les propositions
de nouvelles orientations seront soumises à l’approbation d’instances politiques sous-régionales du Cilss et, le cas échéant,
de la Cedeao et de l’Uemoa. ■
Propos extraits du site Web Praia+9 du Cilss,
www.cilssnet.org/praia9/