Le journal d`un corps | Le Devoir

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Le journal d`un corps | Le Devoir
Le journal d’un corps | Le Devoir
2014-05-13 13:14
THÉÂTRE
Le journal d’un corps
9 mai 2014 | Fabien Deglise | Théâtre
Photo : Caroline Laberge
Molly Bloom, incarnée par Anne-Marie Cadieux, pose un regard cru sur elle-même dans ce monologue de James Joyce.
Molly Bloom
Texte : James Joyce. Traduction :
Jean Marc Dalpé. Avec : AnneMarie Cadieux. Mise en scène :
Brigitte Haentjens. À l’Espace Go,
jusqu’au 31 mai
En 2012, Daniel Pennac a écrit Journal d’un corps, roman
dangereusement intimiste qui, sur 400 pages, relate l’existence
d’un homme, de 12 à 87 ans, en exposant la vérité crue de son
métabolisme en évolution, avec force et détails.
Molly Bloom, pièce qui vient de prendre l’affiche à Espace Go de
Montréal, c’est un peu ça : le journal d’un corps, celui d’une
femme un peu seule, rencontrée au moment de sa recherche du sommeil et qui, pour briser sa
solitude, va entrer, jusqu’à l’aube, dans un monologue licencieux posant un regard cru sur ses
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parties intimes et sur ce qu’elle est capable d’en faire avec les hommes de son entourage. Le texte
est tiré du roman Ulysse de James Joyce, dans une traduction de Jean Marc Dalpé. Brigitte Haentjens
en assure la mise en scène.
Sur et autour une ossature de bois toutes en courbes, magnifique objet semblant sorti tout droit de
la filmographie des années 80 de David Cronenberg — un réalisateur qui aime aussi le corps comme
champ d’expérimentation ! — Anne-Marie Cadieux, seule en scène, trouve l’exacte tonalité de cette
Molly, personnage salace de Joyce. Elle lui insuffle, visiblement sans effort et avec un naturel parfois
déconcertant, toute la superficialité naïve et l’égocentrisme dont la figure littéraire a besoin pour
carburer. La femme de Leopold Bloom est quelque chose comme une individualiste sans pudeur qui
aurait décidé de déplacer l’axe du repli sur elle, du nombril vers ses zones plus érogènes.
Légèrement grossier, avec ses privautés dans le langage qui évoquent ici et là le coït canin, des
doigts qui se promènent, du gruau dans la bouche dont on comprend très bien l’origine, la raideur
d’un membre… cette incursion dans un flot de pensées intimes, avec ses sauts, ses « va » et ses
« vient » dans l’espace et le temps de relations multiples, reste parfaitement contenue, captivante
même, par sa mise en scène paradoxalement sobre et bien cousue et son habillage sonore à la
discrétion inversement proportionnelle aux indiscrétions livrées par la bourgeoise malicieuse.
Habilement, le sable au sol et des projections abstraites sur des murs faits de fines cordes incarnent
l’isolement du personnage sans trop d’inhibition pris dans ses fantasmes, ses confidences et ses
fabulations, qui, en une heure vingt, finissent par baliser une promenade en « grivoiserie », territoire
où les vents oscillent toujours un peu entre tristesse et amusement.
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