Nouveau droit de la tutelle - Fiduciaire Michel Favre SA
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Nouveau droit de la tutelle - Fiduciaire Michel Favre SA
DROIT Rachel Genoud Nouveau droit de la tutelle Principaux changements Le droit positif de la tutelle, prévu aux articles 360 à 455 du Code civil [1], considéré comme inadapté aux besoins de notre société actuelle va subir de profonds changements dans le cadre de la révision du Code civil (protection de l’adulte, droit des personnes et droit de la filiation). En effet, hormis l’introduction des dispositions sur la privation de liberté à des fins d’assistance, le 1er janvier 1981, aucune modification majeure n’avait été apportée à ce domaine du droit depuis 1912. 1. Introduction La révision tend à mettre en avant le principe de l’autodétermination, répondant ainsi à nos conceptions d’aujourd’hui, principe ignoré par le passé. Il s’agit alors de concilier autodétermination et besoin d’intervention. Ceci découle notamment du fait du développement de la protection des droits fondamentaux, intervenu ces dernières années. On constate ainsi que les mesures d’intervention appliquées de nos jours ne sont pas conformes aux droits fondamentaux et ne respectent pas le principe de la proportionnalité, visant à éviter qu’une mesure ne soit disproportionnée, à savoir inadéquate pour la personne concernée. Dans le but de combler ces lacunes, la jurisprudence a procédé, à plusieurs reprises, à des interprétations extensives de la loi mais des inégalités de traitement se sont fait sentir ainsi que des divergences importantes entre la loi et la réalité. Il a donc été indispensable de revoir le droit de la tutelle de manière complète. Aujourd’hui, la révision totale a été «approuvée» et le Département fédéral de justice et police a été chargé d’élaborer un message pour 2006. 598 2. Aperçu du droit actuel de la tutelle [2] Aujourd’hui, trois mesures tutélaires sont prévues dans le Code civil: la curatelle, la tutelle et le conseil légal. La curatelle a été prévue par le législateur pour répondre à des besoins bien déterminés et pour remédier à des situations exceptionnelles généralement limitées dans le temps: Rachel Genoud, Licenciée en droit de l’Université de Lausanne, Fiduciaire Michel Favre SA, Lausanne/VD – curatelle de représentation: elle est instituée lorsqu’une personne (majeure) peut, en raison de maladie, d’absence ou d’autres causes semblables, se trouver dans l’impossibilité d’agir elle-même ou de désigner un représentant volontaire ou un mandataire; il en va de même lorsque les intérêts d’un mineur ou d’une personne interdite sont en opposition avec ceux du représentant légal ou lorsque ce dernier est empêché; – curatelle de gestion de biens: il existe plusieurs cas particuliers où elle est nécessaire, à savoir absence et résidence inconnue, incapacité à gérer ses biens pour une personne sans pour autant que la nomination d’un tuteur soit nécessaire; … – curatelle volontaire: à sa demande, tout majeur peut être pourvu d’un curateur s’il se trouve dans un cas d’interdiction volontaire, à savoir empêché de gérer convenablement ses affaires par suite de faiblesse sénile, de quelque infirmité ou de son inexpérience. Le conseil légal, contrairement à la curatelle qui laisse la capacité civile intacte, prive en partie l’individu de l’exercice de ses droits civils. On dénombre deux types de conseil légal: – conseil légal coopérant: la personne qui s’est vue nommer un conseil légal, ne peut plus, sans le consentement de son conseil légal, accomplir toute une série d’actes. Cependant, elle demeure libre pour tous les autres actes. Les actions visées figurent dans le Code civil. Exemples: plaider et transiger, acheter et vendre des immeubles, prêter et emprunter, faire des donations, cautionner; – conseil légal gérant: un pas supplémentaire est franchi en prévoyant que, dans les mêmes hypothèses que celles du conseil légal coopérant, la personne peut être privée de l’admiL’Expert-comptable suisse 8/05 DROIT Rachel Genoud, Nouveau droit de la tutelle nistration de ses biens, tout en conservant la libre disposition de ses revenus. La tutelle, mesure la plus grave, est instaurée pour les mineurs qui ne seraient pas soumis à l’autorité parentale et pour certaines personnes majeures [3]. Il faut qu’une cause d’interdiction, figurant dans le Code civil, soit remplie pour qu’un majeur soit doté d’un tuteur et soit ainsi privé de l’exercice de ses droits civils. Les cas d’interdiction sont les suivants: – maladie mentale et faiblesse d’esprit; – prodigalité, ivrognerie, inconduite et mauvaise gestion; – détention (condamnation pour plus d’un an à une peine privative de liberté); – interdiction volontaire. De plus, il existe une réglementation sur le placement à des fins d’assistance, permettant de placer une personne majeure ou interdite dans un établissement spécialisé approprié pour des causes tel que l’alcoolisme. 3. Points principaux de la révision [4] a) Autodétermination sous la forme de mesures personnelles anticipées Cette institution permet à chacun, en prévision d’un accident ou d’une maladie engendrant une perte de la capacité de discernement (passagèrement ou durablement), de désigner une personne chargée de sauvegarder ses intérêts et, en particulier, une personne qui peut consentir à un traitement médical. Trois nouvelles institutions sont prévues [5]: – le mandat pour cause d’inaptitude: une personne capable de discernement désigne une ou plusieurs autres personnes physiques qu’elle charge de sauvegarder ses intérêts et de la représenter dans les rapports juridiques avec les tiers pour le cas où elle deviendrait incapable de discernement; – le mandat dans le domaine médical: il permet de désigner quelqu’un qui L’Expert-comptable suisse 8/05 pourra consentir à un traitement médical pour la personne devenue incapable de discernement; – les directives anticipées du patient: il s’agit pour une personne (capable de discernement) de préciser les traitements médicaux qu’elle accepte ou qu’elle refuse pour le cas où elle deviendrait incapable de discernement. b) Renforcement de la solidarité familiale et intervention réduite de l’Etat Selon le droit actuel, lorsqu’une personne devient incapable de discernement et perd l’exercice de ses droits civils, un tuteur ou un curateur est nommé par l’autorité tutélaire. Cependant, les proches ont tendance à agir pour la personne concernée et à ne pas s’adresser à l’autorité tutélaire. Le nouveau droit tiendra mieux compte de la situation particulière des proches et leur accorde la compétence de prendre certaines décisions, comme le consentement à des soins médicaux (en l’absence de mandat pour cause d’inaptitude ou de directives anticipées). A noter que les réglementations spéciales, telle celle sur la stérilisation, doivent être respectées. Les actes juridiques relatifs à l’entretien courant pourront dans une certaine mesure être effectués par le conjoint et, à l’avenir, par le partenaire enregistré. en raison notamment d’une incapacité durable de discernement; – la curatelle de coopération: elle est instituée lorsque, pour sauvegarder les intérêts d’une personne, il est nécessaire de soumettre certains de ses actes au consentement d’un curateur; les actes sont déterminés par l’autorité de protection de l’adulte; – la curatelle de représentation: elle s’apparente à la curatelle que nous connaissons actuellement et lie la personne y étant soumise aux actes de son curateur; – la curatelle d’accompagnement: elle s’apparente également à la curatelle actuelle. Mesure légère, elle n’entraîne pas la perte de l’exercice des droits civils. d) Abandon de l’autorité parentale prolongée Selon le droit en vigueur, lorsqu’un adulte remplit l’un des cas d’interdiction engendrant l’institution d’une tutelle, il est possible pour les parents de garder l’autorité parentale à son égard, par exemple pour une personne handicapée mentalement. Il n’y a ainsi pas de contrôle régulier de l’autorité tutélaire. Dans le nouveau droit, les parents ne pourront plus qu’être curateurs mais ils bénéficieront toutefois de certains privilèges, comme la dispense de remettre un inventaire ou de requérir le consentement de l’autorité de protection de l’adulte pour certains cas. c) Mesures sur mesure La tutelle et le conseil légal ne correspondant plus à nos conceptions, car jugés disproportionnés ou inadéquats, une seule institution juridique les remplacera: la curatelle. De plus, des «mesures sur mesure» seront prises, moins rigides qu’auparavant et limitant l’intervention étatique au strict minimum. Quatre types de curatelle figurent dans l’avant- projet [6]: – la curatelle de portée générale: elle remplace l’institution de la tutelle actuelle mais entraîne également la privation de l’exercice des droits civils. Il y a mise en place d’une telle curatelle à condition qu’il y ait un besoin d’aide particulièrement prononcé, e) Elimination des stigmatisations Afin d’éviter de heurter la sensibilité des personnes concernées par des mesures de protection, les termes tels que «faiblesse d’esprit» ou «maladie mentale» devraient autant que possible être évités. De plus, la publication de la mesure dans les feuilles officielles, ayant elle aussi un effet dégradant, disparaîtra dans le nouveau droit. Aussi, les personnes chargées de l’exécution des mesures de protection de l’adulte informent les tiers de l’existence d’une mesure lorsque l’exécution des tâches qui leur sont confiées l’exige. Par ailleurs, la personne qui fait valoir un intérêt a le droit d’exiger de l’auto599 DROIT Rachel Genoud, Nouveau droit de la tutelle rité de protection de l’adulte qu’elle lui fournisse des renseignements sur l’existence d’une curatelle sur une personne déterminée. protection de l’adulte ne devra pas forcément être une autorité judiciaire. f) Amélioration de la protection juridique et suppression des lacunes existant en matière de privation de liberté à des fins d’assistance 5. Conclusion Le nouveau droit prévoit deux cautèles au placement médical. Tout d’abord, la décision médicale doit, dans tous les cas, être confirmée après un certain délai par une décision de l’autorité de protection de l’adulte. Par ailleurs, seuls certains médecins, habilités par les cantons, pourront désormais prononcer un placement. g) Amélioration de la protection des personnes incapables de discernement résidant dans des homes ou dans des établissements médico-sociaux En premier lieu, l’avant-projet prévoit que la personne représentant la personne incapable de discernement dans le domaine médical peut conclure le contrat d’assistance écrit au nom de cette dernière. Ceci assurera la transparence des prestations fournies [7]. Deuxièmement, il est mentionné que des personnes qualifiées pourront effectuer des inspections périodiques sans avis préalable. 4. Professionnalisation de la protection de l’enfant et de l’adulte [8] Une des difficultés majeures de l’actuel droit de la tutelle réside dans le fait que l’organisation de la tutelle est très compliquée et diffère énormément d’un canton à l’autre. Le remède aux problèmes posés consiste en une professionnalisation de la tutelle, ce qui assurera une meilleure protection juridique. La procédure sera réglée, dès lors, au niveau fédéral et ceci dans un avantprojet de loi séparé. Les cantons devraient obtenir une plus grande liberté d’organisation. Par ailleurs, le Conseil fédéral a mentionné que l’autorité de 600 laires. La protection juridique offerte se verra ainsi renforcée. Notes Les changements apportés au droit actuel de la tutelle sont considérables et devraient entraîner des améliorations importantes. En effet, des mesures sur mesure et une professionnalisation du droit de la tutelle étaient depuis longtemps attendues, au vu de l’évolution et des besoins de notre société actuelle. Le futur droit de la tutelle consistera donc en une réglementation appropriée, respectant notamment le principe de proportionnalité et tiendra mieux compte des intérêts des personnes touchées par des mesures tuté- 1 RS 210. 2 Articles 392 à 456 du Code civil. 3 Deschenaux H./Steinauer P., Personnes physiques et tutelles, 3ème éd., Editions Staempfli, Berne 1995, p. 338. 4 www.ejpd.admin.ch et www.ofj.admin.ch. 5 Rapport relatif à la révision du Code civil (Protection de l’adulte, droit des personnes et droit de la filiation), p. 21. 6 Rapport relatif à la révision du Code civil (Protection de l’adulte, droit des personnes et droit de la filiation), p. 34. 7 Rapport relatif à la révision du Code civil (Protection de l’adulte, droit des personnes et de la filiation), p. 73 ss. 8 Rapport et avant-projet de loi fédérale réglant la procédure devant les autorités de protection, de l’enfant et de l’adulte. ZUSAMMENFASSUNG Das neue Vormundschaftsrecht Das in Artikel 360 bis 455 des Zivilgesetzbuchs (RS 210) gesetzte Vormundschaftsrecht, welches den Bedürfnissen unserer heutigen Gesellschaft nicht mehr entspricht, wird im Rahmen der Revision des Zivilgesetzbuchs grundlegend geändert (Erwachsenenschutz, Personen- und Kindesrecht). Tatsächlich hat dieser Rechtsbereich – mit Ausnahme der Einführung der Bestimmungen über die fürsorgerische Freiheitsentziehung am 1. Januar 1981 – seit 1912 keine wesentliche Änderung mehr erfahren. Die Revision stellt das Selbstbestimmungsrecht in den Vordergrund, ein Prinzip, welchem früher keine Bedeutung beigemessen wurde, und passt sich somit den Vorstellungen unserer Zeit an. Nunmehr gilt es, Selbstbestimmung und notwendige Intervention miteinander in Einklang zu bringen, was insbesondere auf die Weiterentwicklung der Grundrechte in den vergangenen Jahren zurückzuführen ist. Wir müssen aber feststellen, dass die heutzutage praktizierten Interventionen weder mit den Grundrechten zu vereinbaren sind noch dem Verhältnismässigkeitsprinzip entsprechen, einem Prinzip, welches unverhältnismässige oder der betroffenen Person nicht angemessene Massnahmen zu verhindern sucht. Die Gerichte haben bereits mehrmals das geltende Recht äusserst weit ausgelegt, um diese Lücken zu füllen, was allerdings zu ersten Ungleichbehandlungen führte und die Kluft zwischen Gesetz und Realität vertiefte. Eine vollständige Neugestaltung des Vormundschaftsrechts war daher unabdingbar. Die umfassende Revision ist inzwischen verabschiedet, und das Justiz- und Polizeidepartement wurde beauftragt, bis 2006 die entsprechende Botschaft zu erarbeiten. RG/CHW Der Schweizer Treuhänder 8/05