Michel Guilloux – Claude Michelot
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Michel Guilloux – Claude Michelot
MEMOIRE DE METALLOS Le tome 8 du MAITRON vient d'être publié. Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, mouvement social, il regroupe des notices biographiques d'acteurs apparus sur la scène sociale entre 1940 et 1968, et dont les noms commencent par les lettres Lem à Me!. Y figurent des militants de la métallurgie parisienne : Paul LEMAITRE de Renault ; Claude LE PENNEC de Simca et Nord-Aviation ; Roger LEPELTIER de la Snecma ; Jean LHOPITAL de Dassault; Gilbert LORET et Robert LUCENTE de Renault ; Daniel MAGAL de la CSF ; Maurice MAILLARD de NordAviation ; De MAISTRE Geneviève de Citroën ; Claude MARC de Lory ; Michel MARCON de la Snecma ; Georges MARIN et Jean MATHIEU de Nord-Aviation ; Pierre MATIS de Thomson et permanent UPSM. Le tome 9 se prépare : Le groupe de travail UPSM « recensement des militants » a pour objectif de réaliser, pour le tome 9 (militants dont les noms commentent par Mel à Pen), les notices biographiques de : Gérard MERY de Renault; Claude MICHELOT de Thomson et secrétaire général de l'UPSM (1965- 1971) ; Rolande MINGASSON de Renault; Gérard MOREAU de la CSEE ; Jacques MOSNIER de la Snecma ; Jean-Paul MURCIER secrétaire général UPSM (1963-1965) ; Lydie NOLAND de Philips ; Jean OLLIVIER d'IBM ; Fernand PENIN de la Sev-Marchal et permanent UPSM; La collection des tomes du MAITRON a sa place dans la bibliothèque de votre CE. Les militants de toutes les tendances du mouvement social et du monde ouvrier y trouvent leur place, et l'histoire sociale de votre entreprise y est très certainement abordée. Le Maitron est à commander aux Editions de l'Atelier : Le Maitron : Dictionnaire biographique : mouvement ouvrier, mouvement social, de 1940 à mai 1968 Volume 8, LemMel, Ivry-sur-Seine, Éditions de l'Atelier, novembre 2012, 462 p. + 1 CD-Rom. 65 €. Des notices biographiques « de rattrapage » sont en préparation : Certains militants, par ordre alphabétique, ne sont pas intégrés actuellement dans les tomes précédents du Maitron. Le groupe de travail s’active pour les faire figurer, par internet, dans « le Maitron en ligne ». Ce sont des notices biographiques dites « de rattrapage ». Voici les militants plus particulièrement retenus : Jean ALHERITIERE de Renault ; Bernard AMIAUX de la Thomson-CSF et permanent UPSM ; Alain BEN LEZAR de Renault ; Jacques CHAMOUARD de Renault ; Michel CHEMIN de Renault ; André COLLIOT de Renault ; Michel DAUJAT de Thomson-CSF ; Jacques DEBESSE de la SNIAS et permanent UPSM ; André DUCHEMIN de Chausson ; Joseph DUMAS militant avant-guerre ; Roger DUMAS de la SNECMA et secrétaire général de l’UPSM ; Tiéno GRUMBACH avocat ; Yolande KA de Renault ; Joseph LE BOHEC de la SNIAS, à compléter. Apportez votre contribution à l'enrichissement du répertoire des militants de l'UPSM. Les sections syndicales gardent la mémoire (à travers les actifs ou par les retraités avec lesquelles elles sont toujours en relation), de militants qui ont marqué l'histoire syndicale de leur entreprise. Ces militants doivent entrer dans le recensement nominatif pour que leur « trace » ne soit pas perdue. Ces traces pourront servir à la constitution de nouvelles notices biographiques. Joindre Jocelyne à l'UPSM, à ce sujet. Quatre nouvelles biographies de métallos de l’Ile de France au MAITRON DUPONT SERGE, Édouard, Auguste, Maurice Né le 18 septembre 1947 à Montpinchon (Manche) ; électromécanicien, stratifieur, technicien de prévention et des conditions de travail ; délégué du personnel CFDT chez Philips à Flers (Orne) en 1966, puis chez Thomson en 1973, secrétaire du CE de Thomson-CSF à Sartrouville (Yvelines) de 1978 à 1982, permanent UPSM-CFDT (1988-1993). Serge Dupont en 2010 Serge Dupont en juin 1997 Fils d’Auguste Dupont, gendarme, et de Marie Barbet, mère au foyer, catholiques non pratiquants, Serge Dupont était l’aîné d’une fratrie de quatre enfants (un frère et deux sœurs). Il fréquenta plusieurs écoles et cours complémentaires, notamment en Corse et en Normandie, au gré des affectations de son père. Il fut admis au lycée technique de Flers (Orne) en 1961 pour y suivre une formation d’électromécanicien jusqu’en 1964. Son emploi comme stagiaire à l’atelier d’entretien de l’usine Philips à Flers, durant ses vacances scolaires, l’amena à une embauche en septembre 1964 dans cet établissement. Aucun poste d’électromécanicien n’étant vacant, il accepta la place de magasinier qui lui était proposée. La CFTC, seul syndicat présent au sein de l’établissement, venait tout juste de devenir CFDT, après le congrès confédéral de déconfessionnalisation de l’organisation. À l’appui de cet évènement et sous l’influence de Jean Annic, un camarade de travail et leader syndical, Serge Dupont se syndiqua à la CFDT en 1965. Il fut élu délégué du personnel en 1966. Il avait mandat de sa section syndicale pour la représenter à l’Union locale CFDT de Flers. Réformé pour raison de santé, il fut exempté du service militaire et put poursuivre son activité syndicale, notamment lors de l’occupation de l’usine en mai 1968 et des manifestations locales sur la place des Cinq Becs à Flers. Se sentant de plus en plus à l’étroit dans son activité de magasinier, il se résolut à une conversion professionnelle. Il accepta la proposition de l’Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) de Caen (Calvados) de suivre une formation – nouvellement créée – de spécialiste sur matériaux plastiques renforcés et composites. Il quitta Philips pour entreprendre, en 1969, le stage de six mois de formation à Caen, qui se termina par la visite de l’entreprise Thomson-CSF à Sartrouville (Yvelines), en quête de ces nouvelles compétences. Il y fut embauché en octobre 1970, en qualité d’ouvrier stratifieur P1. Il logeait au foyer de l’Union des jeunes travailleurs (UFJT) de Carrières-sur-Seine (Yvelines), dont il devint rapidement délégué. À l’usine, Serge Dupont fut repéré immédiatement par André Hervez, responsable de la section syndicale CFDT, qui s’entendit avec lui pour lui laisser le temps d’acquérir une bonne qualification professionnelle avant toute proposition d’activité syndicale. Promu P3 en 1973, il accepta de se présenter la même année sur liste CFDT et fut élu délégué du personnel ainsi que membre du Comité d’hygiène et sécurité (CHS), particulièrement attentif aux pathologies liées aux matériaux (poussières, résines et solvants) manipulés dans son métier. Élu au comité d’établissement (1978-1982), il en devint secrétaire dès son premier mandat, avec le souci d’intégrer davantage le comité dans la vie de la cité, en devenant membre des conseils d’administration de la Maison des Jeunes et de la Culture ainsi que du théâtre de Sartrouville. La nationalisation de Thomson SA en 1982 suscita, au sein de la CFDT, l’idée de négocier avec la nouvelle direction générale, pilotée par le président Alain Gomez, la création d’un CHS devenu CHSCT (les termes conditions de travail étaient ajoutés à l’hygiène et la sécurité par la loi du 23 décembre 1982), au niveau du groupe, pour une maîtrise centralisée de la protection des travailleurs, confrontés aux mêmes risques dans la quasi-totalité des établissements. Par le truchement du Fonds de gestion des congés individuels de formation (FONGECIF), Serge Dupont entreprit en 1984 une formation de niveau III de « technicien de prévention et des conditions de travail » sur dix mois, à l’ESSEL (École supérieure de sécurité en entreprise de Limoges). De retour à Sartrouville, il reprit des responsabilités au CHS-CT, mais sa nouvelle qualification de technicien de prévention créa des tensions avec l’ingénieur responsable de la sécurité, officiellement en poste et nommé par la direction. De plus, le souhait de la CFDT de négocier la création d’un CHS-CT de groupe, qui ne suscita qu’une écoute distraite de la part de la direction générale, resta lettre morte. Découragé, il fut désigné délégué syndical en 1985 par le syndicat de la métallurgie de la vallée de la Seine et de l’Oise (SMVSO) au sein duquel il représentait sa section d’établissement. Le SMVSO étant une des composantes de l’Union parisienne des syndicats de la métallurgie (UPSM-CFDT), il participa avec Catherine Léger*, permanente et responsable de l’Institut de formation pour l’étude et l’action sociale (IFEAS), créé par l’UPSM, à la réalisation de modules de formation destinés aux élus des CHS-CT. C’est dans ce contexte qu’il devint intervenant dans ces stages de formation. Lorsqu’il avait été question de la nationalisation de Thomson-SA, un accord d’entreprise avait été conclu, ouvrant la possibilité pour les salariés de suspendre leur contrat de travail durant une période de plusieurs années, afin d’exercer une activité syndicale. Serge Dupont en fit la demande et, sur proposition de Daniel Richter*, secrétaire du SMVSO et membre du bureau de l’UPSM, fut embauché le 1er juillet 1988 comme permanent de l’UPSM. Il fut chargé de la politique de la formation syndicale de l’union. À ce titre, la direction de l’IFEAS lui fut attribuée. Il assurait également le suivi politique des zones géographiques couvertes par les syndicats de l’union dans les départements du Val-de-Marne, de la Seine-Saint-Denis et dans la partie nord des Hauts-de-Seine. Les moyens financiers de l’union étant en régression, en cette période de désaffection syndicale, il dut quitter l’UPSM le 31 mars 1993. Souhaitant avoir une activité professionnelle liée à l’environnement, il ne tenait pas à reprendre un travail à la Thomson-CSF. Un processus de licenciement négocié fut donc engagé, assorti d’une aide financière dégressive destinée à lui permettre une formation de reconversion. Après une courte période de chômage, Serge Dupont entreprit une formation de « responsable environnement » d’octobre 1994 à juin 1995, en alternance, au Centre des études supérieures industrielles (CESI) d’Evry (Essonne) et à la Fondation pour l’éducation à l’environnement en Europe (FEEE), rue de Flandres à Paris (XIXe arr.). Il y fut embauché en juillet 1995, avec la qualification de technicien supérieur, chargé de développer le projet d’extension du label « pavillon bleu » en eau douce, destiné aux collectivités locales. Malheureusement, le financeur du projet, la Compagnie générale des eaux (CGE), mit fin à son contrat avec la FEEE, entraînant l’arrêt du projet dont Serge Dupont était responsable. Il fut par conséquent licencié un mois après son embauche, et entra de nouveau dans une période de chômage, durant laquelle il exerça des prestations de formation à Culture et Liberté pour les syndicalistes des CHS-CT. Invité par le psychologue de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) à s’orienter vers une activité correspondant à ses goûts, il décida de s’inscrire à un module de formation du FONGECIF à l’œnologie, de cent quatre-vingt heures, avec l’espoir d’exercer un nouveau métier orienté vers les aliments biologiques. En octobre 1998, il acheta un fonds de commerce de vente au détail de vins et spiritueux, au 27 boulevard Simon Bolivar à Paris (XIXe arr.), où il s’attacha à la promotion encore balbutiante des vins biologiques (issus de raisins cultivés en viticulture biologique). En juin 2008, il décida de prendre sa retraite et vendit son fonds de commerce. Toujours adhérent à la CFDT, y compris durant son activité commerciale, Serge Dupont rejoignit la section syndicale des retraités du syndicat des travailleurs de la métallurgie de Paris (STRAMP), dont il devint trésorier en 2010. Dès sa retraite, il avait adhéré à l’Association du festival du livre et de la presse écologique (FELIPE), dont il devint membre du conseil d’administration en 2010, ainsi que du comité de pilotage du festival annuel organisé à la « Bellevilloise » au 19-21 rue Boyer à Paris (XXe arr.). Adhérent également des associations « Oxfam » et « Bibliothèque sans frontière », il devint en 2008 président du syndicat des copropriétaires de son immeuble de résidence au 10 rue Eugène Sue à Paris (XVIIIe arr.). Il resta célibataire, mais connut sa compagne Ginette Mouchard en 1981, lors d’un voyage en Pologne organisé par Culture et Liberté. Militante du Mouvement rural de la jeunesse chrétienne (MRJC) de 1960 à 1970, Ginette Mouchard créa une section syndicale CFDT dans une usine de confection à Courlay (Deux-Sèvres) et représenta le secteur des « Pays-de-Loire et Deux-Sèvres » au conseil de la Fédération « habillement-cuir-textile » (Hacuitex-CFDT) de 1973 à 1987. Elle devint, en 1988, coordinatrice d’associations dans l’organisation « Vacances et Familles ». SOURCES : Archives UPSM-CFDT. — Entretiens avec Serge Dupont en octobre et novembre 2011. Jacques Debesse 2007-2012 © Copyright Maitron/Editions de l'Atelier - Tous droits réservés || Maitron - 9, rue Malher - 75004 Paris GUILLOUX Michel Né le 16 janvier 1945 à Laniscat (Côtes-du-Nord, Côtes d’Armor) ; ajusteur-monteur, technicien de méthodes ; délégué du personnel CFDT à la Compagnie électromécanique (CEM) au Bourget (Seine, Seine-Saint-Denis) en 1964 puis secrétaire de la section syndicale (1970-1979) ; secrétaire du syndicat CFDT des travailleurs de la métallurgie du nord de la Seine-Saint-Denis (mars 1979-1980) ; président de Culture et Liberté Ile-de-France (1985-1988, puis 2002). Michel Guilloux en 2012 Fils d’Alfred Guilloux, cadre financier à la SNCF et d’Azeline Prigent, sans profession, catholiques pratiquants occasionnels, Michel Guilloux était le second d’une fratrie de trois enfants. La famille quitta la Bretagne pour s’établir à Drancy (Seine, Seine-Saint-Denis) en 1946. Il fréquenta le groupe scolaire Marceau, des classes maternelles à l’école primaire et passa avec succès l’examen de passage en sixième à l’école Pierre Sémart où il obtint, en 1959, le certificat d’études primaires. La même année, au regret de ses parents qui souhaitaient le voir entrer au lycée, il se présenta au concours d’entrée à l’école d’apprentissage de la Compagnie électro-mécanique (CEM) au Bourget et y fut reçu dans les trente premiers. Ayant obtenu le CAP d’ajusteur-monteur, Michel Guilloux fut embauché à la CEM au Bourget en 1962, dans la section « petit montage » au département de la régulation des turbines. Appelé sous les drapeaux en 1963, affecté dans la marine à Hourtin (Gironde), mais réformé pour raison de santé, il réintégra son poste de travail tout en continuant à suivre des cours du soir. Il obtint le brevet professionnel en 1966 puis celui de technicien supérieur de fabrication mécanique en 1967. Inscrit au patronage Sainte-Louise de Marillac à Drancy, il était entré au club sportif « La Jeanne d’Arc de Drancy », au sein duquel, en 1961, il devint responsable des équipes de football. Ses activités liées à la paroisse l’amenèrent à participer, au moment de son entrée au travail, aux réunions de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), mais sans grande conviction, car les débats, trop théoriques à son gré, animés par un adulte de la paroisse, parfois son propre chef d’atelier de l’usine, ne l’avaient pas incité à s’engager. En 1963, il se syndiqua à la CFTC puis à la CFDT après la déconfessionnalisation de la confédération. Il fut élu délégué du personnel en 1964, dans un établissement où la CGT entendait maintenir sa domination syndicale. Remarqué par les responsables du syndicat de la construction électrique et électronique (SCEE-CFDT), composante de l’union parisienne des syndicats de la métallurgie (UPSMCFDT), il fut invité à participer à un cycle de formation sur plusieurs week-end en 1965, organisé par la commission confédérale des jeunes, au centre de formation de Bierville à Boissy-la-Rivière (Seine-etOise, Essonne). Il s’affirma au sein de la petite section CFDT de l’établissement, l’aidant à établir et populariser ses propres orientations et revendications, plutôt que se situer, par tradition, en regard des positions de la CGT. En 1965, il participa à la création de l’inter CEM (structure de coordination des établissements de l’entreprise en France), y représenta sa section d’établissement, devint membre du bureau et anima les sessions (pendant les week-ends ou sur une semaine) destinées à l’étude économique et la définition des revendications CFDT de l’entreprise. Lors de la grève avec occupation de l’usine du Bourget, pendant six semaines, en mai et juin 1968, Michel Guilloux sut établir le lien entre les commissions des jeunes de la CFDT et de la CGT qui s’étaient constituées. Des revendications et positions communes aux jeunes, portant sur l’industrie nucléaire, l’autogestion, les nationalisations, les conditions et le temps de travail, l’évolution de carrière et la formation virent le jour, avec des propositions de réorientation du comité d’établissement vers des activités spécifiques aux jeunes, mais l’identité revendicative des jeunes se délita lorsque les divergences syndicales s’affirmèrent après la mobilisation de 1968. Désigné délégué syndical par le SCEE en 1968, il représenta sa section au conseil du syndicat. Il fut également élu au comité d’établissement la même année. Michel Guilloux devint secrétaire de la section syndicale CFDT de la CEM-Le Bourget en 1970, avec le souci constant de la clarté des débats syndicaux et de la cohésion de l’équipe constituée d’un nombre important de nouveaux adhérents, porteurs de multiples courants politiques d’extrême gauche. Voulant ouvrir la section d’établissement à la dimension interprofessionnelle, marquée localement par un dense tissu de PME en attente d’un soutien syndical, il participa à la vie de l’Union locale CFDT du Bourget et en devint secrétaire (1970-1985). Il fut d’un appui efficace, mandaté par l’Union locale et l’UPSM aux grèves dans la région, telle celle des travailleurs immigrés de l’entreprise métallurgique Girosteel au Bourget durant un mois en février 1972. L’industrie nucléaire, et par conséquent l’activité de la CEM de production de turbines pour les centrales nucléaires, n’était pas sans susciter des interrogations au sein de la CFDT. Déjà en 1970, sous l’impulsion de Michel Guilloux, la section syndicale CFDT du Bourget avait pris position en faveur de la filière des réacteurs nucléaires PWR (Pressurized Water Reactor) plutôt que sur celle des BWR (Boiling Water Réactor), génératrice de vapeur radioactive vers les turbines, qui d’ailleurs, fut abandonnée en France. Face au programme électronucléaire français engagé en 1974 par le gouvernement Messmer, la CFDT à la CEM-Le Bourget dénonçait les dangers de l’orientation française du « tout nucléaire », sans consultation parlementaire, avec des conséquences négatives tant au plan économique du fait du gigantisme des investissements à réaliser en absence de planification, qu’au plan sécuritaire pour les personnels de la filière et la population. Michel Guilloux précisa au conseil du SCEE, dès 1973, les positions de son syndicat dans les débats sur l’industrie nucléaire. Il participa à la session de recherche de la Fédération de la métallurgie (FGM-CFDT), « le pari nucléaire français », en octobre 1974, fit partie du groupe fédéral électronucléaire réunissant les représentants des entreprises concernées par la filière nucléaire (1975-1980), et de la délégation fédérale au colloque confédéral « énergie, type de développement » à Paris-Dauphine en décembre 1977. Quand la réorganisation industrielle induite par le plan nucléaire français conduisit en 1976 à la cession de l’établissement du Bourget de la CEM à l’entreprise Alsthom, Michel Guilloux intégra l’inter CFDT Alsthom. Durant les grèves de 1979 chez Alsthom, dont six semaines à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), il organisa l’accueil des salariés de tous les établissements, et plus particulièrement ceux de Belfort (Territoire de Belfort), arrivant en train spécial à Paris, pour se rendre en cortège devant le siège social de l’entreprise. Par ailleurs, membre du conseil de l’UPSM mandaté par son syndicat, il participait aux débats de l’union pour faire évoluer les syndicats d’industrie (construction électrique et électronique, automobile, mécanique, aéronautique) couvrant l’ensemble de la région parisienne vers des syndicats métallurgie regroupant toutes les branches, mais géographiquement plus accessibles. Il fut délégué au congrès constitutif du syndicat des travailleurs de la métallurgie du nord du département de la Seine-SaintDenis (STM 93 nord-CFDT) en 1977 et élu par le congrès à la commission exécutive. En mars 1979, Michel Guilloux devint secrétaire du syndicat et, parallèlement dans le cadre d’un accord en vigueur dans son entreprise, ouvrant la possibilité d’un détachement syndical temporaire, il accepta un poste de permanent à l’UPSM, chargé de la politique syndicale en direction des travailleurs immigrés, particulièrement marquée par la lutte des travailleurs immigrés dans les foyers Sonacotra. Malheureusement, les difficultés financières de l’UPSM le contraignirent à quitter prématurément son poste de permanent en décembre 1979. Il réintégra l’établissement Alsthom au Bourget, tout en restant secrétaire du syndicat jusqu’en décembre 1980, et en conservant ses responsabilités à l’UPSM sur la politique de l’immigration puis, sur la coordination de l’action culturelle dans les comités d’entreprise avec, en point d’orgue, l’organisation en 1984 d’un colloque regroupant une centaine de CE à Paris. Il reprit ses activités syndicales dans l’établissement et plus particulièrement au sein de la commission « loisirs et culture » du CE, pour développer l’action culturelle. La sortie du programme électronucléaire français ayant entraîné à partir de 1985 cinq plans de licenciements chez Alsthom de 1987 à 1991 avec la programmation de la fermeture du site du Bourget en 1995, une grève de trois semaines en mai et juin 1991 éclata, avec occupation de l’usine et séquestration de M. Risler, directeur de la division électromécanique. Participant activement au mouvement, Michel Guilloux avait la responsabilité de la communication et des rapports avec la presse. Il fit partie de l’équipe CFDT qui négocia le plan social prévoyant les conditions de transfert du personnel vers d’autres établissements de l’entreprise ou des reclassements sans aucun licenciement. Il fut muté à Belfort le 1er octobre 1994 avec un aménagement du temps de travail pour rejoindre son domicile du Bourget durant les week-ends. Suite à un nouveau plan de restructuration, il fut licencié et mis en préretraite le 1er mars 2002. De retour en région parisienne, Michel Guilloux accepta la proposition de Georges Fresneau, secrétaire du STM 93-CFDT, de revenir à la commission exécutive pour assurer des permanences, prendre en charge l’édition du bulletin syndical, ainsi que la représentation du syndicat à l’Institut de formation pour l’étude et l’action sociale (IFEAS) crée par l’UPSM. Il devint intervenant de l’institut et coordinateur des sessions de formation afin d’en assurer le « fil rouge ». Il prit part à la décision du regroupement du syndicat de la métallurgie du nord de seine (SMNS-CFDT) et du STM 93, en octobre 2010, pour former le Syndicat de la métallurgie du Nord et de l’Est de Seine (SYMNES-CFDT), au sein duquel, membre du bureau, il continua d’assurer le suivi et l’animation du secteur formation. Il créa également la section syndicale des retraités. Depuis 1969, ses responsabilités au CE de la CEM et son soutien aux grèves en Seine-Saint-Denis l’avaient conduit à participer à des débats organisés conjointement par le Mouvement de libération ouvrière (MLO) et le Centre de culture ouvrière (CCO), où sa rencontre, notamment avec Antoine Lejay et Jean Marquet, avait été décisive pour ses engagements dans l’éducation populaire. Lorsqu’en 1972 l’association Culture et Liberté Ile-de-France fut créée (qui deviendra ultérieurement Culture et Liberté Paris), Michel Guilloux y adhéra, entra au conseil d’administration (1978-1994), en assura la présidence de 1985 à 1988, puis de nouveau, à partir de 2002 après son retour de Belfort. Entretemps, en 1982, avec d’autres militants, dont Georges Tamburini* et Pierre Leroux*, il créa la revue mensuelle Culture et liberté Ile-de-France, en fut le directeur de publication. Il représenta l’association francilienne au conseil national de Culture et Liberté jusqu’en 2006, fit partie du groupe de travail « entreprise » ayant pour mission d’aider les CE à développer leurs activités culturelles, et prit part à la création de modules de formation à l’économie, la communication et l’analyse critique dispensés dans le cadre de la formation permanente. Parallèlement, il fut adhérent au PSU, section Drancy-Le Bourget (1967-1973), entra au bureau des sections de la Fédération des Conseils de parents d’élèves (FCPE) des divers établissements scolaires de sa fille et, en 2002, devint trésorier et un des animateurs du « club des randonneurs pédestres du Bourget ». Marié le 3 octobre 1981 au Bourget avec Brigitte Maréchal, secrétaire comptable, le couple eut une fille Nadège (1982). SOURCES : Archives UPSM et FGMM CFDT. — Manuscrit de Michel Guilloux, octobre 2011. — Entretien avec Michel Guilloux, 8 novembre 2011. Jacques Debesse 2007-2012 © Copyright Maitron/Editions de l'Atelier - Tous droits réservés || Maitron - 9, rue Malher - 75004 Paris MICHELOT CLAUDE, Georges, Émile Né le 7 février 1929 à Bernay (Eure), mort le 7 juin 2010 à Nantes (Loire-Atlantique) ; ouvrier mécanicien serrurier ; permanent national JIC (1951-1954) ; délégué du personnel CFTC puis CFDT chez Thomson à Asnières (Seine, Hauts-de-Seine) de 1955 à 1964 ; permanent puis secrétaire général de l’UPSM-CFDT (1964-1971) ; secrétaire général de l’Union départementale de la Gironde puis de l’Union régionale CFDT Aquitaine (1971-1975). Claude Michelot en 1971 Fils de Georges Michelot, président du syndicat des artisans de Haute-Normandie, catholique non pratiquant, et de Juliette Godard, catholique pratiquante, commerçants charcutiers à Bernay, Claude Michelot était le cadet de ses deux sœurs. Il fréquenta l’école publique de Bernay, puis le collège à Évreux (Eure), où il obtint le brevet technique de mécanicien spécialisé en armurerie et serrurerie. Il participait alors aux rencontres de la Jeunesse indépendante chrétienne (JIC, fédération de BernayEvreux). De retour du service militaire effectué en Allemagne (1948-1950), Claude Michelot renoua avec la JIC et, sur la sollicitation des responsables du mouvement, accepta de devenir permanent national à Paris, chargé de la région Normandie et de l’animation du secteur « ouvriers-artisans » (1951-1954). Ce déménagement dans la capitale avait le mérite de l’éloigner de son milieu familial, trop empreint, à son goût, de convenances bourgeoises, et de lui éviter de reprendre le commerce de ses parents. Lors de sessions de coordination des mouvements de la jeunesse chrétienne (JOC, JAC, JEC et JIC), il s’était lié d’amitié avec Pierre Hadj-Amar, permanent de la JOC, ce qui avait renforcé son intérêt pour le monde ouvrier. Claude Michelot quitta ses responsabilités à la JIC en 1954 pour être embauché chez Thomson à Asnières (Seine, Hauts-de-Seine), où son ami Pierre Hadj-Amar venait lui-même d’entrer comme chaudronnier. Malgré son diplôme de technicien, il refusa un poste d’encadrement (qu’il aurait pu obtenir par l’intermédiaire d’un membre de la hiérarchie, proche de la JIC) pour celui d’ouvrier P1 mécanicien serrurier. Il adhéra immédiatement au syndicat CFTC des ouvriers de la métallurgie, composante de l’Union parisienne des syndicats de la métallurgie (UPSM-CFTC), fut élu délégué du personnel et membre de l’équipe dirigeante de la jeune section syndicale. Il fut muté à Sartrouville (Seine-et-Oise, Yvelines) dans l’ancienne usine Latécoère, devenue ensuite SNERI, lorsque Thomson décida de l’acquérir pour y transférer l’usine d’Asnières (vendue en 1962). Il représenta sa section au conseil du syndicat, devenu en 1963 syndicat de la construction électrique et électronique (SCEECFTC). Il avait également adhéré au PSU à Asnières (1954-1961). Militant pour la paix en Algérie, il distribuait des tracts dans son entreprise, entretenait de nombreux contacts avec des Algériens et donnait des cours du soir d’alphabétisation. Il participa à la manifestation parisienne du 8 février 1962, où, chargé par la police, mais ne voulant pas se réfugier dans la bouche de métro « Charonne » qui devint depuis ce jour tristement célèbre à cause des victimes, il fut matraqué et conserva durablement des douleurs et séquelles dorsales. Sollicité par Jean-Paul Murcier*, secrétaire général de l’UPSM-CFTC, il quitta la Thomson pour devenir permanent de l’UPSM le 5 août 1964, chargé du secrétariat général du SCEE, en remplacement de Jean Auger. Claude Michelot conduisit la délégation de son syndicat qui vota la déconfessionnalisation au congrès confédéral de novembre 1964. Lors du conseil de l’UPSM du 24 novembre 1965, il fut élu secrétaire général de l’Union, en remplacement de Jean-Paul Murcier* appelé au service juridique de la confédération, et présenta à ce titre le rapport « action et formation » au Xe congrès de l’UPSM, le 27 novembre 1965. Succédant à Jean-Paul Murcier au conseil de la Fédération de la métallurgie (FGMCFDT), il fut élu à la Commission exécutive, puis confirmé dans ses mandats par le congrès fédéral d’avril 1968 à Rouen. Il participa au groupe de travail des questions internationales. La métallurgie en région parisienne ayant un poids industriel et politique important dans la confédération, Claude Michelot fit partie de la délégation confédérale, conduite par [Eugène Descamps- 22419], qui négocia les accords de Grenelle les 26 et 27 mai 1968. La création des Unions départementales décidée au congrès de l’Union régionale parisienne (URPCFDT) à Cachan (Val-de-Marne) en 1966, consécutivement au découpage de la Seine et de la Seineet-Oise en sept nouveaux départements, et la prise en charge du développement important de la CFDT après les grèves de 1968, ravivèrent le débat récurrent sur l’équilibre des pouvoirs entre les structures professionnelles et interprofessionnelles dans la région. Les réformes structurelles votées au congrès de l’URP en mars 1969 furent vivement critiquées par les syndicats de la métallurgie, de la chimie et d’EDF-GDF, au motif d’une amorce de dépossession de la conduite de l’action syndicale par les syndicats au profit des unions départementales et locales. Lors du comité régional du 23 janvier 1971, convoqué pour l’élection de Guy Gouyet comme futur secrétaire général de l’URP, en remplacement de Robert Duvivier, une coalition de syndicats (métallurgie, chimie, EDF-GDF, cheminots, PTT, assistance publique, commerces et services) présenta une résolution intitulée : « Une autre politique avec un autre candidat : Claude Michelot ». C’est Guy Gouyet qui fut élu avec 76,45 % des voix contre 23,55 % à Claude Michelot. Dès lors, celui-ci, qui avait prévu son retrait de l’UPSM dans l’hypothèse d’une nouvelle responsabilité interprofessionnelle régionale, entra dans une démarche de reconversion professionnelle, si possible en entreprise. René Decaillon et Paul Raffin*, de la Commission confédérale organisation (CCO), contactèrent Claude Michelot pour lui proposer de devenir secrétaire général de l’Union départementale de Gironde – deux permanents locaux étant sur le départ dans ce secteur jugé prioritaire par la confédération –, tout en se préparant à remplacer Jean Lannes, secrétaire général de l’Union régionale Aquitaine (URA-CFDT), au terme de son mandat dans quelques mois. Le couple Michelot accepta de déménager à Bordeaux (Gironde). Le congrès de l’UD de la Gironde des 19 et 20 juin 1971, dans une motion votée à une très large majorité, prit acte de la candidature de Claude Michelot au poste de secrétaire général, en l’accueillant fraternellement. Son travail de permanent à Bordeaux commença le 1er septembre 1971. Lors de la réunion du bureau régional des 18 et 19 mars 1972, l’analyse de la réalité syndicale locale, réalisée par Claude Michelot, avec l’appui des permanents régionaux, notamment Edmond Sadrin, Jean Touron et le secrétaire général Jean Lannes, révéla la faiblesse des structures de l’organisation et du développement de la CFDT dans le département de la Gironde, et plus précisément à Bordeaux. Le nouveau secrétaire général proposa une remise en cause des pratiques constatées, fondées jusqu’alors sur des orientations politiques, pour les remplacer par un travail collectif et démocratique. L’analyse fut approuvée totalement, un plan de travail fut établi avec une redéfinition de la nature et du fonctionnement des équipes, incluant la place et le rôle des permanents. Il devint secrétaire général de l’Union régionale Aquitaine, au départ le 1er mai 1973 de Jean Lannes appelé à exercer les fonctions de chargé de mission pour la formation continue à l’Université de Pau (Pyrénées-Atlantiques). Cette remise en ordre ne fut pourtant pas acceptée par certains militants qui entendaient maintenir leur « entrisme » politique dans les sections syndicales et syndicats ainsi que l’utilisation des structures de la CFDT à des fins de propagande de leurs idées personnelles. Malgré des réunions de l’UD pour repréciser les orientations syndicales, avec le soutien de l’Union régionale, notamment celle du 5 mai 1973 en présence de René Decaillon, secrétaire confédéral, les décisions du collectif de l’UD continuèrent d’être contestées, inappliquées, voire contredites, par des « collectifs élargis », convoqués par réseaux extra syndicaux, au nom de la « démocratie ouvrière ». Une cabale s’organisa contre Claude Michelot, qualifié d’étranger à la région qui venait donner des leçons. Ses détracteurs n’hésitèrent pas à utiliser la presse locale pour porter atteinte à l’honneur de ses amis de quartier et de membres des équipes de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), dans lesquelles le couple Michelot était impliqué, en semant le doute sur leur probité. Le nom de Claude Michelot ne figura pas sur la liste des candidats au conseil de l’Union régionale Aquitaine, soumise au vote de son premier congrès en novembre 1975, à Capbreton (Landes). Il cherchait, en vain, du travail à Bordeaux, en dehors des structures syndicales. Il organisa les contacts entre la confédération et Daniel Andraud, permanent de l’UD des Landes, son successeur à la tête de l’URA, qui fut élu par le congrès. Jeannette Laot, au nom de la confédération, dans son allocution du 10 novembre 1975 au congrès de l’union régionale, ne mâcha pas ses mots pour fustiger le comportement des avant-gardes éclairées, au verbiage manipulateur, qui déniaient de fait aux adhérents de la CFDT leur droit d’élaborer les positions et décisions de l’organisation. Ayant trouvé un emploi à Harmonie atlantique, une mutuelle dont le siège était à Nantes (LoireAtlantique), la famille déménagea dans cette ville en 1975. Malgré ses avanies bordelaises, Claude Michelot avait tissé des liens amicaux avec nombre de syndicalistes aquitains — sa maison étant toujours accueillante — et noué de solides relations avec les syndicats espagnols. À son départ, ses amis basques lui remirent en cadeau un makhila d’honneur, portant la devise « j’y suis, j’y reste » (bâton traditionnel basque, arme redoutable, offert aux plus hautes personnalités, sur le pommeau duquel sont gravés les noms et la devise de l’heureux récipiendaire). Affecté à la branche des contrats d’entreprises de cette mutuelle, il milita à la section syndicale et à l’Union locale CFDT de Nantes. Claude Michelot fit valoir ses droits à la retraite en 1989 et devint responsable des retraités des mutuelles au sein de l’UL. Il continua ses activités de représentation de la CFDT, notamment à la commission de la Caisse régionale d’assurance maladie de la Sécurité Sociale, chargée des négociations des taux d’invalidité. Il faisait partie d’une équipe de syndicalistes qui s’occupait de réinsertion au travail. Par ailleurs, le couple entra au bureau d’une coordination d’associations locales, comprenant l’APF (Association des paralysés de France), la CSF (Confédération syndicale des familles) au sein de laquelle son épouse militait, et l’UL-CFDT. Cette coordination entreprit la gestion de dix-sept centres de santé et de soins implantés dans l’agglomération nantaise. Adhérent de la FCPE, Claude Michelot était membre du conseil local à Bordeaux, chargé de la formation des délégués de parents. Il faisait partie également d’une équipe d’ACO à Bordeaux et à Nantes. Il s’était marié en juillet 1961 à Coutances (Manche) avec Simone Laforge, permanente de la JIC à Paris, vendeuse de chaussures dans la boutique de ses parents ; elle avait deux frères, André Laforge, prêtre de la Mission de France qui allait devenir prêtre-ouvrier, et Louis Laforge, qui avait été permanent JOC dans la région Normandie. Trois enfants naquirent de cette union, Claire (1961), Catherine (1964) et Pierre (1966). Claude Michelot mourut des suites d’un cancer du pancréas. Il avait toujours eu le souci de la formation avec la volonté indéfectible de laisser à quiconque son autonomie. SOURCES : Archives UPSM-CFDT, confédérales CFDT. — Jo Bibard, Faire l’histoire ensemble. La CFDT en région Île-de-France 1887-1990, Beaune, La Toison d’Or éditions, 2007. — Entretiens avec Simone Michelot, 15 juin et 2 octobre 2012. Jacques Debesse 2007-2012 © Copyright Maitron/Editions de l'Atelier - Tous droits réservés || Maitron - 9, rue Malher - 75004 Paris OLLIVIER JEAN, François, Marie Né le 17 octobre 1939 et mort le 11 juillet 2005 à Landerneau (Finistère) ; programmeur informatique ; délégué du personnel CFDT et représentant syndical au comité d’entreprise d’IBM à Corbeil-Essonnes (Seine-et-Oise, Essonne) de 1965 à 1979 ; secrétaire général de l’UD-CFDT de l’Essonne (1979-1985) ; secrétaire confédéral CFDT (1986-1987) ; fondateur et président du CARDE (1992-2005). Jean Ollivier en 2000 Au centre, Jean Ollivier, à gauche Claude Marc, à droite Lucien Rasle en 1969 (UD 91) Fils de François, Marie Ollivier, ouvrier couvreur, catholique pratiquant occasionnel, et de Françoise Paugam, couturière, pratiquante régulière, Jean Ollivier fut le deuxième d’une fratrie de quatre enfants. La mort prématurée de son père, des suites de ses accidents de travail, lui donna le sens de la lutte pour la justice. Élève de l’école Saint-Joseph de Landerneau, on l’appelait « mab an toer », le fils du couvreur. Il faisait partie des Cœurs Vaillants, était enfant de cœur et participait aux colonies de vacances paroissiales. Il poursuivit sa scolarité comme interne à l’école Saint-Louis de Châteaulin, des frères de Ploërmel, obtenant successivement le certificat d’études primaires, le brevet d’études du premier cycle (1953) et le baccalauréat en mathématiques (1957). Il entreprit ensuite des études supérieures à la faculté de Rennes (Ille-et-Vilaine), préparant simultanément l’entrée dans une école d’ingénieur chimiste et la licence maths-physique-chimie qu’il obtint en 1960. Appelé sous les drapeaux dans les blindés en 1960 à Saumur (Maine-et-Loire), il fut affecté à Oran (Algérie) après les accords d’Évian en mars 1962 dans le cadre de la lutte anti OAS et du rapatriement des harkis. Favorable à l’indépendance de l’Algérie – profonde conviction renforcée par les débats avec ses amis de la faculté de Rennes – il recevait Témoignage chrétien, sous enveloppe. Jean Ollivier fut embauché le 2 janvier 1963 à IBM, à l’usine de Corbeil-Essonnes, comme programmeur informatique. Après trois mois, il fut envoyé une année aux États-Unis pour parfaire sa formation. Il s’était syndiqué à la CFTC dès son embauche et, en avril 1965, étant candidat CFDT aux élections des délégués de personnel, son chef de service, puis le chef du personnel de l’usine le convoquèrent pour lui signifier qu’être programmeur et délégué du personnel était incompatible. Il passa outre, fut élu, désigné représentant syndical au CE, persévéra dans son action syndicale, ce qui lui valut ultérieurement d’être rétrogradé en agent technico-administratif, puis technicien de préproduction. Hervé Nathan, journaliste à Libération, dans l’édition du 15 février 2001, rapportait les propos de Jean Ollivier : « Je suis entré en 1963. J’ai été programmeur, puis ouvrier, puis rien du tout. » Militant actif, Jean Ollivier, qui voulait rompre le monopole de la direction sur l’information, impulsa fin 1966 une série de huit tracts CFDT à propos d’IBM dans l’économie mondiale, avec pour titre « informer, c’est manifester son estime ». Appréciée du personnel, cette communication marqua positivement et durablement la CFDT dans l’usine et l’entreprise. Conscient que l’action syndicale ne pouvait se circonscrire à l’entreprise, Jean Ollivier représentait sa section au syndicat de la construction électrique et électronique (SCEE-CFDT), composante de l’Union parisienne des syndicats de la métallurgie (UPSM-CFDT). Il fit partie de la délégation du SCEE au congrès de la métallurgie (FGMCFDT) en avril 1968 à Rouen (Seine-Maritime) où il intervint au nom du syndicat pour dénoncer les comportements des entreprises multinationales, à partir de l’exemple d’IBM. Il représentait également sa section à l’Union locale CFDT de Draveil-Juvisy (Essonne) et, à ce titre, participa avec Gaby Bessière*et Raymond Welker, à la mise en place de l’Union départementale CFDT de l’Essonne (UD 91), dont le congrès constitutif eut lieu le 29 janvier 1969. En mai 1968, les grévistes des grosses entreprises de Corbeil (SNECMA et EDF) tentèrent de convaincre les salariés d’IBM de participer au mouvement national. A IBM, les salaires étaient supérieurs à la moyenne, avec une direction qui combattait tout mot d’ordre syndical et où aucune grève n’avait été constatée depuis la Libération. L’équipe CFDT, renforcée de jeunes militants, notamment Michel Gayant, Alain Gelly*, Jean Saladin, Jean-Paul Soulard, et consciente des habitudes internes, dont une discipline très autoritaire, n’appela pas à la grève, mais pour la première fois, au restaurant d’entreprise, à une assemblée générale animée par Jean Ollivier. Trois cents personnes s’y rendirent. Croyant sans doute à un appel à la grève, la direction organisa, le lendemain, un référendum sur la question « oui ou non à la grève ». Le vote, obligatoire, encadré par la hiérarchie, par carte perforée comme bulletin de vote, recueillit huit cents voix favorables à la grève sur trois mille votants. Ce résultat minoritaire, vanté le lendemain par le premier ministre, Georges Pompidou, à l’Assemblée nationale, était pourtant analysé comme une progression dangereuse de la mobilisation par la direction d’IBM, qui ferma l’usine dix jours, le personnel étant payé. Des commissions furent alors organisées à l’extérieur de l’usine, animées par la CFDT, regroupant plusieurs centaines de salariés. Jean Ollivier se rendit à IBM-Paris pour épauler les responsables CFDT, Alfred Chèvre* et René Eon, à la syndicalisation des cadres commerciaux, puis en province, accompagné notamment d’Aymard de Camaret*, de Jacques Martinet* et de Michel Perraud*. Il consolida la création de sections syndicales à Juvisy-sur-Orge (Essonne) puis, sollicité par l’UPSM-CFDT, se détacha à plein temps durant trois semaines, pour cette fonction, dans les entreprises de la métallurgie parisienne. Principal animateur de la négociation sur le droit syndical à IBM, durant le second semestre 1968, il fut nommé délégué syndical central d’IBM-France (1969-1973) par la Fédération de la métallurgie (FGM-CFDT). Il soutenait les équipes syndicales qui démarraient à Orléans (Loiret) avec Raymonde Benouarab, à Montpellier (Hérault) avec Gérard Auger, à La Gaude (Alpes-Maritimes) avec Claude Hoang, et à Bordeaux (Gironde) avec Joseph Nogue, contre la répression des directions et, sur le site de Corbeil, avec sa section syndicale, il organisa les travailleurs d’entreprises sous-traitantes, particulièrement le nettoyage, qui comptèrent soixante syndiqués sur cent cinquante salariés, et le gardiennage. La direction d’IBM commença une répression acharnée à l’encontre de Jean Ollivier en 1970. Muté de l’informatique aux achats, isolé dans un petit bureau, il était contraint d’additionner des colonnes de chiffres toute la journée, les résultats étant détruits, devant lui, chaque soir, avec mission de recommencer cette absurdité le lendemain. Cette besogne avait pour modèle celle infligée à Pierre Fleurence, chef-comptable et représentant syndical CFDT aux Aciéries du Forez à Saint-Étienne (Loire), qui fut le thème d’une pièce de théâtre : « 3,1416 ou la punition ». Lorsque le patron des aciéries du Forez fut condamné pour harcèlement par la chambre criminelle de la Cour de cassation, le 10 décembre 1970, Jean Ollivier fut placé dans un local vitré, visible d’un couloir de passage, soumis à trier des composants de circuits imprimés, mélangés chaque soir, pour être retriés le lendemain. Cette exhibition, destinée au discrédit du militant et du syndicalisme, provoqua au contraire une empathie envers la victime, qui eut pour conséquence l’inverse de ce que souhaitait la direction. Le procédé fut arrêté au bout de trois semaines. Affecté moralement par cette répression, mais nullement démotivé dans ses responsabilités syndicales, Jean Ollivier organisa des sessions annuelles inter sections syndicales IBM, durant une semaine, à proximité d’un des centres, sessions destinées à définir la politique revendicative et à assurer la cohésion face à la répression et ouvertes aux familles des participants. La première rencontre nationale en 1971 fut préparée grâce aux documents d’IBM décrivant les procédures de gestion du personnel. Animée conjointement par Jean Ollivier, André Acquier, secrétaire de la FGM-CFDT, chargé de la branche « construction électrique et électronique », et Gilbert Larroussinie, du Centre intersyndical d’études et de recherches de productivité (CIERP) – fondé en 1951 par la CFTC, la CGC et FO –, cette réunion permit l’analyse sociologique de l’entreprise, à partir d’une étude confidentielle du CIERP. Y avait été invité Daniel Benedict, secrétaire général de la Fédération internationale des ouvriers sur métaux (FIOM), qui souhaitait développer le syndicalisme à IBM, particulièrement aux États-Unis, où l’entreprise était la seule grande multinationale de la métallurgie dépourvue de syndicats. Parallèlement, Jean Ollivier restait impliqué dans l’action interprofessionnelle, participant à tous les congrès de l’UD de l’Essonne, de 1969 à 1985, et à ceux de l’Union régionale parisienne (URP-CFDT) de 1974 à 1985. Il apporta notamment son aide, avec quelques militants d’IBM, dont Alain Gelly* et Jean Saladin, fin 1973, aux grévistes qui occupaient l’usine Dynamic à Ormoy (Essonne), entreprise de sous-traitance automobile, pour de meilleurs salaires et conditions de travail. Le patron avait fait appel à un commando de la Confédération française du travail (CFT) contre le piquet de grève, puis à une milice privée et armée, payée pour occuper l’usine à son tour, après en avoir délogé les travailleurs, en grande partie immigrés, qui se réfugièrent à la cantine. Jean Ollivier accompagna les représentants CFDT aux négociations de fin de grève, à la direction départementale du travail de l’Essonne. Comme le patron refusait toute rencontre avec des syndicalistes, ceux-ci s’installèrent dans une pièce, le patron dans une autre, obligeant le médiateur, M. Luçon, directeur départemental du travail, à des navettes incessantes d’un local à l’autre. Lorsque les syndicats d’industrie de l’UPSM (aéronautique, automobile, construction électrique et électronique, mécanique), couvrant l’ensemble de la Région parisienne, évoluèrent en 1974 vers des secteurs métaux départementaux toutes branches confondues, Jean Ollivier entra au conseil du secteur métaux de l’Essonne (devenu Syndicat des travailleurs de la métallurgie CFDT de l’Essonne – STM 91 – en 1977), et à ce titre, participant au conseil de l’UD 91, il devint membre de la commission exécutive en mai 1977. En mai 1979, il fut élu secrétaire général permanent de l’UD 91, succédant à Alain Gelly, jusqu’au 1er décembre 1985. Il s’engagea particulièrement dans la régularisation des immigrés sans papiers en 1981, et dans la défense des droits des travailleurs par le soutien aux conseillers prud’hommes et par sa disponibilité aux permanences juridiques de l’UD. Il fut le principal organisateur de la visite de Lech Walesa, président de Solidarnösc, invité par la CFDT à l’usine SNECMA de Corbeil le 15 octobre 1981. Il devint secrétaire confédéral (janvier 1986-mars 1987) au secteur « société », avant de retourner à IBM Corbeil, comme salarié du Comité d’établissement, chargé entre autres, de l’information et de recherches historiques sur l’usine de Corbeil. Il fit valoir ses droits à la retraite en novembre 1994 et continua de militer avec les retraités à l’UL CFDT de Juvisy. Au cours de ses responsabilités syndicales, Jean Ollivier avait mesuré la fragilité de l’expérience acquise des luttes ouvrières, notamment chez IBM, dont la direction était experte dans l’art d’instrumentaliser le vécu des travailleurs. Il lui était apparu indispensable de conserver la trace écrite des procédures, décisions, accords, autant d’informations nécessaires pour connaître la réalité sociale, établir, ou rétablir la vérité. Se préparant à écrire l’histoire d’IBM en France, il classait les nombreuses archives collectées dans l’entreprise, stimulé par Alfred Chèvre*, ancien de l’usine IBM à Vincennes (Val-de-Marne), devenu secrétaire du Comité central d’entreprise, et ayant participé avec Roger Gillot à la fondation de l’UPSM-CFTC, qui lui fit don de ses archives (1930-1960). À l’occasion de la sortie du livre d’Edward Black, auteur américain, IBM et l’holocauste (Robert Laffont, février 2001), le journal Libération du 15 février 2001 révélait un dossier intitulé « Le zèle collabo d’IBM-France », largement inspiré du travail de Jean Ollivier. En 2006, selon sa volonté, sa vaste documentation sur IBM (plus de quarante mètres linéaires) fut déposée aux archives départementales de l’Essonne. Passionné d’histoire sociale et industrielle, il avait créé, avec Michel Marcon, en 1992, le Centre action recherche et documentation des entreprises (CARDE), association sous la loi 1901, qu’il présida jusqu’à sa mort, et qui avait pour objectif de rassembler, gérer et exploiter les archives économiques des entreprises, administrations et associations. Adhérent au PSU dans la section de Juvisy-surOrge/Savigny-sur-Orge/Viry-Châtillon (Essonne) de 1967 à 1972, il fut aussi membre de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) à Viry-Châtillon, de 1973 à 1994. Il s’était marié le 8 avril 1969 à Viry-Châtillon (Essonne) avec Geneviève Larroque, institutrice spécialisée dans l’enfance inadaptée, militante CFDT, qui devint secrétaire générale du syndicat des services de santé et sociaux de l’Essonne. Le couple qui résida à Juvisy-sur-Orge et à Viry-Châtillon, eut quatre enfants : Anne (1970), Guillaume (1972), Frédérique, adoptée en 1975 à l’âge de dix ans et Sandrine, adoptée en 1980 à l’âge de cinq ans. FILMOGRAPHIE : Jean Ollivier archive, Histoires d’IBM, L’Harmattan vidéo, avril 2006. SOURCES : Arch. UPSM-CFDT. — Arch. Dép. Essonne, fonds Jean Ollivier. — Geneviève Ollivier et Oscar Ortsman, IBM ou la tentation totalitaire, archives de Jean Ollivier. Traces d’une histoire, collection Mémoires du travail, L’Harmattan, 2006. —Syndicalisme hebdo, 3098, 16 novembre 2006. — Libération, 15 février 2001. — Sophie Raffin, Le Républicain de l’Essonne, 19 octobre 2006. — Hervé Nathan, « Jean Ollivier, un archiviste contre IBM », Marianne, du 28 octobre au 3 novembre 2006. — http://www.carde91.com, consulté le 13 avril 2012. — Entretien avec Geneviève Ollivier, 27 mars et 30 mai 2012. 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