True Grit
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True Grit
FICHE n° 936 True Grit du 29/06 au 04/07 cinemateur01.com True Grit de Ethan et Joel Coen avec Jeff Bridges, Josh Brolin, Matt Damon... western | États-Unis | 2010 | 1h50 | VO Sortie : 23 février 2011 E n V. O . à B o u r g - e n - B r e s s e à l ’ o c c a s i o n d e l a f ê t e d u c i n é m a . Mattie a 14 ans et avec ses nattes, ses petites robes à carreaux, et ses airs de première de la classe, elle pourrait faire penser à l'héroïne de La Petite maison dans la prairie. Sauf que Mattie ne se plaint pas, ne pleurniche pas, ne minaude pas ! Alors qu'elle vient d'assister au lâche assassinat de son père, abattu pour deux pièces d'or et un cheval par Tom Chaney, un employé, elle aurait plutôt le réflexe de récupérer le Colt Dragoon paternel et d'essayer de buter le lascar au fond des latrines. Disons que Mattie est un peu en avance sur son âge, ou plutôt que c’est une vraie fille de l’Ouest, pas une barbie mijaurée. Mais Mattie, bien qu’ivre de justice ou de vengeance (dans l’Amérique de 1870, il y a assez peu de différence, les procès restant très sommaires), est parfaitement lucide et sait très bien qu’elle ne pourra jamais coincer Tom Chaney, surtout maintenant qu’il s’est carapaté avec la bande du redouté Ned Pepper en territoire indien. Qu’à cela ne tienne : après avoir négocié comme le plus madré des baratineurs de foire le prix du cheptel familial, elle va, grâce à son nouveau pécule, s’adjoindre les services d’un chasseur de primes. Elle choisit délibérément le plus exécrable et surtout le plus expéditif, le genre de mec qui lit ses droits au cadavres qu'il vient de refroidir. J'ai nommé Rooster Cogburn, shérif en rupture de ban, sexagénaire borgne et alcoolique peu reluisant mais qui semble fort craint des mauvais garçons. Bienvenue dans l’Arkansas des années 1870, tel que le décrivit avec brio Charles Portis dans son roman True Grit sorti en 1968. Le bouquin fit l’objet d’une solide adaptation du vétéran Henry Hathaway, titrée en France 100 dollars pour un shérif, qui permit à John Wayne vieillissant (il avait alors 61 ans) de gagner son premier Oscar. Les irremplaçables Frères Coen s’attaquent à leur tour à cette forte histoire, et on peut compter sur eux pour y ajouter une bonne dose de moiteur, une pincée de poésie burlesque et loufoque (on arrive à rire à une scène de pendaison !), et un chouïa de romantisme décalé… Le résultat est une alchimie jubilatoire qui donne une vigueur nouvelle à un genre indémodable. Le western des Coen sent la sueur avinée et la poussière des pistes, la plupart des personnages arborent fièrement des chicots détruits par le tabac à chiquer et la mauvaise hygiène. Quant à leur accoutrement, on parierait qu'il date de la guerre de Sécession ! Rooster Coburn, incarné par un Jeff Bridges au mieux de sa forme en épave à grande gueule – aussi loqueteux que pouvait l’être The Big Lebowski – est particulièrement soigné en chasseur de primes sanguinaire qui loge dans l’arrière boutique d’un épicier chinois, avec pour compagnons des canards laqués suspendus au plafond… Ce qui ne l’empêche pas, quand le besoin s'en fait sentir, d’aligner à cheval quatre bandits en un rien de temps. Il est le pendant de l’intraitable et toujours volontaire Mattie mais aussi de LaBoeuf (Matt Damon), Texas Ranger au costume impeccable de cowboy de rodeo. Comme souvent, les Coen nous mettent dans leur poche grâce à leur incroyable galerie de personnages truculents et infréquentables, mais c'est bien leur science du récit et de la mise en scène qui impressionne : maîtrise parfaite des grands espaces, sens du cadre, violence latente qui surgit quand on ne s’y attend pas (notamment dans la scène dite « des quatre doigts », dores et déjà d'anthologie), introduction d'une romance juste ce qu’il faut dérangeante entre la jeune adolescente et LaBoeuf, sorte de Big Jim en veste à franges… Et comme toujours les Coen savent aussi bien nous faire rire que trembler ou pleurer… La grande classe ! http://www.cinemas-utopia.org/montpellier Western ou film en costumes, True Grit est surtout l'occasion pour les frères Coen de faire bifurquer le genre par son milieu. Ils l'amènent vers une œuvre personnelle creusant avec rigueur et élégance les fondements de leur cinéma et cet Ouest ressuscité. Que les Coen s'attaquent au western après Sang pour sang, Fargo ou No Country for Old Men n'est pas une surprise. Le genre a toujours été là, telle une cartographie sous-jacente dont les deux frères emprunteraient une série de motifs. Mais True Grit, réadaptation d'une nouvelle de Charles Portis plus que remake du film d'Hathaway avec John Wayne, met enfin les deux pieds dans l'Ouest. Ce passage intégral n'est toutefois pas évident. Depuis longtemps, certains diront Rio Bravo ou La Horde sauvage, d'autres carrément La Chevauchée fantastique, le genre est à la fois témoin et victime d'une transition propre au cinéma hollywoodien et l'illustration d'une transformation de l'Amérique. Il orchestre l'idée d'un certain classicisme couplé à une forme de mélancolie s'articulant autour du passage à la modernité. En allant vite, le western soulève un problème historique, esthétique et métaphysique, puisque telle est aussi sa fondation narrative. Par rapport à ce positionnement complexe que demande désormais le genre, True Grit se situe sur un territoire spécifique. Il n'est pas crépusculaire ou néo-classique, quoique parfois un peu des deux. Il est surtout conscient de prendre une place et que celle-ci doit se situer. Alors laquelle ? Davantage peut-être celle du film en costumes, afin de saisir l'époque depuis son épicentre et sa périphérie, d'être dans la mythologie et sa réalité, tout en s'employant à agencer des enjeux propres au cinéma des Coen. True Grit, c'est d'abord l'histoire d'une vengeance. Celle d'une jeune fille qui, avec l'aide d'un marshal sur le déclin et à moitié alcoolique (Jeff Bridges), va traquer le meurtrier de son père, assassiné pour un motif dérisoire. Structuré comme une longue traversée à cheval sur les terres d'une réserve indienne, le film se déploie tel un jeu de piste, souvent bavard, menant lentement vers son objectif. L'aventure est d'abord humaine : les personnages apprennent à se regarder, à travers leurs yeux se déploie une conscience toujours plus aigue de l'autre, d'eux-mêmes, de leurs motivations et discrètement du monde qui les entoure. Si True Grit est avant tout le point de vue d'une adolescente de 14 ans (Hailee Steinfeld, impressionnante) sur un monde d'hommes, violent, tel un parcours initiatique jouant avec le rasoir de la morale, il est aussi celui d'une figure de l'Ouest usée et bouleversée par celle qui l'accompagne. A travers leur périple, où en route se greffe Matt Damon en Texas Ranger, les Coen organisent ainsi la rencontre de deux personnages au service d'une mythologie creusée sans s'attarder sur son folklore. Ils filment un croisement ou plutôt un passage, au Cinémateur du 6 au 18 juillet 2011: ! En sortie nationale plaçant leur caméra dans un mélange parfois étonnant de distance et de proximité. Double passage même, puisqu'il s'agit de ne jamais lâcher l'intrigue, d'être à son foisonnement tenu par le casting et des dialogues accentués, pour progressivement l'étendre et lui donner un écho. Ce principe de transition, les Coen le distille partout. Il recouvre avant tout cette idée de croiser une icône de l'Ouest, le marshal, emblème d'une époque, et la jeune fille qui deviendra sa mémoire : autant de l'homme que ce qu'il représente, une manière d'être au centre du western et à sa frontière. Mais la traversée n'est pas seulement romanesque ou seul fruit mûr d'une narration ciselée, s'étendant avec une aisance calme et souveraine. Elle est aussi celle de la mise en scène, à la fois minutieuse, précise, fouillée, cherchant à ressusciter le professionnalisme naturel du genre sans abandonner le maniérisme. Mais si les Coen ne renoncent pas à leur sempiternel goût pour la déconstruction à des fins de réinterprétation stylisée, la réactualisation du western dans True Grit fait aussi teinter l'onirisme avec le réalisme. Ce mélange, d'une élégance impitoyable, crée un entre-deux personnel plaçant le film dans une nouvelle perspective littérale et réflexive s'éloignant des sentiers d'Eastwood. On peut alors le considérer comme un aboutissement pour les Coen : leur cinéma, comme le western depuis longtemps, a toujours incarné une tension entre classicisme et modernité. Il n'a jamais pu se défaire d'une certaine nostalgie, tout en redoublant d'efforts spectaculaires pour s'en servir afin de s'imposer singulièrement. Avec True Grit, les Coen remettent la question sur le grill tout en y apportant une réponse simple : le costume fait aussi le moine. http://cinema.fluctuat.net ! Coup de coeur Cinémateur Chico et Rita. de Asghar Farhadi avec Leila Hatami, Peyman Moadi, Shahab Hosseini... Fiction | Iran | 2010 | 2h03 | VO Sortie : 08 juin 2011 Cuba, 1948. Chico, jeune pianiste talentueux, écoute les derniers airs de jazz venus d’Amérique, en rêvant de s’y faire un nom. De son côté, la belle et sauvage Rita essaie de gagner sa vie en chantant dans les clubs et les bals populaires, où sa voix captive toute l’assistance. Des bordels de la Havane à New York, en passant par Hollywood, Paris et Las Vegas, la musique et ses rythmes latinos vont les entraîner dans une histoire d’amour passionnée, à la poursuite de leurs rêves et de leur destinée.