elmar moCK : “la Créativité est un proCessus intime à la

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elmar moCK : “la Créativité est un proCessus intime à la
PHILIPPE SCHULLER
Il est l’inventeur de la montre
Swatch. Il apparaît dans plus de
150 familles de brevets. Il a fondé
la société Creaholic et co-écrit
La fabrique de l’innovation.
Un innovateur compulsif,
défenseur charismatique des
vertus du processus créatif.
Elmar Mock : “La créativité est un processus
intime à la fois chaotique et théorisé”
Vous êtes à l’origine de la montre Swatch.
Quelle est l’histoire de cette invention ?
(profil)
Ingénieur horloger
diplômé de l’École
technique supérieure de Bienne
(Suisse)
Co-inventeur de
la montre Swatch
à 26 ans
Quitte l’horlogerie en 1986 pour
fonder sa propre
société Creaholic
Cité comme inventeur dans plus de
150 familles de
brevets
Co-auteur en
2012, avec Gilles
Garel, professeur à l’Ecole
polytechnique,
de La fabrique
de l’innovation,
entre concept et
connaissance.
L’idée d’une montre bon marché
n’est pas suisse mais américaine…
la montre à 1 dollar pour arriver
à l’heure au travail ! A l’époque,
imaginer une montre de qualité,
peu chère et Suisse, m’est apparu
comme un oxymore… une révolution ! La consigne était de concevoir
un produit susceptible d’être fabriqué au tiers du prix habituel…
C’est quoi pour vous une innovation ?
La première version de l’iPhone est
une réelle innovation de “rupture”,
alors que je qualifierais les versions
suivantes de “rénovations”. Modifier
un produit existant sur le marché ne
relève pas du domaine de l’innovation. Innover, c’est permettre à une
idée, une inspiration, de voir le jour.
Il s’agit de partir à la découverte,
d’explorer de nouvelles pistes avant
d’établir un cahier des charges et de
“L’homme par nature est un animal créatif. Voyez,
plutôt que de dire que nous sommes les cousins des
singes, nous nous présentons comme les fils de Dieu… ”
Donc nous avons tout remis en
question, ce qui constitue à mes
yeux le principe même de l’innovation. Nous avons exploré l’intégralité de ce qui s’était fait précédemment dans l’horlogerie mais aussi
dans d’autres domaines industriels.
Nous avons mutualisé des domaines de connaissances multiples
: industriel pour parvenir à diviser
les coûts de production, marketing,
relatif à la mode, au naming, au
design… Nous avons ensuite proposé la future Swatch à un horloger
suisse, qui n’en a pas voulu. Puis au
baron Marcel Bich (de l’entreprise
Bic), sans plus de succès, puis au
groupe Duracel… jusqu’à ce que les
magasins Bloomingdale’s de New
York acceptent de la vendre sur
un corner à raison de 2 collections
par an constituées de 12 pièces
minimum… Bref, cette innovation a
emprunté un long chemin.
34 agi r & en t r epr en dr e . ma r s/av r il 2013
concevoir le produit. Cela ne tombe
pas du ciel ; c’est un processus
intime, une remise en question de
toutes les valeurs acquises. C’est un
chemin qui nécessite d’être théorisé.
L’homme par nature est un animal
créatif. Voyez, plutôt que de dire que
nous sommes les cousins des singes,
nous nous présentons comme les fils
de Dieu…
Dans le livre que vous venez de publier
avec Gilles Garel, vous parlez du concept
de métaphore moléculaire… Cela semble
presque inquiétant…
Pas du tout, c’est simplement ce qui
me permet d’exprimer ma vision de
l’innovation, de la société et de l’entreprise. Je divise les choses en trois
états. Le premier représente le gaz :
l’enfant nait gazeux, et la créativité
est elle-même gazeuse, chaotique.
Le gaz est à la fois positif (invention,
intuition, liberté créativité, fantai-
sie, rêve) et négatif (utopie, illusion,
confusion). Le côté extraordinaire
du gaz, qui produit l’innovation,
c’est qu’il favorise une probabilité
de rencontre et de réaction énorme.
Cependant, pour qu’un gaz soit
efficace, il faut le mettre dans un
conteneur. C’est là qu’intervient la
deuxième partie, l’élément liquide.
L’exemple typique, c’est l’écolier, ou
la R&D. C’est la zone où les choses
grandissent. La plupart des gens
évoluant dans le design sont dans le
liquide, là où se trouvent le mouvement, la condensation et la fusion.
Le troisième état est solide, cristal,
structure. Là, on parle de politique,
de réalité, de discipline, de normes
Iso… caractérisés par une absence
totale de créativité mais indispensables en cas de conflit. Ce dernier
exemple montre que les trois états ne
sont pas exclusifs ; ils coexistent.
Dès lors, comment favoriser l’innovation
en entreprise ?
Il faut donner du temps aux créatifs
et leur permettre de se ressourcer,
tout en attendant des résultats
concrets via une certaine pression.
S’il est important de consacrer
une part de ses forces à l’avenir de
l’entreprise, il faut bien sûr veiller à
constamment rénover les produits
existants et à maintenir les affaires
courantes. C’est un équilibre délicat
à trouver mais qui amène des
résultats. Je suis pour le mélange de
talents - ingénieurs, penseurs, développeurs - au sein des groupes de
travail. Augmenter les points de vue
permet d’accroître la vision globale.
www.lyon .cci.fr

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