Le principe d`égalité

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Le principe d`égalité
Pierre BRUNET
Fiche de niveau 4. Droit public de l’économie / Les services publics / Les « Lois » du
service public /
2007
Le principe d’égalité
En droit administratif français, le principe s’énonce très simplement : les usagers du
service public se trouvant dans une même situation doivent subir le même traitement. Sa
valeur juridique est consacrée depuis longtemps par un arrêt du Conseil d’État (CE,
Sect., 9 mars 1951, Soc. des concerts du conservatoire, Rec. 151 qui lui reconnaît la
valeur d’un principe général du droit. Le Conseil constitutionnel lui a reconnu une valeur
constitutionnelle (Conseil constitutionnel 79-107, 12 juillet 1979, Ponts à péages, Rec.
31). Ce principe découle de l’égalité devant la loi consacrée par la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen (art. 1er).
Cette égalité ne signifie pas que tous les individus doivent toujours être traités de la
même façon. Ainsi, l’administration n’a pas l’obligation de traiter différemment les
situations différentes (CE, Ass., 28 mars 1997, Sté Baxter). En revanche, si des
différences sont possibles, elles doivent être justifiées par des critères objectifs.
À cette égalité devant la loi, s’ajoute aussi une égalité dans la loi : c’est celle que
consacre la Constitution de 1958 lorsqu’elle proclame l’égalité devant la loi de tous les
citoyens « sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Cette égalité n’est plus
aussi formelle que la précédente : elle impose au législateur qu’il ne tienne pas compte
de certains éléments que d’aucuns pourraient trouver objectifs. Ainsi, l’administration ne
peut-elle écarter un candidat de la liste d’un concours en se fondant sur ses opinions
politiques (CE, Ass., 28 mai 1954, Barel, Rec.308 à propos de candidats communistes qui
se présentaient au concours à l’ENA).
Ainsi, selon la jurisprudence du Conseil d’État, l’administration peut déroger au principe
d’égalité dans trois cas : a) elle y est autorisée par la loi – cette situation vaut surtout
pour les services publics rendus obligatoires par la loi : les communes peuvent se trouver
déchargées d’une partie des coûts que représentent les prestations par des mesures
compensatoires prévues par la loi (telles les écoles municipales) obligatoires – ; b) un
intérêt général justifie cette dérogation ; c) il existe une différence de situation
objectivement appréciable entre les usagers (CE, Sect. 10 mai 1974, Sieur Denoyez et
Sieur Chorques, Rec. 274 et CE, 28 avril 1993, Commune de Coux).
C’est bien sûr ce dernier critère qui pose le plus de problème : comment justifier d’une
différence de situation entre les usagers ? Tous les critères sont-ils pertinents ? La
réponse est bien évidemment négative : le juge administratif apprécie cette pertinence
au regard de l’objet du service et des conditions de financement même du service public.
Le Conseil d’État a cherché à clarifier ce point en posant que « le principe d’égalité (…) ne
s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon
différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons
d’intérêt général, pourvu que, dans l’un comme dans l’autre cas, la différence de
traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la norme qui l’établit » (CE, Ass.,
28 juin 2002, Villemain, Rec. 586).
La question est donc de savoir si le critère retenu pour établir une différence de situation
entretient un lien avec la prestation fournie. Ainsi, par exemple, une prestation sociale ne
doit pas masquer une politique démographique et une ville ne peut réserver aux seuls
nationaux le versement d’un congé parental d’éducation qu’elle a elle-même institué
dans le but de favoriser les naissances chez les nationaux (v. CE, 30 juin 1989, Ville de
Paris c. Lévy).
L’administration peut donc, dans certaines conditions, déroger au principe d’égalité et
ainsi, ou bien réserver l’accès au service à certaines catégories de personnes, ou bien
pratiquer des tarifs différents selon les usagers.
Pour ce qui concerne les différences établies entre les usagers pour l’accès au service, le
CE a adopté une jurisprudence assez subtile fixée par l’arrêt CE, Sect., 13 mai 1994,
Commune de Dreux au terme duquel il admet qu’une personne publique réserve l’accès
au service aux personnes qui « entretiennent un lien particulier avec la commune », à la
condition toutefois que ce « lien » ne se réduise pas à un critère de résidence.
Le CE a également admis que les personnes publiques pratiquent des tarifs différents
selon les usagers, mais à la condition que le tarif le plus élevé n’excède pas le coût de
revient du service (CE, Sect., 5 oct. 1984, Commissaire de la République de l'Ariège, Rec.
315).
Le CE a également admis que les tarifs d’un SPA pouvaient varier selon les revenus des
usagers au seul nom de l’intérêt général (CE, Sect., 29 décembre 1997, Cmne de
Gennevilliers et Cmne de Nanterre).

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