La théorie des principes généraux du droit
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La théorie des principes généraux du droit
Catherine Prebissy-Schnall Fiche de niveau 3. Droit administratif général / La hiérarchie des normes / 2007 La théorie des principes généraux du droit La théorie des principes généraux du droit est une construction jurisprudentielle du juge administratif réalisée pour des motifs supérieurs d’équité afin d’assurer la sauvegarde des droits individuels des citoyens. Elaborée par le Conseil d’Etat (I), la théorie des principes généraux du droit témoigne du rôle créateur du juge administratif qui reste, comme tout juge, soumis à la loi. Cette situation confère une place particulière à la force juridique de ces principes dans la hiérarchie des normes (II). I. L’élaboration de la théorie des principes généraux du droit Outre les diverses déclarations des droits énoncées par les textes constitutionnels successifs au 1er rang desquelles figure la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, toute une série de lois protégeant l’exercice des libertés se sont succédées au cours du XIXème siècle. Mais c’est surtout la IIIème République qui se distingue par le nombre et l’importance des lois considérées comme formant le régime des libertés en France. L’adoption de ces différentes lois s’est justifiée par l’impossibilité de se référer à une déclaration des droits. En effet, les Lois constitutionnelles de 1875 (la IIIème République) ne comportent aucune déclaration de droits ni aucune référence à la Déclaration de 1789. Dans ce silence des textes, le Conseil d’Etat a développé sa jurisprudence relative aux principes généraux du droit affirmant l’existence de principes applicables, même en l’absence de textes. La consécration des principes généraux du droit dans la jurisprudence du Conseil d’Etat date de l’avènement de la IV République. A la fin de la Seconde guerre mondiale et après que les libertés publiques eurent été gravement compromises sous le régime de Vichy, le Conseil d’Etat décide de transformer sa méthode. Dès 1945, le Conseil d’Etat utilise, pour la première fois l’expression « principes généraux du droit » dans un arrêt rendu le 26 octobre 1945, Aramu (Rec., p. 213 : il érige le principe général du respect des droits de la défense au rang des principes généraux du droit). Les changements institutionnels de l’après-guerre sont propices à l’émergence d’une véritable théorie des principes généraux du droit grâce notamment aux dispositions du Préambule de la Constitution de la IV République (1946). Formellement consacrés, les principes généraux du droit ont alors une valeur de règles écrites. Leur violation est constitutive d’un excès de pouvoir aussi bien que d’une faute propre à engager la responsabilité de la personne publique concernée. II. La valeur juridique des principes généraux du droit La place des principes généraux du droit dans la hiérarchie des normes a varié dans le temps et a fait l’objet de controverses avec l’apparition d’un pouvoir réglementaire autonome dans la Constitution de 1958 (article 37). Dans un arrêt du 16 juin 1959, Syndicat général des ingénieurs conseils (Rec., 364), le Conseil d’Etat énonce que les principes généraux du droit résultant notamment du Préambule de la Constitution de 1946 s’imposent à toute autorité réglementaire, même en l’absence de dispositions législatives. Ainsi les règlements de l’article 37 sont soumis à ces principes. A travers cette décision, le Conseil d’Etat a ainsi considérablement renforcé l’efficacité de son contrôle sur la puissance publique au moment où les pouvoirs de l’exécutif venaient d’être accrus par la Constitution de 1958. Classiquement, les principes généraux du droit ont une valeur infra-législative puisque le juge est soumis à la loi et ils ont une valeur supra-décrétale en ce que les règles émanant du juge sont toujours supérieures à la manifestation la plus élevée du pouvoir réglementaire. Cette construction jurisprudentielle est soumise aujourd’hui à une sorte de concurrence provenant du développement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. A partir de 1971, le Conseil constitutionnel affirme le caractère constitutionnel des principes généraux du droit dérivant du bloc de constitutionnalité. Ceci pose de délicats problèmes de coexistence entre les deux ordres de juridictions car le Conseil d’Etat refuse parfois de s’aligner sur les positions du Conseil constitutionnel. Il s’agit d’une forme de résistance qui s’est déjà manifestée à l’occasion du principe selon lequel le silence gardé par l’administration vaut décision de rejet, reconnu par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 26 juin 1969 (DC n°69-55 L , Protection des sites, Rec. p. 27 ; http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1969/6955l.htm) et non admis comme tel par le Conseil d’Etat dans son arrêt du 27 février 1970, Commune de Bozas (Rec., p. 139). Cependant, depuis quelques années, le Conseil d’Etat accepte de substituer à ses propres principes généraux du droit des principes constitutionnels correspondants. Il a d’ailleurs été plus loin en consacrant, lui-même, l’existence d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République (CE, Ass., 3 juillet 1996, Koné, Rec. p. 255 : principe selon lequel l’Etat doit refuser l’extradition d’un étranger lorsqu’elle est demandée dans un but politique). Bibliographie B. JEANNEAU, Les principes généraux du droit dans la jurisprudence administrative, Sirey, 1954. G. VEDEL, « Réflexions sur quelques apports de la jurisprudence du Conseil d’Etat à la jurisprudence du Conseil constitutionnel », in Mélanges R. Chapus, Montchrétien, 1992, p. 662. B. MATHIEU et M. VERPEAUX, « La reconnaissance et l’utilisation des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République par le juge : la contribution de l’arrêt Koné du Conseil d’Etat à l’analyse de la hiérarchie des normes en matière de droits fondamentaux », D. 1997, chron.,p. 219.