Article évènement Bilan de compétences

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Article évènement Bilan de compétences
Le Bilan de compétences : un outil de gestion des carrières…
Quand la sécurisation des parcours professionnels, la gestion des compétences et des
ressources humaines deviennent des logiques indispensables à la pérennisation des
entreprises françaises face à l’allongement de la durée de vie au travail, et aux différentes
mutations économiques, technologiques et sociétales actuelles. Quels sont les enjeux et
l’intérêt d’utiliser et de valoriser la mise en œuvre d’un dispositif tel que le Bilan de
Compétences tant pour les salariés que pour les entreprises?
Marie DUCHAINE directrice de l’IDC (Institut pour le développement des Compétences), a
créée en 2004 un service transversal à la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mans et
de la Sarthe, sa finalité : « faire le lien entre les entreprises, les personnes et le territoire ».
C’est dans cette logique que l’IDC, centre de Bilan de Compétences, qui accompagne et
conseille depuis cette date, les salariés et les entreprises du bassin sarthois sur les
problématiques liées à la gestion des ressources humaines et aux trajectoires de carrières, a
souhaité mettre en place ce 19 avril 2011, un évènement portant sur le Bilan de
Compétences.
Quel avenir pour le Bilan de Compétences ? Quels sont les atouts et les limites de ce
dispositif? Les réformes de la formation professionnelle ont-elles favorisé le recours à
cet outil ? Le Bilan de compétences a-t-il toujours toute sa légitimité face aux
différentes critiques qui peuvent lui être faîtes ? Et face aux besoins exprimés par les
entreprises et les salariés sur les questions de mobilité et de trajectoire
professionnelle ?
Après 20 ans d’existence… L’enjeu de cette manifestation était de pouvoir réunir et
mobiliser l’ensemble des acteurs du Bilan de Compétences, afin d’appréhender au mieux les
effets de cet outil avec les perceptions de chacun. Pouvoir dégager une base de réflexion
commune sur ses perspectives, tel était l’intérêt de cet évènement, qui a rassemblé une
soixantaine de personnes : institutions (Maison de l’Emploi et de la Formation, DIRECCTE des
Pays de la Loire, APEC,…), OPCA (Fongecif, Agefos,…), entreprises sarthoises, expert sur la
question des mobilités professionnelles, anciens bénéficiaires du Bilan de Compétences, et
accompagnateurs de Bilan de compétences.
Plusieurs temps ont été délimités chacun d’entre eux permettaient de croiser les différentes
visions des acteurs présents et de faciliter les temps d’échanges et de partage. Ainsi,
l’évènement s’est déroulé de la manière suivante : (1) Présentation de la pratique du Bilan
de Compétences à l'IDC, (2) Témoignages de personnes accompagnées dans le cadre du
bilan de compétences et de dirigeants d'entreprises, (3) Intervention d'un expert M. HESLON
(Directeur de l’IPSA d’Angers) sur la thématique : « Bilan de compétences et formation tout
au long de la vie », (4) Echange interactif entre les intervenants et les participants)
Bilan de compétences : cadre légal (financement, mise œuvre,…), objectifs, étapes,
contenu et modalités pédagogiques…
Maud CHOLEAU (Référente Bilan de Compétences et Psychologue du Travail à l’IDC) ne pouvait
pas débuter cet évènement sans rappeler les principes essentiels qui sous tendent ce dispositif,
ainsi que l’éthique des consultants de l’IDC. L’accent est porté sur la nécessité que le
bénéficiaire soit véritablement motivé et volontaire pour s’inscrire dans cette démarche. Le
point de départ d’un Bilan de Compétences résulte d’abord et avant tout pour le salarié d’une
envie de faire évoluer sa vie professionnelle. Car « c’est le salarié qui est acteur de son bilan »,
et non son conseiller qui est présent pour l’accompagner et pour faciliter les prises de décisions
professionnelles. Si cet aspect est précisé c’est que : « Certaines personnes peuvent attendre
beaucoup du bilan de compétences et se créer de fausses idées sur ce qu’il peut leur apporter.
A savoir, on va me dire pour quel métier ou pour quelle entreprise, je suis fait. Rappelons que le
bilan n’est pas outil miracle qui permet d’apporter toutes les solutions aux différentes
problématiques professionnelles, et que ce sera au bénéficiaire de déterminer tout ça». Il est
donc essentiel de prévenir la personne avant qu’elle ne s’engage dans cette démarche, que
tout ne se fera pas tout seul, qu’un bilan de compétences exige du temps, de la disponibilité et
un important travail d’investissement personnel. Le FONGECIF met également en avant ce
point : « 80% des personnes qui réalisent un Bilan de Compétences le font en dehors de leur
temps de travail. Quant on sait l’investissement et les démarches personnelles nécessaires pour
définir et mûrir un projet, il est très important d’insister sur cette notion de temps. Pour les
centres de bilans, nous leur conseillons de ne pas hésiter à proposer un étalement du Bilan de
Compétences dans la durée, même si la majorité des personnes veulent des réponses
immédiates.»
Que peut-on attendre d’un Bilan de compétences et quels sont ses effets tant
pour le salarié que l’employeur ?
Les différents témoignages d’anciens bénéficiaires de bilan de compétences traduisent les
différents apports du bilan de compétences concernant des mobilités externes ou internes à
l’entreprise.
Mme LANGLOIS assistante administrative et commerciale explique « Je souhaitais réaliser un
bilan de compétences, car je ressentais un véritable besoin de changer de métier et
d’entreprise. Pendant plusieurs années, je devais faire les trajets pour me rendre à mon
entreprise qui se trouvait sur Paris. Ca devenait insupportable… Contre toutes attentes, le
Bilan de compétences m’a finalement permis de me remobiliser sur mon métier initial me
permettant de mieux cerner ce que je recherchais et en reprenant confiance en moi. Il m’a
permis de retrouver l’énergie, la volonté et la motivation pour me positionner sur le marché
de l’emploi local et trouver du travail».
M. BOSC confirme: « Désirant évoluer au sein de mon entreprise actuelle, le Bilan de
compétences m’a permis de faire un arrêt sur image à un instant T et de prendre le recul
nécessaire pour bâtir mon projet. Il m’a également permis de disposer de tous les arguments
pour faire valoir cet objectif professionnel auprès de ma direction.»
M. DEROCHEMONTEIX : « J’avais pour idée de créer ma propre entreprise, mais je n’étais pas
sûr de cette piste. Je voulais pouvoir évaluer objectivement ce projet et avec neutralité. Il
était important pour moi de pouvoir me poser les bonnes questions et de connaître
précisément ce que je sais faire et ce que j’étais capable de mettre en œuvre. Le bilan m’a
apporté toutes ces réponses. J’ai depuis lancé mon entreprise qui marche bien».
Ainsi, pouvoir maintenir et développer son employabilité, s’approprier à la fois ses
ressources sociales et personnelles, ainsi que ses compétences, et ses motivations
intrinsèques ; définir et élaborer son projet, construire son plan de carrière et/ou de
formation ; reprendre confiance en soi… telle peut être la liste non-exhaustive des apports
de cette démarche. Cependant, bien que ces témoignages, illustrent bien l’utilité du Bilan de
compétences pour gérer sa trajectoire de carrière que ce soit en interne ou en externe. De
nombreuses idées préconçues persistent, ainsi aujourd’hui trop salariés n’osent pas réaliser
un bilan par de crainte de se « faire mal voir » par son entreprise, et il est vrai que toutes les
entreprises non pas une bonne visibilité (voir même aucune) de cette prestation et de ses
objectifs. Ce qui n’est pas le cas de l’URSSAF du Mans (110 salariés) et de GKN Driveline
entreprise (de 550 salariés) spécialisée dans les domaines automobile et aéronautique situé
à Arnage :
M. LAMBERT Responsable Emploi et Formation chez GKN : « Avant 2005, nous n’utilisions
pas véritablement cet outil comme un dispositif nous permettant de mieux gérer nos
ressources humaines, mais uniquement pour l’externalisation… Depuis 2005 et l’apparition
du DIF, nous avons parfaitement intégré ce dispositif dans notre politique, et nous
encourageons sa mise en œuvre pour certains de nos salariés suite aux bilans annuels
d’activité... En dehors de l’externalisation, et des demandes d’évolutions internes, nous
avons pu aussi mesurer les bienfaits (regain de motivation, épanouissement personnel) de
cette démarche auprès de salariés ayant développé un handicap professionnel et pour qui
les opportunités en interne restaient limités au regard de leur pathologie. Pour nous, le Bilan
est vraiment devenu un outil au service de l’entreprise nous permettant d’identifier les
motivations et de révéler les compétences de collaborateurs… Notre principal objectif réside
vraiment dans le fait de pouvoir accompagner les trajectoires de carrières de nos salariés et
de les soutenir dans leurs éventuelles transitions professionnelles… »
Maryse DEMY Responsable des ressources humaines à l’URSSAF : « Nous avons mis en place
plusieurs réunions d’informations collectives pour permettre à nos salariés de connaître les
différents dispositifs de formation existants tels que le DIF, le Bilan de compétences, la VAE.
A nos yeux, c’est notre rôle d’informer les personnes sur leurs droits… Le bilan de
compétences permet aux salariés qui le désirent de faire un point sur leur situation
professionnelle, et d’élaborer de nouveaux projets. Il n’est pas pour nous systématiquement
associé à mobilité externe comme peuvent le penser certaines personnes.
C’est aussi, un moyen qu’on utilise pour accompagner et pour préparer le passage à la
retraite des Séniors afin qu’ils puissent mieux vivre cette transition et développer des
compléments d’activités... Actuellement, nous sommes sur un projet de régionalisation,
dans ce cadre le bilan pourra être une aide à l’orientation au niveau interne. »
L’intégration du Bilan de compétences comme véritable outil de gestion des compétences
dans la politique des ressources humaines de ces entreprises, démontre bien la volonté de
pouvoir accompagner les transitions professionnelles de leurs salariés. Un constat persiste
cependant : celui de la mise en œuvre du Bilan de Compétences plus favorablement dans le
cadre du DIF (comme en témoignent ces deux entreprises) que dans celui du plan de
formation soulève la question du réel désir des entreprises à investir la construction des
parcours professionnels.
En quoi, le Bilan de compétences contribue-t-il à la sécurisation des parcours
professionnel ?
L’allongement de la durée de vie et du travail, inscrit actuellement le contexte de la mobilité
dans une crise de la durée explique M. HESLON (Directeur de l’IPSA d’Angers). Auparavant,
les orientations étaient pour une grande majorité des cas davantage subies, que choisies. On
parle aujourd’hui de « Chaos vocationnel » qui serait lié à l’alternance de questionnement
tout au long des étapes de vie d’une personne au travail par la progression permanente dans
le temps de l’identité et des projets professionnels, de part l’incertitude et l’instabilité
économique. Or, en France le besoin de sécurité augmente de plus en plus auprès de la
population active, toujours en rapport au temps… Mais pas uniquement... Quand l’avenir est
synonyme de progrès dans d’autres pays, dans notre société il est plutôt associé aux termes
de chaotique et de menace allant de pair avec une culture centrée sur le passée et le devoir
de mémoire. Avec une articulation des temps de la vie: un temps de formation au début de
la vie « on apprend une fois pour toute », un temps de travail et un temps de répit (retraite),
qui pose question, quand on constate que la durée des études s’allongent alors que
paradoxalement il n’existe plus de parcours linéaire, et que l’on a besoin de se
reformer/recycler tout au long de la vie. Le constat est donc bien là : les entreprises
françaises apparaissent bien éloignées du modèle canadien, qui permet aux salariés de
prendre au bout de 6 ans, 1 an de congé sabbatique pour se former tout en proposant des
aménagements de travail et de salaires.
De nombreux travaux se sont portés sur la manière dont les personnes pouvaient gérer les
transitions, associées auparavant aux rites de passage (diplômes, mariage, travail,
retraite,…), aujourd’hui, ces rituels ont peu à peu disparues avec nos sociétés modernes
augmentant ainsi « les crises de vie ». La réalisation d’un Bilan de compétences serait une
des stratégies de coping, qui permettrait à la personne en anticipant la transition de mieux la
vivre.
Le bilan permet également d’apporter le soutien nécessaire avec l’entourage familier pour
que la personne s’adapte au changement et intègre cette idée. Ce n’est qu’à travers ces
deux regards que les projets pourront aboutir.
Quels enjeux autour des compétences ?
Aux notions de savoir, de savoir-faire et de savoir-être qui caractérisent les compétences, M.
HESLON ajoute celles de savoir faire savoir (transmettre, communiquer), savoir faire faire (à
des machines, collègues,…) et savoir devenir (actualiser ses compétences, transformer son
identité). Les dispositifs individuels tels que la VAE et le Bilan de compétences permettent
justement d’accompagner ses évolutions de l’identité, de pouvoir gérer ce capital
compétences en pouvant les nommer, et ainsi les valoriser et les mettre en perspective par
leur transférabilité.
Quelles perspectives pour le Bilan de compétences?
Après un quizz portant sur la prestation Bilan de Compétences et ses spécificités. La
question : « Quelles sont vos suggestions pour continuer à faire vivre ce dispositif ? » a été
posée à l’ensemble des acteurs du Bilan.
Ainsi dans les propositions qui ont été évoquées :
- La possibilité d’avoir des conventions de stage par l’entreprise pour pouvoir évaluer
et valider son projet professionnel et/ou ses compétences pendant ou suite au Bilan.
Comme évoquée par le FONGECIF et par d’autres participants tout au long de
l’évènement, il est vrai qu’aujourd’hui les salariés ne peuvent pas bénéficier de
stages. Seuls les demandeurs d’emploi, ou salariés à temps partiel peuvent recourir à
une EMT pour confirmer leur projet. Même, dans le cadre du bilan, des enquêtes
auprès de professionnels sont effectuées, elles restent insuffisantes pour garantir la
réussite d’une reconversion professionnelle.
-
Revoir la législation du Bilan de compétences qui date de 1991. Car bien que cet outil
s’adapte parfaitement aux problématiques professionnelles actuelles, cela ne signifie
pas qu’il ne faut pas le faire évoluer (comme le constate les AGEFOS).
-
Avoir la possibilité d’étaler les différents entretiens sur une période plus longue et de
pouvoir faire un entretien de suivi face à face avec son consultant à 1 an.
Nous pourrons conclure sur le fait que d’appréhender la réalité des transitions
professionnelles tant sur ces aspects individuels que collectifs n’est certes pas une évidence.
Néanmoins, bien que certains dispositifs comme le Bilan de compétences aient largement
prouvés leur efficacité et leur utilité dans le cadre de la gestion des carrières, ils ne sont que
trop peu utilisés par les entreprises actuelles.
On peut donc se poser la question de savoir si tous les impacts et les enjeux de la
sécurisation des parcours professionnels ont réellement été appréhendés par les entreprises
ou s’ils restent uniquement de l’ordre des données des pouvoirs publics ? A notre niveau et
au regard de ces informations, nous ne pouvons que conseiller stratégiquement, aux
entreprises qui n’auraient pas encore entrepris de démarche en ce sens, de pouvoir à
minima mettre en place des actions pour permettre à leur salarié d’accéder aux informations
sur ces dispositifs, et au mieux par la suite de s’investir plus concrètement dans la
construction de leurs parcours professionnels.
Virginie MORICE
Consultante et Psychologue du Travail
Institut pour le Développement des Compétences (IDC) –
CCI du Mans et de la Sarthe

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