24 Quand la fatigue Devient Chronique
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24 Quand la fatigue Devient Chronique
Quand la fatigue devient chronique Vous vous sentez épuisé depuis des mois, vous souffrez de trous de mémoire, de maux de gorge et vous ne parvenez pas à récupérer ? Vous êtes peut-être victime d’une maladie rare : le syndrome de fatigue chronique. Presque un an que cela dure. Douze mois d’incompréhension, de doute et de culpabilité. Une année pendant laquelle Audrey, 32 ans, n’a cessé de se sentir fatiguée. Épuisée même, du matin au soir, sans avoir fait quoi que ce soit qui justifie cet état. Comme une torpeur irrépressible qui vous attire sous la couette. Elle se souvient très bien des débuts. Cette impression, soudaine, de ne plus parvenir à récupérer même après une semaine de repos. Puis les maux de gorge, les maux de tête, les troubles de la mémoire à répétition. Au bout d’un mois, la jeune femme décide de consulter. Son médecin diagnostique une dépression et lui prescrit des médicaments. Rien n’y fait. Il faudra un coup de pouce du hasard pour qu’enfin, un ami l’oriente vers un spécialiste parisien. Le diagnostic tombe enfin : Audrey souffre du syndrome de fatigue chronique (SFC). « Cette maladie n’est pas une affection récente, explique Annick Lalanne, présidente de l’Association française du syndrome de fatigue chronique et de fibromyalgie(1). Mais elle n’a été clairement identifiée qu’à la fin des années 1980. Ses symptômes sont communs à de nombreuses autres pathologies : on a longtemps confondu le SFC avec la dépression, par exemple. » Des causes mal déterminées Les causes de ce syndrome, caractérisé notamment par l’aspect invalidant et inexplicable d’une fatigue persistant au-delà de six mois, restent mystérieuses. Des chercheurs ont évoqué des origines génétiques, d’autres ont mis l’accent sur un mauvais fonctionnement du système endocrinien ou du système neurologique. Certains spécialistes attribuent la maladie à des troubles nerveux : le SFC serait une réponse psychologique de l’organisme à une situation de stress à laquelle il est incapable de faire face. Mais cette explication reste largement insatisfaisante. « Les choses avancent lentement, reconnaît le Pr Cabane, chef de service à l’Hôpital SaintAntoine, à Paris, pour la simple raison que cette pathologie est encore peu reconnue en France. Les patients sont trop souvent considérés comme des malades imaginaires, que l’on promène de service en service sans poser de diagnostic. » Peu à peu, cependant, la situation évolue. De nombreux congrès médicaux(2) permettent aux généralistes de mieux connaître le SFC. Ce qui permettra sans doute, à terme, de mieux prendre en charge des malades en plein désarroi. Cédric Portal (1) Association française du syndrome de fatigue chronique et de fybromyalgie, Résidence Porte de Gand, 9, rue du Pont à Raisnes – 59800 Lille. Tél. : 03 20 74 89 02. (2) La 3e Journée scientifique de l’Association française du syndrome de fatigue chronique et de fibromyalgie se déroulera à Paris le 1er avril 2005. 1/2 Union régie par le code de la mutualité enregistré sous le n°444 279 699 Encadré 1 Des signes qui ne trompent pas Il ne faut pas confondre fatigue et fatigue chronique. Pour être défini comme tel, un syndrome de fatigue chronique se caractérise par trois conditions essentielles : un état de fatigue invalidant qui dure depuis au moins six mois, l’exclusion de toute autre maladie qui pourrait présenter les mêmes signes et la présence d’au moins huit des symptômes suivants : épuisement après un effort physique, gorge endolorie, maux de tête, faiblesse et douleur musculaires, douleurs dans les articulations, troubles du sommeil (hypersomnie ou insomnie), troubles de l'appétit (boulimie ou anorexie), côlon irritable, crampes abdominales, irritabilité, frissons, suées nocturnes, difficultés de concentration, pertes de mémoire, confusion et dépression. (Source : Association française du syndrome de fatigue chronique et de fibromyalgie.) Comment se soigner ? Il faut se rendre à l’évidence : aucun traitement, à ce jour, n’est totalement efficace contre la fatigue chronique. Les solutions proposées par les médecins visent seulement à soulager les symptômes de la maladie… ce qui n’est déjà pas si mal ! Deux approches sont actuellement privilégiées. La première recommande une prise en charge psychologique, qui n’évacue pas la fatigue mais permet d’apprendre à mieux la supporter – notamment en limitant les accès d’angoisse associés. La seconde passe par une pratique modérée du sport. Des études américaines, publiées l’an dernier par l’Agence sur la qualité et les soins de santé (Agency for Healthcare Research and Quality), montrent en effet que l’activité physique – contrairement à ce que l’on pourrait penser – n’aggrave pas la fatigue mais permet de la diminuer. Les spécialistes recommandent en outre d’éviter, dans la mesure du possible, les situations de stress et de bannir toute consommation d’alcool. Ils conseillent également de prendre un petitdéjeuner consistant, de manger régulièrement toutes les quatre heures au cours de la journée et de boire en abondance. C. P. La maladie en chiffres Faute d’études épidémiologiques, il est difficile de savoir avec précision combien de personnes, en France, sont réellement atteintes. L’Association française du symptôme de fatigue chronique et de fibromyalgie évalue ce nombre à 150 000, en se basant sur des relevés de consultation. Outre-Atlantique, l’Agence sur la qualité et les soins de santé (Agency for Healthcare Research and Quality) estime qu’entre 0,04 et… 2,6% de la population américaine pourrait être concernée, avec une proportion de femmes oscillant entre 65 et 80 % des cas. Il semble aussi que le syndrome se manifeste plus fréquemment chez les adultes âgés de 20 à 50 ans… avec un pic vers 35 ans. C.P.