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Claudia m’ouvre la porte du domicile où elle réside avec sa famille. Brune, les
cheveux mi longs légèrement ondulés, elle porte une robe gris souris à la fois
féminine et pratique, des longues bottes qui montent jusqu’au dessus du genou sur
des collants rouge vifs. Elle est une adolescente de 13 ans, ravissante au regard
différent, qui soigne son look.
"J’ai perdu mon œil gauche il y a deux ou trois ans, sur l’autre œil, un glaucome
dissimule une partie de ma vision". C. me montre, rangée dans un petit étui en inox,
sa lentille/prothèse qui sert à enjoliver son œil sans vue. Pour le néophyte que je suis
la matière s’apparente à de la porcelaine, rien à voir avec la souplesse des verres de
contact ordinaires, la circonférence est irrégulière et large. « C’est un peu difficile à
mettre tous les matins reconnaît C, je n’y arrive pas toute seule, je n’ai pas encore
« le coup de main », alors maman m’aide, Même si je ne mets pas ma prothèse tous
les jours, j’en prends soin, cette lentille rend mon œil plus beau » C’est vrai que la
couleur bleue nuit est très jolie. " Par contre je ne la mets pas lorsque je vais à la
danse ou fais du sport car elle pourrait tomber".
Comme la plupart des adolescentes C. aime les ballades shoppings. C. ne possède
pas encore son "feu vert" (l'équivalent chez les déficients visuels d'un sésame
indispensable avant de s'aventurer seule en ville) et doit utiliser la "technique de
guide" pour se déplacer. Au bras de sa maman, elle évolue à travers places,
boutiques et ambiances de Besançon. Certaines grandes chaînes de magasins
indiquent sur les produits la nature de ceux-ci en braille. Pour C. ce dispositif, qui
n'est pas du tout généralisé, est un plus important dans l'autonomie des personnes
déficientes visuelles. "J"aimerais bien pouvoir lire le prix sans le demander. Si tous
les magasins disposaient de cette "codification" ce serait possible, de plus, je ne me
tromperais pas entre un flacon de shampoing et un flacon de détergent". En ville, C
qui a recours au bras bienveillant de sa maman pour se déplacer, n'échappe pas aux
regards curieux des personnes dites normales qui observent parfois sans nuance ce
"drôle de binôme". Je sens bien que je leur inspire de la pitié, ces regards insistants
sont l'équivalent pour moi d'un manque de respect. Aux personnes dites normales,
j'aurais envie de leur dire que pourtant les déficients visuels sont à peu près comme
eux. D'accord, on ne peut pas faire tout exactement comme eux, mais ce n'est pas
une raison pour nous lancer des regards apitoyés ou d’horreur. J'ai envie de dire aux
lecteurs de votre journal électronique que le plus important est "qu'il ne faut pas
avoir peur de nous".
"Pour compenser ma déficience visuelle je suis constamment à la recherche de trucs
et astuces, je me tiens au courant des équipements nouveaux qui sortent sur le
marché et qui sont susceptibles de me faciliter la vie. Je développe mes autres sens.
Par exemple, je me fie davantage au toucher qu’à l'ouïe. Le toucher c'est plus fiable
car on peut parfois ne pas entendre bien. Par exemple une voiture peut sembler loin
d'après le bruit du moteur, alors, qu'en réalité elle est toute proche. Les bruits ne sont
pas toujours entièrement fiables avec le toucher c’est plus exact. Il m'arrive quelque
fois de sentir sur des poteries par exemple des choses sans les voir rien que par le
toucher. J'ai entendu à la radio un chef d'entreprise témoigner par rapport à une de
ses salariées qui travaillait en chocolaterie. Elle sentait mieux que les personnes
voyantes la texture du chocolat, sa finesse et ses aspérités... Grâce au toucher on va
plus loin, nos perceptions sont plus développées que celles des personnes
voyantes".
"Lorsque je vais au cinéma, je ne me contente pas uniquement des dialogues pour
suivre l'intrigue car sur grand écran je distingue mieux, j'ai juste quelques hésitations.
Dernièrement, dans le film "Le diable s'habille en Prada", je ne suis pas certaine que
ce soit le vrai Karl Lagerfeld qui apparaissait. Je le connais pour l'avoir vu dans les
magazines mais je ne suis pas sûre de bien l'avoir reconnu".
Depuis peu le CREESDEV a négocié avec le cinéma des Beaux Arts de Besançon
l'accès gratuit pour ses élèves. Ainsi le mercredi après midi, et à fortiori, à cette
saison, il n'est pas rare d'y retrouver un escadron d'élèves du C.R.E.E.S.D.E.V.
FMB