Du racisme autorisé

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Du racisme autorisé
Du racisme autorisé
Des Indigènes de la République à Eric Cantona, monte une petite musique
racialisante sous couvert d’antiracisme. Pour certains, les coupables sont
tout trouvés : les «Blancs» en général et les Juifs en particulier.
Je ne voulais pas parler du livre de Houria Bouteldja, Les Blancs, les Juifs
et nous, mais l’actualité, cette plaie du chroniqueur, et sa provende aussi,
m’oblige à y revenir. Je l’ai lu il y a deux mois, en me disant qu’il
faudrait partir de cet « et nous » — mais qui, « vous » ? Les Indigènes de la
République, dont Bouteldja est l’égérie ? Trois pelés et quatre barbus. Rien
qui méritât cinq lignes. Thomas Guénolé a fait cela très bien chez Frédéric
Taddeï.
« Nous » ? De vrais racistes ?
Erreur de lecture. Ce qui constitue ce titre (qui, si je l’écrivais sous la
forme Les Arabes, les Juifs et nous, m’attirerait les foudres de la justice),
ce sont ces deux virgules et ce « et » qui n’est pas inclusif mais,
curieusement, exclusif. Il y a les Blancs, sous-groupe les Juifs — et en
face, ce « nous » qui se veut glorieux et qui n’est pourtant qu’un symptôme,
comme le serait une fièvre ou une éruption cutanée.
De quoi ce « nous » est-il le nom ? Ma foi, Eric Cantona, qui a manifestement
donné trop de coups de tête dans trop de ballons pleins de vide, l’a défini
en creux il y a huit jours, et Karim Benzema en a défini les contours 48
heures plus tard : le « nous », ce sont les victimes du racisme supposé du
reste de la population française — comprenez, les Blancs, sous-groupe les
Juifs. Etonnez-vous après ça que les plus fachos des nervis du FN et les plus
extrémistes des salafistes en cours de formation se retrouvent à applaudir
Dieudonné…
Jamel Debbouze, que l’on a connu plus inspiré, en a rajouté une couche vingtquatre heures plus tard — ah, cette dictature de l’émotion et du tac au tac,
qui empêche de tourner sept fois sa langue dans sa bouche ou celle de sa
voisine… Dire, dire quelque chose, dire du grand n’importe quoi, mais dire !
Dire qu’il y en a pour croire que c’est cela, s’exprimer ! On devrait
condamner tous ces gens-là au silence — footballeurs à QI d’huître,
humoristes à cervelle d’oursin, journalistes en mal de copies, et
chroniqueurs rivés à leur souris. Vingt ans de silence ! À la trappe ! Les
francs-maçons, lorsqu’ils acceptent un nouveau frère, l’obligent à se taire
un an. Sage précaution dont n’a été exempté que Voltaire, qui avait fait ses
preuves. Pythagore imposait cinq ans d’abstinence langagière à ses disciples,
le temps qu’ils réfléchissent un peu à la quadrature du cercle.
La nation contre les communautés
Mais nous vivons dans la dictature de l’immédiat. Quand de surcroît un
événement aussi minusculement considérable qu’une coupe d’Europe de foot fait
bruire ses fuseaux, comme dit Molière, on ne prend plus du tout le temps de
réfléchir : l’émotion, même factice, prend le pas sur le raisonnement. La
passion, qui parle à tout jamais la langue des supporters et crie, sous une
forme ou une autre, « à mort l’arbitre ! », éructe et prétend passer pour de
la pensée. Mais la pensée, c’est la pesée. Il faut le temps de poser les
éléments du débat dans la balance intellectuelle. Et d’imaginer ce qui fera
la tare — encore qu’en l’espèce — Cantona, Debbouze, Benzema et consorts —,
on ait tout ce qu’il faut, comme tares et comme tarés.
Peut-être le foot jadis engendra-t-il une geste épique —
Polony évoque dans Le Figaro du 4 juin la décision de cette équipe du Dynamo
de Kiev qui en 1942 joua dignement contre une équipe d’Allemagne qu’elle
avait été sommée de laisser gagner, la battit et finit fusillée. Eduardo
Galeano (Le Football, ombre et lumière) et Jean-Claude Michéa (Le plus beau
but était une passe) s’en sont délectés. C’est dire à quel point c’est rare.
Mais on n’était pas encore dans le sport-spectacle, et c’était une nation qui
tentait d’exister sur un terrain de foot — pas une « communauté » maghrébinomusulmane, née en 2001 en sifflant la Marseillaise lors d’un France-Algérie
qui a donné le ton aux décennies à venir.
Parce qu’il faut le dire clairement : les racistes, les vrais racistes, ce
sont ces imbéciles (qu’ils soient stupides n’enlève rien au forfait, sinon on
excuserait 99% des truands, qui se déplacent en bandes pour être sûrs d’avoir
deux neurones) qui se croient persécutés sous prétexte qu’ils gagnent des
millions pour occuper du temps d’antenne entre deux pubs.
Mais ce que je voulais ajouter à l’article lumineux de Polony, c’est que ces
manifestations de la Bêtise pure et dure ne sont jamais que le produit du
discours ambiant, le discours du PS et de Terra nova, le discours du camp du
Bien et du fascisme rose, comme dit Emmanuel Todd dans une tribune récente. À
jouer les Beurs contre les autres, à légitimer la Marseillaise sifflée, à
prendre au sérieux les revendications identitaires, à passer des compromis
avec des fondamentalistes pour gagner troix voix, comme l’a raconté Malek
Boutih (qui est à peu près tout ce qu’il reste de sensé au PS, depuis
que Céline Pina ou Pierre Bouchacourt, qui tenaient les mêmes propos, en ont
été exclus), on légitime les propos les plus racistes — puisqu’aussi bien on
ne les dénonce pas. Pauvres petits musulmans milliardaires, qui prétendent
parler pour tous les « frères » exclus !
Comme s’il n’y avait des pauvres que parmi les musulmans, comme s’il n’y
avait d’exclus que parmi les Maghrébins, comme s’il n’y avait de révoltés que
chez les « indigènes » ! Comme si j’étais raciste parce que je m’oppose à la
réforme du collège — et à tous les mauvais coups multipliés par VallaudBelkacem contre l’Ecole de la République.
Le PS, désespéré à l’idée d’être privé l’année prochaine — et pour de longues
années — de toute représentation ne sait plus que faire pour cliver la France
en deux partis opposés — le camp du Bien, et les affreux d’en face. Que l’exUMP se laisse écraser, au gré de ses dissensions internes, dans cette
tenaille idéologique serait stupéfiant si l’on ne faisait la part du
masochisme et de l’envie de ne pas gagner qui semblent parfois les submerger.
Source :© Du racisme autorisé | Causeur

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