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Corpus Médical– Faculté de Médecine de Grenoble
Les pancréatites chroniques alcooliques (269)
Professeur Jacques FOURNET
Avril 2003
Pré-Requis :
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Physiologie de la sécrétion pancréatique
Métabolisme de l'alcool
Sémiologie des douleurs pancréatiques
Résumé :
Les pancréatites chroniques alcooliques (PCA) sont les plus fréquentes des pancréatites
chroniques. La manifestation clinique principale est, pendant des années la douleur
pancréatique, souvent typique survenant chez un adulte jeune évoluant par poussées
parfois compliquées de pancréatite aiguë. Les complications peuvent être traitées
souvent par endoscopie et la radiologie interventionnelle ; la place de la chirurgie est de
plus en plus rare. Au stade tardif, le malade évolue vers l'insuffisance pancréatique
exocrine et endocrine.
Mots-clés :
Pancréatite chronique, pancréatite chronique alcoolique, insuffisance pancréatique.
1. Introduction
Définies par des lésions inflammatoires chroniques, la pancréatite chronique alcoolique
(PCA) est une affection caractérisée par :
• une sclérose irrégulièrement répartie, entraînant une destruction progressive du
parenchyme pancréatique exocrine puis endocrine ;
• des anomalies des canaux pancréatiques avec des zones de sténose et de dilatation ;
• les canaux sont remplis de bouchons protéiques secondairement calcifiés.
Toutes ces lésions tendent à s’aggraver avec le temps, en particulier si l'alcoolisme persiste.
Dans les pays occidentaux, l’étiologie largement prédominante de la pancréatite chronique est
l’alcoolisme chronique : en France, l’alcoolisme est la cause de 85 à 90% des cas de
pancréatite chronique. La durée moyenne de prise d’alcool avant que la maladie ne se
manifeste cliniquement est de 17 ans chez l’homme et 13 ans chez la femme. Ce délai peut
être diminué quand la quantité d’alcool absorbée est importante. La quantité d’alcool peut être
plus faible en cas de prédisposition héréditaire.
La PCA entre dans le cadre des pancréatites chroniques calcifiantes. Elles concernent
l’homme jeune (35-45ans). La maladie peut être diagnostiquée à un stade précalcifié ou à un
stade calcifié (après 15 ans d’évolution plus de 90 % des formes sont calcifiées). La
prédominance est masculine.
2. Circonstances de découverte
La latence clinique peut durer plusieurs années. La PCA évolue ensuite en deux phases
cliniques : une phase initiale durant plusieurs années, marquée par des épisodes douloureux
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avec possibles complications, une phase tardive où l’insuffisance pancréatique exocrine et
endocrine apparaît.
2.1. Soit découverte systématique
Découverte systématique sur une radio de l’abdomen sans préparation de calcification dans
l’aire pancréatique alors que le patient est asymptomatique.
2.2. Le plus souvent
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Episode douloureux de 2 à 3 jours (poussée évolutive sub-aiguë, douleur souvent
typiquement pancréatique).
ou véritable poussée de pancréatite aiguë (PA), il s’agit de poussée de pancréatite
aiguë sur lésion de pancréatite chronique.
2.3. Parfois complications révélatrices
2.3.1. Ictère cholestatique par sténose du cholédoque intrapancréatique
2.3.2. Développement des kystes et pseudo-kystes du
pancréas
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Pseudo-kystes nécrotiques sont le plus souvent localisés au niveau de la queue du
pancréas, ils sont souvent à développement extra-pancréatique : ils peuvent régresser
complètement.
Des kystes et pseudokystes par rétention, dus à l’oblitération d’un canal dont le
territoire reste fonctionnel et continue à sécréter.
Ces pseudo-kystes sont surtout localisés dans la tête du pancréas, leur développement reste en
général intrapancréatique, la compression du cholédoque est possible (toutes les transitions
existent entre les petits kystes microscopiques et les volumineuses collections intra ou intraet extra-pancréatiques).
Les complications possibles des kystes et pseudo-kystes sont :
• l’infection, aboutissant à la formation d’un abcès, la compression de la voie biliaire
principale ou de l’axe spléno-portal responsable d’une hypertension portale
segmentaire,
• l’hémorragie intra-kystique par érosion vasculaire,
• la rupture soit dans un organe creux voisin, (représentant alors un mode de guérison
spontanée), soit dans les tissus extra-pancréatiques ou une séreuse (les épanchements
péritonéaux sont les plus fréquents, suivis par des pleurésies et plus
exceptionnellement par des péricardites ou des épanchements médiastinaux). Ces
épanchements sont caractérisés par leur habituelle récidive après parasynthèse, leur
caractère parfois hémorragique ou purulent, et leur richesse en enzymes pancréatiques
(dosable après ponction).
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2.3.3. Sténose duodénale par hypertrophie de la tête du
pancréas (forme hypertrophique)
2.3.4. Rarement hémorragie digestive externe
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par hypertension portale segmentaire (thrombose spléno-rénale)
par wirsungorragie (érosion vasculaire par un kyste)
2.4. Très rarement cancérisation
2.5. Parfois par les signes de la phase tardive (latence
complète clinique jusqu’à cette phase)
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Stéatorrhée par malabsorption (protides, lipides à longue chaîne, vitamines
hyposolubles, oligo-éléments sauf le fer) avec amaigrissement et même signes de
destruction sévère parfois.
Diabète compensé ou déjà insulinoprive.
3. Eléments du diagnostic
3.1. La clinique est très évocatrice
Sémiologie +++ – homme alcoolique – âge 30-45 ans.
3.2. L’examen physique clinique
L’examen physique clinique est pauvre : rarement perception d’une masse épigastrique par
hypertrophie pancréatique (œdème) ou pseudo-kyste en phase aiguë.
3.3. Orientation biologique
Augmentation de l’amylasémie surtout de la lipasémie, augmentation modérée au cours des
poussées douloureuses évolutives aiguës, (2 à 4-5 fois le taux normal) plus significativement
élevée (N >3) au cours de la plupart des pancréatites aiguës. Augmentation plus spécifique et
plus prolongée de la lipasémie.
3.4. La radiographie sans préparation de l’abdomen
Centrée sur l’aire pancréatique (face, profil, ¾) recherche les calcifications. Elles ont valeur
de diagnostic de certitude si elles existent.
3.5. L’échographie abdominale
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Elle permet de rechercher :
• hyperéchogénécité ou hétérogénécité du pancréas
• une dilatation du Wirsung
• mise en évidence de calcifications
• la présence éventuelles de formations kystiques.
3.6. La TDM (+++) ou la wirsungo IRM
Elle sera pratiquée si les examens précédents sont insuffisants pour le diagnostic :
• recherche de fines calcifications non visibles en 4 et 5.
• montre bien les lésions de pancréatite aiguë et leurs extensions
• montre bien les rapports des kystes avec les organes de voisinage.
3.7. L’échoendoscopie
Elle peut montrer plus finement la structure pancréatique dans les formes débutantes de
diagnostic difficile +++, uniquement.
3.8. La cholangiowirsungographie rétrograde endoscopique
(CWRE)
Elle met en évidence les lésions canalaires, d’irrégularité de calibre, dilatation et sténose. Sa
finesse diagnostique est remplacée aujourd’hui par l’écho-endoscopie ; elle n’est donc
pratiquée que si un acte thérapeutique est indiqué : Sphinctérotomie, extraction de calculs,
prothèse temporaire, traitement de pseudo-kystes par drainage.
4. Diagnostic de certitude
4.1. Soit présence de calcifications sur l’ASP
Le diagnostic est suffisant s’il correspond bien à la scène clinique.
4.2. Même recherche avec échographie et TDM (+++) si ASP
est négatif
4.3. Echoendoscopie
Anomalies caractéristiques des canaux : elle réservée aux lésions débutantes +++.
Ponction pour étude cytologique possible (si doute sur cancer).
4.4. Examen per-opératoire avec biopsie
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Pratiqué dans de rares cas. Le diagnostic avec un cancer peut s’avérer très difficile dans un
nombre limité de cas (forme hypertrophique de PC).
4.5. L'exploration fonctionnelle pancréatique n’est pas réalisée
habituellement pour le diagnostic
5. Il faut différencier la pancréatite chronique aiguë (PCA)
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devant une douleur : il faut éliminer un ulcère gastro-duodénal, plus rarement une
lithiase biliaire ; un cancer du pancréas : imagerie ++, éventuellement cytoponction
possible actuellement par voie per-échoendoscopie, très rarement intervention
chirurgicale à visée diagnostique ; plus rarement l’insuffisance artérielle mésentérique.
En cas de pancréatite aiguë : les pancréatites aiguës d’autres origines (biliaires +++)
Des pancréatites chroniques, d’origine non alcoolique (rares) : hyperparathyroïdie,
forme héréditaire (sujet jeune), forme tropicale par dénutrition ; pancréatite chronique
d’amont par sténose du Wirsung ; pancréatite autoimmune - pancréatite aiguë à
éosinophiles - post-radique). La mucoviscidose parfois révélée tardivement chez
l'adulte (forme à expression plus tardive).
6. Evolution naturelle
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Les deux manifestations cliniques les plus fréquentes sont les poussées douloureuses
aiguës et les pseudo-kystes. C’est dans les 5 premières années d’évolution clinique
que la maladie est la plus symptomatique. Au delà, les complications se font plus rares
et après 10 ans d’évolution, le risque le plus important est celui de la survenue d’un
diabète et d’une stéatorrhée en même temps que le pancréas se calcifie et que les
douleurs régressent.
La courbe de survie actuarielle des malades atteints de PCA montre que la survie est
de l’ordre de 75% à 10 ans et de 50% à 20 ans.
Les trois causes connues de décès sont dans l’ordre, les hépatopathies alcooliques, les
cancers en particulier ORL et les décès post-opératoires pour chirurgie pancréatique.
On remarque donc que les décès de cause connue sont rarement en rapport avec la
PCA elle-même, mais que les conséquences extra-pancréatiques de l’alcoolisme (et du
tabagisme pour les cancers) sont les plus importants.
7. Thérapeutique
7.1. Pancréatite aiguë
7.2. Formes douloureuse simples (poussées douloureuses
aiguës)
7.2.1. Règles hygieno-diététiques
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Suppression totale de l’alcool +++ (même des doses infimes) régime modérément
hypolipidique et riche en protéines. Prise en charge de l'addictologie.
7.2.2. Extraits pancréatiques
Effet possible sur la douleur : ils diminueraient le nombre des crises ( ?)
7.2.3. Antalgiques
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Aspirine, antalgiques non morphiniques (classe I ou II)
Morphiniques si échec des antalgiques usuels
Infiltration splanchique si échec (sous contrôle radiologique)
7.2.4. La persistance d’une douleur ou la récidive d’une
douleur fait discuter
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la reprise de l’alcoolisme +++ (pas toujours avouée+++)
une sténose inflammatoire du Wirsung avec pancréatite d’amont : la mise en place
d’une prothèse biliaire parenchymateuse peut soulager temporairement la douleur et
fait la preuve de son origine.
un calcul du Wirsung (hyperpression intrapancréatique) : extraction après
sphinctérotomie endoscopique.
un kyste ou pseudo-kyste du pancréas
un ulcère gastroduodénal associé assez fréquemment (fibroscopie)
7.2.5. Les indications chirurgicales de résection pancréatique
partielle (duodénaux-pancréatectomie ou résection corporéocaudale)
Sont devenues très rares en cette indication.
7.3. Stéatorrhée
Extraits pancréatiques (avec capsules à délimitement à pH alcalin pour éviter la destruction à
pH acide de l’estomac) traitement très efficace. Régime avec triglycérides à chaîne courte si
nécessaire.
7.4. Diabète
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Au début hypoglycémiants oraux à discuter +++.
Recours fréquent à l’insuline car le diabète est insulinoprive et le sujet maigre et
dénutri+++.
7.5. Kyste et pseudo-kyste
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7.5.1. Drainage kysto digestif par voie endoscopique
(duodénum - estomac)
7.5.2. Ponction (+/- drainage) transcutanée sous contrôle
échographique ou scannographique
7.5.3. Eventuellement traitement chirurgical, anastomose
kysto ou wirsingo-jéjunale
7.6. Cholestase
Si elle persiste avec ou sans ictère, dérivation biliaire par voie chirurgicale.
7.7. Dénutrition
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Elle ne doit jamais être négligée comme trop souvent.
Alimentation entérale nocturne complémentaire si nécessaire (perte >= 10 % du poids
initiale).
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