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4. S ÛRETÉS , PAIEMENTS ET F INANCEMENTS I NTERNATIONAUX
S ECURITIES , I NTERNATIONAL PAYMENTS AND F INANCING
SUBPRIME : LE PRIX DES TRANSGRESSIONS
SUBPRIME: PRICE OF INFRINGEMENTS
Dominique DOISE∗
Banks; Financial markets; Liquidity; Securitisation; Sub-prime mortgages; United States
The main economic reasons for the “subprime” crisis
are generally attributed to the Federal Reserve Bank.
It indeed allowed an excessive growth of monetary
liquidity which generated low interest rates, thereby
giving an incentive not only to resort to an aggressive
sale of loans, but also, for investors and financial
institutions, an accurate search for high yields to
result in the absurd situation noted by two American
authors:
“[I]n the subprime mortgage market in the
United States [. . .] when balance sheets are
expanding fast enough, even borrowers that
do not have the means to repay are granted
credit—so intense is the urge to employ surplus
capital.”
Les causes économiques premières de la crise dite du
« subprime »1 sont généralement imputées2 à la Federal Reserve Bank (banque centrale américaine). Celle-ci
a laissé se créer un excès de liquidité monétaire3 qui a
généré des taux d’intérêts faibles, incitant à la fois à la
vente « agressive » de crédits et à la recherche par les investisseurs et établissements financiers de « suppléments »
de rémunération pour aboutir à la situation absurde relevée
par deux auteurs américains :
« aux États-Unis, sur le marché des crédits hypothécaires à risque [. . .] lorsque les bilans augmentent suffisamment rapidement, on accorde des crédits même
aux emprunteurs qui n’ont pas les moyens de rembourser, tant le désir d’utiliser les capitaux excédentaires est intense. »4
The use of the financing technique known as securitisation contributed to the exportation of the American
crisis out of the United States.
L’utilisation de la technique de la titrisation a contribué à
l’exportation de cette crise américaine hors des Etats-Unis.
The importance of this crisis is for the most part due
to the infringements of traditional rules governing the
distribution of credit as well as the banks’ liquidity.
Son ampleur5 est en grande partie le résultat des transgressions des règles traditionnelles de la distribution du crédit et
de la liquidité des banques.6
For a better understanding of these infringements, we
shall first start with a brief reminder of some of the
factual elements of this crisis.
Pour situer ces transgressions nous rappellerons d’abord
schématiquement quelques unes des données factuelles de
cette crise.
∗ Avocat au barreau de Paris, cabinet Alérion.
La traduction a été assurée par Christian Kim, avocat aux barreaux de Paris et
de New-York, cabinet Alérion.
RDA/IBLJ, N◦ 4, 2008
558
SUBPRIME : LE PRIX DES TRANSGRESSIONS
DONNÉES FACTUELLES DE LA CRISE
THE FACTUAL ELEMENTS OF THE CRISIS
Que sont les « subprime borrowers » et « subprime
loans » ?
What are subprime borrowers and subprime loans?
Le mot « subprime » qualifie une catégorie de prêts
ou d’emprunteurs. Les « subprime borrowers » ont été
définis, dès 2001, par les autorités gouvernementales
américaines,7 comme étant des emprunteurs présentant de
grands risques de défaillance. Ces autorités énumèrent
les situations permettant de classer dans cette catégorie
un emprunteur potentiel. Il s’agit, par exemple, d’individus
mis en faillite personnelle au cours des cinq années précédant le crédit envisagé ou ceux dont les revenus, après
déduction de leurs mensualités d’emprunt, sont insuffisants
pour assurer leurs dépenses courantes. Insolvable, le
« subprime borrower » se distingue du « prime borrower »
(le bon emprunteur potentiel) et du « near-prime borrower » (catégorie intermédiaire). Les « subprime loans »
concernent des concours de toute nature,8 consentis
aux « subprime borrowers » à des conditions généralement
onéreuses, car censées compenser le risque important pris
par le prêteur.9
“Subprime” refers to a category of loans or borrowers.
As early as 2001, “subprime borrowers” were defined
by the Federal Reserve Bank as borrowers displaying
a high credit risk of delinquency. The Government
listed a number of situations which would lead to
include a potential borrower in this category, such as:
Seuls, pratiquement, les prêts hypothécaires « subprime »
sont à l’origine de la crise actuelle (avec les prêts, de la
catégorie voisine, « Alt-A » ou « prêts menteurs »,10 accordés à des emprunteurs qui n’ont pas satisfait à la totalité de l’enquête de crédit ni fourni tous les éléments liés
au dossier de prêt). Compte tenu de l’insuffisance des
ressources des emprunteurs, ces prêts leur ont été accordés en considération de la seule valeur des biens immobiliers les garantissant (biens financés par ces prêts ou
des prêts antérieurs). Le prix de l’immobilier américain
ayant augmenté pendant une période continue d’une vingtaine d’années (souvent à un rythme annuel de l’ordre de
10 pour cent), certains opérateurs économiques ont cru à
la pérennité de cette tendance, et donc à la qualité des
garanties hypothécaires consenties aux prêteurs « subprime
». Systématiquement consentis à taux variables, dépendant des fluctuations des taux d’intérêts à court terme, ces
prêts sont évidemment très sensibles à toute évolution à la
hausse des taux. En l’espèce l’impact de l’augmentation
des taux variables a été aggravé par le fait que nombre de
ces prêts furent consentis avec des taux d’intérêts apparemment réduits pendant une première période (généralement
de deux ans), de telle sorte que pour certains emprunteurs
la hausse a été ressentie comme étant encore plus brutale
et insupportable.
In practical terms, the mortgage subprime market
is responsible for the current crisis (together with a
quite similar category, the “Alt-A” loans, also known
as “liars loans”, which are loans made to borrowers
who have not completed all the credit checks and
lending documents). Given the insufficient resources
of the subprime borrowers, the loans were granted
by taking into consideration only the value of the
real estate which was supposed to guarantee these
loans. As the value of the American real estate
had increased continuously for 20 years (often at a
rate of 10 per cent per annum), certain actors of
the economy believed in the durability of this trend,
and thus, in the quality of the mortgage guarantees
granted to subprime lenders. However, as they were
being systematically granted at variable rates and
as they were dependent on the fluctuations of short
term interest rates, these loans were obviously very
sensitive to any increase of the applicable rates. The
negative impact of the increase was worsened by
the fact that most of these loans had been granted
with an initial incentive period (usually of two years)
during which the interests were apparently nominal.
Thus, and coupled with the expiration of the incentive
periods, the increase of the interest rates caused the
debts to become a burden that was all the more an
unbearable and brutal one for certain borrowers.
“two or more 30-day delinquencies in the last
12 months, bankruptcy in the last 5 years; [. . .]
otherwise limited ability to cover family living
expenses after deducting total monthly debtservice requirements from monthly income.”
As they are insolvent, subprime borrowers are to be
distinguished from “prime borrowers” (i.e. the potential solvent borrowers) and “near-prime borrowers”
(i.e. borrowers who are somewhere in between).
“Subprime loans” refer to any kind of financial facility
granted to subprime borrowers, generally at expensive conditions, since they are supposed to compensate for the high credit risk taken by the lender.
559
SÛRETÉS, PAIEMENTS ET FINANCEMENTS INTERNATIONAUX
Partial export of the American crisis through the securitisation used to refinance the subprime lenders
Exportation partielle de la crise américaine par l’entremise des « titrisations » utilisées pour refinancer les
prêteurs « subprime »
Any loan must be (re)financed. However, the professional lenders generally only scarcely use their own
funds to finance the loans granted to their clients.
They use the funds deposited with them by their
clients, they borrow from the markets, or, as in this
case, resort to the financial technique of securitisation.
Tout prêt doit être (re)financé. Or les prêteurs professionnels n’utilisent généralement que peu de leurs fonds propres pour financer les prêts accordés à leur clientèle. Ils
se servent des dépôts de leurs clients, ils empruntent sur
les marchés, ou comme en l’espèce, ils ont recours à la
technique de la « titrisation ».
Securitisation
La titrisation
For a company that is contemplating a refinancing,
securitisation consists in selling a set of assets (in
the present case, subprime mortgage debts) to an
ad hoc entity called a “Special Purpose Vehicle” (or
“SPV”); the SPVs issue securities (hence the word
“securitisation”) in payment for the assets that they
acquire. These securities are usually called “Asset
Backed Securities” and are divided into countless
sub-categories (e.g. Asset Backed Commercial Paper,
Collateralised Debt Obligations, Residential Mortgage
Backed Securities). These securities are sold to
professional investors who thereby provide SPVs with
the required liquidity to acquire its assets.
La titrisation consiste pour l’entreprise cherchant à se refinancer, à vendre à une entité ad hoc (dénommé « Special
Purpose Vehicle » ou SPV) un ensemble d’actifs (dans le
cas présent des créances hypothécaires subprime), le SPV
émettant des titres (d’où le terme de « titrisation ») pour se
procurer les fonds nécessaires au paiement des actifs qu’il
acquiert. Ces titres sont dénommés habituellement « Asset Backed Securities » (valeurs mobilières adossées à des
actifs) et se déclinent en d’innombrables sous catégories
(« Asset Backed Commercial Paper », « Collateralised Debt
Obligations », « Residential Mortgage Backed Securities »,
etc.). Ils sont vendus à des investisseurs professionnels qui
fournissent ainsi au SPV les liquidités dont il a besoin pour
acquérir ses actifs.
For companies which resort to it, securitisation has
the advantage of having no balance sheet impact:
both assets and the related liabilities are no longer
listed in its books, but in the accounts of the SPVs.
When the companies using securitisation happen to
be banks, the absence of any balance sheet impact has the advantage of reducing the equity requirements necessary to its operation. It should be
reminded, indeed, that banks cannot (exclusively) finance the entirety of its activity (for example, the
loans granted to its clients) through external resources (funds deposited by its clients or loans from
the market), and they have to use part of their own
equity (this is the principle of the solvency ratio or
debt/equity ratio: a percentage of equity is intended to
cover the risks; such percentage can vary depending
on the category of the concerned risk, its duration,
the guarantees obtained, the quality of the debtor,
etc.). If these banks “take out” part of their assets
from their accounts, they will save the equity and be
able to allocate it to other activities. There is no doubt
there is something in it for the concerned banks. But
the central bank to which they are attached may benefit from this practice as well: the central bank may
have then the illusion of a reduction of the commitments the monitoring of which it is responsible for.
La titrisation présente, pour l’entreprise qui y a recours,
l’avantage d’externaliser à la fois des actifs et les passifs
correspondants qui ne figurent plus dans ses comptes, mais
dans ceux du SPV. Lorsque cette entreprise est une banque
cette externalisation présente, de surcroit, l’avantage de
réduire les exigences en fonds propres nécessaires à
son fonctionnement. Rappelons, en effet, qu’une banque
ne peut pas financer l’intégralité de ses utilisations (les
crédits qu’elle consent à sa clientèle, par exemple) par des
ressources externes (dépôts de sa clientèle ou emprunts
sur le marché), mais qu’elle doit y consacrer une partie
de ses fonds propres (c’est le principe du ratio de solvabilité constitué par un pourcentage de fonds propres devant
couvrir un risque ; ce pourcentage varie en fonction de la
catégorie du risque, de sa durée, des garanties obtenues,
de la qualité du débiteur, etc.. . .). Si cette banque « sort
» de son bilan une partie de ses actifs elle économisera
donc des fonds propres qu’elle pourra consacrer à d’autres
activités. La banque concernée y trouvera, bien évidemment, son compte mais la banque centrale dont elle dépend
pourra également en être satisfaite, car elle pourra avoir
ainsi l’illusion d’une diminution de la masse des engagements dont elle doit assurer le contrôle.
560
SUBPRIME : LE PRIX DES TRANSGRESSIONS
L’appréciation des opérations de titrisation par les
« Rating Organizations »
The assessment of the securitisation by Rating
Organizations
Le placement des titres donne lieu à une « documentation », souvent volumineuse et absconse,11 comprenant
l’appréciation des caractéristiques des titres de créances
que le SPV est appelé à émettre et des actifs qu’il se
propose d’acquérir ainsi que l’évaluation des risques qu’ils
présentent.12 Ces appréciations et évaluations sont établies
par l’une des neuf « Nationally Recognized Statistical Rating Organizations » (les fameuses agences de notation),
agréées par la « Security and Exchange Commission »
américaine. Bien que l’agrément dont elles disposent pourrait laisser supposer qu’elles procèdent à une véritable appréciation engageant leur responsabilité, les notations de
ces « Rating Organizations » ne sont, au regard du droit
américain, que l’expression d’une libre opinion non susceptible d’engager la responsabilité de leurs auteurs, car protégée par le premier amendement de la Constitution des
Etats Unis.13
The securitisation of the subprime mortgage loans
is followed by the issuance of a “documentation”,
generally bulky and obscure, which gives an analysis of the characteristics of the securities that the
SPVs will be brought to issue and the assets that
they offer to acquire, as well as the assessment of
the risks pertaining to such assets. These analyses and assessments are carried out by one of the
nine “Nationally Recognised Statistical Rating Organisations” (“NRSROs” and hereafter referred to as the
“Rating Organisations”) accredited by the US Security
and Exchange Commission. Though the authorisation
would lead one to think that these organisations proceed with true analyses and assessments for which
they could be found liable, under American law however, the ratings are merely statements of opinions
that are unlikely to hold the issuers liable, as they are
protected under the First Amendment of the Constitution of the United States.
En réalité, tous les risques des opérations de titrisation
des prêts hypothécaires « subprime » n’ont pas été appréciés par les « Rating Organizations ». En particulier
le risque-pourtant essentiel-de la liquidité des titres émis
par les SPV n’a pas été analysé.14 Les « Rating Organizations » étaient, en toute hypothèse, dans l’incapacité
d’émettre une quelconque appréciation sérieuse sur la liquidité des titres émis par les SPV. En effet, la durée des
titres émis par les SPV pour assurer le refinancement des
prêts hypothécaires à long terme ne coïncide généralement
pas avec la durée de ces prêts mais avec celles des périodes (ou d’un multiple de ces périodes) d’intérêts (période
d’un trimestre, par exemple) de ces prêts, au motif que
ceux-ci se décomposeraient en une succession de prêts à
court terme. Les titres émis par le SPV assurent donc le
refinancement de certains de ces prêts successifs à court
terme et non celui de l’ensemble. Il parait, toutefois, impossible économiquement de décomposer un prêt destiné
à financer l’achat d’une maison sur une durée de 20 ans
(par exemple) en 80 prêts successifs d’un trimestre. La
durée totale de 20 ans sera, en effet et sauf circonstances
heureuses mais généralement totalement aléatoires, indispensable pour permettre à l’emprunteur d’amortir son acquisition. Dès lors, si le SPV ne s’assure pas, au moment
où il acquiert les créances composant ses actifs, de la certitude d’obtenir le refinancement de ces créances jusqu’à
leur terme ultime, il pourra être confronté à une situation de
cessation de paiements à chaque fois qu’il devra émettre de
nouveaux titres pour continuer à assurer ce refinancement.
The truth is that all risks pertaining to the securitisation of subprime mortgage loans have not been
reviewed and/or assessed by the Rating Organisations. In particular, there was no analysis—though
fundamental—of the risks pertaining to the liquidity of
the securities issued by the SPVs. The Rating Organisations were, in any event, unable to give any serious
analysis/review of the liquidity of the securities issued
by the SPVs. Indeed, the term of the securities issued by SPVs to ensure the refinancing of the long
term mortgage loans does not generally match with
the term of these loans, but instead with the interest periods (or a multiple of such interest periods) of
these loans (e.g. a quarter), on grounds that these
loans are composed of a chain of short term loans.
The securities issued by the SPVs thus ensure the
refinancing of some of these successive short term
loans, and not the loan taken as a whole. Still, it
seems impossible from an economic point of view, to
split up a loan purporting to finance the acquisition
of a house with a 20-year term (for example), into 80
successive quarterly-based loans. Indeed, and except
for fortunate though totally random circumstances, the
total duration of 20 years will be required for the borrower to redeem its acquisition. Thus, if at the time
they acquire the debts composing their assets, the
SPVs are not given assurances that these debts will
be refinanced until the expiration of their term, they
may be put in a situation of bankruptcy each time
they need to issue new securities to keep this refinancing going.
561
SÛRETÉS, PAIEMENTS ET FINANCEMENTS INTERNATIONAUX
The assessment of the assets and the enhancement
of the risks
L’évaluation des actifs et les « rehaussements » des
risques
The assets of each SPV being composed of some
thousands of pooled subprime mortgage loans, some
were led to think that they could be analysed, economically speaking, as constituting a low-risk granular
credit portfolio (in the sense that even a simultaneous
delinquency of several borrowers could only represent
a small share of the thousands of borrowers gathered
in the same portfolio).
Les actifs de chaque SPV étant constitués par quelques
milliers de prêts hypothécaires « subprime » mis en
« pool », certains ont cru pouvoir les analyser économiquement comme constituant un ensemble, à risque très faible,
de crédits « granulaires »15 (une défaillance simultanée
d’emprunteurs ne pourrait concerner qu’un pourcentage
faible des milliers d’emprunteurs regroupés dans le même
« pool »).
This low risk would furthermore be reduced by a
structuring of the liabilities of the SPV, and would consist in issuing two (or more) categories of securities;
the second category (which represents, for example,
10 per cent or 15 per cent of the total liabilities, and
hereafter referred to as the “subordinate securities”)
being subordinate to/dependent on the first category
(which thus represents about 85 per cent or 90 per
cent of the total liabilities, and hereafter referred to
as the “priority securities”). This means that the subordinate securities are redeemed only after the priority securities are completely redeemed (generally, the
subordinate securities bear higher interests than the
priority securities, in compensation for the higher risk
they involve). The subordination of a substantial part
of the liabilities would allow the enhancement of the
first or priority part, since for the creators of this system, a simultaneous delinquency of 10 per cent or 15
per cent of the borrowers was not conceivable or had
not been contemplated. It is notably because of the
use of these enhancement methods that the Rating
Organizations believed that they could give a better
rating to non-subordinate or priority securities issued
by SPVs.
Ce risque faible serait encore réduit par une « structuration » du passif du SPV consistant à faire émettre deux (ou
plus) catégories de titres, la seconde (représentant, par exemple, 10 ou 15 pour cent du total du passif) étant subordonnée à la première (représentant donc 85 ou 90 pour
cent du total du passif). La subordination de la seconde
tranche du passif, signifie que les titres de cette tranche
ne sont remboursés qu’après complet remboursement des
titres de la première tranche (en général les titres subordonnés portent un intérêt plus élevé que les titres prioritaires en
compensation de leur nature plus risquée). La subordination d’une partie relativement substantielle du passif permettrait le « rehaussement » (« enhancement »16 ) de la première tranche, car pour les concepteurs de ces systèmes
une défaillance simultanée de 10 ou 15 pour cent des emprunteurs n’était pas envisageable. C’est, notamment, à
cause de l’emploi de ces méthodes de « rehaussement »
que les « Rating Organizations » ont cru pouvoir donner
les meilleures notes aux titres non subordonnés émis par
les SPV.
The crisis
La crise
The securities issued by SPVs—thus loaded with subprime mortgage loans—may have appeared to be
the kind likely to offer the additional compensation
sought by certain financial institutions without taking
any excessive risks, since these securities benefited
from the best ratings given by the Rating Organisations. This is how and why some banks acquired
them; they also acquired securities issued by SPVs
insuring the refinancing of funds (and notably hedge
funds) through the leverage effect. Indeed, these
funds had had recourse to securitisation to raise the
funds required in the acquisition, not only of the securities issued by SPVs financing subprime loans, but
also other assets; the securities issued in connection with these second level securitisation transactions
are called CDOs (Squared Collateralized Debts Obligations), and their analysis is made difficult as they
are derivatives of derivatives.
Les titres émis par les SPV logeant les crédits hypothécaires « subprime » ont pu paraître de nature à offrir le supplément de rémunération recherché par certains établissements financiers sans prise de risque excessive, dès lors
que ces titres bénéficiaient de la meilleure notation donnée
par les « Rating Organizations ». Certaines banques les
ont donc souscrits ou achetés. Elles ont également acquis
des titres émis par des SPV assurant le refinancement de
fonds, tels que des « hedge funds », utilisant les « effets de
levier ». Ces fonds ont, en effet, eu recours à des mécanismes de titrisation pour lever les fonds nécessaires pour
l’acquisition, non seulement des titres émis par les SPV finançant les « subprime loans », mais également d’autres
actifs, les titres émis à l’occasion de ces opérations de titrisation de second niveau étant dénommés CDO 2 (« Collateralized Debts Obligations » au carré) dont le caractère de
« dérivés de dérivés » rend souvent l’appréciation difficile.
562
SUBPRIME : LE PRIX DES TRANSGRESSIONS
La suite est connue. La remontée des taux d’intérêts (les
prêts aux « subprime borrowers » sont à taux variables)
combinée à la baisse du prix de l’immobilier a transformé
ce que l’on pensait être des « pools » de crédits granulaires
à risque faible en des « pools » de crédits homogènes tous
compromis.17 Par ailleurs, le refinancement, par l’émission
éventuelle de nouveaux titres à court terme, de dettes à
long terme compromises et non liquides (celles des emprunteurs primaires « subprime ») est devenu impossible,
car de tels titres, adossés à des actifs douteux sont, par
hypothèse, invendables.
The rest is known. The increase of interest rates (the
loans to subprime borrowers being granted at a variable rate), combined with the drop in the price of the
real estate has turned what were thought to be pools
of low-risk granular credit portfolios into pools of homogenous jeopardised loans. Furthermore, the refinancing through the potential issuance of new short
term securities, and jeopardised and non-liquid long
term debts (i.e. of the subprime borrowers), has been
made impossible as such securities, when backed
with uncertain assets, are presumably unsellable.
La crise n’a, toutefois, atteint son ampleur actuelle, qu’en
raison de la transgression par certains établissements financiers des principes les plus anciens régissant la distribution du crédit et la liquidité.
However, the crisis has reached the importance that
it has today only because certain financial institutions
infringed the long-established principles governing
distribution of credit and liquidity.
LA VIOLATION D’UN PRINCIPE ESSENTIEL DU
CRÉDIT : NE JAMAIS PRÊTER EN CONSIDÉRATION
DES SEULES GARANTIES
INFRINGING A FUNDAMENTAL PRINCIPLE OF
CREDIT: NEVER GRANT A LOAN BASED SOLELY
ON THE AVAILABLE GUARANTEES
Naguère, tout cadre débutant commençant une carrière
bancaire apprenait qu’il ne fallait jamais prêter en considération des seules garanties18 offertes par un débiteur.
In the old days, any bank’s officer beginning his
career was taught never to lend money based solely
on the guarantees offered by the debtor.
Le principe est ancien.19
Un prêteur doit avant tout
prendre en considération la capacité de remboursement de
l’emprunteur et non les garanties du prêt.
This principle is a long-established principle.
A
borrower must above all things take into consideration
the borrower’s capacity to redeem the funds, and not
the guarantees surrounding or conditioning the loan.
Il a été formulé, encore récemment, par la cour d’appel de
Paris dans les termes suivants :
And it was recently reaffirmed by the Court of appeal
of Paris in the following terms:
« Le prêteur doit prendre en considération lors de
l’octroi du prêt, non seulement les garanties notamment
immobilières fournies par les emprunteurs qui ne sont
mises en oeuvre qu’en cas de défaillance mais aussi et
surtout leur capacité à rembourser selon les dispositions
du contrat c’est-à-dire à remplir leurs obligations, ceci
dans l’intérêt tant du prêteur que de l’emprunteur. »20
“at the time of the granting of the loan, the borrower must take into consideration not only the
guarantees—notably real estate guarantees—
provided by the borrowers and which shall be
triggered in the event of their delinquency, but
also and most importantly, their capacity to redeem the loan according to the provisions of the
contract, that is, their capacity to perform their
obligations, in the interest of both the lender and
the borrower ”.
Manifestement, ce principe, qui paraît si évident dans beaucoup de pays européens, ne l’était pas aux Etats-Unis.21
De manière systématique, certains prêteurs américains ont
consenti des prêts sur gage à des emprunteurs dont la
principale caractéristique était leur insolvabilité. Au premier
retournement du marché des actifs immobiliers donnés en
gage, les crédits consentis à ces emprunteurs devenaient
inéluctablement douteux.
Apparently, this principle, which was regarded as obvious in many European countries, was not so in the
United States. Some American lenders had systematically granted pledge loans to borrowers which were
notoriously insolvent. At the first reversal of the residential real estate market, the loans granted to the
concerned borrowers became inescapably uncertain.
Il n’est pas impossible que des banquiers européens n’aient
même pas pu concevoir que le prêt à des insolvables sur la
seule prise en considération de garanties ait pu être érigé
en système ; cela explique peut-être en partie l’ampleur de
la crise.
It is not excluded that the European bankers could not
even have imagined that loans granted to insolvent
borrowers based solely on the guarantees could
become a system of its own; this could—perhaps
partly—explain the extent of the crisis.
563
SÛRETÉS, PAIEMENTS ET FINANCEMENTS INTERNATIONAUX
INFRINGING THE RULES GOVERNING LIQUIDITY
VIOLATION DES PRINCIPES TENANT À LA LIQUIDITÉ
What is this all about? This is about a simple
idea, but which was discovered only in the late
19th century. The bank represents “other people’s
money”; in other words, the bank of course has its
own funds, but it most importantly uses the money
deposited at sight or lended at short term (mid- or
long-term loans being more rare) by its clients or
other financial institutions. If the bank uses these
funds by immobilising them at long-term in the capital
of business organisations, it will not be able to
redeem its liabilities if, for any reason whatsoever, its
client-depositors demand that their funds be returned,
while the bank itself cannot properly realise on its
assets. In other words, and in the absence of
any adequacy between the available assets and the
current liabilities, the banks may be put in a situation
of bankruptcy (for the concerned banks, the situation
would show itself in the well-known “runs”, i.e. clients
rushing to the counters of suspicious banks to obtain
the reimbursement of their deposited funds).
De quoi s’agit-il ? D’une idée simple, mais qui n’a été
découverte qu’à la fin du XIXème siècle. La banque, c’est
« l’argent des autres », c’est-à-dire que le banquier a
comme ressources, certes ses fonds propres, mais surtout
l’argent de ses clients ou confrères, déposants à vue ou
prêteurs à court terme (plus rarement à moyen ou long
terme). Si le banquier utilise cet argent en l’immobilisant
à long terme, par exemple dans le capital d’entreprises, il
ne pourra pas rembourser son passif, si pour une raison
quelconque ses clients-déposants exigent la restitution de
leurs dépôts, alors que lui-même ne peut pas réaliser
convenablement ses actifs. En d’autres termes, à défaut
d’adéquation entre la disponibilité des actifs et l’exigibilité
du passif, il peut y avoir état de cessation de paiements22
(se manifestant, pour les banques dans cette situation, par
les fameux « run », c’est-à-dire la ruée des clients, voulant
obtenir le remboursement de leurs dépôts, aux guichets des
banques suspectes).
It took long enough for the bankers of the 19th
century to understand the importance of liquidity. Convinced that their strength lied in the existence/availability of substantial equity—thereby enabling them to assure their clients and give them
an incentive to entrust their funds with them—the
bankers accumulated them and invested them, along
with their clients’ deposited funds, in the capital/stock
of business and industrial corporations. In times of
expansion and growth, these bankers made substantial profits and capital gains by selling their investments, and thus increased their equity. However, in
times of economic stagnation, their participating interests in the business and industrial corporations did
not sell off, while putting them on the market would
have done nothing more but further decrease their
value. The impossibility to properly liquidate the assets, and the loss in trust on the part of the depositors, altogether led to the bankers’ bankruptcy as
they were not in a position to return the deposited
funds. This is how Laffitte, despite its 7 million (gold
French Francs) worth equity, was wiped out by the
crisis of 1848. Similarly, the Crédit Mobilier run by
the Pereire brothers did not survive the crisis of 1867,
notwithstanding a capital of 120 million (gold French
Francs) and despite the fact that the bank supported,
and was remarkably involved in, the most innovative
projects of that time. The Crédit Lyonnais narrowly
missed being carried away as well, for the same reasons, during the crisis of 1882. This bank then invented the “modern French banking” by setting the
golden rules of liquidity: the available assets of a
given bank must match the payable debts. By implementing these rules, the Crédit Lyonnais thus became
one of the most reliable banks before the First World
War.
Les banquiers du XIXème siècle ont mis longtemps à comprendre l’importance de la liquidité. Convaincus que leur
force résidait dans de solides fonds propres—permettant
d’obtenir les dépôts d’une clientèle mise en confiance—ils
les accumulèrent et les investirent, avec les dépôts de leurs
clients, dans diverses entreprises. En période d’expansion,
ces banquiers réalisèrent, en cédant leurs investissements,
de substantielles plus-values et purent ainsi accroître encore leurs fonds propres. Mais dans les temps de marasme,
leurs participations dans les entreprises ne trouvaient pas
d’acquéreurs et leur mise sur le marché n’aurait fait que
les déprécier encore plus. L’impossibilité de liquider convenablement les actifs et la perte de confiance des déposants
provoquait alors la faillite du banquier, incapable de restituer
les dépôts de ses clients. Laffitte fut ainsi, malgré plus de
sept millions de francs (or) de fonds propres, balayé par
la crise de 1848. De même le Crédit Mobilier, des frères
Pereire, doté d’un capital de 120 millions de francs (or), et
dont le soutien dynamique aux projets les plus novateurs de
l’époque fut remarquable, ne résista pas à la crise de 1867.
Le Crédit Lyonnais faillit être emporté, pour les mêmes
raisons, lors de la crise de 1882. Cette banque a alors
inventé la banque française moderne en déterminant les
« règles d’or » de la liquidité : la disponibilité des actifs de
la banque doit correspondre à l’exigibilité de ses dettes. Appliquant ces principes, le Crédit Lyonnais est alors devenu,
avant la première guerre mondiale, l’une des plus solides
banques du monde.23
The banking crisis of the last decade of the 20th century showed that certain French banks had forgotten
the lessons of their own history. For instance, the
reinforcement by the Crédit Lyonnais of its equity in
La crise bancaire de la dernière décennie du XXème siècle a montré que certaines banques françaises avaient
oublié les leçons de leur histoire. Ainsi le renforcement
564
SUBPRIME : LE PRIX DES TRANSGRESSIONS
des fonds propres du Crédit Lyonnais opéré, au début des
années 1990, pour l’essentiel par l’apport de titres de sociétés publiques, ne permettait pas un développement des
activités de cette banque, car les fonds propres apportés
étaient déjà immobilisés dans des utilisations non liquides.
Plus généralement, l’octroi de prêts garantis par des biens
immobiliers mais disproportionnés par rapport aux fonds
et ressources propres des emprunteurs, marchands de biens par exemple, a immobilisé une partie importante des
ressources de certaines banques dans des investissements
immobiliers qui, du fait notamment de la crise de cette
époque, étaient devenus des actifs non liquides. Dès lors
que le remboursement d’une banque n’était possible que
par la revente du bien dont elle avait financé intégralement l’acquisition, cette banque assumait nécessairement
le risque spéculatif de moins-value en cas de baisse du
marché.
the beginning of the 1990s, and for the most part
through a contribution in the shares of State-owned
companies, did not allow the bank to develop its activities as the equity thus contributed had already been
immobilised in and for non-liquid purposes. More generally, the granting of loans guaranteed by immovable/real estate but the value of which were clearly
disproportionate in comparison with the funds and resources of the borrowers—say real estate dealers—
immobilised a substantial part of the resources of certain banks in real estate investments which, notably
due to the crisis which struck the market at that time,
had become non-liquid assets. As the banks could
not be reimbursed except through the sale of the assets, the acquisition of which they had financed entirely, such banks had to bear the speculative risks
pertaining to the loss in value of these assets, should
a drop in the market occur.
La crise actuelle n’est qu’une répétition du même phénomène, un peu compliqué par la démultiplication des intervenants et, encore plus, par son caractère mondial. A partir
du moment où le « sous-jacent » (les créances résultant
des prêts hypothécaires « subprime ») n’est pas liquide,
tous les instruments créés en chaîne pour le refinancer vont
être affectés de la même « illiquidité ». Les porteurs de
ceux de ces titres non encore échus, s’ils ont besoin de liquidités, ne trouveront pas de preneurs sur le marché, sauf à
accepter des décotes très importantes, car le pourrissement
du marché accentue la prudence des acquéreurs potentiels.
The current crisis is nothing more than history repeating itself, yet slightly more complicated by the multiplication of intervening actors, and even more by the
worldwide nature of the phenomenon. From the very
moment the underlying debts (i.e. the debts resulting from the subprime mortgage loans) are not liquid,
all instruments created successively to refinance such
debts will in turn bear the adverse consequences of
the illiquidity. The bearers of any of the securities the
payment of which is not yet due, will not find anyone
on the market to take them over should they need
liquidities, unless they are sold with a substantial decrease in their value; in the context of a worsening
market, potential buyers are all the more careful. As
regards the securities the payment of which is due,
their reimbursement or their renewal will be just as
problematic as long as the very assets to which they
are backed are themselves compromised. As mentioned above, the Rating Organizations did not analyse/review the liquidity of the securities issued by the
SPVs. Despite the statements made by the CEO
of a large American bank, it is not conceivable that
the banks which acquired the securities issued by
SPVs could have reasonably assumed that the liquidity of these securities would be always guaranteed by a market of wealthy investors or lenders, constantly ready to acquire securities backed to assets
of a same category, and thus likely to become nonliquid and compromised at any moment, depending
on the fluctuations of the market. What was the analysis made by the concerned as regards their liquidityrelated risks (which is, in France, defined by Regulation 97-02 dated February 12, 1997, of the Financial
and Banking Regulation Committee of the Banque de
France as “the risk that in a given market situation
the concerned bank will not be able to meet its commitments or will not be able to unwind or offset a position”)? There does not seem to be any public information likely to provide any answers to this question.
S’agissant des titres échus leur remboursement ou renouvellement sera tout aussi problématique tant que les actifs auxquels ils sont adossés seront eux-mêmes compromis. Ainsi que nous l’avons vu les « Rating Organizations »
n’ont pas analysé la liquidité des titres émis par les SPV.
Il ne paraît pas imaginable, malgré les déclarations faites
par le dirigeant d’une grande banque américaine,24 que les
banques ayant acquis des titres émis par des SPV aient
pu sérieusement, pour leur part, considérer que la liquidité de ces titres seraient toujours assurée par un marché
d’investisseurs ou de prêteurs aux poches pleines et toujours disposés à acquérir des titres adossés à des actifs
d’une même catégorie et donc susceptibles en fonction des
évolutions de l’économie de devenir, à tout moment, non liquides et compromis. Quelle fut l’analyse faite par les banques concernées de leur risque de liquidité dont on rappellera qu’il est défini, en France, par le règlement 97–02
du 21 février 1997 du Comité de la Réglementation bancaire et financière de la Banque de France comme étant
« de ne pas pouvoir faire face à ses engagements ou de
ne pas pouvoir dénouer ou compenser une position en raison de la situation du marché » ?25 Il n’existe pratiquement
565
SÛRETÉS, PAIEMENTS ET FINANCEMENTS INTERNATIONAUX
aucune information publique permettant de répondre à cette
question.
Once more, the current financial turmoils are here to
remind us of Robert Lacour Gayet’s lesson:
“Let History speak for itself. It will provide us
with the evidence that the study of finance is
only made of basic principles—which always
remain the same rules—of common sense and
honesty, and that in this specific matter, any
room exaggeratedly given to imagination tells
how much one is ignorant of the past”.
Les tourmentes financières actuelles sont là pour rappeler,
une fois de plus, la leçon de Robert Lacour Gayet :
« Laissons parler l’Histoire. Elle va vite nous fournir
la preuve que la science des finances n’est faite
que de quelques principes élémentaires–toujours les
mêmes — de bon sens et d’honnêteté et que, dans ce
domaine, l’imagination dont on a cherché à exalter le
rôle ne trouve souvent son origine que dans l’ignorance
du passé. »26
It should be noted with this respect that the financial
technique of securitisation, sometimes also presented
as a creation of the financial engineering of the past
25 years, is in fact nothing more than an ancient
refinancing technique. Take the “assignats” (i.e. the
bank notes used during the French Revolution): they
were Asset Backed French State Papers (initially
guaranteed by the estate of the Clergy, which was
“nationalised” in November 1789) issued by an SPV
called “Caisse de l’Extraordinaire”.
Notons, à cet égard, que la « titrisation », parfois présentée
comme une invention de l’ingénierie financière du dernier
quart de siècle n’est qu’une technique ancienne de refinancement. Qu’étaient donc les assignats de la Révolution française ? Des « Asset Backed French State Papers » (les assignats étaient, à l’origine, garantis par les
biens du clergé « nationalisés » en novembre 1789) émis
par un « Spécial Purpose Vehicle » dénommé « Caisse de
l’Extraordinaire ».
The main part of our conclusion is taken from J. K.
Galbraith:
Nous emprunterons l’essentiel de notre conclusion à J. K.
Galbraith :
“There is a strong tendency to believe that the
money, either as income or assets, of which
an individual is possessed or with which he
is associated, the deeper and more compelling
his economic and social perception, the more
astute and penetrating his mental processes
[. . .]. In fact, such reverence for possession
of money indicates the shortness of memory,
the ignorance of history, and the consequent
capacity for self and popular delusion.”
Let us add that having regard for the simple rules
governing the credit and banks’ liquidity would have
saved a great amount of the losses.
« Il y a une forte tendance à croire que, plus un
individu possède ou gère d’argent, en revenus ou en
capitaux, plus profonde et magistrale est sa vision des
phénomènes économiques et sociaux, et plus subtils et
pénétrants sont ses processus mentaux. [. . .] En fait,
cette révérence pour la possession de l’argent est une
nouvelle preuve de la mémoire courte, de l’ignorance
de l’histoire et du champ ainsi ouvert à l’autosuggestion
et à l’illusion collective. »27
Ajoutons simplement que le respect de règles simples
du crédit et de liquidité des banques aurait probablement
permis d’éviter que la catastrophe prenne une telle ampleur.
Notes
1. Le mot « subprime » a été élu mot de l’année 2007 par l’American Dialect Society (http://www.americandialect.org/index.php/
amerdial/subprime_voted_2007_word_of_the_year/).
2. « Analysis of the 2007 Financial Subprime Crisis », par Jacques de Larosière, ancien directeur du FMI, lors d’une émission
proposée le 27 janvier 2008 par P. Laffitte sur Canal Académie ; le texte de cette intervention est disponible en langue anglaise sur
http://www.canalacademie.com/Analysis-of-the-2007-financial.html (ref. ECL315) ; M. Hutchinson, « les responsabilités d’Alan Greenspan »,
Le Monde, 9 avril 2008.
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SUBPRIME : LE PRIX DES TRANSGRESSIONS
3. Voir le numéro spécial liquidité de la Revue de la Stabilité Financière (février 2008 ; accessible sur http//:www.banque-France.fr) qui
rappelle dans sa « vue d’ensemble » les principales définitions de la liquidité.
4. Tobias Adrian, Senior Economist, Capital Markets Function, Federal Reserve Bank of New York (s’exprimant toutefois à titre privé) et
Hyun Song Shin, professeur à Princeton University, in Revue de la Stabilité Financière, précitée note 3.
5. En avril 2008 le Fond Monétaire International évaluait les pertes potentielles découlant de la crise financière actuelle à 945 milliards
d’USD (http://www.imf.org/external/french/pubs/ft/weo/2008/01/pdf/c1f.pdf), soit environ l’équivalent de deux années du budget étatique annuel
français ou de la moitié de la dette publique française ; un tiers de ces pertes proviendraient des prêts hypothécaires « subprime ».
6. Suivant la formule employée par Philippe Lagayette, lors du colloque « Les agences de notation et la crise du credit, faux procés
et vrai débat », organisé à Paris le 12 Décembre 2007 à l’initiative du Presaje, du Fides-Université Paris X et de l’association des docteurs
en droit (actes du colloque téléchargeables sur http://www.presaje.com/zwo_info/modules/compterenduiinextensoiducolloquedu12decembre2007
surlesagencesdenotation1/fichier_a_telecharger).
7. « Expanded Guidance for Subprime Lending Programs » téléchargeable sur http://www.federalreserve.gov/boarddocs/SRLETTERS/2001/
sr0104a1.pdf.
8. Par exemple ceux résultant de l’utilisation des cartes de crédit pour lesquels les coûts d’utilisation peuvent être considérables (les taux
vont jusqu’à 30 pour cent, l’an).
9. Sur l’absence, aux Etats-Unis, de concepts de TEG, d’obligation de mise en garde et plus généralement de jurisprudence régulatrice
en matière de responsabilité bancaire, voir R. Dammann et G. Podeur, la crise du « subprime » et la responsabilité bancaire, Dalloz, 2008, n◦ 7,
p.427 s.
10. Voir Peter R. Fisher « Qu’est-il advenu de la dispersion du risque », in Revue de la Stabilité Financière, précitée note 3.
11. Sur le « principe de complexité », voir Hubert de Vauplane, « Crise du « subprime » : quelle responsabilité pour les juristes ? Banque,
février 2008 n◦ 699, p.67s ; au-delà de la crise du subprime, cet article expose ce que doit être la méthodologie du juriste interne ou externe
de droit bancaire.
12. Pour les titrisations de droit français, voir art.L.244–14 du Code Monétaire et Financier et arrêté du 19 décembre 2006 du Ministre de
l’Economie, des Finances et de l’Industrie.
13. Benjamin J. Kormos (ce n◦ de la RDAI) ; Pierre-Henri Conac, in colloque précité sous note 6 ; aux Etats-Unis la liberté d’expression
entraîne la quasi-impossibilité de mettre en cause la responsabilité de l’émetteur d’une opinion, sauf à démontrer une intention de nuire.
L’article 1382 du code civil français (ou les dispositions équivalentes de nombreux systèmes de droit romano-germanique) permettrait, en
Europe continentale, de donner un fondement juridique à d’éventuelles actions en responsabilité.
14. Catherine Gerst et Michel Aglietta in colloque précité sous note 6.
15. Michel Aglietta in colloque précité sous note 6.
16. Le « rehaussement » peut prendre d’autres formes en faisant, par exemple, intervenir un tiers, le « rehausseur » ; cette intervention
ne fait que compliquer le schéma sans le modifier fondamentalement.
17. Suivant la formule de Michel Aglietta in colloque précité sous note 6 ; la quête de formules mathématiques idéales qui permettrait une
quantification absolument fiable du risque (et donc, dans une certaine mesure, la disparition du concept même de risque) ne cesse pas. De
nombreux scientifiques s’y sont essayés et continuent à le faire, mais selon la constatation de l’un d’eux, la tâche est difficile car « in difficult
economic times, defaults tended to occur in cascades, whereas in better times they were more or less independent of each other » (Daniel
Totouom Tangho in Copules dynamiques : applications en finance & en économie. Doctorat Economie et finance, CERNA-Centre d’économie
industrielle, ENSMP, 2007).
18. Réponse de Michel Rouger (faisant état d’une expérience de 40 années) à une question posée par l’auteur lors du colloque cité en
note 6.
19. Solon en Grèce, au VIème siècle avant notre ère, puis un siècle plus tard le législateur romain, les religions du Livre, ont interdit ou
limité les prêts sur gage lesquels, dans des économies de subsistance, avaient des conséquences sociales néfastes dans les périodes de crise :
la confiscation des propriétés des débiteurs, puis leur mise en esclavage. Suite aux Grandes Découvertes et au développement de l’économie
qui a suivi, Calvin a (dans sa lettre « de usuris » de 1545 à Claude de Sachin), légitimé la prise d’intérêts en la restreignant, toutefois, aux
seuls prêts productifs. Ultérieurement l’examen, au moment de l’octroi du prêt, de la capacité de l’emprunteur à exécuter ses obligations a été
considéré dans un certain nombre de pays, dont la France, comme essentiel.
20. Paris 15ème chambre A, 3 juillet 2001, Jurisdata n◦ 157310 ; de nombreuses décisions appliquent ces principes ; voir également
l’article de D. Valette, « Quelles obligations pour le banquier dans le domaine du financement professionnel ? », in Revue de Droit bancaire
et financier n◦ 6, novembre 2007, dossier 29, voir spécialement n◦ 14 : « les juges [mettent] à la charge de la banque un devoir de mise en
garde consistant en l’obligation de rechercher l’adéquation entre la charge de remboursement et la capacité à rembourser de l’emprunteur . »
Voir aussi sur ce devoir de mise en garde, Cass. Civ. 1, 19 juin 2008 (arrêt 709 FS-PBI), note X. Delpech à paraître dans le n◦ 27 de la revue
Dalloz datée du 10 juillet 2008.
21. Voir R. Dammann et G. Podeur, précités note 9.
22. L’article L.631–1du code de commerce définit la cessation des paiements comme étant « l’impossibilité de faire face au passif exigible
avec l’actif disponible ».
23. H. Bonin, La banque et les banquiers en France, (Larousse 1992).
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SÛRETÉS, PAIEMENTS ET FINANCEMENTS INTERNATIONAUX
24. Charles Prince, alors dirigeant de Citigroup déclarait ainsi en juillet 2007, au “Financial Times” “the way big Wall street banks and
hedge funds had picked up troubled subprime mortage lenders was an example of how «liquidity rushes in » to fill the gap as others spots a
buying opportunity” (http://www.ft.com/cms/s/0/80e2987a-2e50–11dc-821c-0000779fd2ac.html?nclick_check=1).
25. Article 4h du règlement (http://www.banque-france.fr/fr/supervi/telechar/regle_bafi/textes/CRBF97_02_arr_02_07_07.pdf) ; voir également le numéro spécial « liquidité » de la Revue de la Stabilité Financière, précitée note 3.
26. « Les Renaissances Financières de la France, de Saint Louis à Poincaré », (Hachette 1959).
27. J.K. Galbraith « Brève histoire de l’euphorie financière », (Seuil 1992) (pour la traduction française de l’ouvrage original paru en
langue anglaise en 1990) ; réédition en 2007 chez Seuil en même temps que cinq autres essais de J.K. Galbraith sous le titre « Economie
Hétérodoxe ».
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