ELEKTRA DE RICHARD STRAUSS à l`opéra de - Aix
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ELEKTRA DE RICHARD STRAUSS à l`opéra de - Aix
ELEKTRA DE RICHARD STRAUSS à l’Opéra de Marseille Ce soir, samedi 2 février 2013, un vent glacial souffle dans les rues de Marseille. Nous avons rendez-vous à 20h à l’opéra pour la prégénérale d’Elektra de Richard Strauss, mis en scène par Charles Roubaud. Sur place, les classes sont déjà là, prêtes à prendre place dans ce bâtiment majestueux de l’après Révolution. Les auditeurs, pour la plupart des adolescents, s’installent bruyamment au balcon, les téléphones portables à la main, déjà familiers de ce lieu à l’odeur fanée. Après un court discours de présentation, le rideau s’ouvre et le décor surgit. Ce sont deux balcons sur deux étages bordés de plusieurs portes surplombant un espace déchiqueté. Ce fond de scène ténébreux est parsemé de gravats. Un escalier de bois permet d’accéder au premier étage. Ce décor blanchâtre en contre-plongée, semble nous aspirer dans les tréfonds du théâtre. La musique nous fait entrer immédiatement dans le vif du sujet avec cette très courte ouverture anapestique, caractéristique de l’opéra. Le dialogue haché des servantes vêtues de blanc, évoque avec violence la personnalité intransigeante d’Electre. Interprétée par l’excellente soprano dramatique Jeanne-Michèle Charbonnet, l’héroïne surgit brusquement de derrière les gravats, vêtue de haillons avec une crinière folle en guise de chevelure. Dans l’opéra, la musique retentit avec ses leitmotive bien reconnaissables. L’orchestre dirigé par le grand Chef israélien, Pinchas Steinberg, déborde de toute part dans cette fosse trop étroite et à défaut de place, les harpes et les percussions ont été placées dans les baignoires les plus proches de la scène. Le cri déchirant « Agamemnon » d’Electre nous percute. Celle-ci évoque la mort du père et la volonté de revenir chaque soir à l’heure du crime afin de retrouver l’âme du défunt. Une tension croissante liée au déroulement de l’action vers l’accomplissement du double meurtre nous étreint. Electre se confronte d’abord avec sa sœur Chrisothémis jouée par Ricarda Merbethlui, opposant son envie de vivre et sa volonté de sortir de cet enfermement. Puis, leur mère, la reine Clytemnestre, Marie-Ange Todorovitch, paraît. Blonde platine, souveraine, avec un collier en guise de talisman pour conjurer ses insomnies, elle descend l’escalier qui la conduira au fond de l’abîme, accompagnée de sa nombreuse suite vêtue de noir. Le contact avec Electre donne lieu à un terrible dialogue. La reine cherche à savoir quel sacrifice pourrait la délivrer de ses terribles nuits sans sommeil. Le duo se conclut par le rire sarcastique de Clytemnestre ; une servante vient de lui apprendre à l’oreille la mort d’Oreste. Nous retenons notre souffle pendant que l’orchestre joue un intermède et qu’Electre s’interroge angoissée sur la signification de ce ricanement. Chrisothémis surgit, elle apprend à Electre la mort d’Oreste. Electre se tord de douleur : comment peut-elle subir cette tragédie, aspirée par le néant qui sourd de l’arrière-scène ? Un éclair de tendresse vient alors nous réchauffer. Oreste, incarné par Nicolas Cavallier, surgit d’un porte, et se fait reconnaître de sa sœur, la sauvage Elektre. Instrument des Dieux, il accomplira le double meurtre pour lequel il est prédestiné. La mise en scène ne dévoilera pas l’insoutenable, nous le devinerons derrière les portes devenues incandescentes d’où retentit le terrible cri de Clytemnestre. On perçoit les gestes vains d’Egisthe (Patrick Raftery) tentant vainement d’échapper à son châtiment. Le crime achevé, Electre ouvre toutes les portes et notre regard se perd dans un ailleurs insondable. Dans ce grand rite sacrificiel, où se joue le passage de la tradition à la modernité en ce tournant du XXème siècle, la magie de l’opéra subjugue l’auditoire. Tous, auront pu, par la main vengeresse d’Oreste accompagnée de la transe d’Electre, faire mourir un peu de soi-même pour devenir un autre. Laetitia Alliez, professeur d’éducation musicale, chargée du service éducatif associé à l’Opéra de Marseille