Éditorial - John Libbey Eurotext

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Éditorial - John Libbey Eurotext
Éditorial
Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil 2011 ; 9 (2) : 189-90
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En vérité cependant, les mots, surtout en nosogaphie, ne
sauraient être qu’un symbole, ils ne peuvent pas
prétendre à posséder la vertu d’une définition descriptive.
Jean Martin Charcot
Leçons du mardi 30-10-1988
doi:10.1684/pnv.2011.0277
L
a notion de démence curable, très documentée par
Jean-Marc Michel et François Sellal, n’est pas sans
poser problème. Elle est née dans les années 70,
à la suite de la démonstration de la réversibilité d’une
« démence » après traitement d’une hydrocéphalie à pression normale, posant ainsi la question du diagnostic de la
maladie d’Alzheimer. Son principal intérêt est sans doute
d’avoir replacé les démences dans un cadre médical jusquelà réservé aux neurologues et surtout aux psychiatres. À
cette époque, le terme de démence était particulièrement
vague et ambigu : il incluait toute sorte de détérioration
intellectuelle de sévérité variable et sans toujours faire la
distinction avec des états confusionnels ou même des syndromes dépressifs. Avec l’apparition du DSM-III, le terme
de démence a certes été mieux défini, mais il laissait
persister une ambiguïté sur la place des détériorations
intellectuelles de sévérité insuffisante pour correspondre
à cette définition. Nul doute que beaucoup de descriptions de « démences curables » ne remplissent pas les
critères de démence du DSM-III. Une meilleure description de ces tableaux sera possible par l’adjonction, selon
les propositions du DSM-V, d’une catégorie « Trouble neurocognitif mineur » à côté de celle de « Trouble neurocognitif
majeur » (terme qui vise à remplacer celui de démence).
Par ailleurs, la possibilité de porter, dès son début, le
diagnostic de la maladie d’Alzheimer grâce à l’analyse qualitative des troubles de mémoire et de l’imagerie cérébrale
a constitué une avancée très importante. On peut, dès lors,
questionner la pertinence de la catégorie de « démence
curable » qui, d’ailleurs, n’apparaît dans aucune classification. Dans les DSM, les tableaux qui lui correspondent
sont ainsi décrits dans les catégories « Démence liée
à d’autres affections médicales » ou « Démence persistante liée à l’utilisation d’une substance » sans mention de
leur caractère réversible ou non. On peut noter, en outre,
que la description des démences curables rejette ici, en
accord avec les DSM, des tableaux de déficits cognitifs
d’origine psychiatrique, qualifiés de façon assez floue de
« pseudo démentiels » (syndrome de Ganser, dépression,
hystérie), pourtant plus souvent réversibles que la plupart
des « démences curables ». En définitive, la justification du
maintien de cette catégorie repose sur le fait que beaucoup
de ces affections correspondent, en réalité, à un handicap
surajouté à une démence dégénérative (« Démence due
à des étiologies multiples » des DSM). Ce handicap surajouté est potentiellement réversible, au moins en partie, ce
qui justifierait une recherche systématique de ses causes
ou, du moins, des principales d’entre elles. Toutefois, dans
le cadre d’une bonne gestion, il est légitime de poser la
question du rapport coût/bénéfice de cette attitude. Lors
d’une conférence tenue il y a une dizaine d’années, Ronald
Petersen mentionnait avoir analysé 4 000 de ces « bilans
systématiques » à la Mayo Clinic sans trouver une seule
démence potentiellement curable. Est-ce à dire qu’il n’est
pas utile d’avoir à l’esprit ce catalogue d’affections susceptibles de créer des troubles cognitifs ou d’aggraver des
troubles préexistants en rapport avec une démence dégénérative ou vasculaire ? Certainement pas, mais il paraît plus
raisonnable d’effectuer cette recherche à partir d’éléments
cliniques que de la pratique d’un « bilan systématique » dont
l’étendue reste d’ailleurs à définir. La mise en œuvre des
examens biologiques n’apparaît alors justifiée qu’en présence d’éléments cliniques d’orientation ou d’atypies de
présentation de la démence.
Un problème très important est soulevé par l’excellente
mise au point de Richard Lévy sur la paralysie supranucléaire
progressive. Elle souligne le fait que des tableaux cliniques identiques correspondent à des lésions neuropathologiques différentes et, qu’à l’inverse, une même pathologie se traduit par des tableaux cliniques différents. On
conçoit ainsi aisément que cette absence de parallélisme
anatomoclinique complique singulièrement la recherche
puisqu’il est impossible de réunir des groupes homogènes, particulièrement pour la recherche thérapeutique.
Pour citer cet article : Derouesné C. Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil 2011; 9(2) :189-90 doi:10.1684/pnv.2011.0277
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C. Derouesné
Seul le développement de marqueurs biologiques spécifiques pourra surmonter ces difficultés, mais encore
faudra-t-il prendre en compte les possibilités de recouvrement des pathologies.
L’intérêt de l’article de Sophie Bayart et al. vient d’être
illustré par un fait divers : un patient atteint de maladie de
Parkinson, qui avait développé une dépendance au jeu et au
sexe suite à la prise d’un dopaminergique, vient de gagner
son procès contre le représentant de ce médicament au
titre que la notice ne comportait aucune mise en garde
contre l’éventualité de cet effet secondaire.
Natalie Rigaux, dans une perspective de psychologie
sociale, complète sa réflexion théorique sur les diverses
conceptions du statut de l’autonomie, en abordant le statut du « représentant ». À l’encontre de la perspective
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déficitaire qui se réfère uniquement à ce qu’était le patient
auparavant et qui conduit le sujet dément à la perte de son
autonomie, elle souligne l’intérêt d’une approche relationnelle. Celle-ci prend en compte non seulement ce qu’était
le patient avant sa maladie, mais ce qu’il devient aux différentes phases de progression de celle-ci ainsi que l’action
des autres intervenants avec, comme objectif, d’établir la
meilleure relation possible à chaque étape.
L’intérêt pour les représentations sémantiques est
développé dans une perspective pratique, par Amandine
Goudour et al. qui présentent une méthodologie originale
de rééducation de la mémoire sémantique chez des patents
atteints de maladie d’Alzheimer.
Christian DerouesnÉ
Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 9, n ◦ 2, juin 2011

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