Éditorial - John Libbey Eurotext
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Éditorial Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil 2011 ; 9 (2) : 189-90 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. En vérité cependant, les mots, surtout en nosogaphie, ne sauraient être qu’un symbole, ils ne peuvent pas prétendre à posséder la vertu d’une définition descriptive. Jean Martin Charcot Leçons du mardi 30-10-1988 doi:10.1684/pnv.2011.0277 L a notion de démence curable, très documentée par Jean-Marc Michel et François Sellal, n’est pas sans poser problème. Elle est née dans les années 70, à la suite de la démonstration de la réversibilité d’une « démence » après traitement d’une hydrocéphalie à pression normale, posant ainsi la question du diagnostic de la maladie d’Alzheimer. Son principal intérêt est sans doute d’avoir replacé les démences dans un cadre médical jusquelà réservé aux neurologues et surtout aux psychiatres. À cette époque, le terme de démence était particulièrement vague et ambigu : il incluait toute sorte de détérioration intellectuelle de sévérité variable et sans toujours faire la distinction avec des états confusionnels ou même des syndromes dépressifs. Avec l’apparition du DSM-III, le terme de démence a certes été mieux défini, mais il laissait persister une ambiguïté sur la place des détériorations intellectuelles de sévérité insuffisante pour correspondre à cette définition. Nul doute que beaucoup de descriptions de « démences curables » ne remplissent pas les critères de démence du DSM-III. Une meilleure description de ces tableaux sera possible par l’adjonction, selon les propositions du DSM-V, d’une catégorie « Trouble neurocognitif mineur » à côté de celle de « Trouble neurocognitif majeur » (terme qui vise à remplacer celui de démence). Par ailleurs, la possibilité de porter, dès son début, le diagnostic de la maladie d’Alzheimer grâce à l’analyse qualitative des troubles de mémoire et de l’imagerie cérébrale a constitué une avancée très importante. On peut, dès lors, questionner la pertinence de la catégorie de « démence curable » qui, d’ailleurs, n’apparaît dans aucune classification. Dans les DSM, les tableaux qui lui correspondent sont ainsi décrits dans les catégories « Démence liée à d’autres affections médicales » ou « Démence persistante liée à l’utilisation d’une substance » sans mention de leur caractère réversible ou non. On peut noter, en outre, que la description des démences curables rejette ici, en accord avec les DSM, des tableaux de déficits cognitifs d’origine psychiatrique, qualifiés de façon assez floue de « pseudo démentiels » (syndrome de Ganser, dépression, hystérie), pourtant plus souvent réversibles que la plupart des « démences curables ». En définitive, la justification du maintien de cette catégorie repose sur le fait que beaucoup de ces affections correspondent, en réalité, à un handicap surajouté à une démence dégénérative (« Démence due à des étiologies multiples » des DSM). Ce handicap surajouté est potentiellement réversible, au moins en partie, ce qui justifierait une recherche systématique de ses causes ou, du moins, des principales d’entre elles. Toutefois, dans le cadre d’une bonne gestion, il est légitime de poser la question du rapport coût/bénéfice de cette attitude. Lors d’une conférence tenue il y a une dizaine d’années, Ronald Petersen mentionnait avoir analysé 4 000 de ces « bilans systématiques » à la Mayo Clinic sans trouver une seule démence potentiellement curable. Est-ce à dire qu’il n’est pas utile d’avoir à l’esprit ce catalogue d’affections susceptibles de créer des troubles cognitifs ou d’aggraver des troubles préexistants en rapport avec une démence dégénérative ou vasculaire ? Certainement pas, mais il paraît plus raisonnable d’effectuer cette recherche à partir d’éléments cliniques que de la pratique d’un « bilan systématique » dont l’étendue reste d’ailleurs à définir. La mise en œuvre des examens biologiques n’apparaît alors justifiée qu’en présence d’éléments cliniques d’orientation ou d’atypies de présentation de la démence. Un problème très important est soulevé par l’excellente mise au point de Richard Lévy sur la paralysie supranucléaire progressive. Elle souligne le fait que des tableaux cliniques identiques correspondent à des lésions neuropathologiques différentes et, qu’à l’inverse, une même pathologie se traduit par des tableaux cliniques différents. On conçoit ainsi aisément que cette absence de parallélisme anatomoclinique complique singulièrement la recherche puisqu’il est impossible de réunir des groupes homogènes, particulièrement pour la recherche thérapeutique. Pour citer cet article : Derouesné C. Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil 2011; 9(2) :189-90 doi:10.1684/pnv.2011.0277 189 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. C. Derouesné Seul le développement de marqueurs biologiques spécifiques pourra surmonter ces difficultés, mais encore faudra-t-il prendre en compte les possibilités de recouvrement des pathologies. L’intérêt de l’article de Sophie Bayart et al. vient d’être illustré par un fait divers : un patient atteint de maladie de Parkinson, qui avait développé une dépendance au jeu et au sexe suite à la prise d’un dopaminergique, vient de gagner son procès contre le représentant de ce médicament au titre que la notice ne comportait aucune mise en garde contre l’éventualité de cet effet secondaire. Natalie Rigaux, dans une perspective de psychologie sociale, complète sa réflexion théorique sur les diverses conceptions du statut de l’autonomie, en abordant le statut du « représentant ». À l’encontre de la perspective 190 déficitaire qui se réfère uniquement à ce qu’était le patient auparavant et qui conduit le sujet dément à la perte de son autonomie, elle souligne l’intérêt d’une approche relationnelle. Celle-ci prend en compte non seulement ce qu’était le patient avant sa maladie, mais ce qu’il devient aux différentes phases de progression de celle-ci ainsi que l’action des autres intervenants avec, comme objectif, d’établir la meilleure relation possible à chaque étape. L’intérêt pour les représentations sémantiques est développé dans une perspective pratique, par Amandine Goudour et al. qui présentent une méthodologie originale de rééducation de la mémoire sémantique chez des patents atteints de maladie d’Alzheimer. Christian DerouesnÉ Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 9, n ◦ 2, juin 2011