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CAS CLINIQUE Progrès en Urologie (2003), 13, 502-505 Le ganglioneurome rétropéritonéal géant Ismail SARF (1), Amine EL MEJJAD (1), Latifa BADRE (2), Ahmed MANI Rachid ABOUTAIEB (1), Fethi MEZIANE (1) (1) (1) , Service d’Urologie B, (2) Service d’Anatomopathologie, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc RESUME Les auteurs rapportent un nouveau cas de ganglioneurome rétropéritonéale chez une jeune de 18 ans, révélé par une masse abdominale, associée à des lombosciatalgies. Le diagnostic du caractère rétropéritonéal de la tumeur a été porté par la tomodensitométrie et la résonance magnétique. Le traitement a consisté en une ablation complète de la tumeur. L’évolution a été favorable sans récidive après un an de recul. Les auteurs discutent les aspects diagnostiques, thérapeutiques et évolutifs de cette affection. Mots clés : Ganglioneurome, rétropéritonéal, chirurgie. Le ganglioneurome est une tumeur neurogène bénigne de l’enfant et de l’adulte jeune. C’est une tumeur rare qui se localise essentiellement dans la région rétropéritonéale se développant à partir des cellules ganglionnaires sympathiques. Nous rapportons l’observation d’un ganglioneurome géant à localisation rétropéritonéale tout en discutant les aspects diagnostics, thérapeutiques et évolutifs de cette affection. rieur le rein droit dépassant la ligne médiane en engainant l’aorte, la veine cave inférieure et venant au contact du rein gauche. Cette masse hypodense s’est rehaussée de façon hétérogène par le produit de contraste essentiellement au niveau des septas avec de larges plages de nécroses (Figure 2). Celle-ci refoulait les organes adjacents sans stigmate d’envahissement direct. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) a retrouvé une masse abdomino-pelvienne latéro-vertébrale droite, rétro-péritonéale avec extension à gauche de la ligne médiane de caractère hétérogène. Cette masse présentait un hyposignal en mode T1 et un hypersignal en mode T 2. Elle présentait une extension intra-canalaire épidurale latérale droite à travers le trou de conjugaison droit de L2-L3 (Figures 3a, 3b). OBSERVATION Mlle H.K âgée de 18 ans, sans antécédents pathologiques particuliers, a consulté pour une masse abdominale avec lombo-sciatalgie . Le début de la symptomatologie remontait à 1 an par une pesanteur avec la perception d’une masse de l’hypochondre droit augmentant progressivement de taille associée à des lombosciatalgies droites. A l’admission, la patiente était en bon état général, apyrétique avec une tension artérielle à 150/90 mmHg. L’examen abdominal a trouvé une masse dure bien limitée, s’étendant de l’hypochondre droit jusqu’à la fosse iliaque droite, sensible à la palpation, mobile par rapport au plan superficiel et fixe au plan profond. La colonne vertébrale présentait une scoliose à convexité droite avec une masse douloureuse latéro-vértébrale droite à projection lombaire sans signes neurologiques associés. L’examen urogénitale n’a pas trouvé de troubles urinaires ou d’hématurie associés. L’intervention à été réalisée par voie bi-sous-costale transpéritonéale. On a découvert une masse ferme encapsulée, blanc nacrée de 25 cm de grand axe refoulant le rein droit en arrière et la veine cave inférieure et l’aorte en dedans et en avant. Cette masse était adhérente au plan profond (muscle psoas) avec envahissement des trous de conjugaisons L2-L3 et L3-L4. Une libération complète de la tumeur de la veine cave inférieure, de l’aorte puis du muscle psoas jusqu’à la colonne vertébrale a été réalisée. L’examen anatomopathologique de la pièce opératoire Manuscrit reçu : janvier 2003, accepté : mars 2003 L’abdomen sans préparation a objectivé une scoliose à convexité droite (Figure 1). La tomodensitométrie (TDM) a mis en évidence une masse rétropéritonéale droite mesurant 22 cm de grand axe refoulant à l’exté- Adresse pour correspondance : Dr. A. El Mejjad, Service d’Urologie B, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc e-mail : [email protected] Ref : SARF I., EL MEJJAD A., BADRE L., MANI A., ABOUTAIEB R., MEZIANE F., Prog. Urol., 2003, 13, 502-505 502 I. Sarf et coll., Progrès en Urologie (2003), 13, 502-505 Figure 1. Abdomen sans préparation : Scoliose à convexité droite. Figures 3a, 3b. IRM : Masse abdomino-pelvienne latérorachidienne droite, rétro-péritonéale avec extension à gauche de la ligne médiane de caractère hétérogène. Cette masse pré sente un hyposignal en mode T1 (a) et un hypersignal en mode T2 (b). Figure 2. TDM : Masse rétropéritonéale droite, refoulant le rein droit et dépassant la ligne médiane en engainant l’aorte, la veine cave inférieure et venant au contact du rein gauche. Cette masse hypodense, se rehausse de façon hétérogène par le produit de contraste essentiellement avec de larges plages de nécroses. Figure 4. Masse charnue blanc-jaunâtre avec foyers hémor ragiques. 503 I. Sarf et coll., Progrès en Urologie (2003), 13, 502-505 âges, cependant il est surtout retrouvé chez l’enfant et l’adulte jeune [3, 5, 8, 13]. Le sexe fémi nin est le plus souvent atteint avec un sex ratio de 0,75 [10]. Sur le plan sympt omatique comme pour la plupart des tumeurs rétropéritonéales [1], ces tumeurs évoluent à bas bruit et sont de découverte le plus souvent fortuite à l’occasion d’un examen radiologique pour bilan d’une autre affection ou encore lors d’une masse palpable [7] comme c’est le cas de notre observation. Rarement la symptomatologie peut être faite de douleur mais sans spécificité. Par ailleurs, on peut constater des signes de compression digestive, urinaire, neurologique ou vasculaire dans un contexte d’alt ération de l’état général [14]. Notre patiente présente des signes de compression nerveuse à type de sciat algie. Certains ganglioneuromes ont des propriétés sécrétoires de catécholamines, de vaso-actifintestinal -peptique et de testostérone entraînant une diarrhée, une hypertension artérielle et des signes de virilisation [8, 10, 13]. Figure 5. Ganglioneurome avec c ellules ganglionnaires matures et un stroma schannien prédominant (HE, G x 100) Au plan anatomo-pathologique, le ganglioneurome reproduit l’architecture d’un ganglion sympathique [2]. Macroscopiquement c’est une tumeur ovalaire, encapsulée, fibreuse, gris-blanchât re, ferme à la coupe avec parfois des calcifications. Leurs tailles de découverte est en moyenne de 5 à 10 cm de grand axe [2, 3, 10] parfoi s ils peuvent être de grande tail le [7], c’est le cas de not re observation (taille de 25 cm). Ces tumeurs ont la particularité d’englober les gros vaisseaux (veine cave inférieure, aorte) sans pour autant les envahir ou les comprimer [5, 10, 13]. Microscopiquement, il s’agit d’une prolifération de cellules gangli onnaires de grande taille, à cytoplasme éosinophile, à gros noyau clair nucléolé sans atypies; ces cellules sont mêlées à des cellules fusiformes en tourbi llon, bai gnant sur un fond fibril laire lâche [2, 3]. Figure 6. Cellules ganglionnaires matures (HE, G x 400). a porté sur une masse de 2390 g, mesurant 25x15x12 cm, encapsulée à la coupe blanc-nacrée, d’aspect myxoïde (Figure 4). Histologiquement, il existait des cellules ganglionnaires matures regroupées dans un stroma schwannien sans signes de malignité évoquant le ganglioneurome bénin (Figures 5 et 6). L’imagerie permet de préciser le si ège de la tumeur ainsi que les rapports avec les organes de voisinage dont les vaisseaux. A l’échographie, il s’agit de masse hétérogène d’échostructure solide. Ces tumeurs à la TDM sont ovales bien circonscrites, de faibl e densité se rehaussant peu et de façon hétérogène au produit de contraste avec rehaussement surtout des septal intratumorale [10], c’est l e cas de notre observation. Les ganglioneuromes se traduisent habituellement à l’IRM par un hyposignal en T1 et un hypersi gnal en T2 [5, 10], l e même aspect a été constaté dans notre observation. Les suites opératoires furent simples, sans récidive locale après un recul d’une année. DISCUSSION Le ganglioneurome est une tumeur bénigne, neurogène [3, 9, 13]. C’est une affection rare, sa fréquence est estimée à sept pour un million d’i ndividus [4]. Il représente 69% des tumeurs du système nerveux sympathique et 0,7 à 1,6% des tumeurs primitives rétropéritonéal es [8, 13]. Le rétropéritoine est la localisation la plus fréquente de ces tumeurs (32 à 52%), suivie par la localisation médiasti nale (39 à 43%) ; les localisations cervicales, pelviennes, digestives sont beaucoup plus rares [5, 10]. Il survient à tous les Les principaux diagnostics différentiels du ganglioneurome sont le ganglioneuroblastome et le neuroblastome. L’IRM et la TDM, permettraient de nuancer entre ces différents diagnostics. En effet, les ganglioneuroblastomes et les neuroblastomes se caractérisent par une hypercellularité et un espace extracellulaire réduit 504 I. Sarf et coll., Progrès en Urologie (2003), 13, 502-505 4. HERNANDO A., LMUDI E., GARCIA CALLEJA J.L., BLANCO GONZALEZ J. : Retroperitoneal ganglioneuroma : report of a case. Arch. Esp. Urol., 1997 ; 50 : 202-204. comparativement aux ganglioneuromes, ce qui leur confère une hyperdensité à la TDM sans injection de produit de contraste et un hypersignal relativement faible en T2 à l’IRM [5,10]. 5. ICHIKAWA T., OHTOMO K., ARAKI T., FUJIMOTO H., NEMOTO K., NANBU A., ONOUE M., AOKI K. : Ganglioneuroma : computed tomography and magnetic resonance features. Br. J. Radiol., 1996 ; 69 : 114-121. Le diagnostic du ganglioneurome est anatomopathologique [4, 10]. Le traitement de ces tumeurs est chirurgical et consiste en une ablation de tout e la tumeur avec exérèse des organes de voisinage en cas de leur envahissement [4, 6]. Ce traitement chirurgical permet d’éviter les complicati ons, ainsi il devrait être réal isé précocement non seulement pour confirmer la nature de la masse, mais aussi pour prévenir l’augmentat ion de son volume et la compression des structures adjacentes [11]. La voie d’abord est généralement une laparotomi e t ranspérit onéale [2]. L’évolution de ces tumeurs est lente, mais l’augmentation de volume est la règle en dehors du traitement. Leur pronostic est excellent en cas d’exérèse complète. Les complications sont d’ordre mécanique [12]. La récidive l ocale est exceptionnelle en cas d’exérèse totale, cependant la possibil ité d’une transformation maligne en un ganglioneuroblastome est possible [5, 6], d’où l’intérêt d’une surveillance clinique et radiologique prolongée. 6. KULKARNI A.N., BILBAS J.M., CUSIMANO M.D., MULLER P.J. : Malignant transformation of ganglioneuroma into spinal neuroblastoma in an adult : case report. J. Neurosurg., 1998 ; 88 : 324-327. 7. LIN H.C., LU W.T., SHEIH C.P., LIAO Y.J., TSENG S.H., LI Y.W. : A giant retroperitoneal ganglioneuroma with intraspinal involvement : report of one case. Zhonghua Min Guo Xiao Er Ke., 1997 ; 38 : 390392. 8. MORIWAKI Y., MIYAKE M., YAMAMOTO T., TSUCHIDA T., TSUCHIDA S., HADA T., NISHIGAMI T., HIGASHINO K. : Retroperitoneal ganglioneuroma : a case report and review of the japanese literature. Intern. Med., 1992 ; 31 : 82-85. 9. NAMIKI K. : A case of endocrinologically active retroperitoneal ganglioneuroma. Hinyokika Kiyo., 1994 ; 40 : 1093-1095. 10. O TAL P., MEZGH ANI S. , HASSISSENE S., MALEUX G. , COLOMBIER D., ROUSSE AU H., JO FFRE F. : Imag ing of retro perito neal g an glioneuroma. E ur. Radiol, 20 01 ; 11 : 94 0945. 11. OYMA N., IKEDA H., SHIMIZU Y., TAKENCHI A., FUTAMI T., NAKANO R. : Retroperitoneal ganglioneuroma : a case report. Hinyokika Kiyo., 1996 ; 42 : 663-665. CONCLUSION 12. PASTORE C., MARCHIORI G., D’ANNIBALE A., CONTE C., M ORA G., PIAZZA A. , TERMITE A, DI FALCO G. : Ganglioneuroma retroperitoneale : seghalzione di un caso e revisione della letteratura. Minerva Chir., 1994 ; 49 : 1129-1132. Les ganglioneuromes sont des tumeurs neurogènes rars de développement essentiellement rétropéritonéale à partir des cellules ganglionnaires sympathiques. Ils évoluent généralement à bas bruit expliquant leurs découverte à un stade de tumeur volumineuse. L’imagerie, en particulier la TDM et l’IRM est très utile, car elle permet de préciser les rapports de la tumeur avec les organes de voisinage qui conditionnent la résection complète de ces tumeurs. Cette résection complète est le seul garant d’une bonne évolution évitant ainsi la récidive et la dégénérescence. 13. RADIN R., DAVID C.L., GOLDFARB H., FRANCIS I.R. : Adrenal and extraadrenal retroperitoneal ganglioneuroma: imaging finding in 13 adults. Radiology., 1997 ; 202 : 703-707. 14. ROSSI D., DELPERO J. : Tumeurs rétropéritonéales primitives. Enc. Med. Chir., 1993 ; 18-083-A-10, 10 p. ____________________ SUMMARY Retroperitoneal giant ganglioneuroma REFERENCES The authors report a ne w case of retroperitoneal ganglioneu roma in an 18- year-old girl presenting with abdominal mass and lumbosciatic a. The diagnosis of retroperitone al tumour was based on computed tomography and magnetic resonance imaging. Treatment consisted of complete rese ction of the tumour. The postoperative course was favourable with no recurrence after one y ear of follow-up. The authors discuss the diagnostic, therapeutic and prognostic aspec ts of this disease. 1. GARCIA G., ANFOSSI E., PROST J., RAGNI E., RICHAUD C., ROSSI D. : Schwannome retropéritonéal bénin : a propos de 3 cas et revue de la littérature. Prog. Urol., 2002 ; 12 : 450-454. 2. HAFIANI M., RABII R., DEBBAGH A., RAIS H., EL MRINI M., BENJELLOUN S. : Retroperitoneal ganglioneuroma : report of a case. Ann. Urol., 1998 ; 32 : 20-22. 3. HAJRI M., BEN MOUALLI S., BEN AMNA M., BACHA K., CHEBIL M., AYED M. : Retroperitoneal ganglioneuroma : report of a case. An. Urol., 2001 ; 35 : 145-147. Key-Words: Ganglioneuroma, retroperitoneal, surgery. ____________________ 505