Les sarcomes rétropéritonéaux
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Les sarcomes rétropéritonéaux
LES SARCOMES RETROPERITONEAUX EL OTMANY A., HACHI H., EL MARJANI M., ERRIHANI H., TIJAMI F., JALIL A., BENJELLOUN S., SOUADKA A. RESUME MATERIEL D’ETUDE Les auteurs rapportent une série de 15 sarcomes rétropéritonéaux, colligés à l’Institut National d’Oncologie entre 1986 et 1995. Six patients (40 %) sont vus pour r é c i d ive. Le sex - ratio est de 1, I’âge moyen est de 48 ans, la taille moyenne tumorale est de 18 cm. L’exérèse est complète chez 8 patients (53 %), élargie au colon ou au rein chez 5 patients. Le type histologique est un léiomyosarcome ou liposarcome dans 66,6 % des cas. 50 % des patients ont récidivé. La survie médiane est de 30 mois après exérèse complète. De 1986 à 1995, les observations cliniques de malades atteints de tumeurs rétro-péritonéales et traités dans le service de chirurgie à l’Institut National d’oncologie ont été revues. Quinze dossiers de SRP ont été sélectionnés, les malades ayant une localisation secondaire à leur admission sont ex clus. Six patients (40 %) ont été adressés pour récidive locale. A la lumière d’une revue de la littérature, les auteurs soulignent l’intérêt du bilan radiologique pour réduire les surprises per opératoires, I’absence de gain de survie lors d’une chirurgie agressive par rapport à une exérèse complète et l’apport de la radiothérapie adjuvante dans l’amélioration du contrôle local. Mots clés : tumeurs rétro - p é ritonéales, sarc o m e s , pathologie, chirurgie. Introduction INTRODUCTION Les sarcomes rétro-péritonéaux (SRP) sont des tumeurs rares, d’une histologie variée et complexe. Ils représentent 0,1 % de l’ensemble des cancers, là 2 % des sarcomes des tissus mous (1, 3) et 45 % des tumeurs rétro-péritonéales (3). Les SRP ont une symptomatologie insidieuse, pauvre et non spécifique. Leur diagnostic est souvent tardif. Leur évolution est marquée par la tendance quasi-exclusive à la récidive locale. L’exérèse complète est actuellement l’arme thérapeutique la plus efficace pour assurer un pronostic favorable. RESULTATS L’âge moyen est de 48 ans avec des extrêmes de 16 ans à 69 ans. Le sex-ratio est de 7 hommes/8 femmes. Les signes cliniques d’appels sont dominés par la douleur (80 %), une masse abdominale (53 %) et des signes de compression (40 %). La taille tumorale moyenne est de 18 cm (6 à 50 cm). L’ exérèse à visée curat ive a été pratiquée chez 8 patients (53 %), élargie au côlon dans 4 cas et au rein dans 1 cas. Le type histologique était un léiomyosarcome dans 46,6 % des cas, un liposarcome dans 20 % des cas, un fibrosarcome dans 20 % des cas, un synovialosarcome dans 1 cas et un sarcome d’Ewing extra-squelettique dans 1 cas. Le grade histologique était élevé dans 70 % des cas. Les récidives locales ont été notées chez 50 % des patients traités à visée curative avec un délai moyen d’apparition de 8 mois. Les métastases hépatiques ont été diagnostiquées chez 3 patients. La survie médiane est de 30 mois et 14 mois respectivement après exérèse complète et cytoréduction. DISCUSSION Les SRP sont des sarcomes des tissus mous à point de départ au niveau de l’espace rétro-péritonéal. Ce dernier est limité par le péritoine pariétal postérieur en avant, le fascia des muscles de la paroi abdominale en arrière, le bord externe du muscle carré des lombes latéralement, la 12ème vertèbre dorsale, la 12ème côte et le diaphragme en haut, le S e rvice de Chiru rgie - Institut National d’Oncologie Sidi Mohamed Benabdellah - Rabat - Maroc Médecine du Maghreb 2001 n°88 50 promontoire en bas ; mais comme il est en continuité avec l’espace sous-péritonéal, la plupart des auteurs associe dans un même cadre nosologique les tumeurs rétro et sous-péritonéales (4). L’incidence des SRP est estimée à 0,2-0,5 pour 100.000 habitants (5). Les SRP surviennent à tout âge avec un âge moyen de 56 ans (6) et des extrêmes allant de 1 à 85 ans (6, 7). Ils ont une répartition égale entre les deux sexes (3, 4). Ils sont habituellement diagnostiqués à un stade évolué en raison de leur caractère longtemps muet et vague. Les signes cliniques d’appel sont dominés par la douleur (41 %), la sensation d’inconfort abdominal (30 %) et par une masse abdominale palpable (25-84 %) (1, 6, 7). Parfois c’est par des symptômes d’emprunt (compression digestive ou urinaire...), une symptomatologie projetée en dehors de la cavité abdominale (œdèmes des membres inférieurs, accès de thrombophlébite, névralgie, varicocèle...) ou par des signes généraux (asthénie, amaigrissement, fièvre...), et de ce fait souvent trompeurs, que se manifeste un SRP (1, 8). Le développement des techniques de l’imagerie médicale a permis grâce à des examens anodins (échographie, tomodensitométrie, imagerie par résonance magnétique) d’avoir un diagnostic précis avec des renseignements détaillés concernant la configuration, la taille, le siège, l’étendue, les rapports avec les structures avoisinantes, la vascularisation de la tumeur et de faire des biopsies guidées particulièrement chez les patients inopérables (9). L’ i m age rie par résonance magnétique est plus fiable que la tomodensitométrie, particulièrement pour la détection des récidives. Les SRP posent parfois le problème de diagnostic différentiel avec toute masse abdominale, la fibrose rétro-péritonéale, les métastases ganglionnaires (particulièrement des tumeurs du testicule), les lymphomes, l’abcès et l’hématome rétro-péritonéal (lors des tumeurs nécrosées) et avec les autres tumeurs du rétro-péritoine (9, 10). Les SRP sont connus par leur taille importante (la taille moyenne est de 15 cm (6, 7) avec des extrêmes de 3 à 72 cm (3, 11)), leur pseudo-capsule faussement rassurante, leur adhérence aux structures avoisinantes, leur structure mixte, leur aspect polylobé et leur hypervascularisation (4). La classification histologique utilisée correspond à celle des sarcomes des tissus mous. Le liposarcome, le léiomyosarcome, le fibro-histiocytome malin, le fibrosarcome, le r h ab d o myo s a rc o m e, le neuro-fibrosarcome représentent 85 % des SRP (1, 3, 9). Le grade histologique est élevé Médecine du Maghreb 2001 n°88 EL OTMANY A., HACHI H., EL MARJANI M., ERRIHANI H., TIJAMI F., JALIL A., BENJELLOUN S., SOUADKA A dans plus de la moitié des cas (3, 12). De nombreuses études ont montré que l’exérèse complète est le seul facteur pronostic déterminant de la survie (2, 3, 6, 12). L’analyse multivariante effectuée chez les patients ayant bénéficié d’une résection complète a démontré que le grade histologique est un facteur de pronostic (2). Contrairement aux sarcomes des tissus mous au niveau des extrémités, aucune étude n’a retenu la taille comme facteur de pronostic lors des SRP (12) et peu d’études sur les SRP ont rapporté des taux de survie différents selon le type histologique. Le traitement des sarcomes des tissus mous ga rde les mêmes principes quelle que soit la localisation. Cependant le respect de ces principes au niveau des zones non compartimentales est difficile voire même impossible, du fait de la présence de structure vitale limitante et de l’absence de barrières anatomiques résécables. Au niveau des zones non compartimentales l’exérèse chirurgicale dite complète ne peut être qualifiée que d’énucléation ou d’exérèse marginale (lors de petites tumeurs), ceci explique le taux de récidives important à ces niveaux. Le traitement chirurgical constitue l’élément thérapeutique déterminant de la survie, mais le stade avancé où sont vues les SRP ne permet une exérèse complète que dans 50 % des cas en moyenne (8-75 %) (1). C’est une chirurgie difficile nécessitant un bilan radiologique complet permettant une planification préopératoire, et une préparation correcte du malade. La voie d’abord doit être large pour permettre une exploration complète et un accès facile aux gros vaisseaux. La voie médiane xypho-pubienne est la plus utilisée, parfois agrandie en thoraco-phréno-laparotomie. Après une exploration chirurgicale soigneuse, I’exérèse chirurgicale doit s’efforcer d’être complète. L’élargissement aux organes avoisinants doit être de nécessité et le moins agressif possible. RUYG et coll. (6) a montré qu’une chirurgie agressive n’apporte aucun gain de survie par rapport à une exérèse macroscopiquement satisfaisante. La chirurgie palliative est controversée (1, 5). L’application de la radiothérapie au niveau du rétro-péritoine rencontre des difficultés en rapport avec l’étendue souvent importante du champ à irradier et de la tolérance limitée des structures avoisinantes. L’ a s s o c i ation de la ra d i o t h é rapie à hautes doses à une LES SARCOMES… 51 exérèse complète a permis d’améliorer le contrôle local sans gain en survie (3, 13). WILLET rapporte une augment ation du taux de résécabilité dans 70 % des cas et un contrôle local à 4 ans de 81 % après une radiothérapie préopératoire (14). Les complications de la radiothérapie postopératoire sont essentiellement digestives (17 %). Alors que la radiothérapie per opératoires engendre surtout des complications neurologiques (33 %), particulièrement en cas de champs pelviens élargis (13). La chimiothérapie adjuvante dans les sarcomes des tissus mous n’est pas un standard, les études randomisées n’ont pas démontré un avantage net en faveur de la chimiothérapie et sont discordantes (15). Les anthracyclines restent les drogues les plus efficaces, l’association anthracycline aux autres drogues notamment à l’ifosfamide est supérieure en matière des réponses et non pas de survie. Les récidives locales sont fréquentes (13). Elles sont de 72 % à 5 ans et de 91 % à 10 ans (16). Elles sont la cause majeure du décès (6). Leur traitement reste chirurgical (17). Les métastases à distance sont re l at ivement moins fréquentes (25 % des décès) (1). La survie globale est de 36 % à 5 ans et de 14 % à 10 ans. La survie après exérèse complète est de 55 % à 5 ans et de 22 % à 10 ans (3). CONCLUSION Les SRP constituent un groupe varié de tumeurs ra re s , c o n nues par leur agre s s ivité locale. Le traitement est essentiellement chirurgical. Les récidives locales sont la cause majeure de l’échec thérapeutique. Leur pronostic est généralement désastreux. BIBLIOGRAPHIE 1 - BRUCE H. ZIRAN, JOHN T. MAKLEY, JOHN R. CARTER. Primary retroperitoneal sarcomas. 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