Médecins dans l`industrie : Une rareté très prisée

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Médecins dans l`industrie : Une rareté très prisée
Spécial Métiers
Médecins dans l’industrie
Une rareté très prisée
Les médecins sont très demandés par l’industrie pharmaceutique et leur rôle
va s’accentuer. Les carrières qui s’offrent à eux sont très diversifiées. Mais ils ne
le savent pas assez, alors qu’ils y sont les bienvenus.
L
e recrutement de médecins est
devenu difficile. La pénurie sévit
sur toute la planète et la France
n’y échappe pas. Face à la situation, l’industrie pharmaceutique, à
l’instar de l’hôpital, recrute des médecins d’origine étrangère. A celà s’ajoute le faible attrait de l’industrie, mais
il y a plus grave : le faible attrait de
l’industrie pour les médecins qui ne
la connaissent pas. Ils sont nombreux
à ignorer les possibilités d’évolution
professionnelle qui leur permettront
d’exercer différents métiers successifs, parfois très différents, au cours
d’une même carrière dans l’industrie.
Les études de médecine ne préparent
pas aux connaissances requises pour
optimiser une carrière dans l’industrie : apprentissage du management,
connaissance du fonctionnement économique et social d’une entreprise et
surtout formation au travail en équipe
de projet, coordination des multiples
acteurs impliqués dans le développement d’un produit et compréhension du rôle de chacun au sein d’un
projet.
Une demande croissante
« Il n’existe pas de filière de formation
spécifique des médecins à l’industrie
pharmaceutique, alors que cette filière existe, pour les pharmaciens,
dans des écoles de commerce, comme
l’ESSEC, mais aussi à Sciences Po »,
regrette Jean-Marie Goehrs. L’industrie du médicament, de son côté, n’a
pas développé de politique de communication particulière pour se faire
connaître auprès des étudiants en médecine. Ainsi, seulement quatre laboratoires – dont MSD – ont passé une
convention avec l’Assistance publique
pour accueillir des internes venant valider un semestre d’internat de santé
publique par exemple. Les carrières
offertes par l’industrie des produits de
Démographie médicale en berne
Entre 2006 et 2030, la population française devrait croître d’environ 10 %, mais le
nombre de médecins diminuera. La densité médicale, c’est-à-dire le nombre de médecins par habitant, chutera alors davantage que les effectifs. Pour l’ensemble France
métropolitaine et DOM, elle passerait de 327 à 292 médecins pour 100 000 habitants entre 2006 et 2030, diminuant ainsi de 10,6 % pour retrouver son niveau de
la fin des années quatre-vingt. Elle atteindrait un point bas en 2020, date à laquelle
on compterait 276 médecins pour 100 000 habitants, et ne repartirait à la hausse
qu’en 2024. (DREES février 2009). Il existe ainsi une pénurie durable de médecins
qui touche tous les secteurs et qui atteint logiquement l’industrie pharmaceutique.
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PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2009
santé sont très diversifiées, les sociétés de développement d’imagerie, de
diagnostic, de matériel médical ou encore de robotique médicale ont également besoin de recruter des médecins. Il serait utile que les étudiants en
médecine le sachent et y soit formés.
Enfin, les médecins ignorent aussi les
conditions financières particulièrement attractives qui leur sont offertes
par l’industrie, du fait d’une offre faible face à une demande croissante de
l’industrie.
Recherche médecins
désespérément
Le nombre de médecins recrutés par
l’industrie pharmaceutique a été multiplié par trois ou quatre au cours des
dix dernières années dans les équipes
médicales. Cette augmentation est en
partie liée à un changement au niveau
de la demande des hospitaliers et à la
pression des autorités de santé qui obligent la communication des laboratoires à être de plus en plus scientifique
vis-à-vis des praticiens. Les médecins
sont ainsi les garants scientifiques de
la communication et la valident. Ils
représentent un passage obligé puisque
« sur le plan légal, l’information hors
AMM ne peut en principe être délivrée
à un praticien que par un confrère médecin », explique Anne Gautier (Pact
Partners). La demande de médecins de
la part de l’industrie est de ce fait devenue très forte.
La tendance « les médecins parlent aux
médecins » devrait encore s’accentuer,
DR
confirme Anne Gautier. En effet, on
observe que les jeunes médecins (de
moins en moins nombreux et disponibles) attendent de la part de l’industrie – en dehors d’autres modes relationnels – une information de haute
valeur scientifique et sont de plus en
plus réfractaires à la « publicité ».
S’adapter aux besoins
« Le recrutement des médecins n’a
d’ailleurs été possible que par l’arrivée massive de médecins d’origine
étrangère (Maghreb et pays de l’Est
notamment) en raison de la pénurie de médecins diplômés en France
et en Europe », souligne Anne Gautier (Pact partners). Cette pénurie va
encore s’accentuer du fait de la forte
baisse annoncée de la densité médicale française dans les quinze ans à venir
(voir encadré) et de la difficulté croissante à recruter des médecins étrangers qui sont maintenant de plus en
plus sollicités par leurs pays d’origine
et par les pays émergents. Anne Gautier précise cependant que cette difficulté est amplifiée par le niveau de
rémunération des médecins, niveau
auquel l’industrie n’était pas habituée,
et au besoin de trouver des médecins
formés aptes à s’adapter rapidement
aux besoins. En acceptant de former
les jeunes médecins, ce qui n’est pas
non plus une habitude et de payer
mieux ceux-ci, les problèmes seraient
en partie résolus.
Les salaires s’envolent
Le besoin est tel que tous les médecins sont les bienvenus. Il n’y a pas
de limite d’âge à leur embauche dans
l’industrie, du moment où le médecin
sait travailler en équipe et s’adapter à
sa nouvelle situation. « De même, il
est très aisé pour un médecin d’évoluer dans l’industrie pharmaceutique
même après 50 ans, qu’il soit spécialiste ou généraliste », confirme le
Dr. Ludovic Jubé (Altigapharma).
L’âge est même un avantage, il représente un gage de sérieux et de maturité face à un patron hospitalier. En
conséquence, les salaires s’envolent.
Exemple : 60 000 euros de salaire fixe
annuel pour les médecins régionaux
débutants, auxquels s’ajoutent une
voiture et d’autres avantages. De plus,
Ludovic Jubé souligne que la pénurie
est majorée par différents éléments.
Ainsi, des médecins de plus de 50 ans
quittent de plus en plus souvent l’industrie pharmaceutique, par besoin
de revenir aux sources ou en raison de
l’usure, et s’installent dans le privé ou
intègrent un service hospitalier, tout
en gardant une activité ponctuelle
de conseil. Autre facteur de désaffection, les réticences qui apparaissent
chez les médecins face à la très grande
taille des entreprises. Souvent assez
individualistes, ils craignent en effet
que « leur responsabilité stratégique
en matière de développement clinique soit limitée, notamment quand
ils sont employés dans les filiales de
grands groupes où les décisions sont
prises par les maisons mères ».
La nécessaire évolution
des métiers
Les entreprises de biotechnologie recherchent des profils rares de médecins ayant une expertise très pointue
et intéressés par l’international. Le
problème majeur en France, pour ces
postes internationaux est le très faible
niveau d’anglais. « Une catastrophe
nationale », qui représente un handicap très important et qui aboutit
souvent au refus du candidat français.
A quand l’anglais dans les facultés de
médecine ? Les enjeux de santé publique étant devenus prédominants
pour les décideurs, l’environnement
dans lequel fonctionne l’industrie est
en profonde mutation. Les métiers
médicaux des entreprises du médicament doivent ainsi évoluer du fait de >>>
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Spécial Métiers
>>> la pression renforcée des autorités qui
demandent « des comptes » aux industriels de la santé. Ils doivent aussi
intégrer le rôle de plus en plus important de l’économie dans les décisions
de santé et tenir compte de l’avis des
patients. Pour mieux cerner toutes
les facettes de cette problématique,
l’AMIPS a mené une enquête ayant
pour thème « Les métiers médicaux
dans les industries des produits de santé : enjeux et évolution nécessaires ».
Ses résultats permettront d’élaborer
des propositions d’organisations nouvelles et de formations adaptées pour
répondre aux enjeux de santé. Outre la
pénurie de médecins et le faible attrait
de la pharma pour les médecins, cette
étude montre que la plupart des médecins de l’industrie ont aujourd’hui un
rôle d’expert interne et un rôle d’interface avec leurs pairs, mais qu’ils ne
sont qu’exceptionnellement impliqués
dans les décisions stratégiques.
Métiers médicaux stratégiques
Jean Michel Joubert, président de
l’AMIPS, estime que « si l’industrie
pharmaceutique veut conserver ou
acquérir une place en tant qu’acteur
responsable du système de santé publique, elle doit accroître sa légitimité et
générer de la confiance. » Les données
de santé – économiques, épidémiologiques, pharmaco-épidémiologique et
B U L L E T I N
Le choix du salariat
Lors de la conférence inaugurale du Medec de mars 2009, le Dr. Michel
Legmann, président réélu en juin du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), a expliqué que la question la plus préoccupante n’est
pas tant la diminution du nombre de médecins en activité, mais la désaffection des médecins pour la pratique libérale : « L’exercice libéral a
perdu toute attractivité, à tel point que, parmi les nouveaux inscrits en
médecine, seuls 9 % des étudiants seraient prêts à embrasser cette voie. »
C’est en 1997 que les médecins salariés nouvellement inscrits au CNOM
sont devenus pour la première fois plus nombreux que les médecins libéraux. Depuis, cette tendance n’a pas cessé de se renforcer. Ainsi, en
2007, 66 % des nouveaux inscrits à l’Ordre avaient ainsi choisi une activité salariée, selon l’Atlas de la démographie médicale en France de 2008.
L’industrie devrait bénéficier de cet attrait des médecins pour le salariat,
mais en pratique, il n’en est rien. Aujourd’hui, puisqu’ils ont le choix,
les médecins préfèrent en effet être des salariés exerçant la médecine – ce
pour quoi ils ont fait des études – plutôt qu’être salariés de l’industrie.
de santé publique – « vont devenir les
outils de légitimité de l’industrie pharmaceutique face aux autorités de santé
et générer ces données dépend de décisions stratégiques. Les métiers médicaux
deviennent alors stratégiques pour l’entreprise, car ils sont les plus adaptés pour
créer et exploiter ces données de santé
», poursuit ce dernier. A côté des enjeux
commerciaux, l’industrie aura ainsi besoin de se médicaliser davantage pour
devenir un contributeur des connaissances en santé. La nécessité de disposer
de données du suivi des médicaments
dans la vraie vie est ainsi à l’origine de
la création de nombreux postes dans des
services où les médecins assument d’importantes responsabilités.
Dans ce nouveau contexte, le passage
du public au privé – et inversement –
apparaît comme un phénomène naturel. « Générer des données de santé,
les utiliser pour prendre des décisions
et évaluer ces décisions constituent en
pratique un métier identique, qui oblige à une vraie collaboration entre public et privé », note encore le président
de l’AMIPS. ■
Emmanuel Cuzin
D ’ A B O N N E M E N T
Nom .....................................................................................
Prénom ..............................................................................
Société.............................................................................
Fonction .........................................................................
Adresse ..........................................................................
........................................................................................
........................................................................................
........................................................................................
Tél ....................................................................................
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