la vraie nature des pharmaceutiques

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la vraie nature des pharmaceutiques
Avril 2004
Contes et comptes du prof Lauzon
LA VRAIE NATURE DES PHARMACEUTIQUES
par Léo-Paul Lauzon
J’aurais du être…
Couillon que je suis que je me dis souvent. Au lieu d’être fonctionnaire et souvent critiqué par la
population et peut-être par toi aussi mon fils et ma fille, dénigré par les journalistes, honnis par
les politiciens qui veulent me sous-traiter au privé pour que je devienne plus efficace, méprisé par
les affairistes qui me considèrent comme une nuisance publique et ignoré par les femmes qui n’en
ont que pour les artistes, les sportifs et les policiers, j’aurais dû être n’importe quoi d’autre,
comme par exemple pharmacien, médecin, affairiste, chercheur, politicien ou investisseur. J’aurais
été alors inondé de beaux cadeaux par les compagnies pharmaceutiques et ma mère itou. Et, à
titre d’investisseur et d’affairistes, j’aurais fait la grosse passe. Le bonheur quoi ! Être
fonctionnaire pour la vie, t’appelles ça vivre toi ?
J’aurais dû être pharmacien
Dans une excellente série d’articles du réputé journaliste d’enquête André Noël de La Presse,
publiée en 2003, il a été démontré que plutôt que baisser le gros prix de leurs médicaments, les
fabricants de médicaments génériques ont préféré faire des cadeaux à leurs fidèles pharmaciens
québécois de l’ordre d’environ 500 millions de dollars par année. Y’a rien là ! Des cadeaux comme
des matériaux et des travaux de rénovation, des vêtements aux Ailes de la Mode et aux Boutiques
San Francisco, des locations ou des achats de voiture, des piscines, de l’argent comptant, des
bons d’essence, des prêts sans intérêt et des maisons qui leur ont été payées totalement ou en
partie. Aussi au programme, des voyages, pas à Pointe-Calument ou à Saint-Tite, mais dans les
Caraïbes ou dans la vieille Europe. Maudite bande de chanceux. J’aurais pu enfin réaliser mon
rêve d’avoir un beau split-level à Duvernay ou à Sainte-Foy et d’aller voir en spectacle Céline Dion
à Las Vegas.
Oh, oh, que vois-je ici, deux autres articles d’André Noël du 14 mai 2003 intitulé : «Un voyage en
Italie gratuit pour 79 pharmaciens» et un autre du 9 décembre 2003 intitulé : «L’Ordre des
pharmaciens approuve des cours suivis sur un bateau de croisière». C’est quoi le problème au
juste ? Ne dit-on pas que les voyages forment la jeunesse, les pharmaciens et leurs conjoint(e)s ?
Dans un article du Devoir du 26 février 2003, l’Ordre des pharmaciens et son président, Paul
Frenet, et non Frenette qui fait plus commun, ont dit que l’on ne pouvait rien faire à ce
phénomène humain naturel : «Un mal contre lequel l’Ordre n’a pas de remède». En fait, un mal
incurable lié à la nature intrinsèque de l’homme et de sa dulcinée. Donc, pas besoin de remède
puisque c’est un mal qui leur fait du bien. Oh Sainte-Bine, même la ministre déléguée libérale du
Québec à la Santé, Julie Boulet, qui est propriétaire d’une pharmacie, a aussi admis avoir reçu des
cadeaux. Le très suave frisé de Sherbrooke et aussi premier ministre du Québec, Jean Charest luimême en personne, a dit qu’il y avait pas de quoi à en faire un plat et même un bol puisque, je
suppose, cela fait partie de sa fameuse «réingénérie». À la défense de sa ministre déléguée Julie,
j’ajouterais même : «Que le politicien qui n’a jamais reçu de cadeaux d’un affairiste lui jette la
première pierre». Ah ben coudonc, que vois-je ici sur Paul Frenet : «Le président de l’Ordre des
pharmaciens sur la sellette», tel fut le titre de l’article de La Presse du 21 mai 2003 encore signé
par le journaliste André Noël. Vraiment de l’acharnement de la part de ce journaliste sur nos
professionnels de la santé avec un grand «P». Y pourrait pas faire comme les autres journalistes
et écrire sur les nids-de-poule, la vache folle ou les cols bleus de Montréal ? Paraît-il que le dit
président de l’Ordre en a eu son voyage de tout ça et qu’il est reparti en voyage sur le bras de
vous devinez qui ?
J’aurais dû être médecin
J’aurais pu aussi devenir médecin, faire mon p’tit 200 000$ tranquille chaque année et être
comblé en cadeaux de toutes sortes, non imposables naturellement, par les compagnies
pharmaceutiques. Par exemple, dans un excellent article d’Éric Yvan Lemay, du 9 mai 2003 paru
dans le Journal de Montréal et intitulé : «Un médecin dénonce les pots-de-vin des
pharmaceutiques», le journaliste énumère certains petits présents offerts aux toubibs comme
1500$ cash et un petit week-end à l’auberge et 225$ pour une entrevue téléphonique de 40
minutes. Tout en soulignant le courage du docteur Martin Plaisance de dénoncer ces petites
gâteries, peut-être sera-t-il accusé par ses collègues de venir fucker la job ? Ah non, bout de
merde, même le très sérieux Wall Street Journal du 14 juin 2002 s’en mêle et a signalé lui aussi
les cadeaux princiers et royaux comme les voyages, les frais de représentation, les gros
honoraires versés pour des discours, etc. Savais-tu mon ami qu’en 2001 l’industrie
pharmaceutique a dépensé environ 25 milliards$ en promotion contre 12 milliards$ en 1996 ?
Y’en a qui se font graisser la patte et le bras quelque part ! En tout cas, on ne peut pas dire que
les pharmaceutiques sont des «cheaps» qui lésinent sur la dépense. Les frais de marketing des
fabricants de pilules représentent 20 cents pour chaque dollar du coût du médicament que tu
achètes. Ainsi, si on sabrait ces dépenses totalement superflues, on pourrait réduire le coût de tes
pilules favorites de 20%. Ah non, après le médecin empêcheur de tourner en rond, voilà que l’État
du Vermont aux États-Unis veut rendre publics les cadeaux offerts aux médecins par les
pharmaceutiques, ce qui deviendra, comme il se doit, un avantage imposable. En voilà une drôle
juste pour toi mon ami. Roger Simard, un ex-directeur des ventes d’une grosse pharmaceutique
est venu courageusement à la défense de son industrie en publiant une opinion dans Le Devoir du
16 mai 2003 intitulée : «Les cadeaux de l’industrie pharmaceutique n’ont pas l’impact que l’on
croit». Plus têteux que ça, tu meurs ! Alors pourquoi donc faire tant de cadeaux si ce n’est pas
important ? Veux-tu ben me dire pourquoi Le Devoir a publié cette propagande de première classe
qui est carrément une insulte à notre intelligence ? Je sais bien qu’on est pas une 100 watts, mais
on n’est pas une veilleuse non plus.
J’aurais dû être politicien
Gros tata, t’as voulu devenir professeur, ben tant pis pour toi ! T’appelles encore ça vivre toé,
enseigner à l’année longue à des petits monstres à batterie qui sont dans la vingtaine ? Crois-moi,
ça fait vieillir son homme prématurément. Par exemple, être devenu politicien, j’aurais pu faire
comme l’ex-ministre péquiste de la santé, Pauline Marois, qui a été invitée en 2000 à être l’unique
conférencière à un souper de financement du Bloc Québécois auquel participait une soixantaine de
lobbyistes de l’industrie pharmaceutique. La chanceuse, chu très beaucoup jaloux. Parler devant
des lobbystes de tout acabit, c’est ben mieux que d’avoir à parler devant une classe de 60
étudiants, en administration en plus de ça. Chaque jour suffit sa peine ! Après sa conférence, la
ministre de la santé a fait le tour de la dizaine de tables pour discuter avec des convives des
pharmaceutiques. Moi j’appelle ça savoir vivre, mais quelques journalistes à l’esprit tordu y ont vu
un problème d’éthique. Offusquée, la ministre péquiste, socialiste à ses heures, c’est-à-dire
jamais, a été beaucoup fâchée qu’on mette en doute son indépendance. Après tout, elle a juste
fait le tour des tables, elle n’a tout de même pas dansée aux tables ! Lâchez-la donc tranquille,
sinon elle va se mettre à «brasser de la marde» comme elle a dit qu’elle était pour faire lors de sa
dernière défaite électorale.
Oh que l’ex-ministre fédéral libéral de l’industrie, Brian Tobin, était, du temps où il était dans
l’opposition, un furieux opposant au prolongement de la durée des brevets des pharmaceutiques
qui les avantagent beaucoup. Il l’a dit lui-même dans ces termes : «J’y ai été férocément opposé
et certains de mes commentaires ont été, disons, flamboyants». Le dit député devenu ensuite
ministre s’est converti à la cause et en a donné encore plus aux pharmaceutiques en allongeant,
en 2001, de 17 à 20 ans la durée de protection de leurs très chers brevets. Un gars a le droit de
changer d’idées, non ? Pour ce geste tout à fait louable, les pharmaceutiques devraient payer à
Brian une audience privée avec le Pape sur un beau bateau de croisière.
Savais-tu que, parole du Los Angeles Times, l’industrie pharmaceutique a un gros budget de
lobbying (700 millions$ entre 1996 et 2002) et 600 lobbystes sont à son service, dont 24 recrutés
chez d’anciens députés du Congrès. Je te le dis que la politique mène à tout et surtout au
lobbysme pas seulement après ton séjour en politique mais aussi pendant. Tiens, tiens, le député
du parti libéral du Québec, William Russel qui était l’adjoint parlementaire du ministre de la santé
Philippe Couillard, vient d’annoncer, le 9 mars dernier, sa démission comme député pour agir
dorénavant à titre de président d’une compagnie de lobby pharmaceutique. Faut pas voir làdedans aucun conflit d’intérêt, voyons-donc, tout le monde sait ça. Voilà une maudite bonne
nouvelle pour Pauline et Brian. Ça pourrait les intéresser le lobbyisme pharmaceutique, eux qui
ont déjà une bonne longueur d’avance dans ce domaine. Quant à Jean Charest, notre sublime
premier ministre du Québec, il en a seulement contre le lobby des syndicats qui ont en fait zéro
lobbyste à plein temps à Québec. Lâche pas la patate ti-Jean et continue ton beau programme,
sois sans crainte, l’industrie pharmaceutique c’est pas une bande d’ingrats, ton tour va venir. Je te
vois très bien lobbyiste pour le compte des pharmaceutiques. Ça serait juste un beau retour
d’ascenseur dans ton cas comme ils l’ont fait pour ton député Russel. Savais-tu enfin qu’aux
States, lors de la dernière élection présidentielle, ceux qui ont le plus donné aux politiciens furent,
eh oui, les compagnies pharmaceutiques avec environ 300 millions$, parole du New York Times.
J’aurais dû être affairiste
Au cours des dernières années, les compagnies pharmaceutiques ont réalisé un taux de
rendement moyen, après impôt s’il-vous-plait merci, sur le capital investi de 45% l’an. Même les
shylocks font pas ça. Ça mon ami, c’est tout simplement criminel et crois moi, je mesure bien mes
mots, de réaliser de tels rendements qui riment avec prix exorbitants des médicaments. Ça veut
dire aussi que ben du monde d’ici et d’ailleurs ne peuvent se payer ces médicaments et meurent.
C’est-y assez clair pour toi ? Les politiciens qui tolèrent tout ça et les aident à t’arnaquer encore
plus, comme le ti-clin à Brian Tobin, sont leurs complices.
L’industrie pharmaceutique c’est tellement le klondike et nos élus les inondent tellement de
subventions publiques avec nos impôts pour nous fourrer encore plus, que ça attire bien des
affairistes. Par exemple, le maire de Montréal, Gérald Tremblay, est actionnaire de
Thératechnologies, l’ex-hockeyeur Serge Savard dans Bio Syntech, le sublime Marcel Aubut dans
AEterna et l’opportuniste Claude Castonguay dans Andromed. Mais, le plus gros crosseur de luxe
de tous est Francesco Bellini qui a empoché sur notre bras 261 millions$ lors de la vente de
BioChem Pharma, une ancienne société d’État québécoise que des petits vendus de politiciens ont
privatisé pour des miettes, à l’anglaise Shire qui vient de fermer la shop ici pour la déménager
ailleurs. Le gros filou a même poussé son mépris envers les Québécois en prétendant que la vente
de BioChem Pharma à Shire lui avait brisé le cœur. Ta gueule salament ! Brisé son petit cœur
tendre peut-être, mais rempli ses grosses poches de 261 millions$, ce qui l’a aidé un p’tit brin à
passer au travers de cette dure épreuve. Maintenant, il est reparti de plus belle dans d’autres
compagnies pharmaceutiques comme Neurochem, Ecopia BioScience, Virochem et Picchio Pharma
et crient toujours aussi fort auprès de ses amis du gouvernement pour recevoir toujours plus de
subventions et de privilèges, ce que ses complices de politiciens s’empressent de lui accorder.
J’aurais dû être chercheur
Voici en rafale les titres d’articles de journaux qui vont te mettre au parfum de la véritable nature
des compagnies pharmaceutiques et des liens incestueux qui peuvent exister avec les chercheurs
universitaires et autres supposément indépendants qu’ils rémunèrent toutefois grassement :
•
«Des compagnies pharmaceutiques se substituent à l’État pour payer les salaires des
chercheurs». Eric Yvan Lemay, Journal de Montréal, 5 novembre 2002. Voilà à quoi rime le
retrait de l’État. Les chercheurs universitaires deviennent alors des «pedleurs» à la solde
des pharmaceutiques.
•
«Les chercheurs manquent d’information sur l’efficacité des médicaments». Mathieu
Perreault, La Presse, 30 décembre 2002. Pas grave, les chercheurs ont été payés pour
écrire et chercher, pas pour trouver.
•
«Des scientifiques forcés d’approuver des médicaments ?». Des scientifiques du ministre
fédéral de la Santé qui demandent l’aide d’Allan Rock, l’ex-ministre libéral de la santé, suite
aux pressions indues venant du milieu. Les boys, vous ferez ben mieux de vous adresser
ailleurs pour recevoir de l’aide.
•
«Publicité trompeuse dans les revues médicales». Raymond Gervais, La Presse, 5 janvier
2003. Même les revues médicales y passent, c’est le boutte du boutte.
•
«Industrie pharmaceutique : des recherches faussées». Sophie Allard, La Presse, 2 juin
2003. Ça, ça fait longtemps qu’on sait ça.
•
«Médicaments : des études cachées». Baptiste Ricard-Châtelain, La Presse, 18 février
2004. Un jour, on les trouvera, parole de scout.
Études cachées, publicité trompeuse, fonctionnaires intimidés, chercheurs et politiciens achetés,
pharmaciens et médecins sudoyés, recherches faussées, etc. Conclusion, le privé c’est ben
meilleur. C’est donc de ça que Lucien Bouchard, l’ex-premier ministre péquiste du Québec, parlait
quand il disait s’en remettre à «l’éthique capitaliste» pour justifier sa déréglementation à tout crin.
Ben oui, le privé est en mesure de s’auto-réglementer et de s’auto-discipliner. Dans ce cas, pas
besoin de lois et de règlements totalement inutiles et Jean Charest a bien raison de ratatiner et de
réduire l’État à sa plus simple expression. Le privé est là pour veiller sur nous et s’occuper de
nous. Bon, j’arrête. Je commence à avoir vraiment la chienne. Dans Le Devoir du 9 janvier 2004,
un petit encart annonçait l’émission Zone Libre de Radio-Canada ainsi : «L’émission présente un
documentaire d’Arte sur German Velasquez, un diplomate de l’Organisation mondiale de la santé
qui a été menacé de mort après s’être attaqué aux compagnies pharmaceutiques». Tant pis pour
lui, il l’a bien mérité. Comment quelqu’un de bonne foi peut-il dire du mal contre cette
merveilleuse et bienveillante industrie ? Franchement, ça prend toute sorte de monde pour faire
un monde ! En tout cas, comptez sur moi pour dire que ce soit de mal sur la dite mafia
pharmaceutique.

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