Un pensionnat anglais en pays vendéen

Transcription

Un pensionnat anglais en pays vendéen
Un pensionnat anglais
en pays vendéen
C
'EST PRESQUE un bout d'Angleterre en pleine
Vendée. D'ailleurs, l'histoire de ce lieu
est liée à nos cousins d'Outre-Manche
depuis bien longtemps puisque le terrain
fut donné à l'Église au XIIIe siècle par
des seigneurs d'ascendance anglo-normande. En
1802, le lieu devient un petit séminaire. Un siècle
plus tard, lors de la loi de séparation de 1905, les
bâtiments sont confisqués à l'Église et c'est en
Angleterre que les prêtres impliqués dans l'éducation des garçons s'exilent, à Shaftesbury. Racheté
par un aristocrate, le petit séminaire rouvre ses
portes en 1912. Dans les années 1980-1990, l'internat accueille chaque été un stage de formation
intensive pour les organistes liturgiques, dirigé par
l'Abbé Abel Gaborit. Fermé depuis 1997, un nouvel
établissement s'est installé en septembre 2002. Si
ce n'est plus un séminaire, ce dernier reste fidèle à
l'histoire des lieux.
Le nom sera familier à certains puisqu'en 2004
la chaîne de télévision M6 a utilisé l'endroit pour
y planter le décor de son émission « Le pensionnat
de Chavagnes ». Une émission de télé-réalité dont
le principe était de mettre des adolescents dans
les conditions strictes d'un pensionnat français des
années cinquante et de leur faire passer le certificat d'études primaires. Remettant pour un temps
sur la place publique la question des vertus d'un
enseignement « à l'ancienne ». Mais le Chavagnes
International College est bien réel, lui. Et bien ancré
dans notre époque quoi que ne dédaignant pas une
certaine tradition. Cet internat catholique pour
garçons est en effet un établissement typiquement
anglais qui s'est enraciné dans ce terroir vendéen.
Il a été fondé par le Britannique Ferdi McDermott
et une petite équipe de professeurs anglais, américains, australiens et irlandais partageant sa vision.
Dans un esprit de fidélité à l'Église, avec le soutien
de l'évêque de Luçon d'alors, Mgr Michel Santier.
L'objectif ambitieux est de former les leaders de
demain : de jeunes hommes avec une profonde
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connaissance et un profond amour du Christ et de
l'Église ainsi que le sens du devoir et des responsabilités.
L'aspect spirituel est primordial à Chavagnes.
Un aumônier anglais à résidence enseigne le catéchisme, confesse les jeunes et les accompagne
spirituellement. Il célèbre chaque jour la messe à
laquelle assistent tous les élèves ainsi que le staff
de l'école. La messe est célébrée en latin, généralement dans le rite ordinaire. Le père Bede Rowe, qui
dépend de l'évêque de Luçon, y fait des sermons, en
anglais bien sûr, dynamiques et pleins d'humour se
référant à la vie quotidienne des internes.
Ces derniers y chantent car ils font presque tous
partie du chœur de l'école qui est une institution
importante de l'école. Ils y apprennent le grégorien mais y chantent également du Mozart, du
Bach, du Haendel ou encore des polyphonies de la
Renaissance. La musique fait partie intégrante de
La statue de la Vierge garde la philosophie éducative qui est pensée comme un
l'entrée du pensionnat.
tout. Elle transcende les nationalités et les barrières
culturelles dans cette école internationale. C'est
aussi une manière de célébrer Dieu et une école
de la liturgie. En plus de l'étude de la musique,
c'est également une autre manière d'aborder les
langues, dont le latin, de développer ses capacités
en mathématiques, d'améliorer sa capacité de
concentration et un exercice de travail en équipe.
Car la salle de classe n'est pas considérée
comme le seul dispositif éducatif mais chaque
moment de la journée, jusqu'aux loisirs, est envisagé comme une opportunité d’apprentissage. Et
il n'est pas question de réduire la finalité de l'enseignement à une formation professionnelle. Mais
plutôt d'éduquer les esprits de ces jeunes hommes
afin qu'ils soient plus aptes à appréhender la
vérité, rechercher le bon et aspirer à la beauté.
La philosophie pédagogique de l'école se veut
largement inspirée par les Pères et Docteurs de
l'Église mais aussi tout particulièrement par le
bienheureux cardinal Newman. Ce dernier, qui
fonda l'University College de Dublin à la demande
des évêques irlandais pour s'opposer aux Queen's
Colleges de Sa majesté tenus par des anglicans,
s'expliquera de sa vision originale de l'enseigne-
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Au cœur de la campagne française
s'est installé un établissement
international atypique.
L'aspect
spirituel est
primordial à
Chavagnes
ment dans une série de conférences qui seront
reprises dans son ouvrage L'idée d'université.
Pour ce dernier les programmes ne sont pas le
plus important dans une école, mais plutôt le génie
des lieux (« genius loci »). Il s'agit d'y éduquer l'intelligence et de conduire à la recherche de la vérité.
Si la formation n'a pas de finalité directement
pratique, avec pour mission de « rendre à l'intellect ce qui lui est dû », il n'est pas question pour
autant d'être indifférent à la réalité ou au savoir
technique. Mais elle est destinée à ouvrir les esprits
et non à les enfermer dans une « bigoterie » de la
spécialisation. Dans cet esprit, l'étude de la théologie a une place à part, elle permet d'interroger
les autres sciences sur leurs limites et leur finalité.
Ces lignes directrices s'inscrivent à Chavagnes
dans un esprit bien particulier. Les lecteurs et les
spectateurs d'Harry Potter ne pourront pas ne
pas y penser. Après tout, l'univers de J. K. Rowling
n'est pas si éloigné du nôtre et surtout de celui
de l'éducation traditionnelle anglaise. Ainsi on
retrouvera à Chavagnes le principe de l'organisation en « maisons ». Mais ici elles sont nommées
d'après les noms de généraux de l'armée catholique et royale de Vendée : Charette, Cathelineau,
Rochejacquelein et Suzannet. Chaque maison a
un « capitaine » (un élève plus âgé) et un professeur maître de maison. Elles servent de base aux
nombreuses activités internes, comme les compétitions sportives, les débats, etc.
Situé au cœur de la campagne vendéenne,
Chavagnes, en plus des beaux – mais vieux et
parfois vétustes – bâtiments en cours de rénovation du séminaire, se trouve au cœur d'un joli
domaine, qui comprend notamment des terrains
de sport, mais aussi un étang, où les élèves peuvent
pêcher, ou se baigner aux beaux jours. Car les
activités « extra-scolaires » sont nombreuses et
variées et le sport important.
L'équipe éducative de Chavagnes est très
impliquée et une partie vit sur place. Une quarantaine d'élèves de tous niveaux, de 7 à 18 ans, se
répartissent dans des classes très personnalisées
et il se dégage de l'établissement une atmosphère familiale. Entre élèves et dans les relations
© GRÉGOIRE COUSTENOBLE
© GRÉGOIRE COUSTENOBLE
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Le bâtiment du
pensionnat vu de
la porte d'entrée.
Les poules du pensionnat.
La messe quotidienne
dans la chapelle néo-gothique
de l'Immaculée Conception.
Les
conditions
de vie à
Chavagnes
restent
relativement
spartiates
élèves-professeurs. Si l'humeur est joyeuse et
plutôt décontractée, cela n'empêche pas une
tenue exemplaire, des uniformes à l'entretien de
l'espace. Le staff et les élèves partagent une vie
commune, lors des repas, par exemple.
Les cours sont dispensés en anglais par des
professeurs dont c'est la langue maternelle et
si de plus en plus de Français fréquentent cet
établissement si britannique, la langue en usage
obligatoire reste l'anglais. Mais les élèves reçoivent un enseignement intensif en français et
peuvent séjourner régulièrement dans des familles
françaises. Comme le montre le nom des maisons,
le pensionnat s'est fortement acculturé dans la
région. Les contacts avec la communauté locale
de Chavagnes-en-Paillers et des alentours sont
fréquents et des voyages et pèlerinages en France
sont régulièrement organisés.
Ferdi McDermott ne veut pas faire de « course
à la plaquette », entendez par là qu'il ne veut pas
se lancer dans une surenchère coûteuse d'activités
et d'installations pour attirer les étudiants. Les
conditions de vie à Chavagnes restent relativement spartiates. Cette manière de faire, ainsi
que l'implantation en France, permet des tarifs
inférieurs à ceux qui se pratiquent en Angleterre,
mais qui restent élevés, à savoir, entre 4 000 et
9 000 euros l'année en fonction du niveau d'études
et 7 500 euros de pension. Q
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