La Mucoviscidose

Transcription

La Mucoviscidose
Mucoviscidose
antibiothérapie et
aérosolthérapie
DESC Infectiologie
22 avril 2016
Pr Rodolphe GARRAFFO – Pharmacologue
Dr Karine RISSO – Pneumo-infectiologue
Dr Sylvie Leroy – CRCM Mucoviscidose
La Mucoviscidose
• Maladie génétique autosomique récessive
• 1/25 hétérozygote  1/2500 naissances
• CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane Conductance Regulator)
Physiopathologie de l’atteinte
respiratoire
Genes modificateurs
Anomalie du gene CF
Protéine CFTR déficiente ou absente
Diminution de la sécrétion de ClAugmentation de le réabsoption de Na+
Déshydratation du mucus
Inflammation
Obstruction
Infection
Environnement
Patient de 18 ans
• Forme pauci-symptomatique de la maladie
• Toux et expectorations chroniques matinales
• Non modifiées – pas de signes extra-respiratoires
• Le pneumologue fait réaliser une ECBC (culture protocole muco)
 la réalisation de cet examen est-elle pertinente ?
Cet examen est-il pertinent ?
• Recommandations
• ECBC à chaque consultation
• tous les mois – 3 mois
• en fonction gravité
• NB : enfant
• écouvillon pharyngé : validé ( grade B)
• aspiration naso-pharyngée
Conférence de consensus Mucoviscidose 2002
Patient de 18 ans
ECBC : 105 P.aeruginosa sauvages identifié pour la 1ere fois
 Quelles est votre attitude ?
• Primocolonisation:
• présence de PA dans l’arbre bronchique
• sans signe direct: sympt respiratoires
• sans signes indirects: Ac spécifiques de PA
Conférence de Consensus Mucoviscidose 2002
Primocolonisation à P.aeruginosa
• Tournant dans l’HDLM mucoviscidose !
• Traitement:
•
•



permet d’éradiquer plusieurs années le PA
amélioration significative du pronostic
retarde le passage à la chronicité
retarde dégradation du VEMS
retarde les exacerbations et le recours aux
antibiothérapies
 Indication formelle de traitement:
Conférence de Consensus Mucoviscidose 2002
Patient de 18 ans
 Quelle est votre stratégie thérapeutique ?
Protocoles thérapeutiques de traitement de la
primo-colonisation à P.aeruginosa
• Cochrane 2014
Multiples stratégies: Ciprofloxacine PO + aérosols de
colisine 21j, aerosols de tobi en monothérapie...
• France: association de 2 ATB bactéricides IV 2-3
semaines (bêta-lactamine + aminoside)
• au décours :
 +/- aérosols de colistine 3-6 mois
 ECBC mensuel
 renouveler ATB IV si récidive
Problèmes pour la prise en charge
pharmacologique des traitements
Raisons d’un échec thérapeutique
•
•
•
obstacle à la pénétration des ATB :
• sécrétions bronchiques anormalement épaisses
• enkystement des PA mucoïdes au sein d ’un biofilm
diminution de l’activité intrinsèque des ATB
aminosides : PH acide, anaérobiose locale, adsorption sur le mucus…
ß-lactamines : Multiplication bactérienne ralentie
Effet inoculum:
108 à 109 UFCFU/ml dans l ’expectoration en cas d ’infection
(antibiogramme : 105 bactéries)
-> résistance in vivo malgré sensibilité in vitro
En cas de succès clinique :
Amélioration état général, épreuves respiratoires, radio , gain pondéral,
inflammation ++
Bénéfice encore détectable 1 à 3 mois après la fin de la cure
ATB prescrits à fortes doses car
action limitée par:
•
Viscosité des sécrétions
•
Enkystement des bactéries dans le slime
•
Présence dans le mucus de facteurs inhibiteurs
•
Milieu faiblement oxygéné (diminution activité de
certains ATBs, ex: AMG)
•
Importante charge bactérienne
•
Modifications pharmacocinétiques liées à la
maladie : ↑ du volume de distribution et de la
clairance totale.
Modifications pharmacocinétiques
observées dans la mucoviscidose (I)
 Elles touchent surtout la clairance et le VD, à un degré moindre la
biodisponibilité et le métabolisme.
 Elles varient selon la classe thérapeutique le stade d’évolution de la
maladie.
 Elles sont mieux connues chez l’adulte que chez l’enfant
Les modifications physiopathologique aboutissent en
général à une sous_exposition du patient aux médicaments
Modifications pharmacocinétiques
observées dans la mucoviscidose (II)
 Absorption: retard de résorption (le plus souvent) avec une forte variabilité interindividuelle
en relation probable avec une hypersécrétion acide, une réduction de la sécrétion biliaire
et/ou une insuffisance pancréatique exocrine, enfin un ralentissement de la vidange
gastrique.
 Distribution: le VD souvent augmenté doit être validé après normalisation par le poids où
la surface corporelle (ex: AMG et Cefta f(masse maigre). Mais VD de Vanco et Ticar ne sont
pas modifiés. Les différences de composition corporelle (eau/graisse), dénutrition, influent
sur ce paramètre:
ATB hydrophiles,
ATB lipophiles. On peut aussi noter une
relative du volume sanguin et une
de la fixation pulmonaire (protéines
inflammatoires)

Clairance par toutes les voies d’élimination, par modification de l’activité d’enzymes
oxydatives (CYP 1A2 et 2C8, des UGT et/ou NAT (contradictoire), induction par prolifération
du réticulum endoplasmique? Diminution de la réabsorption tubulaire passive (ATB basiques
+ ionisés) et active (défaut de sécrétion des Cl-).
Sécrétion tubulaire active?
Nécessité d’adapter la posologie
Administration des ß-lactamines
injections au moins 4 fois/jour et  de 20-30% des doses
Administration des aminosides
Dose unique journalière :
pic sérique  et résiduelle 
 concentrations tissulaires bronchiques  et risque d ’ototoxicité 
• AMK : 35 mg/kg/j,
• TM : 15 mg/kg/j
pic sérique et résid attendus : 50 mg/l, < 1 mg/l
pic sérique et résid attendus : 25 mg/l, < 5 mg/l
• Contrôle des taux sériques au moins la 1ere semaine de tt.
2 ans plus tard…
Dégradation progressive fct° respiratoire
• ECBC 105 P.aeruginosa souche mucoide retrouvé 2 fois
• Réalisez-vous une sérologie PA ?
• NON: Sensibilité et spécificité mauvaise
• Utilité lorsque clinique non en faveur d’une exacerbation et chez
l’enfant qui ne crache pas
• Utilisé chez l’enfant qui ne crache pas avec l’écouvillon pharyngé
pour détecter une primo-infection avec infection (parfois plus
précoce que la bactériologie)
• Distinction colonisation/infection: surveillance sérologie tous les
3-4 mois
Traitement de l’infection chronique à PA
• Traitement d’entretien:
• objectifs: diminution inoculum  éradication impossible 
diminution de l’inflammation (corrélation inoculum/inflammation)
• ralentir dégradation de la fonction respiratoire
• espacer les exacerbations
 pas de preuve formelle de l’efficacité d’une stratégie d’entretien en
dehors d’études observationnelles
 stratégie recommandée en France
• antibiotiques inhalés ++: 55% des Français Muco sous Ae ATB
• validé en France : tobramycine 28j
• durée ?
• Pas de différences en termes d’émergence de résistance par rapport à
l’antibiothérapie IV
Shaad 1987
Cochrane 2011
• Aminosides: faible / Colimycine: encore plus rare
Cochrane 2014
Voie inhalée par aérosols
• Concentrations 10 à 80 fois > voie veineuse, toxicité
systémique faible
• commodité d ’utilisation mais posologie effectivement
délivrée très variable
• Granulométrie stricte : 1 à 3 µ, délivrance = 10% du volume
nébulisé
• colimycine 1- 2 M u, tobramycine (Tobi*) 10 mg/kg (Ramsey,
NEJM 1999)
Avantages attendus de l’administration
des antibiotiques par aérosols
 Obtention d’une forte concentration locale
 Réduction de l’exposition systémique et de la toxicité
 AMG IV ( pénétration bronchique difficile) de 6 à 11 mg/kg :
Cmax = 7,5 ug/mL (sérum) vs 100ug/g (crachats)
 AMG (aérosols) à 300 mg:
Cmax = 1 ug/mL (sérum) et 1200 ug/g (crachats)
 Variabilité de la réponse due: âge, sévérité de la maladie, modalité d’aérosolisation
et capacité à atteindre les sites de l’infection (obstruction des VA basses, présence
de pus, inactivation possible de certains ATB), répartition des foyers bactériens et
respect PK/PD)…
Les aérosols d’antibiotiques en pratique
• De très nombreux antibiotiques testés: tobramycine,
colistimethate, gentamycine, amikacine, aztreonam,
taurolidine…...
• formes encapsulées en développement pour l’amikacine
avec une formulation liposomale
• problème de la contrainte: 30 min 1h de nébulisation, 1 h de
nettoyage, observance compromise...
Antibiothérapies évaluées en traitement mensuel:
- objectif primaire généralement atteint
- quizz de l’efficacité au long terme ?
- stratégies d’alternance ?
Les macrolides bien plus que des
antibiotiques

Effet sur l’agent pathogène

Effet sur les cellules épithéliales et le mucus

Effet sur les cellules du système immunitaire
J. Altenburg et al. Respiration 2011
Biofilm
Quorum
Sensing
Effets intra cellulaires
Agent
pathogène
Adhérence
Bactérienne
Toxines
bactériennes
Mobilité
J. Altenburg et al. Respiration 2011
Θ production
cytokines proinflammatoires
Modification
mucus
¢
épitheliales
et
muqueuses
Améliore les
propriétés
électrolytiques
du mucus
Protection
cellulaire
agression
exogènes ?
J. Altenburg et al. Respiration 2011
Réponse
cytokinique
chimiokinique
Immunité
adaptative
Macrophages
Alvéolaires
Système
immunitaire
PNN :
réponse aux chimiokines,
dégranulation, adhésion,
stress oxydatif, apoptose
J. Altenburg et al. Respiration 2011
Cochrane 2012
• Amélioration significative fonction respiratoire
après 6 mois
• Amélioration de la réponse au ttt antibiotique
des exacerbations
• Moins de colonies de SA malgré une
augmentation de la résistance à
l’érythromycine.
En France accord professionnel
Azithromycine
Traitement à discuter pour:
- tous les patients atteints de la forme classique de mucoviscidose
- à partir de l’âge de 6 ans
- quel que soit le statut bactériologique
- CI :infections à mycobactéries atypiques, IHC, IR sévère
- min 6 mois
- ECG avant initiation
- surveillance: nausées, diarrhée, rash cutané, acouphènes,
surdité, arthropathie + mycologique
Abely et al. 2015
Votre patient colonisé à P.aeruginosa présente une
exacerbation aigue nécessitant une hospitalisation
• Quelles sont vos recours thérapeutiques ?
• Comment organisez vous votre prise en
charge ?
Antibiotiques inhalés - Exacerbations
• Cochrane 2012: pas de consensus:
• aérosols seuls
• association ATB systémiques PO ou IV
• aucune data : efficacité, supériorité des
stratégies et molécules
Wagener 2012
En pratique aerosols dans les exacerbations
 alternative lorsque forme IV CI
 formes non sévères ++
 nécessité d’études complémentaires: monothérapie, bithérapie,
comparaison des molécules entre elles…..
Cochrane 2012
Votre patient:
stratégie de choix de l’antibiotique
• Le médecin réalise un ECBC en indiquant au bactériologiste
« protocole mucoviscidose »
• Le dernier ECBC disponible date d’il y a 1 mois:
• 105 P.aeruginosa porteur d’une céphalosporinase
hyperproduite, rendu R au ceftazidime, perte de la porine
D2 R à l’imipénème et au méropénème. Intermediaire
aux aminosides.
• Le médecin référent du CRCM vous explique que le patient
n’a plus reçu de ceftazidime depuis 2 ans et lui prescrit
ceftazidime + tobramycine IV
• D’après vous : comment ce patient va-t-il évoluer ?
FDR associés aux échec du ttt des exacerbations
- sévérité de la présentation initiale (chute VEMS, importance du
syndrome inflammatoire)
- persistance du syndrome inflammatoire après traitement
- diabète
- atteinte respiratoire sévère
- atteinte hépatique
- Non significatifs
- pyo résistant
- présence d’autres pathogènes que PA
Chest 2011
• Objectif: évaluer la réponse clinique en fonction de la
sensibilité du P. aeruginosa sur ECBC
• Etude rétrospective
• 77 pt sous ceftazidime IV + Tobramycine IV
• Critère de jugement: VEMS avant/après traitement
• Résultats: 54 pt s’améliorent, 9 s’aggravent,
154 stables
• Pas de corrélation entre la sensibilité de PA et
la réponse clinique: amélioration, délai
exacerbation suivante
Quels sont les éléments qui pourraient expliquer cette
discordance clinico-biologique ?
- effet non antibactérien des antibiotiques ??
- le PA le plus sensible le plus virulent ?
- CMI définies pour l’éradication: objectif ≠ mucoviscidose
- Valeur des antibiogrammes réalisés sur des bactéries en dehors de
leur biofilm
- Variété des souches présentes:
-
4 morphotypes différents de PA par ECBC avec une moyenne de 3
antibiogrammes différents par morphotype.
 Chaque ECBC contient au moins 12 PA de sensibilité différentes
- pas de test de synergie réalisé: possible action des ttt en synergie /
antagonisme ?
• Double aveugle – randomisé – contrôlé
• antibiogramme combiné / antibiogramme
traditionnel 132 exacerbation B. multirésistantes
• Intention de traiter, 4-5 ans
• Critère de jugement: délai entre les exacerbations
• Résultats: pas de différence significative entre les
groupe de délai, d’échec, évolution clinique,
spirométrique et microbiologique.
• En analyse de sous groupe (ECBC J1): pas de
différence significative si l’antibiothérapie est
bactéricide même en concentration
bactérienne
ATBpie = élément clef du pronostic des Muco
Guidée par l’antibiogramme ?
• De nombreuses études ont montré que les résultats des
antibiogrammes ne sont pas corrélés à l’amélioration clinique
dans la mucoviscidose
 Une évolution favorable sous ATB alors que les résultats de
l’ECBC reviennent secondairement résistants à l’antibiotique
prescrit ne doivent pas faire modifier l’antibiothérapie
 La question est plus complexe lorsqu’existe des bactéries multirésistantes connues à l’admission du patient et où se pose la
question de l’utilisation d’ATB avec une toxicité marquée...
• Pour des raisons éthiques il est difficile de mener des études
prospectives évaluant l’intéret d’antibiotiques non actifs sur les
données de l’ECBC. Par conséquent les études sont
majoritairement observationnelles et rétrospectives.
Smith AL et al. J Pediatr 1999
McLaughlin FJ et al J Infect Dis 1983
Ramsey BW et al. NEJM 1999
• Traitement des exacerbations recommandé
en France :
•
•
•
•
voie IV
Bithérapie
au moins 14j
pas de ciprofloxacine per os
• sur les données du dernier ECBC
Perspectives
Stratégies mises en place pour s’adapter à cette absence de
documentation fiable pour guider l’antibiothérapie
• Connaissance des ATB et mécanismes d’émergence de
résistance
• Stratégies d’épargne des antibiotiques inducteurs de
résistances: l’imipénème , ciprofloxacine, acide
clavulinique
• Cycle des antibiotiques : aerosols, IV
• ATBgrammes cumulés
• Etude en cours française : Raccourcir les durées
d’antibiothérapie: relais tobramycine IV à J5 par
tobramycine aerosols
En conclusion MUCOVISCIDOSE: les
antibiotiques
• Elément clef de la prise en charge
• Paramètres PK/PD modifiés: augmenter les doses
• Aerolthérapie +++
• Stratégies de traitement :
• primocolonisation
• colonisation chronique
• exacerbations
• Un modèle pour mieux comprendre l’émergence des résistances
• Des améliorations des stratégies de prise en charges en cours de
validation
Merci de votre
attention