La reconnaissance

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La reconnaissance
Christèle CLEMENT
Fiche de niveau 4. Droit de la famille / Filiation / Etablissement de la filiation /
Juin 2007
La reconnaissance
Mode d'établissement volontaire de la filiation, la reconnaissance recouvre l'acte par
lequel un individu déclare être l'auteur biologique d'un enfant et vouloir en devenir le
parent de droit. Elle reste en droit français le mode d'établissement privilégié de la
paternité hors mariage.
I. Conditions
La souscription d'une reconnaissance obéit en premier lieu à des conditions de fond. Elle
ne peut d'abord viser que certains enfants. Seuls peuvent en bénéficier les enfants dont
la filiation n'est pas déjà établie par l'effet de la loi : il s'agit, du côté maternel, des
enfants dont l'acte de naissance ne porte pas mention du nom de la mère et, du côté
paternel, des enfants non couverts par la présomption de paternité. Sur ce dernier
point, la question se pose de savoir si ces enfants sont ceux dont les parents ne sont pas
mariés entre eux ou vis-à-vis desquels le jeu de la présomption de paternité est
exceptionnellement écarté, solution que suggère la circulaire du 30 juin 2006 prise pour
l'application de l'ordonnance du 4 juillet 2005. La doctrine française est divisée à cet
égard et la jurisprudence, jusque lors en sens contraire, n'a pas encore eu l'occasion de
trancher. En tout état de cause, nulle reconnaissance ne peut être souscrite si l'enfant a
déjà un lien de filiation établi dans la même branche ou si, issu d'un inceste absolu, il est
déjà rattaché à son autre parent.
La reconnaissance suppose ensuite l'expression d'une volonté libre et éclairée de son
auteur de se relier juridiquement à l'enfant. Mais elle n'exige de lui aucune capacité
particulière. Un mineur ou un majeur protégé peut ainsi seul reconnaître son enfant. Acte
libre et personnel, la reconnaissance ne requiert en droit français aucun autre accord, ni
de l'enfant, ni de l'autre parent, contrairement à ce que décident d'autres législations
européennes (Belgique, Allemagne, Grèce, Italie, Espagne…). La reconnaissance ne fait
en outre l'objet d'aucune vérification préalable et peut donc être erronée ou mensongère.
Par ailleurs, aucune condition de délai n'est imposée. Un enfant peut être reconnu à tout
moment à condition d'être déjà conçu, avant sa naissance comme après sa mort. En
pratique cependant, l'efficacité d'une reconnaissance paternelle prénatale est
compromise en cas d'accouchement sous X de la mère.
La reconnaissance obéit en second lieu à des exigences de forme. Elle doit être souscrite
par acte authentique, c'est-à-dire par acte de l'état civil (acte de naissance ou acte
séparé), par acte notarié (acte spécialement dressé à cet effet ou à une autre fin, tel un
testament) ou par aveu judiciaire.
II. Effets
La reconnaissance établit la filiation de l'enfant qui en est bénéficiaire vis-à-vis de celui
qui l'a souscrite. Acte déclaratif, elle rétroagit au jour de la naissance de l'enfant, voire
de sa conception si tel est son intérêt. Elle produit ses effets erga omnes et interdit
l'établissement de toute filiation concurrente dans la même branche avant
contestation réussie de sa véracité. Irrévocable, elle ne peut être rétractée par son
auteur.
III. Contestation et annulation
La reconnaissance peut tomber de deux sortes. Elle peut être contestée ou annulée. La
contestation sanctionne l'inexactitude de la reconnaissance. Elle s'exerce par voie
judiciaire selon le régime prévu pour l'action générale en contestation de filiation. Les
conditions varient donc d'après les circonstances : faute de possession d'état conforme,
tout intéressé peut attaquer la reconnaissance dans les 10 ans de sa souscription. En
présence d'une possession d'état de moins de 5 ans, seuls y sont admis l'enfant, ses
parents et son prétendu véritable auteur dans les 5 ans de la cessation de la possession
d'état. En toute hypothèse, l'action suppose prouvé le défaut de parenté entre les
intéressés. Enfin, nulle contestation n'est ouverte contre la reconnaissance confortée par
une possession d'état de plus de 5 ans, sauf à l'initiative du Ministère public.
L'annulation sanctionne l'inobservation des conditions de validité de la reconnaissance.
Elle peut être prononcée pour vice de forme (reconnaissance par acte sous seing privé)
ou vice de fond (existence d'une filiation préalable non contestée dans la même branche,
vice du consentement). L'action en annulation de reconnaissance se prescrit par 10 ans.
Elle est ouverte à tout intéressé en cas de nullité absolue et à celui seul que la loi a voulu
protéger en édictant la règle violée en cas de nullité relative.
Bibliographie
- F. GRANET-LAMBRECHTS, Etablissement de la filiation par la reconnaissance, in
Jurisclasseur civil Art.316 Fasc. 470 (éd. 2006).
- F. GRANET et P. HILT, Droit de la famille, PUG Coll. Le Droit en plus, 2ème éd. 2006,
n°238 à 242 p.122 et s.
- P. MALAURIE et H. FULCHIRON, Droit civil – La famille, Defrenois 2ème éd. 2006, n°1171
à 1210 p.459 et s.