La possession d`état

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La possession d`état
Christèle CLEMENT
Fiche de niveau 4. Droit de la famille / Filiation / Etablissement de la filiation /
Juin 2007
La possession d'état
La possession d'état se définit comme le fait d'être traité, de se comporter, de se croire
et d'apparaître aux yeux des autres comme l'enfant de tel individu. Elle révèle la filiation
réellement vécue et, partant du constat que ceux qui agissent réciproquement comme
s'ils étaient issus l'un de l'autre le sont souvent en réalité, elle laisse préjuger de
l'existence d'un lien de parenté charnelle entre les intéressés. Elle est à la fois expression
directe de la filiation socio-affective et présomption de la filiation biologique de son
titulaire.
I. Notion
Selon l'article 311-1 du Code civil, "la possession d'état s'établit par une réunion
suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la
famille à laquelle il est dit appartenir". Elle naît de la conjonction d'indices dont le
rapprochement laisse supposer l'existence d'un lien de parenté entre les intéressés.
L'appréciation en revient aux juges et est appelée à varier selon les circonstances (pour
l'admission d'une possession d'état constituée à l'égard d'un homme condamné à mort et
exécuté 3 ans après la naissance de l'enfant : Civ. 1ère, 25 octobre 2005, in RJPF 20062/46 p.26).
La loi cite à titre indicatif trois faits de nature à valoir comme éléments constitutifs de la
possession d'état : le traitement (tractatus), la réputation (fama) et le nom (nomen). Le
premier s'entend du fait d'être traité et de se comporter comme l'enfant de tel individu. Il
renvoie aux attitudes qu'adoptent habituellement entre eux parents et enfant. Le
deuxième recouvre le fait d'apparaître aux yeux de l'entourage comme l'enfant de telle
personne. Le troisième correspond au fait de porter le même nom qu'elle. Ce dernier
élément, jadis prépondérant, a été relégué au dernier rang par l'ordonnance de 2005 du
fait de sa faible valeur indicative.
La possession d'état qui résulte de la réunion de tout ou partie de ces éléments doit
encore présenter certains caractères pour produire ses effets. Elle doit d'abord être
continue. Sans devoir être ininterrompus, les faits dont elle se constitue doivent s'inscrire
dans la durée, ce qui exclut tous faits occasionnels. Il n'est cependant pas toujours exigé
qu'ils remontent à la naissance de l'enfant et qu'ils persistent au jour où ils sont
invoqués. Tout dépend des circonstances de la cause et du rôle que la possession d'état
est appelée à jouer. La possession d'état doit ensuite être paisible. Elle ne peut s'être
constituée par suite d'une fraude ou d'une voie de fait (ex : enlèvement de l'enfant). La
possession d'état doit encore être publique, elle ne peut se bâtir dans la clandestinité.
Enfin, elle doit être non équivoque en ce sens que les faits qui la composent doivent
manifester clairement l'existence d'un lien de filiation entre les intéressés et ne prêter à
aucune autre interprétation.
II. Rôle
La possession d'état joue en droit français plusieurs rôles. Elle s'impose tout d'abord
comme un mode d'établissement volontaire de toute filiation. Mais elle ne remplit plus
cette fonction depuis 2005 qu'à la condition d'être constatée dans un acte officiel (cf III).
Elle assure ensuite le rétablissement de la présomption de paternité du mari écartée
en cas de séparation légale des époux. Enfin, la possession d'état joue un rôle confortatif
: elle consolide la filiation de son titulaire, en rend la contestation plus difficile jusqu'à
l'interdire lorsqu'elle a duré plus de 5 ans. A l'inverse, son absence fragilise la filiation en
l'exposant à une contradiction élargie.
III. Constatation et contestation
Pour être utilement invoquée au soutien de l'établissement de la filiation, la
possession d'état doit dorénavant être dûment constatée. Deux types d'actes peuvent en
établir l'existence : un acte de notoriété ou un jugement rendu à la suite d'une action en
constatation de possession d'état. L'acte de notoriété est dressé par le juge d'instance à
la demande des parents ou de l'enfant dans un délai de 5 ans à compter de la cessation
de la possession d'état alléguée. Il s'établit principalement sur la base de témoignages.
L'existence de la possession d'état peut également ressortir d'un jugement rendu à la
demande de tout intéressé dans la limite des 10 ans suivant la cessation de la possession
d'état alléguée.
Tout intéressé peut contester la possession d'état dans le délai de 5 ans depuis la
délivrance de l'acte de notoriété la constatant en prouvant son inexistence ou son
caractère vicié.
Bibliographie
- F. GRANET-LAMBRECHTS, Filiation - Dispositions générales – Preuves et présomptions,
in Jurisclasseur civil Art.310-3 à 311-2 Fasc. 440 (éd. 2006).
- F. GRANET-LAMBRECHTS, Etablissement de la filiation par la possession d'état
constatée dans un acte de notoriété, in Jurisclasseur civil Art.317 Fasc. 480 (éd. 2006).
- F. GRANET et P. HILT, Droit de la famille, PUG Coll. Le Droit en plus, 2ème éd. 2006,
n°227 à 229 p.117 et s., n°243 à 246 p.124 et s., n°275 à 279 p.133 et 134 et n° p.139.
- P. MALAURIE et H. FULCHIRON, Droit civil – La famille, Defrenois 2ème éd. 2006, n°987
à 1011 p.386 et s.