Enclave : perte de l`état en raison d`un accès à la

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Enclave : perte de l`état en raison d`un accès à la
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Enclave : perte de l’état en raison d’un accès à la voie
publique au travers d’un autre fonds
le 1 mars 2013
CIVIL | Bien - Propriété
IMMOBILIER | Propriété
N’est pas enclavé, le fonds qui dispose d’un accès à la voie publique au travers d’un fonds riverain
appartenant à une communauté de biens formé entre le propriétaire de ce premier et son
épouse. Dans ce cas, l’état d’enclave ne peut être la cause de la servitude de passage.
Civ. 3e, 6 févr. 2013, FS-P+B, n° 11-21.252
L’article 682 du code civil accorde au propriétaire d’un fonds enclavé le droit de réclamer un
passage sur les fonds qui le séparent de la voie publique, à charge d’en indemniser les
propriétaires (sur la question, Rép. imm., v° Servitudes, par J. Djoudi, nos 304 s.). L’existence d’une
telle servitude de passage est toutefois subordonnée à la caractérisation de l’état d’enclave comme
le rappelle l’arrêt rapporté.
En l’espèce, un couple avait acquis un fonds avant de décider d’en opérer le partage. Au décès de
l’épouse, son conjoint avait reçu la moitié des biens et la fille du couple, l’autre moitié. Cette
dernière s’était alors vue attribuer une servitude de passage sur le fonds voisin. Quelques années
plus tard, le propriétaire du fonds et sa nouvelle épouse avait vendu un immeuble édifié sur ce
fonds à la fille de ce premier et à son mari. Par acte de donation partage, cette dernière avait
ensuite reçu l’ensemble de ces biens, lesquels furent transmis à son décès à sa propre fille avant
que celle-ci n’en cède à son tour la nue-propriété à ses enfants. La dernière propriétaire de la
parcelle grevée avait poursuivi ces derniers pour voir constater la cessation de l’état d’enclave du
fonds dominant et avait demandé qu’il leur soit interdit d’exercer un droit de passage sur son
fonds.
La demanderesse a fait valoir à cette fin que le droit de passage consenti sur sa cour avait disparu
en application de l’article 685-1 du code civil en raison de la cessation de l’état d’enclave qui en
constitue la cause. Ce texte dispose en effet qu’« en cas de cessation de l’enclave et quelle que soit
la manière dont l’assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds
servant peut, à tout moment, invoquer l’extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant
est assurée dans les conditions de l’article 682 ». Les juges du fond avaient favorablement accueilli
la demande, estimant que le fonds dominant ne bénéficiait d’aucune issue sur la voie publique, à
travers le fonds riverain appartenant à la communauté formé entre le propriétaire et son épouse,
en l’absence de réunion de ces fonds entre les mêmes mains. Selon la cour d’appel, l’acte de
partage avait eu pour conséquence de placer le fonds dominant dans un état d’enclave, ouvrant
ainsi droit à une servitude de passage conformément aux dispositions de l’article 682 du code civil.
Or, constatant que cet état avait disparu, la juridiction en avait conclu que cette charge ne
s’imposait plus, de sorte que la servitude s’en trouvait éteinte.
C’est ce raisonnement a priori convaincant que vient ici censurer la Cour de cassation au visa de
l’article 682 du code civil. Elle relève dans le présent arrêt qu’au jour de la constitution de la
servitude de passage, le fonds dominant n’était pas enclavé dans la mesure où il disposait d’un
accès à la voie publique au travers du fonds appartenant à la communauté constituée entre le
propriétaire de la parcelle et son épouse. Il en résultait que l’état d’enclave ne pouvait être la cause
de la servitude de passage contestée.
La difficulté portait donc en l’espèce sur la caractérisation de l’état d’enclave du fonds. Laissée à
l’appréciation souveraine des juges du fond (Civ. 3e, 5 mars 1974, Bull. civ. III, n° 102), cette
question revêt une importance considérable puisqu’elle conditionne l’existence de la servitude
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légale prévue par l’article 682 du code civil. C’est la raison pour laquelle la haute juridiction exige
que les juridictions du fond se montrent particulièrement attentives à la détermination de l’état
d’enclave en recherchant si les voies qui permettraient sa desserte, même privées, sont ouvertes
au public (Civ. 3e, 13 mai 2009, n° 08-14.640, Dalloz actualité, 29 mai 2009, obs. G. Forest ). Il
ressort de l’examen de sa jurisprudence que la Cour de cassation tend à adopter une vision réaliste
de l’état d’enclave. Il s’agit d’apprécier si le fonds concerné dispose, concrètement, d’un accès à la
voie publique. Elle a, notamment, pu estimer que ne peut être considéré comme enclavé le fonds
qui bénéficie d’une tolérance de passage permettant un libre accès à la voie publique pour les
besoins de son exploitation tant que cette tolérance est maintenue (Civ. 3e, 16 juin 1981, Bull. civ.
III, n° 126 ; 27 sept. 2006, Bull. civ. III, n° 192 ; JCP 2006. IV. 3050).
En l’espèce, la Cour régulatrice se fonde sur le fait qu’à l’époque de la constitution de la servitude,
le propriétaire du fonds prétendument enclavé était également propriétaire du fonds contigu par le
biais d’une communauté de biens qu’il avait constituée avec son épouse. Peu important que ce
fonds ne lui appartenait pas en propre, il n’en demeurait pas moins qu’il disposait, par ce biais, d’un
accès à la voie publique, tant et si bien que l’état d’enclave ne pouvait être caractérisé. Par voie de
conséquence, les dispositions de l’article 682 du code civil ne pouvaient constituer la cause de la
servitude de passage. Autrement dit, pour la haute juridiction, la source de cette dernière devait
être recherchée ailleurs. En l’occurrence, elle avait été constituée à la suite d’un acte de partage et
avait été expressément prévue dans celui-ci. Sa nature n’était donc pas légale mais
conventionnelle.
par Medhi Kebir
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