Comment rédiger une introduction pour la dissertation

Transcription

Comment rédiger une introduction pour la dissertation
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
COMMENT REDIGER UNE INTRODUCTION ?
1) Rôle et fonction de l’introduction
Le rôle de l'introduction est double : poser le problème philosophique soulevé par le
sujet ; indiquer comment ce problème va être traité. C'est donc tout le travail de recherche
et de formulation de la problématique qui doit apparaître dans l'introduction. Aussi faut-il,
avant de rédiger l’introduction, avoir une vue globale de la manière dont on traitera le sujet.
Si l’introduction est chronologiquement la première partie de la dissertation, elle correspond
à la dernière étape du travail préparatoire.
2) Les éléments de l’introduction
L’introduction comporte plusieurs temps :
 Un point de départ : éviter de commencer par des lieux communs du genre : « De
tout temps....» ou « Depuis toujours les hommes.....» ; énoncer l’opinion commune
(la doxa) concernant le sujet (ce que tout le monde tend à penser spontanément, ce qui
semble dès l'abord évident) ; partir d’un fait concret tiré de la vie quotidienne ou de
l’actualité (« On a coutume de dire que...»).
 Opposer à cette opinion une autre opinion, un fait, un contre-exemple dont l’opinion
ne peut rendre compte; montrer ainsi le caractère paradoxal du sujet (« La
question...peut donc paraître paradoxale puisqu'elle laisse entendre que...»).
 Justifier le sujet après avoir recopié la question dans les termes mêmes du sujet
(la modifier reviendrait à prendre le risque de changer les données du sujet); expliquer
pourquoi il est légitime de poser cette question («Toutefois, cette question est justifiée
puisque...»).
 Analyse du sujet : Définition précise des termes du sujet, clarification de la forme
logique de la question, reformulation du libellé du sujet faisant apparaître sa
signification globale.
 Problématique : dégager le problème que soulève le sujet ; expliquer, sous la forme
de questions, comment le sujet va être traité, sans pour autant dévoiler complètement
son plan (il est inutile de tout dire, il s’agit surtout de montrer que l’on sait où l’on va
et dans quel ordre ; il faut préserver le « suspense » !). Ce programme de
questionnement a pour but essentiel de fixer les grandes lignes du développement. ll
est inutile d'énoncer dans l'introduction le plan de la dissertation (ne pas écrire, par
exemple : «Premièrement, nous allons montrer que.....; deuxièmement nous établirons
que.....» : l'annonce du plan est contenue dans l'énoncé de la problématique.
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
Exemple 1 d’introduction rédigée
« Notre corps est-il une matière ? »
Introduction générale
(1) Afin d'amener le sujet, partir d'un
exemple simple illustrant le
présupposé du sujet (notre corps est
bien matériel).
Que notre corps soit une matière, c'est-à-dire une réalité
physique régie par des mécanismes complexes, personne ne
songerait à le nier : la médecine décrit le corps humain comme un
organisme vivant constitué de molécules, d'organes, de tuyaux, de
ressorts, d'instruments, comparable en cela à une machine; notre
corps, pour fonctionner, a besoin de nourriture; il digère, excrète,
exsude toutes sortes de fluides matériels, tombe malade et finit,
comme toute chose, par se décomposer. (1) Pourtant, nous ne
nous comportons pas comme si notre corps était seulement
matériel : on n’enterre pas un homme comme une bête, on ne
(2) Donner un contre-exemple simple brûle pas son corps comme une bûche; l'instrumentalisation du
afin de faire apparaître le caractère
corps humain (commerce d'organes, esclavage, viol, torture, etc.)
paradoxal du sujet.
est considérée, aux yeux de la loi et de la morale, comme un
crime. (2) Aussi notre corps est-il une matière? (3) Le corps
(3) Position du sujet qui doit respecter humain se réduit-il à une portion de l'étendue, à un objet physique
son libellé.
et naturel se présentant à notre perception ? Notre corps propre
n'est-il qu'un organisme assurant des fonctions vitales? (4) Mais
(4) Reformulation du sujet.
si notre corps est assurément matériel, de quelle matière est-il
fait ? Cette matière, loin d'être uniquement physique, n'est-elle
pas toujours déjà pétrie de sens, à telle enseigne qu'un corps privé
de sa dimension subjective ne serait plus le corps humain, mais
un corps indéterminé, objectif, inerte, mort (exemple du
cadavre) ? En quoi donc le corps humain, contrairement au corps
(5) Problématique, formulation précise animal, mais surtout aux corps de la physique, est-il une matière
du problème philosophique.
qui n'est jamais seulement une matière - une matière éminemment
spirituelle, symbolique, culturelle ? (5) Si notre corps est
(6) Thèse, fil directeur de la
fondamentalement sensible, il se caractérise néanmoins par sa
dissertation.
capacité à ouvrir sa matérialité sur une profondeur de sens
inconnue des corps animaux ou inertes. (6)
Exemple 2 d’introduction rédigée
« Faut-il avoir peur du progrès technique ? »
La question «faut-il avoir peur du progrès technique ?» est pour le moins paradoxale :
pourquoi devrions-nous craindre l'amélioration continue de nos instruments et savoir-faire ?
Si l'on entend par progrès la transformation graduelle dans le sens d'un mieux, force est de
constater que les avancées techniques permettent à l'homme de dominer la nature, de vivre
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
plus confortablement, plus longtemps. Le progrès technique, au lieu de nous inquiéter, devrait
nous rassurer. Comment expliquer alors que ce dernier, plutôt que d'être envisagé comme un
progrès, c'est-à-dire un développement positif, soit souvent perçu comme néfaste ? La
catastrophe nucléaire de Fukushima semble ainsi donner raison au discours des Cassandre qui
accuse la civilisation technicienne de mener l'humanité à sa perte. La peur serait la seule
attitude responsable face aux menaces que le progrès technique fait peser sur l'humanité.
Mais n'est-il pas étonnant de faire d'une émotion ressentie face à un danger, réel ou imaginé,
l'objet d'une exigence éthique ? Le verbe «falloir» de l'intitulé du sujet suggère, en effet, que
la «technophobie» est une crainte motivée susceptible de provoquer une réaction salutaire
d'autolimitation. Or la généralisation de la peur est-elle la réponse adéquate à la situation
actuelle ? Si le progrès technique peut être considéré comme un facteur de libération, tout en
étant à l'origine de notre descente aux enfers, la question est de savoir quelles conditions il
doit satisfaire pour être au service de l'homme. Entre la contemplation fascinée du progrès
technique et sa diabolisation, l'issue ne se trouve-t-elle pas dans la soumission résolue des
moyens que nous nous sommes donnés aux fins que nous nous fixons ?
Exemple 3 d’introduction rédigée
«L'homme est-il un être à part ?»
On a longtemps considéré que l'homme était un être à part, un être d'exception, jouissant
d'un statut éminent au sein de la nature. A la différence des autres êtres vivants, l'homme
aurait l'immense privilège de pouvoir penser, douter, parler, être libre, inventer, etc. Dire que
l'homme est un être part revient à affirmer qu'il est séparé du reste de la nature par un certain
nombre de qualités spécifiques et qu'il est supérieur en dignité aux autres êtres vivants. La
locution « à part » signifie, en effet, ce qui est écarté, mis à l’écart d’un ensemble (ici, la
nature), voire isolé. Un être à part, c’est donc, par extension, quelqu’un de spécial et de très
différent des autres, comme lorsqu’on parle d’un cas à part ou d’une personnalité tout à fait à
part. Or la science et certains courants philosophiques ne cessent de montrer que l'homme est
un animal comme les autres, et même, à certains égards, un animal beaucoup plus fragile,
violent, nuisible, en sorte que sa prétention à dominer la nature relèverait d'un
anthropocentrisme délétère, responsable de la crise écologique actuelle. Dans cette optique,
l'homme est bel et bien une partie de la nature dont la substance est identique, quoique
différente, des autres êtres vivants. Mais si l'homme n'est pas un être à part et que rien ne le
distingue fondamentalement des autres êtres, ne risque-t-on pas de le dissoudre dans la
nature, de l'abaisser à une simple espèce vivante parmi d'autres, au risque d'annuler ce par
quoi il n'est pas simplement nature, mais liberté ? Ne s'expose-t-on pas à un oubli de la
dignité humaine ? La question «l'homme est-il un être à part ?» est donc grosse d'enjeux à la
fois théoriques et pratiques : comment retrouver un rapport à la nature qui ne soit pas ruineux
pour l'homme et sa liberté ? Comment penser la spécificité de l'homme sans perdre de vue
son inscription naturelle ?
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
Exemple 4 d’introduction rédigée
« Peut-on prouver l’existence de Dieu ? »
Se demander si l’on peut prouver l’existence de Dieu, c’est se demander si l’on a les
moyens de savoir avec certitude que Dieu existe. A priori, on aurait tendance à penser que
Dieu n’étant pas une chose du monde connaissable, sa réalité ne saurait être avérée par des
arguments rationnels ou faire l’objet d’une vérification expérimentale. Comment établir la
réalité de quelque chose qui est, par nature, insaisissable, ineffable, incompréhensible ? Dieu
désigne, en effet, dans son acception courante, un être éternel, spirituel, transcendant, à la fois
créateur de l’univers et incréé. Pourtant, si l’on peut ressentir le besoin de prouver l’existence
de Dieu, c’est bien que cette dernière ne va pas de soi et qu’elle a contre elle toutes sortes
d’arguments qu’un athée ne manquera pas d’exhiber ou auxquels un croyant sera
éventuellement tenté de recourir lorsque sa foi est mise à l’épreuve par la maladie, la mort ou
la souffrance. De fait, la littérature consacrée à la démonstration philosophique de l’existence
de Dieu est abondante. Prouver l’existence de Dieu a consisté, pour ces philosophes, à
montrer que tout homme, quel qu’il soit, peut être amené à se convaincre de l’existence de
Dieu, c’est-à-dire de sa réalité, de sa présence, par un simple raisonnement. La preuve (du
latin probare, « soumettre à l’épreuve ») est une opération discursive en laquelle chaque
enchaînement d’énoncés obéit à une règle explicite. A l’évidence, ces preuves, qui ne font
pas appel à des procédures de vérification expérimentale, ne sont pas d’ordre scientifique. Ce
ne sont pas non plus des preuves d’ordre logique, fondées sur le simple raisonnement
déductif. Si les démonstrations de l’existence de Dieu ne sont pas des preuves à proprement
parler, que sont-elles alors ? Si Dieu pouvait se prouver par la raison, sous sa forme
strictement logique ou empirique, alors Dieu ne serait pas Dieu, et on ne parlerait plus de foi,
mais de science, de connaissance. Or l'incertitude objective de la foi n’est-elle pas
précisément ce qui la fonde ? Le problème est alors le suivant : Dieu est-il l’objet d'une
simple croyance, relevant d'une appréciation personnelle, ou quelque chose qui s'impose à
nous et qu'il est alors légitime de prétendre poser comme une vérité universelle ?
Exemple 5 d’introduction rédigée
« L’exercice de la démocratie contribue-t-il au développement de la démocratie ? »
Définie à partir de son étymologie, la démocratie se présente comme le gouvernement du
peuple, par le peuple, pour le peuple et est usuellement considérée comme le meilleur des
régimes, en comparaison avec l’expérience désastreuse du totalitarisme par exemple.
Comment garantir, renforcer et développer ce type d’organisation politique salutaire ? A
priori, par la même logique qui fait qu’un sportif qui pratique très régulièrement sa discipline
a toutes les chances de progresser, on pourrait penser que l’exercice de la démocratie
contribue à son développement. Mais est-ce vraiment le cas ? La mise en œuvre d’un bon
principe peut paradoxalement sécréter des effets pervers imprévus : la réalité peut résister à
nos bonnes intentions et nous conduire dans une voie que nous souhaitons pourtant
fermement refuser. Dans cette optique, l’exercice de la démocratie contribue-t-il
uniformément au développement de celle-ci ou, si jamais des effets pervers se présentent,
quelle(s) solution(s) peut-on et doit-on concrétiser pour favoriser l’émergence d’une réelle
démocratie, stable et durable ?

Documents pareils