L`ETAT ET LE POUVOIR : LE POUVOIR DE L`ETAT
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L`ETAT ET LE POUVOIR : LE POUVOIR DE L`ETAT
Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun L’ETAT ET LE POUVOIR : LE POUVOIR DE L'ETAT INTRODUCTION L'Etat est le mode le plus perfectionné et le plus complexe de l’organisation du pouvoir, même s’il n’est pas l’unique modèle d’organisation du pouvoir. Il désigne la forme institutionnalisée du pouvoir, forme moderne et politique, s’exerçant généralement au sein d’importantes communautés humaines installées sur un territoire déterminé; l'Etat est donc l'ensemble des organes politiques, administratifs, juridiques et des institutions appartenant à une société organisée. Penser l’Etat, c’est, en premier lieu, réfléchir à l’énigme de la domination, ce phénomène étrange par lequel un homme devient le maître d’un autre. Le pouvoir politique, comme nous allons le voir, est une détermination essentielle de l’Etat. Mais tout pouvoir n’implique pas nécessairement pour autant l’existence de l’Etat puisque même dans les sociétés primitives qualifiées de “sociétés sans Etat”, la loi règne et s’inscrit initiatiquement, voire douloureusement, dans le corps des individus. Max Weber distingue puissance et domination : la puissance est la possibilité de faire triompher sa volonté, contre les résistances éventuelles, quels que soient les moyens utilisés. La domination suppose, au contraire, de la part des membres du groupement, non seulement la discipline mais, quelles qu’en soient les motivations, une certaine volonté d’obéir. Or, la simple discipline repose généralement, sur une obéissance mécanique, tandis que la domination ne se réduit nullement à la discipline. La question de l’Etat et a fortiori du pouvoir renvoie donc au problème majeur de la domination : comment peut-on expliquer l’obéissance ? Quels sont les motifs de l’obéissance ? Il sont divers. Weber distingueles motifs matériels et “rationnels en finalité” : j’obéis parce qu’il y va de mon intérêt, par exemple. Ces motifs peuvent reposer sur la coutume, être des motifs affectifs ou, enfin, des motifs idéaux (valeurs). Toutefois, ces motifs ne sont pas suffisants pour assurer une domination stable. Cette dernière suppose la croyance en la légitimité de la domination et de l’autorité qui exerce cette domination. Weber en conclut que le genre de légitimité sur lequel repose une domination conditionne le type d ‘obéissance et le caractère de la domination. Quels sont alors les modes légitimes de domination ? Weber en distingue trois : 1. La domination traditionnelle : pouvoir de la tradition, de la coutume. Cette domination repose essentiellement sur la croyance en la sainteteé des traditions; 2. La domination charismatique : pouvoir fondé sur la “grâce personnelle et extraordinaire d’un individu”, sur la soumission au caractère sacré de la personne; Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun 3. La domination légale ou rationnelle : elle repose sur la croyance en la légalité des règlements arrêtés et du droit de donner des directives détenu par ceux qui exercent la domination; pouvoir fondé sur la croyance en un statut juridique de l’autorité et sur l’idée que ceux qui l’exercent ont une compétence positive L’Etat correspond à ce troisième type de pouvoir. Alors que l’autorité politique non étatique est celle qui, liée à la tradition ou au charisme des chefs, renvoie aux caractéristiques des personnes qui l’exercent, l’Etat procède d’une institutionnalisation du pouvoir politique. Il commence à émerger quand l’autorité cesse d’être incorporée dans la personne du chef, quand elle se dissocie de l’individu qui en est investi : “ce sont bien des individus qui agissent au nom de l’Etat : mais c’est au nom de l’Etat qu’ils agissent” (Eric Weil, Philosophie politique). Avec l’Etat s’opère une distinction entre pouvoir et propriété qui rend possible une fonction publique. Autrement dit, penser l’Etat, c’est, contre la dépedance personnelle féodale et contre la patrimonialité des offices, distinguer pouvoir et propriété. C’est penser une fonction publique. Selon Max Weber, la rationalisation croissante du monde accorde de plus en plus de place à la domination rationnelle. La domination bureaucratique est d’ailleurs la caractéristique essentielle de l’Etat moderne. Cette domination n’est plus légitimée par des valeurs transcendantes (la foi en Dieu, par exemple), mais par sa capacité à agir techniquement en vue d’une fin. Cette bureaucratisation, qui ne cesse de prendre de l’ampleur, est marquée par notamment par la substitution du gouvernement des experts au gouvernement proprement poltique, ce qu’on appelle la technocratie. Le pouvoir politique est une forme particulière du pouvoir qui s’exerce sur l’ensemble de la société. On peut le définir comme le droit d’exiger quelque chose, la capacité d’exercer une autorité politique, publique qui implique l’obéissance; l’autorité est le pouvoir d’imposer l’obéissance, de commander à autrui. Le pouvoir politique est donc intimement lié à la notion d’autorité. Il désigne généralement le pouvoir de l’Etat, autrement dit le pouvoir suprême ou souverain qui prend des décisions concernant les actions collectives et la régulation sociale de la société (on entend par régulation sociale, l’ensemble des mécanismes visant à maintenir l’équilibre et la cohésion au sein d’une société). Celui qui détient le droit de décider et de commander souverainement est appelé le gouvernant. En ce sens, il n’y a pouvoir que lorsqu’il y a autorité et donc obéissance : devant l’agent de police, par exemple, j’obéis, non pas à sa volonté individuelle, mais à ce qu’il représente : l’Etat; je suis, devant lui, renvoyé à l’autorité politique et au pouvoir. Il faut entendre par politique la dimension de ce qui est commun, par opposition au privé ou au particulier (politique vient de polis, la cité qui, au sens grec du terme, désigne l’ensemble des citoyens, des hommes libres déterminant eux-mêmes les modalités de leur vie commune). La question centrale concernant l’Etat est la question de la légitimité et du fondement du politique, et aussi celle de la valeur des fins qu’il se propose. Il s’agit de s’interroger sur les conditions auxquelles l’autorité politique est possible et les fins de l’Etat acceptables. L’Etat est porteur d’un projet de rationalité dans les rapports Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun humains et demande à l’individu de viser autre chose que ses intérêts égoïstes et d’accéder à une dimension universelle de son existence. Espérance fondée ou illusoire ? Que désigne le pouvoir de l’Etat ? Est-il le porteflambeau de la raison humaine, le cadre à l’intérieur duquel les hommes peuvent à la fois être libres et cesser d’être ennemis les uns des autres ? Dans cette perspective, l’Etat désignerait une institution destinée à défendre la cité, le bien public, unifiant la communauté et la soudant autour de mécanismes juridiques communs. L’Etat signifierait une puissance juridique et institutionnalisée, apportant, par la médiation de ses mécanismes, une stratégie de cohésion sociale, une capacité de régulation et d’arbitrage des intérêts opposés. En ce sens, il incarnerait l’ordre et l’unité, la raison et la rationalité. N’est-il pas, au contraire, l’expression d’un pouvoir opaque et inhumain, d’une contrainte issue d’une force monstrueuse (“Le plus froid des monstres froids”, selon Nietzsche) ? I) LE FONDEMENT DU POUVOUR DE L'ETAT : LES TROIS SOURCES DE LEGITIMITE Qu'est-ce qui fonde l'autorité de l'Etat ? D'où vient sa légitimité ? Trois sources de légitimité de l'Etat vont être examinées : Dieu (théories de droit divin contre lesquelles les théories du droit naturel moderne se sont élevées), la nature (droit naturel antique), le peuple (droit naturel moderne). A) DIEU ET LA NATURE Dans la conception de droit divin (celle, par exemple, de la monarchie française de l’Ancien Régime) ou dans celle de nombreux peuples, Dieu est considéré comme la source et le fondement uniques du droit. Le droit naturel antique repose sur l’idée d’un droit fondamental respectant une règle de nature; existence d’une règle de justice immuable, inscrite dans l’Univers à laquelle, indépendamment des lois positives, les hommes doivent, dans leurs rapports réciproques, se conformer. A.1) Le droit naturel antique Il existe un ordre objectif qui traverse le monde et qui inonde la conscience ellemême. Cette notion de nature est alors entendue au sens d’un étalon qui permet à la réflexion de transcender le réel, de dépasser la positivité des lois pour la juger à partir de la considération du meilleur régime (= juste). La nature est ainsi adoptée comme critère du juste, la norme étant l’ordre cosmique qui, indépendant du sujet, constitue une dimension de l’objectivité. L’ordre du monde est considéré, dans cette perspective, comme clos et circulaire, hiérarchisé, finalisé. Dès lors, est juste ce qui occupe la place qui lui revient, ce qui correspond à sa fin naturelle; l’injustice est une violence faite à la nature. Les lois positives doivent s’efforcer d’exprimer le plus adéquatement possible ce juste naturel à la fois objectif (inscrit dans la nature des choses) et transcendant (la nature est aussi une fin vers laquelle chaque chose doit tendre). Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun Le droit est alors la science du partage, de la répartition consistant à attribuer à chacun ce qui lui revient. La justice est avant tout une justice distributive (cf. Deuxième partie du cours sur l’idée de justice) consistant à déterminer ce qui, en fonction de la hiérarchie naturelle du cosmos, revient à chacun. Aux inégaux doivent revenir des parts inégales si cette inégalité est fondée en nature. C’est ainsi qu’Aristote justifie l’esclavage en déclarant qu’il est fondé en nature et qu’il est normal (naturel) que les plus intelligents commandent aux moins intelligents, les hommes aux femmes, etc. L’inégalité est donc fondée en droit au sens où tous ne peuvent pas revendiquer le même droit : tout dépend de leur statut (place) déterminé par leur nature. Une constitution injuste est celle qui détermine les statuts sans tenir compte de la nature des êtres A.2) Le droit divin Le pouvoir de l'Etat, en ses origines, se fonde dans le Sacré. Le Sacré, insufflant dans le pouvoir la permanence de la vie de l’Esprit, la pérennité d’une Essence éternelle, s’efforce d’enraciner le pouvoir dans la continuité et la durée La plupart des peuples anciens sont persuadés que leurs lois viennent d’une autorité surnaturelle ou transcendante : ancêtres et fondateurs mythiques, divinités diverses et innombrables, etc. Les Lois de Manou en Inde, la Torah chez les Juifs, la Bible chez les chrétiens, le Coran chez les musulmans sont censés être l’expression d’un ordre transcendant pris dans les deux sens de l’organisation et du commandement ; et ces textes considérés comme sacrés disent la loi. Exemple : Moïse reçoit de Dieu, sur le mont Sinaï, les Dix Commandements, gravés sur la pierre, - commandements qui sont la Loi fondamentale de son peuple. L’injonction « Tu ne tueras pas » relève ainsi d’un interdit divin. De sorte que la Loi est considérée comme divine et, à ce titre, elle est absolue, transcendante et éternelle. La théorie du droit divin reprend et commente la parole de Saint Paul : " il n'y a point d'autorité qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent sont constituées par Dieu " (Epïtre aux Romains, XIII). Les souverains, s'ils peuvent bien être désignés selon des voies humaines, tiennent de Dieu, et non des hommes, leur autorité. Dieu définit un fondement à l'exercice du pouvoir, et n'intervient pas directement dans le mode de formation de l'Etat. Le droit divin est donc compatible avec toutes les formes d'Etat et de gouvernement. En fondant l'Etat en Dieu, le droit divin préted le fonder en raison; le pouvoir a donc un fondement et sort de l'arbitraire. Le pouvoir procède de Dieu et s’enracine dans le Sacré. Le roi est, dans la monarchie de droit divin, le représentant de Dieu sur terre. Le fondement divin fournit au pouvoir une référence absolue et stable, face au devenir des choses. Dieu, immuable, se reflète dans le pouvoir et lui apporte une assise éternelle. L’homme-roi est envoyé de Dieu, pour le bien de l’Etat, et toute autorité, transcendant les hommes, devient, dès lors, sacrée et absolue. La théorie du droit divin about it à une conception absolutiste de l'Etat. S'il n'y a, en effet, pas de pouvoir qui ne vienne de Dieu, alors " celui qui résiste à l'autorité se Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun rebelle contre l'ordre établi par Dieu " (Saint Paul, ibid.). L'obéissance au souverain doit se faire sans réserve et il ne saurait exister dans l'Etat auucne insyance qui puisse de droit contester ses décisions. La théorie du droit divin implique donc la négation du droit de résistance et de la théorie de la souveraineté du peuple : si la souverainerté a sa source en Dieu,e lle ne saurait l'avoir dals le peuple. B) LE DROIT NATUREL MODERNE : LE CONTRAT ET L'ETAT Avec les temps modernes, l'Etat n'est plus conçu par rapport au religieux, il n'est plus conçu, comme chez Aristote, comme naturel, l'homme étant un "animal politique ", mais comme un artifice, le produit d'une convention humaine : dans l'Etat s'exprime un contrat implicite passé entre les ndividus qui acceptent son autorité. Dire du pouvoir civikl qu'il érsulte d'un contrat qui fonde sa légitimité, c'est dire que l'autorité à sa source en des conventions humaines. Le souverain n'est plus " Dieu sur la terre " mais un souverain d'institution. Ce n’est pas la nature ou Dieu, mais la raison qui institue le droit, précisément pour corriger la nature et pour combattre les excès des différents droits positifs. C’est avec l’apparition de la problématique moderne du Contrat social et de l’état de nature que la notion de légitimité devient inséparable de celle de subjectivité : seule est alors tenue pour légitime l’autorité qui a fait l’objet d’un contrat de la part des sujets qui lui sont soumis. La subjectivité (l’adhésion volontaire) est dès lors clairement posée comme l’origine idéale de toute légitimité. B.1) La notion de contrat social La notion de contrat renvoie d’abord à la sphère économique et juridique des relations entre des personnes privées. Puis, avec la dénomination de contrat social, cette notion prend un sens spécifiquement politique. C’est dans le contexte des guerres de Religion qu’est apparue avec clarté la notion de contrat social. Elle est élaborée par les monarchomaques, ensemble d’écrivains politiques souvent protestants (Théodore de Bèze, par exemple) qui, pour des raisons d’ordre théologique et religieux, ont combattu l’absolutisme royal. Ces écrivains présentent le lien qui unit le roi et son peuple comme un engagement mutuel. Ce contrat entre le roi et le peuple est pensé sur un modèle théologique, à l’image de l’alliance biblique entre Dieu et son peuple. Le pacte social est censé garantir les peuples contre les excès de la tyrannie. Les monarchomaques ont contribué à fonder l’idée d’un droit de résistance légitime des peuples à l’égard des souverains tyranniques qui rompaient le contrat de gouvernement. Mais ces théoriciens ne voient pas dans le contrat la raison de la naissance des sociétés politiques et ne distinguent la souveraineté, source de la légitimité du pouvoir, et le gouvernement qui en est l’exercice. Avec l’école du droit naturel moderne, cette notion de contrat social va considérablement se développer. Le contrat social va remplir alors une double fonction : il désigne l’acte par lequel se constitue la société civile, ainsi que l’acte par lequel s’institue le gouvernement. Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun Cette double problématique a conduit ces théoriciens à distinguer deux types de contrat : le pacte d’association par lequel se constitue la société, et le pacte de soumission par lequel le corps social se donne un chef. Les théories du contrat social sont fondées sur l’idée que la vie en société est le fruit d’une convention, et non la condition naturelle et originaire de l’homme. Aux XVII e et XVIII e siècles, la plupart des philosophes qui entendent penser la socialité humaine se réfèrent à l'hypothèse de l'état de nature. L'état de nature désigne d'abord un état, opposé à la vie civilisée, dans lequel vivrait un homme isolé et séparé de ses semblables. Il signifie ensuite ce qui s'oppose à la société civile : un état d'indépendance et non d'isolement ou de solitude. Etat donc dans lequel se trouvent les hommes avant l'institution du gouvernement civil, lorsqu'ils ne sont encore soumis à aucune autorité politique. La distinction d'un état de nature et d'un état civil permet de poser en ces termes le problème politique : comment est-on passé d'un état naturel d'indépendance à l'état civil dans lequel les hommes obéissent à une autorité commune ? Cette notion d'état de nature a un lien étroit avec la théorie contractuelle de l'Etat. Si l'état de nature est un état d'indépendance, nul n'est par nature soumis à l'autorité d'un autre, les hommes naissent libres et égaux. Hypothèse qui s'oppose notamment à la théorie du droit divin (cf. Supra). Si les hommes sont naturellement différents en force, en talent, en intelligence, ces différences ne confèrent pas pour autant le droit d'imposer aux autres sa volonté ou de les soumettre à son autorité. Ainsi nul n'a reçu de nature le droit de commander à autrui, de l'assujettir sans son aveu. Le peuple, dès lors, n'est pas seulement le canal par lequel l'autorité est désignée, mais sa source, l'origine et le fondement du pouvoir. Il ne peut donc y avoir de société libre que si chacun accepte et intériorise le contrat qui le lie aux autres, sinon une partie de la population imposera sa loi; les théories du contrat social s'opposent à l'ordre politique traditionnel mais nient la possibilité d'une science de la société : les phénomènes sociaux deviennent en quelque sorte transparents si chacun accepte le mécanisme du contrat; de l'accord des volontés individuelles peut naître une société idéale. Dans cette perspective contractualiste, la cohésion sociale s'explique par un point fixe exogène (extérieur) : le souverain chez Hobbes, la volonté générale chez Rousseau (cf. Ci-dessous). Dans le modèle d'autorité fondé sur le contrat social, en cas de défaillance du souverain ou de la loi, il n'y a plus de société mais anarchie (guerre généralisée) et terreur. B.2) L'Etat, un corps artificiel (Thomas Hobbes -1588-1679) La philosophie politique va, à partir de Hobbes, s’attacher à comprendre le passage de l’état de nature à l’état de société. Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun Qu’est l’homme à l’état de nature ? Il est entièrement libre au sens où sa liberté est strictement coextensive à sa force. Son droit de propriété est sans limites dans la mesure où il parvient à s’approprier tout ce qu’il désire. Liberté et propriété sont équivalentes pour tous : chacun ayant autant de droit sur tout que son voisin. En clair, la liberté et la propriété sans bornes ont pour conséquence l’insécurité totale : chaque individu craint pour sa vie. L’état de nature est un état de guerre perpétuelle de tous contre tous. Le passage à l’état de société est alors le fruit d’un calcul rationnel : mieux vaut limiter sa liberté si celle-ci, en retour, est protégée. C’est un contrat qui fonde la société : chaque contractant abandonne sa liberté et son droit à la propriété de toute chose à un tiers, en échange de la garantie par ce tiers de la sécurité de sa personne, si et seulement si tous le font en même temps. Le tiers constitué est l’Etat dont le pouvoir coercitif rend la société possible. Chacun s’engage ainsi à renoncer à toutes les prérogatives de sa liberté naturelle au profit d’un tiers – un homme ou une assemblée – auquel il reconnaîtra une entière souveraineté, à condition que l‘autre en fasse autant. Le souverain, bénéficiaire de ce pacte, n’est lié en aucune manière par les sujets et il dispose d’un pouvoir absolu sur eux. Une fois institué, l'Etat, doué alors d'une vie propre, doit soumettre, sans restrictiona ucune, tous les individus. Le contrat n’est pas passé entre les sujets et le pouvoir souverain, mais entre tous les individus contraints de mettre fin à l’état de nature. Le pouvoir peut gouverner comme bon lui semble. S’il ne veut pas susciter révoltes et guerres civiles, le souverain doit néanmoins essayer d‘agir de manière raisonnable et ne pas se laisser guider par l’arbitraire de ses caprices. Son pouvoir est certes absolu mais il n'est pas sans conditions. Le contrat social institue une souveraineté qui va concentrer en elle toute la puissance - la puissance législative en particulier. Soumission de tous au souverain, seule source du droit et de la loi. Pouvoir absolu et sans partage. Cette construction contractualiste permet d’évaluer le fait à la lumière du droit. Une société, aussi coercitive soit-elle, n’est légitime que si elle assure la sécurité de ses citoyens. Le droit fondamental que pose Hobbes est un droit rationnel : la sécurité, qui rend secondaires les revendications de liberté et de propriété. Le premier des droits de l’homme est donc celui qui rend la société possible et le pouvoir légitime. Un pouvoir qui supprime la liberté sans assurer la sécurité est un pouvoir despotique et l’équivalent d’un retour à l’état de nature. Dès lors, l'absoutisme hobbien doit être nuancé. En pensant l'Etat sur le modèle mévcanique de la logique des forces, l'Etat doit reconnaître comme absolu le droit de l'indivdu à défendre sa propre vie, même si le souverain possède le droit inconditionnel de mettrre à mort un citoyen quand cela lui semble bon. L'Ettat ne peut supprimer le droit de nature, ce qui laisse ouverte la possibilité pour les citoyens de détruire le souverain si celui-ci met en péril leur vie. La logique de la construction hobbesienne n'interdit donc p&s de penser le droit à l'insurrection. Enfin, le souverain Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun ne garde sa légitilmté que dans la mesure où il garantit la liberté d'entreprise et de commerce des individus. C) L'ETAT ET LA LIBERTE L'idée de contrat recèle une contradiction interne. Elle affirme la liberté naturelle de l'homme, mais, en même temps, elle expose le mécanisme par lequel l'homme nécessairement doit renoncer à cette liberté. Le contrat est volontaire, mais il semble impliquer l'abdication de la volonté libre. Or Rousseau montre qu'on ne peut penser sans contradiction l'idée d'une servitude volontaire. Comment, dès lors, concevoir l'Etat de telle manière que l'homme puisse être pensé comme libre : " L'homme est né liobre et partout il est dans les fers ". Rousseau va s’opposer à Hobbes tout en demeurant dans la tradition du droit naturel. Comme Hobbes, il pensera la société par rapport à l’état de nature ; mais contre Hobbes, il refusera de considérer la sécurité comme la fin essentielle du pacte social. C.1) Le conventionnalisme de Rousseau L'ordre de fait n'a pas de légitimité naturelle; il est fondé sur des conventions. Il faut donc déterminer ce que sont ces conventions. Ainsi est-il imposible de fonder le droit sur la force; il est impossible de concevoir un droit d'esclavage et, par conséquent, " on n'est obligé d'obéir qu'aux puissances légitimes ". La puissance légitme est celle par laquelle un peuple se forme comme tel. La démocratie entendue comme organisation autonome du peuple décidant de son propre destin va donc être considérée comme l'essence même de toute organisatipon politique. Contrairement à Hobbes, Rousseau pense que dans l'état de nature (la situation hypothétique de l'homme hors de la société, avant d’avoir été façonné par la société), l'homme n'est pas en guerre permanente contre ses semblables. Dans son état primitif, l'homme est un être solitaire qui se suffit à lui-même. L'état de nature n'est ni une guerre générale (thèse de Hobbes), ni une vie sociable (thèse d'Aristote), mais un état de dispersion et d'isolement. L’homme vit naturellement solitaire, sans contacts autres qu’occasionnels avec ses semblables. Les désirs de l'homme naturel sont bornés aux besoins physiques, nécessaires, ses forces sont proportionnées à ses besoins et il peut de ce fait se passer de l'existence de ses semblables. L’homme naturel n’est en fait qu’un animal parmi d’autres. L’homme se distingue seulement des autres vivants par sa perfectibilité, c’est-à-dire sa faculté de se perfectionner, d’acquérir de nouvelles idées et de nouveaux comportements. La sociabilité n'est donc pas une inclination naturelle, elle a été instituée par les hommes eux-mêmes. Sous sa forme primitive, la sociabilité se ramène au sentiment de la pitié qui tient lieu de sociabilité dans l'état de nature, qui en est comme le fondement. C'est par la pitié que nous prenons conscience de l'identité de nature qui nous unit aux autres hommes. Les deux seuls sentiments que l'on peut prêter en effet à l'homme à l'état de nature sont l'amour de soi et la pitié : l’amour de soi est le simple instinct de conservation, Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun le souci qu’on a de soi-même, de sa propre conservation, indispensable à tout être; il est antérieur aux attitudes morales; sans lui aucune survie n'est possible. La pitié, « répugnance innée à voir souffrir son semblable », qui tient lieu de lois, de moeurs et de vertu, parce que l'homme naturel obéit à sa sensibilité et que c'est par sa sensibilité pour des êtres sensibles qu'il éprouve de la pitié. L'erreur de Hobbes est d'avoir transposé dans l'état de nature ce qui caractérise l'état de société. « Il 'y a point de guerre entre les hommes, il n'y en a qu'entre les Etats » (Discours sur l'inégalité). Ne pas confondre la guerre avec une querelle quelconque ou une simple vengeance. L'état de guerre ne peut avoir lieu entre les particuliers avant l'établissement de la propriété et la constitution des sociétés civiles. La guerre n'a lieu qu'entre les Etats. Dans l’état de société, ce n’est pas la sécurité qu’il faut sauvegarder (contre Hobbes) mais la liberté. Et de passer de naturelle à civile, la liberté ne doit rien perdre. Cette liberté conservée dans la société, c’est la liberté rationnelle (qui s’oppose à la liberté désirante) - liberté qui se pense dans la réciprocité. C.2) La volonté générale et l'amour de la loi En quoi consiste donc le " vrai fondement de la société " ? Il s'agit, nous dit Rousseau, de " trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi liobre qu'auparavant ". Comment à la fois s'unir à tous et rester libre, c'est-à-dire n'obéir qu'à soi-même ? Réponse démocratique : dans la constitution de la voonté générale. Le peuple est le fondement de toute souveraineté, les individus n'obéissent dans l'Etat qu'à la volonté générale, aux lois qui en sont l'expression. Rousseau va affirmer linalénabilité de la liberté, de sorte que le pacte social est pacte d'association, et non de soumission. Toutes les clauses du contrat se résument à une seule : " l'aliénation totale de chaque associé, avec tous ses droits à toute la communauté ". L'aliénation doit être totale pour qu'elle soit égale pour tous, sinon au moindre conflit l'association se dégragerait; chaque associé se donnant à tous ne se donne à personne et personne n'a perdu le contrat; chaque contractant reste aussi libre avant qu'après. MAIS CE N'EST PLUS LE MËME TYPE DE LIBERTE : DANS LE CONTRAT SOCIAL, LES ASSOCIES ECHANGENT LEUR LIBERTE NATURELLE CONTRE LA LBERTE CIVILE. Il s'agit donc d'aliéner sa liberté aturelle en échange d'une liberté conventionnelle. Dès lors, plus personne ne sera soumis à un particulier, plus personne ne sera l'esclave d'un maître; la volonté qui s'exprimera dans l'Etat sera toujours celle des citoyens. En effet, le contrat est entre soi et soi, soi comme membre de la collectivité citoyen -, soi comme individu particulier. Le pacte social préserve la liberté des contractants car c’est avec eux-mêmes qu’ils contractent, et non avec un autre. Chaque membre de la société à venir contracte avec lui-même dans la mesure où il est déjà membre du corps social en formation, du tout dont il fait déjà partie. Rousseau Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun distingue donc l’homme en tant qu’il est un individu privé, avec ses intérêts égoïstes, et le citoyen, sujet et membre de l’Etat, qui n’obéit qu’à l’intérêt commun et à la volonté générale. La condition fondamentale de légitimité du droit et du pouvoir qui l’institue, c’est sa conformité à la volonté générale. La souveraineté, en effet, n’est rien d’autre que « l’exercice de la volonté générale ». Cette volonté générale ne doit pas être confondue avec la volonté de tous. La volonté de tous est la dérive négative de la volonté générale : c’est la domination des passions du grand nombre. Seule la volonté générale peut créer l’unanimité alors que la volonté de tous devient vite la dictature du plus grand nombre. Il faut donc entendre par volonté générale, non l’addition de volontés particulières aveuglées par des intérêts privés, mais la recherche de l’intérêt général. La volonté générale n’est pas la volonté de tous. Elle n’est pas l’unanimité, ni la majorité (la majorité n’a pas toujours raison). La volonté générale, qui dit le droit, la loi, n’est pas une somme d’opinions communes, mais une intégration harmonieuse, une mise en accord de points de vue différents ayant une visée identique (l’intérêt général). La volonté générale est l’essence du peuple en tant que sujet produisant l’autorité légale. Seule la démocratie directe semble susceptible de ne pas trahir a priori la volonté générale. Lorsque, par exemple, je dois, dans une assemblée, délibérer d'une loi spécifique, pour former mon opinion, je dis me demander ce qui est conforme au bien commun; si mon opinin particulière est minoritaire, je dois me plier à la majorité, non en vertu d'une règle d'obéissance passive, mais parce que ma véritable liberté ne réside jamais dans le fait de faire valoir ma propre opinin mais dans l'idée que c'est la loi majoritaire quio doit gouverner. Je dois considérer que l'application de la loi du ppus rand nombre est préférable au triomphe de ma propre position contre la majorité. Rousseau n’invite pas à l’unanimisme mais à désinvestir le champ de la discussion politique de sa charge passionnelle. De plus, le contrat rousseauiste rend possible et présuppose un impératif catégorique et fait entrer l’homme dans la moralité ; la détermination des principes de l’action politique repose sur un principe d’universalisation qui est la condition de la stabilité du contrat. La formule clé de la philosophie politique de Rousseau est finalement l’amour de la loi parce que l’homme libre est celui qui obéit à des lois et non aux ordres et aux prescriptions d’un autre homme. Enthousiasme de Rousseau pour « la force et la dignité de la loi ». C.3) Intérêt et actualité de la théorie du contrat social Nous avons vu que l’idée de contrat renvoie à un difficile problème : comment concevoir l’Etat de telle manière que l’homme puisse être pensé comme libre ? Comment, en somme, conjuguer la liberté de l’homme avec l’obéissance à la loi, sans laquelle il n’y a pas de vie sociale paisible ? Comment intégrer dans la Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun communauté politique les libertés individuelles, sans que cette intégration se fasse de façon inégalitaire, les uns jouissant de droits dont les autres sont privés ? Le contrat social de Rousseau n’est ni descriptif ni explicatif, mais normatif. Il s’agit de déduire a priori les fondements de l’autorité légitime, en distinguant le droit du fait. Ainsi Rousseau a-t-il montré qu’on ne peut penser sans contradiction l’idée d’une servitude volontaire, que l’ordre de fait n’a pas de légitimité naturelle mais qu’il est fondé sur des conventions, qu’il est du coup impossible de concevoir un droit d’esclavage et de fonder par là même le droit sur la force. De sorte qu’on n’est obligé d’obéir qu’aux puissances légitimes. L’apport principal du Contrat social de Rousseau réside dans l’élaboration d’une définition du peuple comme individualité libre. A noter que le droit naturel moderne a fourni le fondement philosophique de la notion générale des droits de l’homme puisque l’individualité libre est le fondement et la limite de l’autorité. Les trois finalités de la vie en société sont la sécurité des personnes, celle des biens (garantie de la propriété), ainsi que la liberté. La société issue du pacte social n’est pas une simple association d’individus, unis en vue de la préservation de leurs intérêts égoïstes. La société est une communauté de citoyens qui sont tous membres du corps social et qui ont en vue le bien commun. La notion de corps, nous l’avons vu, a un sens organique. Le pacte social n’est pas un pacte d’aliénation, par les individus, de leur liberté au profit de quelque entité politique que ce soit. La liberté est inaliénable ; elle est à la fois le fondement et la finalité de la communauté politique. Le contractualisme reste encore d’actualité, malgré son éclipse au XIXe siècle et la critique de la théorie rousseauiste. John Rawls, par exemple, en tentant d’articuler le problème de la liberté politique et de la justice sociale, tente de définir les conditions d’une organisation sociale acceptable par tout individu raisonnable, placé, non plus dans un état de nature, mais sous le « voile d'ignorance ». Chez Rawls , le contrat social ne consiste pas seulement dans l’acceptation d’un pouvoir commun capable d’assurer la cohésion sociale, mais aussi dans un accord central sur les principes de répartition des positions économiques et sociales. Le contrat social est donc une idée régulatrice, à la manière kantienne, mais Rawls essaie de lui donner un contenu social concret en posant la question du partage équitable des avantages économiques et sociaux. Un deuxième aspect du renouveau du contractualisme concerne les relations internationales. Dans la version classique du contrat, l’état de guerre, à l’intérieur de l’espace géographique et humain concerné, est aboli, mais il persiste dans les relations internationales. Or, les organisations internationales apparaissent comme des constructions conventionnelles dans lesquelles chaque Etat limite volontairement sa souveraineté en vue d’assurer une plus grande stabilité pour tous. Les penseurs du contrat sont à nouveau revisités, vu la difficulté d’articuler le niveau de la nation et le niveau des organisations supranationales, comme le montrent les problèmes de la construction européenne, par exemple. Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun D) LES CRITIQUES DU CONTRAT SOCIAL Dans le contractualisme, la société politique est construite par libre convention; l'idée de contrat, nous l'avons vu, est fondée sur celle d'un droit e nature appartenant à l'individu, d'où découle l'autorité de la loi. Or le contractualisme achoppe à plusieurs difficultés : les individus sont considérés comme des atomes isolés, munis d'une raison calculatrice, et dont la rencontre produit le social comme effet. Or y a-t-il un sens à parler d'indivus en dehors du noeud des relations qui le constituent et qui sont d'emblée des relations sociales ? Le contractualisme suppose en outre une première convention qui est une fiction logique mais aussi peut-être un mythe présupposant en même temps les droits naturels de l'homme et la renociation des individus à ces droits au nom de la première convention. La notion de contrat social va subir les critiques des libéraux, des contre-révolutionnaires, des anarchistes verront en Rousseau le théoricien de la terreur jacobine et qui accuseront les théories contractualistes d’irréalisme et de confusion entre l’Etat et la société civile. D.1) Le contrat social, une construction logique abstraite Dans le Discours sur l’origine de l’inégalité, Rousseau a établi qu’il n’existe aucune inégalité naturelle légitime et que l’inégalité n’est que le résultat d’un premier état social, non contractuel. Pour que le contrat fonctionne, il faut que les inégalités de fortune, de position hiérarchqiue soient, sinon abolies, du moins sévèrement limitées. Or, loin d’être un précurseur des théories socialistes, Rousseau conçoit l’organisation économique sur le modèle de l’initiative individuelle et de la propriété privée des moyens de production. La république rousseauiste est une république des producteurs libres. Dans une telle république, la vertu civique doit être plus forte que les appétits égoïstes et les besoins doivent être limités. Une telle position est-elle possible pratiquement ? Le reproche majeur fait à Rousseau est que le contrat social n’est qu’une construction logique abstraite sans rapport avec la vie réelle des peuples. Le contrat social suppose à son origine la participation effective de tous les citoyens. Le modèle de Rousseau est celui d’une démocratie directe dans laquelle le peuple luimême, et non ses représentants, exerce le pouvoir (souvenir de la démocratie athénienne). Le contrat rousseauiste ne pourrait valoir pour les grandes nations modernes et pour les unions de nations. Mais Rousseau lui-même laisse ouvertes d’autres possibilités. Il y a, en effet, d’un côté la loi fondamentale – la constitution – qui définit les termes du contrat, laquelle doit être le produit de la réunion de toutes les volontés. Il y a aussi, d’un autre côté, les lois courantes, dont la décision peut être laissée aux représentants élus du peuple, qui agissent, entre deux élections, comme ses mandataires. Il est donc possible, à partir de la matrice rousseauiste, de construire une théorie de la démocratie parlementaire représentative. Le problème de la démocratie directe est déplacé vers le problème des modalités pratiques d’exercice de la démocratie directe (référendum, par exemple) et de contrôle des représentants par le peuple. Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun D.2) Le couple société-Etat Autour de la Révolution française apparaît l’idée selon laquelle la société civile aurait une consistance propre, une existence indépendante de son institution par une quelconque volonté. Critique libérale de Rousseau, telle qu’elle se manifeste chez Constant notamment. Pensée libérale de l’autonomie du social qui rend possible la distinction des droits-libertés (antiétatiques) et des droits-créances (impliquant l’intervention de l’Etat), comme nous le verrons dans la dernière partie du cours sur les droits de l’homme. L’opposition Constant-Rousseau se cristallise autour de quelques grands thèmes : L’idée de volonté générale, c’est-à-dire d’une maîtrise de la société par l’homme (notion de souveraineté du peuple) crée les conditions de possibilité d’une dictature nouvelle : la volonté du peuple étant le seul et unique principe de légitimité, il suffit qu’elle soit détournée à leur profit par une assemblée ou un homme pour qu’ils se voient investis d’un pouvoir illimité. La réalité des sociétés modernes possède une consistance propre, elles n’existent pas grâce au pouvoir politique, mais c’est ce pouvoir politique qui existe par elles : ce n’est pas grâce aux lois que les individus entrent e relation entre eux, mais ce sont les lois qui sont l’expression de relations qui leur préexistent. D’où la séparation entre la société et l’Etat. Dès lors, sur fond d’une adhésion commune aux présupposés subjectivistes du droit naturel moderne, trois modèles de théorie politique se mettent en place au XIXe siècle autour du couple central société-Etat, trois types de discours qui rebondissent sur le problème des droits de l’homme : 1. la réduction de la société à l’Etat (projet d’un socialisme étatique, que certains qualifient de totalitaire, au sein duquel l’Etat est l’instance qui organise, contrôle et absorbe la société); 2. la réduction de l’Etat à la société (projet anarchiste d’une suppression totale de l’Etat au profit d’une société harmonieuse); 3. la coïncidence entre la société et l’Etat est impossible (projet libéral). Ces trois modèles politiques sous-tendent trois types de discours sur les différents types de droits de l’homme, comme nous allons le voir dans la partie suivante : 1. un discours libéral (les droits de l’homme sont réduits aux seuls droits-libertés et constituent les fondements d’une limitation de l’Etat); 2. un discours socialiste d’inspiration marxiste qui fait des droits-créances, et de l’intervention étatique, un préalable à la réalisation des droits-libertés (qui sont considérés comme secondaires); 3. un discours anarchiste qui dénonce ces deux types de droits en tant qu’ils supposent en quelque façon l’Etat. Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun CONCLUSION : Le contrat social est donc un modèle de légitimité politique qui va nous permettre de penser le fondement de l'Etat de droit et de l'Etat démocratique. Rousseau, en particulier, expose dans toute son ampleur la question des rapports entre la loi, la liberté et l'égalité, sans donner une réponse entièrement satisgfaisante, come on le voit à travers les nombreues critiques qui ont été adressées à sa conception. Nous allons voir, à partir de la matrice rousseauiste, que si la source de la souveraineté réside dans le peuple, cela ne signifie nullement que l'exercice de la souveraineté lui revient. II) L'ETAT ET LA DEMOCRATIE Qu'est-ce qui caractérise réellement le pouvoir de l'Etat ? L'Etat a-t-il tous les pouvoirs ? Quelles en sont les limites ? Dans quelles conditions l’Etat est-il légitime et l’obéissance exigible ? A contrario, à quoi reconnaît-on la perte de légitimité d’un Etat ? Par quels moyens est-il possible d’établir ou de garantir l’existence d’un Etat légitime ? La démocratie n'est-elle pas finalement le meilleur des régimes ? A) LES POUVOIRS DE L'ETAT Quelles sont, en premier lieu, les caractéristiques distinctives du pouvoir de l'Etat par rapport à d'autres formes de pouvoir ? A.1) La souveraineté La première caractéristique distinctive du pouvoir de l’Etat, c’est sa souveraineté. L’Etat dispose de pouvoirs souverains en cela qu’il n’existe pas de pouvoirs supérieurs ou égaux aux siens sur le territoire sur lequel il exerce son pouvoir. Cela signifie d’une part qu’il exerce son pouvoir sur tous sans distinction et de telle sorte qu’il n’y ait aucun pouvoir qui puisse le contredire ou s’opposer à lui sur le territoire sur lequel il exerce son pouvoir. Cela signifie que là où l’Etat a un pouvoir, son pouvoir est souverain. La souveraineté se traduit par l’unité et la concentration des lieux de pouvoir, de l’exercice du pouvoir. L’autorité légale de l’Etat suppose l’unification intérieure d’un patrimoine territorial collectif, ainsi que des limites géographiques à l’exercice de cette autorité, c’est-à-dire des frontières. Pas d’Etat sans territoire (cf. Le contentieux israélo-palestinien). Toute territorialisation étatique définit un espace centré et homogène : existence d’une capitale administrative garante de l’unité politique et d’un espace juridique commun (même monnaie, armée nationale, langue officielle commune, etc.). L’Etat a seul le pouvoir de fixer des règles de comportement et d’en imposer légitimement le respect. Selon Max Weber, en effet, l’Etat est l’institution qui revendique avec succès pour son propre compte le “monopole de la violence physique légitime”. Par légitimité, il faut entendre la qualité du pouvoir dont Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun l’acceptation se fonde non sur la coercition comme ressource première, mais sur le consentement réputé libre de la population. La souveraineté du pouvoir de l’Etat implique que l’Etat n’est lui-même soumis qu’aux limites qu’il s’impose à lui-même. Il peut donc passer outre ce qu’il exige de ceux sur lesquels ils exercent son pouvoir, puisque souverain il n’a de compte à rendre à personne. Ce qui peut se traduire par ce qu’on appelle des abus de pouvoir, c’est-àdire par l’usage de ses pouvoirs au-delà des limites dans lesquelles il est sensé agir. Ces abus de pouvoir sont souvent expliqués et justifiés par ce qu’on appelle la raison d’Etat, c’est-à-dire que dans certaines circonstances qui mettent en jeu la sécurité de l’Etat, ses intérêts, son influence, sa puissance, ses secrets, l’Etat s’autorise à recourir à des moyens d’action qu’il interdit aux individus et cela pour sa propre sauvegarde. Exemples : terrorisme d’Etat, atteinte aux libertés publiques. Si la souveraineté est un trait fondamental, mais qui tend à s'estomper : les transferts et les abandons (souverains) de souveraineté à des niveaux infra-étatiques ou extra-étatiques tendent à limiter, voire annuler tout à fait cette souveraineté. Ce qui se traduit par exemple par la possibilité offerte aux individus de s'opposer aux Etats auxquels ils appartiennent, par la cour européenne des droits de l'homme par exemple, ou pour une entreprise, par l'intermédiaire de l'Etat auquel elle appartient de s'en prendre à un autre Etat, comme c'est possible avec l'O.M.C. (Organisation Mondiale du Commerce). A.2) L’institutionnalisation Les pouvoirs dont disposent les hommes d’Etat ou ceux qui sont mandatés par l’Etat pour les exercer ne leur appartiennent pas et ne disparaissent pas avec eux. Ils ont une durée qui dépasse celle des détenteurs du pouvoir, une continuité dans le temps en dépit des changements de personnes. Cette caractéristique de l’Etat est déterminée par son caractère institutionnel : ceux qui disposent d’un pouvoir en disposent au sein d’une institution ou grâce à une institution qui les dépasse et en vertu de laquelle ils ont ce pouvoir. Cela signifie que les pouvoirs dont ils disposent ne sont pas des pouvoirs qu’ils possèdent en propre, dont ils ont la propriété, mais que ce pouvoir appartient à l’institution au sein de laquelle ils sont et en laquelle ils ont un statut particulier et une fonction déterminée. Un fonctionnaire de police ne dispose pas personnellement des pouvoirs qu'il a : il en dispose en tant que fonctionnaire, donc en tant que l'institution policière lui a confié ce pouvoir et tant qu'elle peut le lui ôter. Mais qu’est-ce qu’une institution exactement ? Une institution, c’est quelque chose que les hommes ont institué, c’est-à-dire crée, décidé et qui détermine des usages, les comportements. Ici, ce sont des organisations, des organismes, des structures hiérarchisées (comme une armée) par lesquelles l’Etat exerce son pouvoir propre. L’ensemble des administrations sont à ce titre des institutions : police, armée, fisc, Justice... Mais, plus largement, les structures même de l’Etat, son régime, son organisation sont des institutions, politiques celles-là. On comprend en ce sens qu’il Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun est possible de détenir un pouvoir par l’appartenance à une institution, par un statut et une fonction à l’intérieur d’une institution. Ainsi, grâce à la durée de l’institution ellemême, l’Etat peut-il assurer sa propre durée, sa pérennité. Ce qui est ici important, c’est que le caractère institutionnel de l’Etat s’accompagne presque toujours d’une législation et donc d’une légalisation de l’Etat. Pourquoi ? Parce que la loi est précisément le moyen par lequel l’Etat s’institutionnalise, se donne une structure, une organisation, ainsi qu'un régime (sous la forme d’une constitution, c’est-à-dire de lois dites fondamentales). Sans quelques lois, décrets, décisions définitives du pouvoir, il n’y a pas d’Etat. Or, c’est par la loi que l’Etat crée des institutions, les organise et les fait agir de telle sorte qu’elles soient l’expression même de son pouvoir sur l’ensemble des individus. Sans administration, il ne peut y avoir d’Etat. Mais si on obéit à la loi parce qu'elle est la loi, alors on n'obéit à personne, et si on n'obéit à personne, on n'agit pas sous l'effet d'un pouvoir qui nous ferait faire ce qu'on fait, on agit parce qu'on juge que c'est ce qui est le mieux, y compris si cela doit nous coûter quelque chose. On se sent obligé sans être "contraint" de faire sous la menace par exemple. Se sentir obligé voulant dire que nous ressentons la nécessité de faire telle ou telle chose non pas parce que nous sommes inviter à le faire par quelque chose d'extérieur (une menace, une autorité, un discours), mais parce que nous sommes intimement, intérieurement convaincus d'être en présence d'un principe qu'il ne faut pas transgresser. En résumé, les pouvoirs de l'Etat se distinguent des pouvoirs sociaux en cela qu'ils sont souverains et institutionnalisés. B) LES LIMITES DU POUVOIR DE L'ETAT : L'ETAT DE DROIT ET LA DEMOCRATIE Si l'Etat exerce le pouvoir souverain et possède le monopole de la violence légitime, a-t-il, doit-il pour autant avoir tous les pouvoirs ? Quelles sont les limites de son pouvoir ? Or, pour limiter le pouvoir de l'Etat, peut-on s'en remettre à l'Etat ? S'il faut limiter le pouvoir de l'Etat, quelle instance, quel pouvoir seront habilités à le fixer ? L'Etat peut-il être à la fois ce qui limite et ce qui est limité ? Si l'on laisse à l'Etat seul le soin de déterminer ces limites, quelle garantie avons-nous que ces limites ne seront jamsi franchies ? B.1) La notion d'Etat de droit En premier lieu, ce sont les limites - ce qui délimite, ce qui restreint, ce qui contient à l'intérieur d'un espace particulier - que l'Etat s'impose qui confèrent à l'Etat sa vérirtable nature : un Etat ne peut pas prétendre tout régenter (sauf l'Etat totalitaire), sans se diluer et se condamner à l'impuissance. Ensuite, les limites de l'Etat sont imposées par le droit lui-même et par la séparation entre la sphère de l'existence privée et celle de l'existence publique (l'Etat totalitaire, en revanche, confond ces deux sphères). Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun L’Etat de droit répond à deux nécessités : accorder au citoyen un statut juridique qui soit en accord avec le respect de la personne humaine; limiter autant que possible le Pouvoir, le soumettre à des règles imartiales et impersonnelles, afin que les individus qui l’exercent ne puissent en abuser. L'etat de droit désigne ainsi une structure juridico-ethique s’attachant à la dignité humaine et supposant la mise à distance de l’Etat de police dans lequel les autorités gouvernementales et administratives agissent à leur guise et où existe parfois une “police politique” habilitée à intervenir sans tenir compte de la loi et des règlements. L'action de l’Etat doit être soumis, au même titre que les particuliers, au respect du droit positif; ce respect est sanctionné en dernier ressort par un juge. Un Etat de droit est un Etat fondé sur une constitution. Placée au sommet de l’organisation politique d’une communauté, elle fixe sa structure politique, détermine les modalités selon lesquelles les différents groupes peuvent prétendre accéder au Pouvoir et définit la constitutionnalité des lois, des traités et des engagements internationaux. La Constitution définit les règles de l'exercice du pouvoir, celles de son acquisition; elle définit les conditions de la modification de toutes les lois existantes. Dans le système constitutionnel, la loi règle et limite la liberté d’action du gouvernement, les tribunaux sont indépendants. Le citoyen peut faire valoir ses droits contre les prétentions et l’arbitraire du gouvernement ou de l’administration. Dans l’Etat autocratique, au contraire, le citoyen ne dispose d’aucun recours légal contre les actes de l’administration. Ce recours, dans un Etat de droit, existe soit devant les tribunaux ordinaires, soit devant des cours spéciales. Le citoyen peut obtenir du gouvernement ou de l’administration, si sa plainte aboutit, soit qu’une mesure illégale soit invalidée, soit qu’un tort soit redressé (dommages-intérêts, restitutions…). L’indépendance du juge est l’autre nom de la souveraineté de la loi. Dans les limites de ses fonctions, le juge est supérieur à tout autre organe de l’Etat, il peut donner des ordres à tous les organes de l’Etat. Il ne reçoit d’instruction d’aucune autre autorité et dépend exclusivement de la loi. Le contrôle de l’activité du juge revient à d’autres juges, non au gouvernement ou à l’administration. Partage du pouvoir à tous les échelons : le pouvoir de l’Etat de droit désigne une puissance partagée, à l’opposé du pouvoir totalitaire concentrant toutes les puissances dans les mains. La séparation des pouvoirs, théorisée par Montesquieu, repose sur l'idée réaliste qu'il est impossible de s'en remettre à la probité colective ou à la probité individuelle. Montesquieu parle d'ailleurs plutôt de distribution des pouvoirs : " Pour qu'on ne puisse abuser du povoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir." Cette séparation n'est pas indépendance, division mais interdépendance des pouvoirs. Chaque pouvoir founrit à un autre pouvoir sa parade. (Montesquieu, L'esprit des lois, IX, 4). Existence de contre-pouvoirs permanents (partis politiques, d’opposition, syndicats, etc…) résistant au pouvoir et garantissant la survie d’un Etat non totalitaire, sans parti unique ni contrôle autoritaire sur les personnes. Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun B.2) République et démocratie Etymologiquement, la république est la chose publique. Le mot désigne bien davantage : une forme d'organisation de la société, et de l'Etat, dans laquelle le pouvoir appartient à tous, au moins en droit, et s'exerce, au moins en principe, au bénéfice de tous. C'est le pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple - même si ce pouvoir s'exerce le plus souvent par l'intermédiaire de représentants élus. La république est donc une démocratie, mais radicale. Une démocratie peut très bien avoir un roi, si le peuple le juge bon ou l'accepte (exemples de l'Angleterre etd e l'Espagne, où le peuple, non le roi, qui décide de la politiuqe suivie,e t même du maintine ou non de la monarchie). Mais, dans ce cas-là, ce n'est pas une république : une partie du pouvoir - le choix du monarque - échappe au peuple. On entend donc par « république » un Etat non monarchique, fondé sur le principe de la souveraineté populaire. La république, en un sens constitutionnel, est une démocratie où tout le pouvoir appartient au peuple et ne s'exerce que par ses élus : la France, les USA ou l'Allemagne sont des républiques; l'Angleterre et l'Espagne, non. Qu'entend-on alors par démocratie ? En une première acception, le régime où le peuple est souverain. Type d’organisation politique dans laquelle c’est le peuple, c’est-à-dire l’ensemble des citoyens sans distinction de naissance, de richesse ou de compétence, qui détient, ou qui contrôle, le pouvoir politique. C’est le peuple qui choisit ses gouvernants et sanctionne leur action; ce choix s’effectue parmi l’ensemble du peuple : chacun peut, en droit, se lancer dans la compétition politique. Souveraineté du peuple ne signifie pas, en permier lieu, que le peuple gouverne, ni même qu'il fait la loi, mais que nul ne peut gouverner ou légiférer sans son accord ou hors de son contrôle. Démocratie s'opopse à monarchie (souveraneté d'un seul), aristocratie (souveraineté de quelques-uns), anarchie ou ultralibéralisme (pas de souverain). Dès lors, n'est pas démocratique n'importe quel pouvoir issu du peuple, mais seulement un pouvoir qui n'impose pas des lois arbitraires, ce qui suppose la préservation de la liberté d'opinion et de jugement. La démocratie est d’abord une forme de gouvernement. On peut distinguer la démocratie directe (lorsque le peuple, par exemple, est appelé à se prononcer par voie de référendum) et la démocratie représentative (où le peuple gouverne par le truchement de représentants élus ou désignés). Il faut également distinguer le régime démocratique présidentiel (lorsque le chef de l’Etat possède plus de pouvoirs que le parlement, comme aux USA), le régime parlementaire (quand il y a équilibre des pouvoirs entre le gouvernement et le parlement), le régime d’assemblée (lorsque le parlement impose sa volonté au gouvernement, exemple de la IVe République en France). Cinq traits sont caractéristiques de la démocratie occidentale : Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun La souveraineté du peuple qui s’exprime notamment, dans les démocraties représentatives, par le choix des gouvernants qui procède d’élections libres (liberté de candidature, libre formation et fonctionnement des partis politiques, liberté de suffrage, liberté du scrutin, etc.). L’exercice du gouvernement appartient à la majorité. Reconnaissance, par la majorité, des droits de la minorité, qui constitue une forme centrale de contre-pouvoir (droit pour l’opposition à la libre critique, droit, à la suite de nouvelles élections, à l’alternance du pouvoir). Le constitutionnalisme : les pouvoirs publics, comme les citoyens, sont tenus au respect de la Constitution; Garantie accordée aux droits fondamentaux des citoyens : application de l’Etat de droit. Se pose alors ici le problème de l’éducation du citoyen. Une démocratie exige des citoyens un certain sens de l’universel, la capacité d’adopter des principes d’action acceptables par tous, correspondant à l’intérêt de la communauté dans son ensemble. Elle leur demande une forme de moralité que le XVIIIe siècle appelait vertu. La démocratie est cet Etat qui éduque les hommes, par ses lois, ses institutions, l’esprit qui les anime, dans lequel les individus s’humanisent en apprenant à consituer une véritable communauté, fondée sur le refus de la violence et de l’arbitraire. Il s’agit de former des citoyens actifs, assumant leur statut de “ gouvernants en puissance “ : la discipline et l’acquisition des comportements fondamentaux doivent préserver et renforcer le libre exercice du jugement individuel; éducation du jugement politique comme éducation à la discussion : c’est par la confrontation des points de vue que l’individu échappe à l’étroitesse de ses propres opinions pour accéder à une conception d’ensemble des problèmes et de l’intérêt de la communauté. En somme, l’éducation des citoyens actifs doit donner les moyens - l’information, la méthode, le pouvoir -, le goût et l’habitude de la participation à la discussion. B.3) Les difficultés de la démocratie : la démocratie, forme ou critère ? On peut se demander dans quelle mesure les démocraties occidentales correspondent à cette définition de la démocratie et de l’éducation du citoyen : pseudo démocraties qui sont en fait des aristocraties, des oligarchies ou des “médiocraties” (démocraties gouvernées, non par de véritables hommes d’Etat, mais par des médiocres obsédés par des intérêts partisans), le pouvoir réel de décision échappant au citoyen; beaucoup d’individus se désintéressent totalement des problèmes politiques : on parle d’une crise de la citoyenneté et de la politique qui est aggravée par la crise économique et les phénomènes de marginalisation; pour mener une vie “publique”, il faut disposer de temps, de ressources finacières, se faire reconnaître au sein d’un parti, d’un syndicat, d’un groupe de pression, acquérir de l’influence et de l’autorité : poids des institutions, des “appareils”, des positions acquises; etc. Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun Les démocraties modernes sont en réalité des aristocraties, si l’on considère qu’elles sont gouvernées par l’élite des citoyens les plus compétents, ou bien des oligarchies, si l’on estime qu’elles le sont par la minorité des plus fortunés, ou par celle des “décideurs” issus du monde des affaires. Maurice Duverger définit les démocraties occidentales comme des “technodémocraties” étroitement contrôlées par une oligarchie économique. Plus fondamentalement, la notion même de démocratie est porteuse de difficultés considérables : " S'il y avait un peuple de Dieux, dit Rousseau, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne onvient pas à des hommes." Rousseau souligne lui-même qu'il y a divers degrés de démocraties. La participation du peuple en grand ou en tèrs grand nombre renforce la difficulté et la fvragilité de ce régime. Dans sa fgorme, ene ffet, le gouvernement démocratique ne maqnue pas d'inconvénients : soumission des volontés particulières à la volonté générale; le modèle du suffrage universel garanti-il la qualité et la justice ce qui sort des urnes (exemple d l'avènement du régime hitlérien) ? Toute idée est-elle bonne du moment qu'elle émane d'une majorité ? Il y a des despotes éclairés et des démocrates dans l'erreur… La contrainte exercée par une majorité, qui peut avoir tort, sur une minorité, qui peut avoir raison, constitue une limite du modèle démiocratique. Risque que la démocratie deviennne le despotisme de la majorité. Alexis de Tocqueville, analysant la démocratie américaine, pose la question de la " tyrannie de la majorité ". Le postulat démocratique selon lequel chaque citoyen est apte à forger sa priopre opinion librement n'est pas réliste. En pratique, la majorité des citoyens s'appuie sur les croyances et les préjugés de l'opionion moyenne. Or, la fiction démocratique réside dans le fait que l'individu prend la pensée de la masse pour sa priopre pensée. La démocratie, en ce sens, conduit à un conformisme. Possibilité alors d'un passage de la servitude douce du conformisme à la servitude politique. Exemple des régimes tyranniques fascistes qui sont nés pour la plupart de la " volonté du peuple ". On peut se demander si la formation de mouvements politiques fondés sur le racisme n'est pas la face obscure de la démocratie. Analyse de Hayek : " si démocratie veut dire gouvernement par la volonté arbitraire de la majorité, je ne suis pas démocrate ". Hayek dénonce le glissement des démocraties actuelles vers le clientélisme catégoriel, vers ce qu'il appelle une "démocratie de marchandages". La règle de la majorité a ceci de pervers qu'elle ne peut que se trahir. Il est en effet rapidement impossible à un gouvernement " de se cantonner dans le service des visées qui ont l'accord formel d'une majorité d'électeurs. Il est constamment obligé d'assembler et maintenir unie une majorité, en accédant aux demandes d'une multitude d'intérêts sectoriels " (Droit, législation et liberté). Ici Hayek pointe la contradiction, dans les démocraties parlementaires, entre l'exigence de perpétuation de l'Etat et l'exigence de justice, toute majorité ne pouvant Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun rester cohérente qu'au prix d'une plongée inévitable vers le privilège. Idée que la démocratie contemporaine ne reste jamais démocratique. Ainsi, le terme de démocratie aurait pris une valeur négative : elle désignerait un seuiol de sauvegarde contre la tyrannie ou le despotisme par la vertu. Plutôt qu'une forme d"e gouvernement, la démocratie serait devenue une manière de gouverner : une monarchie constitutionnelle, dans cette perspective, pourrait sembler plus proche, moralement tout au moins, de cet idéal démocratique que les démocraties dites populaires. Le terme est souvent confondu avec « démocratie ». En ce sens, on retrouve la notion de république. Lorsque le pouvoir, dans une démocratie, ne se met plus au service que des influents ou des plus nombreux, même sans roi, ce n'est plus tout à fait une république, qui veut, rappelons-le, que le pouvoir vise l'intérêt commun et non la simple moyenne des intérêts particuliers. Où l'on retrouve la notion rousseauiste de volonté générale. Le mot république revêt alors un sens normatif : il suppose un jugement de valeur, une volonté obstinée de résister aux égoïsmes, aux privilèges, aux corporatismes, aux Eglises, et même aux individus. Qu'est donc une république ? Par quoi se caractérise-t-elle ? Par la liberté incontestablement. Mais pas au prix de l'égalité, de la justice, voire de la laïcité (neutralité de l'Etat et de l'école, indépendance de l'Etat vis-à-vis des Eglises et réciproquement, liberté de conscience et de culte; la laïcité est ce qui nopus permet de vivre ensemble, malgré nos différences d'opinions et de croyances; la laïcité est le contraire, non de la religion, mais du cléricalisme et du totalitraisme). La république est donc moins un type de gouvernement qu'un idéal : être républician, en ce sens-là, c'est vouloir que la démocratie se mette au service du peuple et non de la majorité ou de l'idéologie domionante. La république se définit ainsi davantage comme une « personne publique » (Rousseau parle de « volonté générale ») que comme une « chose publique ». CONCLUSION : La démocartie est ainsi le minimum obligé et la république, le maximum souhaitable. La démocratie est le meilleur des régimes, en ce sens qu'elle est la reconnaissance du rôle fondateur du sujet libre. De même que le sujet est l'origine de sa propre vie, de même le citoyen est l'origine des institutions qui vont gérer sa vie sociale. Si la liberté, comme nous l'avions vu dans le cours sur le désir et le bonheur, est la condition du bonheur et si la démocratie se fonde précisément sur la liberté, le véritable fondement de la démocratie est la poursuite du bonheur. Si la démocratie est le meilleur des régimes, elle est aussi le plus difficile à réaliser : la démocrtatie n'est pas un régime politique sans défauts, défauts que nous avons examinés et qu'il importe d'autant plus de reconnaître que cette reconnaissance est la condition pour que la démocratie se réalise comme un régime authentique de liberté. Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun III) LES CRITIQUES DE L'ETAT Le reproche majeur adressé aux théories de l'Etat est qu'elles ne séparent pas le droit du fait et peuvent paser insensiblement de l'explication rationnelle du politique à la rationalisation légitimant les Etats existants. La critique radicale de l'Etat, " le plus froid des monstres froids" selon Nietzsche, est en même temps celle du politique et renvoie à l'essence du pouvoir politique. L'enjeu de cette critique est alors le suivant : une société sans Etat est-elle possible, voire souhaitable ? A) ANARCHIES, ANARCHISME La critique la plus radicale est sans contete celle qui pense la possibilité d'une société sans Etat - anarchie -, reposant sur l'autonomie absolue des individus. Ne pas confondre l’anarchie, désordre social résultant d’une carence d’autorité, et l’anarchisme, doctrine politique réfutant toute intervention de l’Etat dans la vie des individus. L’anarchisme est une conception politique, mais aussi “existentielle” (Stirner), voyant dans le pouvoir de l’Etat le mal absolu car il se constituerait contre la liberté humaine. L'anarchisme désigne un ordre sans pouvoir spécial pour le garantir : “ le plus colossal des désordres, la désorganisation la plus complète de la société et…la constitution d’un ordre nouveau, stable et rationnel, fondé sur la liberté et la solidarité “ (Daniel Guérin, in L’anarchisme). “ Le désordre, c’est l’ordre moins le pouvoir “ (Léo Ferré). Sur un fond commun d'idées, il faut distinguer deux grands types d'anarchisme : l'anarchisme individualiste et l'anarchisme collectiviste. A.1) L'anarchisme individualiste Max Stirner (1806-1856), dans L’unique et sa propriété (1845) : révolte de l’unique contre l’Etat; exaltation de l’Individu créé en un seul exemplaire; l’individu doit s’affranchir de ce qui lui est inculqué par la famille et l’éducation; rejet de tout ce qui s’oppose à l’Unique (le moi) : les forces d’oppression, les mythes aliénants (le travail, la propriété), les institutions sacro-saintes. L'Etat est l'ennemi de l'individu. Tout Etat, qu'il soit monarchique ou républician, n'a pas d'autre but que d'opprimer l'individu. L’anarchisme est considéré avant tout comme une position d’esprit; ceux qui se reconnaissent dans cette sensibilité font le choix de l’isolement car ils voient dans toute organisation des sources de contraintes et de dérives bureaucratiques. Mais la position radicale de Stirner conduit à des difficultés insurmaontables : elle interdit de penser tout lien social. A.2) L'anarchisme collectiviste L'anarchisme colectivitse trouve sa principale inspiration chez Proudhon (18091864), dans son ouvrage majeur, Qu’est-ce que la propriété ? Il ne sa'git pas d'opposer l'individu à l'Etat, mais de refuser un principe extérieur d'autorité qui s'imposerait aux associations concrètes, dans lesquelels se produit la vie immédiate des indiviodus. Il Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun s'agit de remplacer la domonation poitique par l'association économique des producteurs. Rejet du politique en tant que tel. Communisme libertaire (Proudhon, Bakounine, Kropotkine, Elisée Reclus, Emile Pouget, etc.) : le bien-être et la liberté exigent l’abolition de l’appropriation privée et la mise en commun du sol, des matières premières, des biens, des moyens de production, etc. (communisme); nécessité de détruire l’Etat et ses institutions (s’oppose au communisme dit autoritaire, incarné par le marxisme). La philosophie de Proudhon offre un programme censé résoudre la question sociale, en substituant à la propriété capitaliste un epropriété sociale et coopérative des travailleurs. Critique de la bureaucratie, de l'autonmisation croissante dun pouvoir politique à l'égard de la société civile. Le mutuellisme : Proudhon est le père du mutuellisme. Créer des associations ouvrières conformes au thème de la mutualité des services (principe de la mutualité : les membres d’un groupe, moyennant le paiement d’une cotisation, s’assurent réciproquement une protection sociale). Assurances mutuelles, crédit mutuel, secours mutuel, enseignement mutuel selon un système de garanties réciproques de débouché, d’échange, de travail, de bonne qualité et de juste prix des marchandises. Crédit gratuit qui rendrait l’investissement très attractif et qui stimulerait une offre abondante : crédit confié à une société mutuelle représentant la totalité des producteurs; la banque crédite sur hypothèque, sans intérêt, autre que les frais de comptabilité, et moyennant annuités. Proudhon fonde, en 1848, la banque du peuple qui constitue son capital en émettant des actions souscrites par ses clients. Le mutuellisme proudhonien a abouti en France, en Angleterre, aux Etats-Unis à la création de coopératives et de sociétés de secours mutuel. L’autogestion : prise en main, concrète et quotidienne, par les individus et les collectivités d’individus, de la vie sociale, économique, politique et culturelle. Modèle de démocratie directe (“gouvernement de soi-même par soi-même”). Plus d’économie de marché, ni planification autoritaire. C’est la population qui décide des grandes orientations lors d’assemblées de fédérations, de réunions de communes,de régions, etc. Des individus sont mandatés pour coordonner la mise en application des politiques ainsi définies, pour étudier et préparer les projets. Ces mandatés n‘ont aucun pouvoir décisionnel et peuvent être révoqués à tout moment. Unités et réseaux de production appartiendraient à l’ensemble de la collectivité humaine. - Le projet autogestionnaire est central dans nos sociétés depuis les années 60 : expériences autogestionnaires en Yougoslavie, en Algérie, en France avec l’affaire Lip dans les anées 70, etc. Le fédéralisme : principe essentiel de l’organisation économique et politique anarchiste. Transposition et prolongement du mutualisme dans le domaine politique. La fédération est un principe d’association libre qui relie les divers niveaux de la société; elle remplace l’Etat et coordonne des systèmes autogérés. Cimenter la société par un lien social sur la base du volontariat et non de la coercition (contrat qui implique de savoir prendre des engagements et de les respecter). Mise en place de Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun fédérations communales, régionales, inter-communales, inter-régionales, et des fédérations de travailleurs, par branche professionnelle, par métier, par type d’activité. Conclusion : L’anarchisme présente une conception de l’ordre social sans recours à la contrainte et à l’autorité. Il s’agit de trouver une forme d’autorégulation naturelle de la société. Réaliser une société de liberté et d’égalité. Mutuellisme, fédéralisme, autogestion comme modes de fonctionnement de la société qui donnent aux individus la possibilité de coordonner les activités sociales, en traitant d’égaux à égaux. B) LE MARXISME ET LA CRITIQUE DE L’ETAT Trois aspects : Démystification du discours de l’intérêt public que l’Etat tient sur lui-même (l’Etat apparaît comme un universel fictif); étude de la nature réelle de l’Etat; analyse de l’avenir de l’Etat à partir de la révolution socialiste et du projet communiste d’une société sans classe. B.1) La démystification de l'Etat L’Etat républicain est l’essence de l’Etat en ce sens qu’en lui se manifestent complètement les illusions constitutives du politique (cf : La question juive). L’Etat démocratique ou républicain paraît accéder à l’universel mais c’est là une illusion : l’Etat républicain est séparé de la société civile dont il laisse subsister toutes les particularités, et le citoyen est séparé de l’homme réel qui peut continuer d’être bourgeois ou prolétaire, exploiteur ou exploité. Dans la religion aussi, l’homme est séparé de lui-même et ne peut que fantasmer son accomplissement. Marx reproche à l’Etat de dévoyer l’aspiration des hommes à l’universel, d’en empêcher l’effectivité en ne la satisfaisant qu’en imagination sous la figure du citoyen.. Marx va penser l’universel non dans l’Etat mais dans la révolution, dans l’émancipation réelle de la condition d’exploités, non dans l’émancipation fictive du politique. Nature de l’Etat : l’Etat a aussi une existence matérielle, des appareils dont il faut comprendre l’origine et la nature : selon Engels (L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat, 1884), l’Etat est contemporain de la division de la société en classes antagonistes (Engels les situe au moment de la cité athénienne), elle- même résultant du développement des forces productives et de la division croissante du travail. Il existait une société d’économie domestique communiste qui ne connaissait pas l’Etat. Lorsque la société est divisée en classes, il faut que s’en détache un pouvoir - l’Etat - qui se place au-dessus d’elle, pour estomper le conflit. D’où trois thèses sur l’Etat : 1) l’Etat est né du développement économique de la société ; il n’a pas toujours existé et est appelé à disparaître; 2) contrairement à la thèse du libéralisme politique, l’Etat n’est pas un arbitre, il est lié non seulement dans ses origines mais aussi dans ses fonctions à la Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun lutte des classes au sein de la société civile l’Etat permet à la lutte des classes de jouer dans la société sans que celle-ci explose ; il règle cette lutte au profit de la classe dominante l’Etat, loin d’être neutre, est au service de la classe économique dominante. A cette importante fonction économique de l’appareil d’Etat, Althusser a ajouté la fonction idéologique. Si l’Etat est d’abord un appareil répressif fonctionnant essentiellement à la violence (armée, police, tribunaux, prisons, etc.), il recourt aussi à l’idéologie : existence d’appareils idéologiques d’Etat (AIE) : * * * * * * * * l’AIE religieux (le système des différentes Eglises); l’AIE scolaire (le système des différentes “écoles” publiques et privées); l’AIE familial; l’AIE juridique; l’AIE politique (les système politique, dont les différents partis); l’AIE syndical; l’AIE de l’information (presse, radio, télé, etc.); l’AIE culturel (lettres, beaux-arts, sports, etc.). Ces appareils ont pour fonction première l’intégration sociale, c’est-à-dire le maintien de l’ordre social, des rapports de production capitalistes. L’idéologie qui les traverse ou les unifie est celle de la classe dominante : “aucune classe ne peut durablement détenir le pouvoir d’Etat sans exercer en même temps son hégémonie sur et dans les appareils idéologiques d’Etat” (Althusser). B.) Le dépérissement de l'Etat L’Etat étant lié à l’existence d’une société de classes, il disparaîtra avec la disparition de ce type de société. Lénine, L’Etat et la révolution : distinction entre “suppression” et “extinction de l’Etat”. Ce qu’il s’agit de supprimer, c’est l’Etat bourgeois ; c’est l’Etat prolétarien mis à la place qui doit progressivement s’éteindre, au fur et à mesure que sa domination sur la bourgeoisie renversée permettra la disparition de cette dernière comme classe et l’émancipation du genre humain. L’Etat prolétarien est l’Etat qui commence à dépérir et qui aura la même fonction et la même nature que tous les autres Etats : instruments de repression d’une classe prolétariat - sur une autre, la bourgeoisie. Notion de dictature du prolétariat : nature de classe du nouvel Etat, et non une forme de gouvernement. Lorsqu’il n’ y a plus de classe à mater, l’Etat n’est plus nécessire. Il doit développer une démocratie bien supérieure en qualité et en extension que la démocratie bourgeoise. Les étapes de la société sans classes : L’étape de transition du capitalisme vers le socialisme : étape de la dictature du prolétariat, survie du capitalisme dans d’importants pays, survie de la production marchande et des classes sociales, survie de l’Etat pour défendre les intérêts des travailleurs contre les partisans d’un retour au règne du capital; L’étape du socialisme : “le socialisme, c’est la société sans classes” (Lénine). Dépérissement des classes sociales, disparition de l’économie marchande et Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun monétaire, disparition de l’Etat. La rétribution de chacun continuera à être mesurée en fonction de la quantité de travail fournie à la société; L’étape du communisme : application intégrale du principe “de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins”. Disparition de la division du travail. L’humanité se réorganise sous forme de communes libres de producteursconsommateurs, capables de s’administrer eux-mêmes sans aucun organe séparé. La succession de ces étapes résultera d’une évolution progressive des rapports de production et des rapports sociaux. Dès que les travailleurs auront le pouvoir effectif, aucune révolution ne sera plus nécessaire. B.3) Une conception complexe de l'Etat A la différence des anarchistes, Marx pense que l'Etat est nécessaire, au moins provisoirement, et que la loi, le droit libèrent : l'Etat peut, dans une certaine mesure, représenter le bien commun et la défense des intérêts et des droits des plus démunis. La critique de Marx, en réalité, est moins dirigée contre l'Etat en généra que contre un Etat qui a oublié sa mission de défense du bien public, et s'est transformé en simple organe despotique au service du petit nombre. On retrouve alors la notion de démocratie, ou plutôt de république et de contart social. La critique marxiste pourrait alors renvoyer au problème essentuiel des formes de gouvernement et à la différence entre la forme de gouvernement démocratique et l'Etat autoritaire. L'expérience de la Commne de Paris amène Marx à ompléter son analyse : la forme sous laquelle la domonation de classe peut être supprimée est la république démocratique sur le modèle de la Commune. Organiser l'Etat dans le sens de l'autonomie communale la plus grande et de la participation croissante des citoyens à toutes les décisions. Conclusion : La théorie de Marx n'est donc ni l'étatisme qu'on lui prête souvent sur le modèle des régimes bureaucratiques staliniens, ni le simple refus anarchiste de l'Etat. Le dépérissement de l'Etat dont il parle n'est peut-être pas autre chose que sa transformation d'organe de domination en assocation libre, ce qui réhabiliterait la notion rousseuaiste de contrat. Le thème du dépérissemnt de l'Etat aurait donc un sens éminemment politique qui renverrait à une réflexion fondatrice sur l'alternative au mode de production capitaliste. CONCLUSION GENERALE : UNE SOCIETE SANS ETAT ? Les critiques anarchistes et marxistes de l’Etat ont en commun, malgré leurs différences, l’idée qu’une société de liberté et d’égalité n’est réalisable que sur la base d’une société sans Etat, - entité parasitaire, communauté illusoire; c’est la société, et non l’Etat, qui incarne la rationalité, la vraie réalité. Société transparente qui se substituerait à l’Etat mais qui, selon certains théoriciens, produirait un déséquilibre aboutissant soit à des utopies, soit à des régimes totalitaires. Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun Contre ces critiques de l'Etat, on peut faire valoir plusieurs arguments soulignant sa nécessité irréductible. Le politique ne se réduit pas au social; le pouvoir de l’Etat désigne une production de décisions assurant la régulation juridique, politique, économique des ensembles sociaux permettant leur existence et leur survie. Dans Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique (1784), dans la Sixième proposition plus précisément, Kant signale la nécessité de règles et de lois constitutives d'un pouvoir politique. Toute idée d’une société fonctionnant d’ellemême, sans contrainte, sans maîtres, se trouve écartée. L'homme est un animal qui a besoin d'un maître pouvant battre en brèche sa volonté particulière. L'homme ne saurait échapper à la maîtrise, ce principe de la société et du pouvoir politiques. Dans cette perspective, il y aurait deux maladies qui guetteraient le pouvoir d’Etat : la pathologie d’un pouvoir omniprésent, voire totalitaire; la pathologie par le manque, c’est-à-dire l’oubli de la fonction vitale du pouvoir. L’Etat serait alors ce pouvoir sauvant l’humanité de la destruction, assurant la survie des groupes humains, l’unité sociale et juridique du groupe. Structuré par les règles du droit, le pouvoir de l’Etat permettrait le maintien de l’ordre social, la promotion de l’intérêt commun et exercerait fondamentalement une fonction d'intégration et de régulation. Toutefois, les conceptions anarchiste et marxiste ont le mérite de proposer une critique virulente de l’Etat et de la démocratie bourgeois, ainsi que du capitalisme, - critique qui reste sans doute à réactualiser, à revisiter. Les démocraties modernes ont manifestement trahi leurs promesses d’universalité et de rationalité (le pouvoir est aux mains d’une élite, il échappe aux citoyens, la logique est celle du profit plus que de l’intérêt commun, on va sans doute vers de nouvelles formes de barbarie et de violences…). Il reste à réinventer la démocratie et la citoyenneté qui sont gravement menacées et à changer peut-être radicalement la nature de l’Etat actuel. Anarchistes et marxistes donnent de puissants arguments pour penser la démocratie authentique contre ses formes dégénérées (la bureaucratie, la technocratie, par exemple) et nous invitent à travailler en permanence dans le sens d'une citoyenneté active qui ne laisse pas le pouvoir politique aux mains d'une élite. L’idéal - républicain ! - à réaliser est, avec ou sans l’Etat, une société d’autonomie, d’égalité, de réciprocité. Il s'agit de faire descendre le droit du ciel de l’Etat vers la société réelle. L’idéal d’un dépérissement de l’Etat resterait alors valide pour penser une société libre où serait résolu le conflit entre la société et le juridique, l’économique et le politique. La question de l'Etat renvoie finalement à celle de la politique, laquelle est grosse de contradictions majeures. D'un côté, en effet, la philosophie politique cherche à décrire l'essence du politique, de la démocratie par exemple, au risque de n'être qu'une simple rationalisation de l'état de fait et de devenir ainsi un des rouages du pouvoir ou des pouvoirs. D'un autre côté, en étant purement normative, à la manière de Rousseau, elle prend le risque de l'impuissance, de l'arbitraire des "cités parfaites " - des utopies ! - qui ont ensanglanté l'histoire. Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun De même, l'action poitique proprement dite est la mise en commun d'actes et de paroles dans un espace public; "elle détermine les structures qui permettent aux hommes d'agir ensemble et de garantir l'existence d'un monde humain " (DenisCollin, La société, le pouvoir, l'Etat). D'un autre côté pourtant, l'action politique est la conquête du pouvoir. Or il est nécessire, et urgent, de réhabiliter la politique, en rappellant que, selon la belle formeule de Barret-Kriegel, c'est " le sommeil de la raison " qui " engenrde des monstres ". La violence de ce " sommeil " peut être conjurée seulement dans l'espace politique, même si, en même temps, cet espace politique est le lieu par excellence du déchaînement de la violence. C'est le seul lieu où le bien commun a un sens, même si c'est aussi le moyen privilégié pour que la soif du pouvoir, des honneurs et de la richesse se donne libre cours. DEFINITIONS - L’Etat : Corps poltiique rassemblant un certain nombre d'individus (le peuple) sous un même pouvoir. Ensemble des institutions (politiques, juridiques, militaires, administratives, économiques) qui organisent une société sur un territoire donné. - La nation : communauté humaine élargie regroupant des individus partageant, le plus souvent, une histoire, une langue, des instituions et un territoire. Au sens politique, la nation désigne le principe de souveraineté : identifiée au peuple depuis la Révolution française, elle est considérée comme détentrice de l’autorité politique. Il peut y avoir organisation étatique sans nation, même si une nation implique forcément l’Etat. - Le pouvoir : droit d’exiger quelque chose, capacité effective d’exercer une autorité, sous peine de sanction (ex : le directeur exerce le pouvoir); instituions ou personnes exerçant l’autorité politique, publique. - La démocratie : régime politique dans lequel la souveraineté (le pouvoir légitime) appartient à l’ensemble des citoyens, sans distinction d’aucune sorte, c’est-à-dire au peuple.Société libre et égalitaire où le peuple a une influence déterminante dans l'invention et l'exécution de la loi. - La république : par oppositon à la monarchie, forme d'organisation politique où l'aurotité a été conféré pour un teps déterminé ets elon certyaines conditions par les suffrages libres du peuple. SUJETS DE DISSERTATION - Est-il juste de dire qu’on a le gouvernement qu’on mérite ? Pour limiter le pouvoir de l’Etat, peut-on s’en remettre à l’Etat ? L’Etat doit-il éduquer les citoyens ? L’intérêt de l’Etat coïncide-t-il avec le bien commun ? Le rôle de l’Etat est-il de faire régner la justice ? Lycée franco-mexicain Cours Olivier Verdun - Peut-on vivre sans Etat ? La démocratie est-elle un régime sans défauts ? L'Etat doit-il déduquer les citoyens ?