L`ETAT ET LE POUVOIR : LE POUVOIR DE L`ETAT

Transcription

L`ETAT ET LE POUVOIR : LE POUVOIR DE L`ETAT
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
L’ETAT ET LE POUVOIR : LE POUVOIR DE L'ETAT
INTRODUCTION
L'Etat est le mode le plus perfectionné et le plus complexe de l’organisation du
pouvoir, même s’il n’est pas l’unique modèle d’organisation du pouvoir. Il désigne la
forme institutionnalisée du pouvoir, forme moderne et politique, s’exerçant
généralement au sein d’importantes communautés humaines installées sur un territoire
déterminé; l'Etat est donc l'ensemble des organes politiques, administratifs,
juridiques et des institutions appartenant à une société organisée.
Penser l’Etat, c’est, en premier lieu, réfléchir à l’énigme de la domination, ce
phénomène étrange par lequel un homme devient le maître d’un autre. Le pouvoir
politique, comme nous allons le voir, est une détermination essentielle de l’Etat. Mais
tout pouvoir n’implique pas nécessairement pour autant l’existence de l’Etat puisque
même dans les sociétés primitives qualifiées de “sociétés sans Etat”, la loi règne et
s’inscrit initiatiquement, voire douloureusement, dans le corps des individus.
Max Weber distingue puissance et domination : la puissance est la possibilité de
faire triompher sa volonté, contre les résistances éventuelles, quels que soient les
moyens utilisés. La domination suppose, au contraire, de la part des membres du
groupement, non seulement la discipline mais, quelles qu’en soient les motivations,
une certaine volonté d’obéir. Or, la simple discipline repose généralement, sur une
obéissance mécanique, tandis que la domination ne se réduit nullement à la discipline.
La question de l’Etat et a fortiori du pouvoir renvoie donc au problème majeur de la
domination : comment peut-on expliquer l’obéissance ?
Quels sont les motifs de l’obéissance ? Il sont divers. Weber distingueles motifs
matériels et “rationnels en finalité” : j’obéis parce qu’il y va de mon intérêt, par
exemple. Ces motifs peuvent reposer sur la coutume, être des motifs affectifs ou,
enfin, des motifs idéaux (valeurs). Toutefois, ces motifs ne sont pas suffisants pour
assurer une domination stable. Cette dernière suppose la croyance en la légitimité de
la domination et de l’autorité qui exerce cette domination. Weber en conclut que le
genre de légitimité sur lequel repose une domination conditionne le type d ‘obéissance
et le caractère de la domination. Quels sont alors les modes légitimes de domination ?
Weber en distingue trois :
1. La domination traditionnelle : pouvoir de la tradition, de la coutume. Cette
domination repose essentiellement sur la croyance en la sainteteé des traditions;
2. La domination charismatique : pouvoir fondé sur la “grâce personnelle et
extraordinaire d’un individu”, sur la soumission au caractère sacré de la personne;
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
3. La domination légale ou rationnelle : elle repose sur la croyance en la légalité
des règlements arrêtés et du droit de donner des directives détenu par ceux qui
exercent la domination; pouvoir fondé sur la croyance en un statut juridique de
l’autorité et sur l’idée que ceux qui l’exercent ont une compétence positive
L’Etat correspond à ce troisième type de pouvoir. Alors que l’autorité politique
non étatique est celle qui, liée à la tradition ou au charisme des chefs, renvoie aux
caractéristiques des personnes qui l’exercent, l’Etat procède d’une
institutionnalisation du pouvoir politique. Il commence à émerger quand l’autorité
cesse d’être incorporée dans la personne du chef, quand elle se dissocie de l’individu
qui en est investi : “ce sont bien des individus qui agissent au nom de l’Etat : mais
c’est au nom de l’Etat qu’ils agissent” (Eric Weil, Philosophie politique). Avec l’Etat
s’opère une distinction entre pouvoir et propriété qui rend possible une fonction
publique. Autrement dit, penser l’Etat, c’est, contre la dépedance personnelle féodale
et contre la patrimonialité des offices, distinguer pouvoir et propriété. C’est penser
une fonction publique.
Selon Max Weber, la rationalisation croissante du monde accorde de plus en plus
de place à la domination rationnelle. La domination bureaucratique est d’ailleurs la
caractéristique essentielle de l’Etat moderne. Cette domination n’est plus légitimée
par des valeurs transcendantes (la foi en Dieu, par exemple), mais par sa capacité à
agir techniquement en vue d’une fin. Cette bureaucratisation, qui ne cesse de prendre
de l’ampleur, est marquée par notamment par la substitution du gouvernement des
experts au gouvernement proprement poltique, ce qu’on appelle la technocratie.
Le pouvoir politique est une forme particulière du pouvoir qui s’exerce sur
l’ensemble de la société. On peut le définir comme le droit d’exiger quelque chose,
la capacité d’exercer une autorité politique, publique qui implique l’obéissance;
l’autorité est le pouvoir d’imposer l’obéissance, de commander à autrui. Le pouvoir
politique est donc intimement lié à la notion d’autorité. Il désigne généralement le
pouvoir de l’Etat, autrement dit le pouvoir suprême ou souverain qui prend des
décisions concernant les actions collectives et la régulation sociale de la société
(on entend par régulation sociale, l’ensemble des mécanismes visant à maintenir
l’équilibre et la cohésion au sein d’une société).
Celui qui détient le droit de décider et de commander souverainement est appelé le
gouvernant. En ce sens, il n’y a pouvoir que lorsqu’il y a autorité et donc
obéissance : devant l’agent de police, par exemple, j’obéis, non pas à sa volonté
individuelle, mais à ce qu’il représente : l’Etat; je suis, devant lui, renvoyé à l’autorité
politique et au pouvoir. Il faut entendre par politique la dimension de ce qui est
commun, par opposition au privé ou au particulier (politique vient de polis, la cité qui,
au sens grec du terme, désigne l’ensemble des citoyens, des hommes libres
déterminant eux-mêmes les modalités de leur vie commune).
La question centrale concernant l’Etat est la question de la légitimité et du
fondement du politique, et aussi celle de la valeur des fins qu’il se propose. Il s’agit de
s’interroger sur les conditions auxquelles l’autorité politique est possible et les fins de
l’Etat acceptables. L’Etat est porteur d’un projet de rationalité dans les rapports
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
humains et demande à l’individu de viser autre chose que ses intérêts égoïstes et
d’accéder à une dimension universelle de son existence.
Espérance fondée ou illusoire ? Que désigne le pouvoir de l’Etat ? Est-il le porteflambeau de la raison humaine, le cadre à l’intérieur duquel les hommes peuvent à la
fois être libres et cesser d’être ennemis les uns des autres ? Dans cette perspective,
l’Etat désignerait une institution destinée à défendre la cité, le bien public, unifiant la
communauté et la soudant autour de mécanismes juridiques communs. L’Etat
signifierait une puissance juridique et institutionnalisée, apportant, par la médiation de
ses mécanismes, une stratégie de cohésion sociale, une capacité de régulation et
d’arbitrage des intérêts opposés. En ce sens, il incarnerait l’ordre et l’unité, la raison et
la rationalité. N’est-il pas, au contraire, l’expression d’un pouvoir opaque et inhumain,
d’une contrainte issue d’une force monstrueuse (“Le plus froid des monstres froids”,
selon Nietzsche) ?
I) LE FONDEMENT DU POUVOUR DE L'ETAT : LES TROIS SOURCES DE
LEGITIMITE
Qu'est-ce qui fonde l'autorité de l'Etat ? D'où vient sa légitimité ? Trois sources de
légitimité de l'Etat vont être examinées : Dieu (théories de droit divin contre
lesquelles les théories du droit naturel moderne se sont élevées), la nature (droit
naturel antique), le peuple (droit naturel moderne).
A) DIEU ET LA NATURE
Dans la conception de droit divin (celle, par exemple, de la monarchie française de
l’Ancien Régime) ou dans celle de nombreux peuples, Dieu est considéré comme la
source et le fondement uniques du droit. Le droit naturel antique repose sur l’idée
d’un droit fondamental respectant une règle de nature; existence d’une règle de
justice immuable, inscrite dans l’Univers à laquelle, indépendamment des lois
positives, les hommes doivent, dans leurs rapports réciproques, se conformer.
A.1) Le droit naturel antique
Il existe un ordre objectif qui traverse le monde et qui inonde la conscience ellemême. Cette notion de nature est alors entendue au sens d’un étalon qui permet à la
réflexion de transcender le réel, de dépasser la positivité des lois pour la juger à partir
de la considération du meilleur régime (= juste). La nature est ainsi adoptée comme
critère du juste, la norme étant l’ordre cosmique qui, indépendant du sujet, constitue
une dimension de l’objectivité.
L’ordre du monde est considéré, dans cette perspective, comme clos et circulaire,
hiérarchisé, finalisé. Dès lors, est juste ce qui occupe la place qui lui revient, ce qui
correspond à sa fin naturelle; l’injustice est une violence faite à la nature. Les lois
positives doivent s’efforcer d’exprimer le plus adéquatement possible ce juste naturel
à la fois objectif (inscrit dans la nature des choses) et transcendant (la nature est
aussi une fin vers laquelle chaque chose doit tendre).
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
Le droit est alors la science du partage, de la répartition consistant à attribuer à
chacun ce qui lui revient. La justice est avant tout une justice distributive (cf.
Deuxième partie du cours sur l’idée de justice) consistant à déterminer ce qui, en
fonction de la hiérarchie naturelle du cosmos, revient à chacun. Aux inégaux doivent
revenir des parts inégales si cette inégalité est fondée en nature. C’est ainsi
qu’Aristote justifie l’esclavage en déclarant qu’il est fondé en nature et qu’il est
normal (naturel) que les plus intelligents commandent aux moins intelligents, les
hommes aux femmes, etc. L’inégalité est donc fondée en droit au sens où tous ne
peuvent pas revendiquer le même droit : tout dépend de leur statut (place) déterminé
par leur nature. Une constitution injuste est celle qui détermine les statuts sans tenir
compte de la nature des êtres
A.2) Le droit divin
Le pouvoir de l'Etat, en ses origines, se fonde dans le Sacré. Le Sacré, insufflant
dans le pouvoir la permanence de la vie de l’Esprit, la pérennité d’une Essence
éternelle, s’efforce d’enraciner le pouvoir dans la continuité et la durée
La plupart des peuples anciens sont persuadés que leurs lois viennent d’une
autorité surnaturelle ou transcendante : ancêtres et fondateurs mythiques, divinités
diverses et innombrables, etc. Les Lois de Manou en Inde, la Torah chez les Juifs, la
Bible chez les chrétiens, le Coran chez les musulmans sont censés être l’expression
d’un ordre transcendant pris dans les deux sens de l’organisation et du
commandement ; et ces textes considérés comme sacrés disent la loi.
Exemple : Moïse reçoit de Dieu, sur le mont Sinaï, les Dix Commandements,
gravés sur la pierre, - commandements qui sont la Loi fondamentale de son peuple.
L’injonction « Tu ne tueras pas » relève ainsi d’un interdit divin. De sorte que la Loi
est considérée comme divine et, à ce titre, elle est absolue, transcendante et éternelle.
La théorie du droit divin reprend et commente la parole de Saint Paul : " il n'y a
point d'autorité qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent sont constituées par Dieu
" (Epïtre aux Romains, XIII). Les souverains, s'ils peuvent bien être désignés selon des
voies humaines, tiennent de Dieu, et non des hommes, leur autorité. Dieu définit un
fondement à l'exercice du pouvoir, et n'intervient pas directement dans le mode
de formation de l'Etat. Le droit divin est donc compatible avec toutes les formes
d'Etat et de gouvernement. En fondant l'Etat en Dieu, le droit divin préted le fonder en
raison; le pouvoir a donc un fondement et sort de l'arbitraire.
Le pouvoir procède de Dieu et s’enracine dans le Sacré. Le roi est, dans la
monarchie de droit divin, le représentant de Dieu sur terre. Le fondement divin fournit
au pouvoir une référence absolue et stable, face au devenir des choses. Dieu,
immuable, se reflète dans le pouvoir et lui apporte une assise éternelle. L’homme-roi
est envoyé de Dieu, pour le bien de l’Etat, et toute autorité, transcendant les hommes,
devient, dès lors, sacrée et absolue.
La théorie du droit divin about it à une conception absolutiste de l'Etat. S'il n'y a,
en effet, pas de pouvoir qui ne vienne de Dieu, alors " celui qui résiste à l'autorité se
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
rebelle contre l'ordre établi par Dieu " (Saint Paul, ibid.). L'obéissance au souverain
doit se faire sans réserve et il ne saurait exister dans l'Etat auucne insyance qui puisse
de droit contester ses décisions.
La théorie du droit divin implique donc la négation du droit de résistance et de la
théorie de la souveraineté du peuple : si la souverainerté a sa source en Dieu,e lle ne
saurait l'avoir dals le peuple.
B) LE DROIT NATUREL MODERNE : LE CONTRAT ET L'ETAT
Avec les temps modernes, l'Etat n'est plus conçu par rapport au religieux, il n'est
plus conçu, comme chez Aristote, comme naturel, l'homme étant un "animal politique
", mais comme un artifice, le produit d'une convention humaine : dans l'Etat s'exprime
un contrat implicite passé entre les ndividus qui acceptent son autorité. Dire du
pouvoir civikl qu'il érsulte d'un contrat qui fonde sa légitimité, c'est dire que l'autorité
à sa source en des conventions humaines. Le souverain n'est plus " Dieu sur la terre "
mais un souverain d'institution. Ce n’est pas la nature ou Dieu, mais la raison qui
institue le droit, précisément pour corriger la nature et pour combattre les excès des
différents droits positifs. C’est avec l’apparition de la problématique moderne du
Contrat social et de l’état de nature que la notion de légitimité devient inséparable de
celle de subjectivité : seule est alors tenue pour légitime l’autorité qui a fait l’objet
d’un contrat de la part des sujets qui lui sont soumis. La subjectivité (l’adhésion
volontaire) est dès lors clairement posée comme l’origine idéale de toute légitimité.
B.1) La notion de contrat social
La notion de contrat renvoie d’abord à la sphère économique et juridique des
relations entre des personnes privées. Puis, avec la dénomination de contrat social,
cette notion prend un sens spécifiquement politique.
C’est dans le contexte des guerres de Religion qu’est apparue avec clarté la
notion de contrat social. Elle est élaborée par les monarchomaques, ensemble
d’écrivains politiques souvent protestants (Théodore de Bèze, par exemple) qui, pour
des raisons d’ordre théologique et religieux, ont combattu l’absolutisme royal. Ces
écrivains présentent le lien qui unit le roi et son peuple comme un engagement
mutuel. Ce contrat entre le roi et le peuple est pensé sur un modèle théologique, à
l’image de l’alliance biblique entre Dieu et son peuple. Le pacte social est censé
garantir les peuples contre les excès de la tyrannie. Les monarchomaques ont
contribué à fonder l’idée d’un droit de résistance légitime des peuples à l’égard des
souverains tyranniques qui rompaient le contrat de gouvernement. Mais ces
théoriciens ne voient pas dans le contrat la raison de la naissance des sociétés
politiques et ne distinguent la souveraineté, source de la légitimité du pouvoir, et le
gouvernement qui en est l’exercice.
Avec l’école du droit naturel moderne, cette notion de contrat social va
considérablement se développer. Le contrat social va remplir alors une double
fonction : il désigne l’acte par lequel se constitue la société civile, ainsi que l’acte
par lequel s’institue le gouvernement.
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
Cette double problématique a conduit ces théoriciens à distinguer deux types de
contrat : le pacte d’association par lequel se constitue la société, et le pacte de
soumission par lequel le corps social se donne un chef. Les théories du contrat social
sont fondées sur l’idée que la vie en société est le fruit d’une convention, et non la
condition naturelle et originaire de l’homme.
Aux XVII e et XVIII e siècles, la plupart des philosophes qui entendent penser la
socialité humaine se réfèrent à l'hypothèse de l'état de nature. L'état de nature
désigne d'abord un état, opposé à la vie civilisée, dans lequel vivrait un homme isolé
et séparé de ses semblables. Il signifie ensuite ce qui s'oppose à la société civile : un
état d'indépendance et non d'isolement ou de solitude. Etat donc dans lequel se
trouvent les hommes avant l'institution du gouvernement civil, lorsqu'ils ne sont
encore soumis à aucune autorité politique.
La distinction d'un état de nature et d'un état civil permet de poser en ces termes le
problème politique : comment est-on passé d'un état naturel d'indépendance à l'état
civil dans lequel les hommes obéissent à une autorité commune ?
Cette notion d'état de nature a un lien étroit avec la théorie contractuelle de
l'Etat. Si l'état de nature est un état d'indépendance, nul n'est par nature soumis à
l'autorité d'un autre, les hommes naissent libres et égaux. Hypothèse qui s'oppose
notamment à la théorie du droit divin (cf. Supra). Si les hommes sont naturellement
différents en force, en talent, en intelligence, ces différences ne confèrent pas pour
autant le droit d'imposer aux autres sa volonté ou de les soumettre à son autorité.
Ainsi nul n'a reçu de nature le droit de commander à autrui, de l'assujettir sans
son aveu.
Le peuple, dès lors, n'est pas seulement le canal par lequel l'autorité est désignée,
mais sa source, l'origine et le fondement du pouvoir.
Il ne peut donc y avoir de société libre que si chacun accepte et intériorise le
contrat qui le lie aux autres, sinon une partie de la population imposera sa loi; les
théories du contrat social s'opposent à l'ordre politique traditionnel mais nient la
possibilité d'une science de la société : les phénomènes sociaux deviennent en quelque
sorte transparents si chacun accepte le mécanisme du contrat; de l'accord des volontés
individuelles peut naître une société idéale. Dans cette perspective contractualiste, la
cohésion sociale s'explique par un point fixe exogène (extérieur) : le souverain chez
Hobbes, la volonté générale chez Rousseau (cf. Ci-dessous). Dans le modèle d'autorité
fondé sur le contrat social, en cas de défaillance du souverain ou de la loi, il n'y a plus
de société mais anarchie (guerre généralisée) et terreur.
B.2) L'Etat, un corps artificiel (Thomas Hobbes -1588-1679)
La philosophie politique va, à partir de Hobbes, s’attacher à comprendre le passage
de l’état de nature à l’état de société.
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
Qu’est l’homme à l’état de nature ? Il est entièrement libre au sens où sa liberté
est strictement coextensive à sa force. Son droit de propriété est sans limites dans la
mesure où il parvient à s’approprier tout ce qu’il désire. Liberté et propriété sont
équivalentes pour tous : chacun ayant autant de droit sur tout que son voisin.
En clair, la liberté et la propriété sans bornes ont pour conséquence l’insécurité
totale : chaque individu craint pour sa vie. L’état de nature est un état de guerre
perpétuelle de tous contre tous.
Le passage à l’état de société est alors le fruit d’un calcul rationnel : mieux vaut
limiter sa liberté si celle-ci, en retour, est protégée. C’est un contrat qui fonde la
société : chaque contractant abandonne sa liberté et son droit à la propriété de toute
chose à un tiers, en échange de la garantie par ce tiers de la sécurité de sa personne, si
et seulement si tous le font en même temps. Le tiers constitué est l’Etat dont le
pouvoir coercitif rend la société possible. Chacun s’engage ainsi à renoncer à toutes
les prérogatives de sa liberté naturelle au profit d’un tiers – un homme ou une
assemblée – auquel il reconnaîtra une entière souveraineté, à condition que l‘autre en
fasse autant.
Le souverain, bénéficiaire de ce pacte, n’est lié en aucune manière par les sujets et
il dispose d’un pouvoir absolu sur eux. Une fois institué, l'Etat, doué alors d'une vie
propre, doit soumettre, sans restrictiona ucune, tous les individus. Le contrat n’est pas
passé entre les sujets et le pouvoir souverain, mais entre tous les individus contraints
de mettre fin à l’état de nature. Le pouvoir peut gouverner comme bon lui semble. S’il
ne veut pas susciter révoltes et guerres civiles, le souverain doit néanmoins essayer
d‘agir de manière raisonnable et ne pas se laisser guider par l’arbitraire de ses
caprices. Son pouvoir est certes absolu mais il n'est pas sans conditions.
Le contrat social institue une souveraineté qui va concentrer en elle toute la
puissance - la puissance législative en particulier. Soumission de tous au souverain,
seule source du droit et de la loi. Pouvoir absolu et sans partage.
Cette construction contractualiste permet d’évaluer le fait à la lumière du droit.
Une société, aussi coercitive soit-elle, n’est légitime que si elle assure la sécurité de
ses citoyens. Le droit fondamental que pose Hobbes est un droit rationnel : la
sécurité, qui rend secondaires les revendications de liberté et de propriété. Le
premier des droits de l’homme est donc celui qui rend la société possible et le pouvoir
légitime. Un pouvoir qui supprime la liberté sans assurer la sécurité est un
pouvoir despotique et l’équivalent d’un retour à l’état de nature.
Dès lors, l'absoutisme hobbien doit être nuancé. En pensant l'Etat sur le modèle
mévcanique de la logique des forces, l'Etat doit reconnaître comme absolu le droit de
l'indivdu à défendre sa propre vie, même si le souverain possède le droit
inconditionnel de mettrre à mort un citoyen quand cela lui semble bon. L'Ettat ne peut
supprimer le droit de nature, ce qui laisse ouverte la possibilité pour les citoyens de
détruire le souverain si celui-ci met en péril leur vie. La logique de la construction
hobbesienne n'interdit donc p&s de penser le droit à l'insurrection. Enfin, le souverain
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
ne garde sa légitilmté que dans la mesure où il garantit la liberté d'entreprise et de
commerce des individus.
C) L'ETAT ET LA LIBERTE
L'idée de contrat recèle une contradiction interne. Elle affirme la liberté naturelle
de l'homme, mais, en même temps, elle expose le mécanisme par lequel l'homme
nécessairement doit renoncer à cette liberté. Le contrat est volontaire, mais il semble
impliquer l'abdication de la volonté libre. Or Rousseau montre qu'on ne peut penser
sans contradiction l'idée d'une servitude volontaire. Comment, dès lors, concevoir
l'Etat de telle manière que l'homme puisse être pensé comme libre : " L'homme est né
liobre et partout il est dans les fers ". Rousseau va s’opposer à Hobbes tout en
demeurant dans la tradition du droit naturel. Comme Hobbes, il pensera la société par
rapport à l’état de nature ; mais contre Hobbes, il refusera de considérer la sécurité
comme la fin essentielle du pacte social.
C.1) Le conventionnalisme de Rousseau
L'ordre de fait n'a pas de légitimité naturelle; il est fondé sur des conventions. Il
faut donc déterminer ce que sont ces conventions. Ainsi est-il imposible de fonder le
droit sur la force; il est impossible de concevoir un droit d'esclavage et, par
conséquent, " on n'est obligé d'obéir qu'aux puissances légitimes ". La puissance
légitme est celle par laquelle un peuple se forme comme tel. La démocratie entendue
comme organisation autonome du peuple décidant de son propre destin va donc être
considérée comme l'essence même de toute organisatipon politique.
Contrairement à Hobbes, Rousseau pense que dans l'état de nature (la situation
hypothétique de l'homme hors de la société, avant d’avoir été façonné par la société),
l'homme n'est pas en guerre permanente contre ses semblables. Dans son état
primitif, l'homme est un être solitaire qui se suffit à lui-même. L'état de nature n'est ni
une guerre générale (thèse de Hobbes), ni une vie sociable (thèse d'Aristote), mais un
état de dispersion et d'isolement. L’homme vit naturellement solitaire, sans contacts
autres qu’occasionnels avec ses semblables.
Les désirs de l'homme naturel sont bornés aux besoins physiques, nécessaires, ses
forces sont proportionnées à ses besoins et il peut de ce fait se passer de l'existence de
ses semblables. L’homme naturel n’est en fait qu’un animal parmi d’autres. L’homme
se distingue seulement des autres vivants par sa perfectibilité, c’est-à-dire sa faculté
de se perfectionner, d’acquérir de nouvelles idées et de nouveaux comportements.
La sociabilité n'est donc pas une inclination naturelle, elle a été instituée par les
hommes eux-mêmes. Sous sa forme primitive, la sociabilité se ramène au sentiment
de la pitié qui tient lieu de sociabilité dans l'état de nature, qui en est comme le
fondement. C'est par la pitié que nous prenons conscience de l'identité de nature qui
nous unit aux autres hommes.
Les deux seuls sentiments que l'on peut prêter en effet à l'homme à l'état de nature
sont l'amour de soi et la pitié : l’amour de soi est le simple instinct de conservation,
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
le souci qu’on a de soi-même, de sa propre conservation, indispensable à tout être; il
est antérieur aux attitudes morales; sans lui aucune survie n'est possible. La pitié,
« répugnance innée à voir souffrir son semblable », qui tient lieu de lois, de moeurs et
de vertu, parce que l'homme naturel obéit à sa sensibilité et que c'est par sa sensibilité
pour des êtres sensibles qu'il éprouve de la pitié.
L'erreur de Hobbes est d'avoir transposé dans l'état de nature ce qui caractérise
l'état de société. « Il 'y a point de guerre entre les hommes, il n'y en a qu'entre les
Etats » (Discours sur l'inégalité). Ne pas confondre la guerre avec une querelle
quelconque ou une simple vengeance. L'état de guerre ne peut avoir lieu entre les
particuliers avant l'établissement de la propriété et la constitution des sociétés civiles.
La guerre n'a lieu qu'entre les Etats.
Dans l’état de société, ce n’est pas la sécurité qu’il faut sauvegarder (contre
Hobbes) mais la liberté. Et de passer de naturelle à civile, la liberté ne doit rien
perdre. Cette liberté conservée dans la société, c’est la liberté rationnelle (qui
s’oppose à la liberté désirante) - liberté qui se pense dans la réciprocité.
C.2) La volonté générale et l'amour de la loi
En quoi consiste donc le " vrai fondement de la société " ? Il s'agit, nous dit
Rousseau, de " trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force
commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s'unissant
à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi liobre qu'auparavant ".
Comment à la fois s'unir à tous et rester libre, c'est-à-dire n'obéir qu'à soi-même ?
Réponse démocratique : dans la constitution de la voonté générale.
Le peuple est le fondement de toute souveraineté, les individus n'obéissent dans
l'Etat qu'à la volonté générale, aux lois qui en sont l'expression. Rousseau va affirmer
linalénabilité de la liberté, de sorte que le pacte social est pacte d'association, et non
de soumission. Toutes les clauses du contrat se résument à une seule : " l'aliénation
totale de chaque associé, avec tous ses droits à toute la communauté ". L'aliénation
doit être totale pour qu'elle soit égale pour tous, sinon au moindre conflit l'association
se dégragerait; chaque associé se donnant à tous ne se donne à personne et personne
n'a perdu le contrat; chaque contractant reste aussi libre avant qu'après.
MAIS CE N'EST PLUS LE MËME TYPE DE LIBERTE : DANS LE CONTRAT
SOCIAL, LES ASSOCIES ECHANGENT LEUR LIBERTE NATURELLE
CONTRE LA LBERTE CIVILE. Il s'agit donc d'aliéner sa liberté aturelle en
échange d'une liberté conventionnelle. Dès lors, plus personne ne sera soumis à un
particulier, plus personne ne sera l'esclave d'un maître; la volonté qui s'exprimera dans
l'Etat sera toujours celle des citoyens.
En effet, le contrat est entre soi et soi, soi comme membre de la collectivité citoyen -, soi comme individu particulier. Le pacte social préserve la liberté des
contractants car c’est avec eux-mêmes qu’ils contractent, et non avec un autre.
Chaque membre de la société à venir contracte avec lui-même dans la mesure où il est
déjà membre du corps social en formation, du tout dont il fait déjà partie. Rousseau
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
distingue donc l’homme en tant qu’il est un individu privé, avec ses intérêts égoïstes,
et le citoyen, sujet et membre de l’Etat, qui n’obéit qu’à l’intérêt commun et à la
volonté générale.
La condition fondamentale de légitimité du droit et du pouvoir qui l’institue,
c’est sa conformité à la volonté générale. La souveraineté, en effet, n’est rien d’autre
que « l’exercice de la volonté générale ». Cette volonté générale ne doit pas être
confondue avec la volonté de tous. La volonté de tous est la dérive négative de la
volonté générale : c’est la domination des passions du grand nombre. Seule la volonté
générale peut créer l’unanimité alors que la volonté de tous devient vite la dictature du
plus grand nombre.
Il faut donc entendre par volonté générale, non l’addition de volontés particulières
aveuglées par des intérêts privés, mais la recherche de l’intérêt général. La volonté
générale n’est pas la volonté de tous. Elle n’est pas l’unanimité, ni la majorité (la
majorité n’a pas toujours raison). La volonté générale, qui dit le droit, la loi, n’est pas
une somme d’opinions communes, mais une intégration harmonieuse, une mise en
accord de points de vue différents ayant une visée identique (l’intérêt général). La
volonté générale est l’essence du peuple en tant que sujet produisant l’autorité légale.
Seule la démocratie directe semble susceptible de ne pas trahir a priori la volonté
générale.
Lorsque, par exemple, je dois, dans une assemblée, délibérer d'une loi spécifique,
pour former mon opinion, je dis me demander ce qui est conforme au bien commun; si
mon opinin particulière est minoritaire, je dois me plier à la majorité, non en vertu
d'une règle d'obéissance passive, mais parce que ma véritable liberté ne réside jamais
dans le fait de faire valoir ma propre opinin mais dans l'idée que c'est la loi majoritaire
quio doit gouverner. Je dois considérer que l'application de la loi du ppus rand nombre
est préférable au triomphe de ma propre position contre la majorité.
Rousseau n’invite pas à l’unanimisme mais à désinvestir le champ de la
discussion politique de sa charge passionnelle. De plus, le contrat rousseauiste rend
possible et présuppose un impératif catégorique et fait entrer l’homme dans la
moralité ; la détermination des principes de l’action politique repose sur un principe
d’universalisation qui est la condition de la stabilité du contrat.
La formule clé de la philosophie politique de Rousseau est finalement l’amour de
la loi parce que l’homme libre est celui qui obéit à des lois et non aux ordres et aux
prescriptions d’un autre homme. Enthousiasme de Rousseau pour « la force et la
dignité de la loi ».
C.3) Intérêt et actualité de la théorie du contrat social
Nous avons vu que l’idée de contrat renvoie à un difficile problème : comment
concevoir l’Etat de telle manière que l’homme puisse être pensé comme libre ?
Comment, en somme, conjuguer la liberté de l’homme avec l’obéissance à la loi,
sans laquelle il n’y a pas de vie sociale paisible ? Comment intégrer dans la
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
communauté politique les libertés individuelles, sans que cette intégration se fasse de
façon inégalitaire, les uns jouissant de droits dont les autres sont privés ?
Le contrat social de Rousseau n’est ni descriptif ni explicatif, mais normatif. Il
s’agit de déduire a priori les fondements de l’autorité légitime, en distinguant le
droit du fait. Ainsi Rousseau a-t-il montré qu’on ne peut penser sans contradiction
l’idée d’une servitude volontaire, que l’ordre de fait n’a pas de légitimité naturelle
mais qu’il est fondé sur des conventions, qu’il est du coup impossible de concevoir un
droit d’esclavage et de fonder par là même le droit sur la force. De sorte qu’on n’est
obligé d’obéir qu’aux puissances légitimes.
L’apport principal du Contrat social de Rousseau réside dans l’élaboration d’une
définition du peuple comme individualité libre. A noter que le droit naturel
moderne a fourni le fondement philosophique de la notion générale des droits de
l’homme puisque l’individualité libre est le fondement et la limite de l’autorité.
Les trois finalités de la vie en société sont la sécurité des personnes, celle des
biens (garantie de la propriété), ainsi que la liberté. La société issue du pacte social
n’est pas une simple association d’individus, unis en vue de la préservation de leurs
intérêts égoïstes. La société est une communauté de citoyens qui sont tous membres
du corps social et qui ont en vue le bien commun. La notion de corps, nous l’avons vu,
a un sens organique. Le pacte social n’est pas un pacte d’aliénation, par les individus,
de leur liberté au profit de quelque entité politique que ce soit. La liberté est
inaliénable ; elle est à la fois le fondement et la finalité de la communauté
politique.
Le contractualisme reste encore d’actualité, malgré son éclipse au XIXe siècle et la
critique de la théorie rousseauiste. John Rawls, par exemple, en tentant d’articuler le
problème de la liberté politique et de la justice sociale, tente de définir les conditions
d’une organisation sociale acceptable par tout individu raisonnable, placé, non plus
dans un état de nature, mais sous le « voile d'ignorance ». Chez Rawls , le contrat
social ne consiste pas seulement dans l’acceptation d’un pouvoir commun capable
d’assurer la cohésion sociale, mais aussi dans un accord central sur les principes de
répartition des positions économiques et sociales. Le contrat social est donc une idée
régulatrice, à la manière kantienne, mais Rawls essaie de lui donner un contenu
social concret en posant la question du partage équitable des avantages
économiques et sociaux.
Un deuxième aspect du renouveau du contractualisme concerne les relations
internationales. Dans la version classique du contrat, l’état de guerre, à l’intérieur de
l’espace géographique et humain concerné, est aboli, mais il persiste dans les relations
internationales. Or, les organisations internationales apparaissent comme des
constructions conventionnelles dans lesquelles chaque Etat limite volontairement sa
souveraineté en vue d’assurer une plus grande stabilité pour tous. Les penseurs du
contrat sont à nouveau revisités, vu la difficulté d’articuler le niveau de la nation et le
niveau des organisations supranationales, comme le montrent les problèmes de la
construction européenne, par exemple.
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
D) LES CRITIQUES DU CONTRAT SOCIAL
Dans le contractualisme, la société politique est construite par libre convention;
l'idée de contrat, nous l'avons vu, est fondée sur celle d'un droit e nature appartenant à
l'individu, d'où découle l'autorité de la loi. Or le contractualisme achoppe à plusieurs
difficultés : les individus sont considérés comme des atomes isolés, munis d'une
raison calculatrice, et dont la rencontre produit le social comme effet. Or y a-t-il un
sens à parler d'indivus en dehors du noeud des relations qui le constituent et qui sont
d'emblée des relations sociales ? Le contractualisme suppose en outre une première
convention qui est une fiction logique mais aussi peut-être un mythe présupposant en
même temps les droits naturels de l'homme et la renociation des individus à ces droits
au nom de la première convention. La notion de contrat social va subir les critiques
des libéraux, des contre-révolutionnaires, des anarchistes verront en Rousseau le
théoricien de la terreur jacobine et qui accuseront les théories contractualistes
d’irréalisme et de confusion entre l’Etat et la société civile.
D.1) Le contrat social, une construction logique abstraite
Dans le Discours sur l’origine de l’inégalité, Rousseau a établi qu’il n’existe
aucune inégalité naturelle légitime et que l’inégalité n’est que le résultat d’un premier
état social, non contractuel. Pour que le contrat fonctionne, il faut que les
inégalités de fortune, de position hiérarchqiue soient, sinon abolies, du moins
sévèrement limitées. Or, loin d’être un précurseur des théories socialistes, Rousseau
conçoit l’organisation économique sur le modèle de l’initiative individuelle et de la
propriété privée des moyens de production. La république rousseauiste est une
république des producteurs libres. Dans une telle république, la vertu civique doit
être plus forte que les appétits égoïstes et les besoins doivent être limités. Une telle
position est-elle possible pratiquement ?
Le reproche majeur fait à Rousseau est que le contrat social n’est qu’une
construction logique abstraite sans rapport avec la vie réelle des peuples. Le
contrat social suppose à son origine la participation effective de tous les citoyens. Le
modèle de Rousseau est celui d’une démocratie directe dans laquelle le peuple luimême, et non ses représentants, exerce le pouvoir (souvenir de la démocratie
athénienne). Le contrat rousseauiste ne pourrait valoir pour les grandes nations
modernes et pour les unions de nations.
Mais Rousseau lui-même laisse ouvertes d’autres possibilités. Il y a, en effet, d’un
côté la loi fondamentale – la constitution – qui définit les termes du contrat, laquelle
doit être le produit de la réunion de toutes les volontés. Il y a aussi, d’un autre côté, les
lois courantes, dont la décision peut être laissée aux représentants élus du peuple, qui
agissent, entre deux élections, comme ses mandataires. Il est donc possible, à partir
de la matrice rousseauiste, de construire une théorie de la démocratie
parlementaire représentative. Le problème de la démocratie directe est déplacé vers
le problème des modalités pratiques d’exercice de la démocratie directe (référendum,
par exemple) et de contrôle des représentants par le peuple.
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
D.2) Le couple société-Etat
Autour de la Révolution française apparaît l’idée selon laquelle la société civile
aurait une consistance propre, une existence indépendante de son institution par
une quelconque volonté. Critique libérale de Rousseau, telle qu’elle se manifeste
chez Constant notamment. Pensée libérale de l’autonomie du social qui rend possible
la distinction des droits-libertés (antiétatiques) et des droits-créances (impliquant
l’intervention de l’Etat), comme nous le verrons dans la dernière partie du cours sur
les droits de l’homme.
L’opposition Constant-Rousseau se cristallise autour de quelques grands thèmes :

L’idée de volonté générale, c’est-à-dire d’une maîtrise de la société par l’homme
(notion de souveraineté du peuple) crée les conditions de possibilité d’une
dictature nouvelle : la volonté du peuple étant le seul et unique principe de
légitimité, il suffit qu’elle soit détournée à leur profit par une assemblée ou un
homme pour qu’ils se voient investis d’un pouvoir illimité.

La réalité des sociétés modernes possède une consistance propre, elles n’existent
pas grâce au pouvoir politique, mais c’est ce pouvoir politique qui existe par elles
: ce n’est pas grâce aux lois que les individus entrent e relation entre eux, mais ce
sont les lois qui sont l’expression de relations qui leur préexistent. D’où la
séparation entre la société et l’Etat.
Dès lors, sur fond d’une adhésion commune aux présupposés subjectivistes du
droit naturel moderne, trois modèles de théorie politique se mettent en place au
XIXe siècle autour du couple central société-Etat, trois types de discours qui
rebondissent sur le problème des droits de l’homme :
1. la réduction de la société à l’Etat (projet d’un socialisme étatique, que certains
qualifient de totalitaire, au sein duquel l’Etat est l’instance qui organise, contrôle
et absorbe la société);
2. la réduction de l’Etat à la société (projet anarchiste d’une suppression totale de
l’Etat au profit d’une société harmonieuse);
3. la coïncidence entre la société et l’Etat est impossible (projet libéral).
Ces trois modèles politiques sous-tendent trois types de discours sur les différents
types de droits de l’homme, comme nous allons le voir dans la partie suivante :
1. un discours libéral (les droits de l’homme sont réduits aux seuls droits-libertés et
constituent les fondements d’une limitation de l’Etat);
2. un discours socialiste d’inspiration marxiste qui fait des droits-créances, et de
l’intervention étatique, un préalable à la réalisation des droits-libertés (qui sont
considérés comme secondaires);
3. un discours anarchiste qui dénonce ces deux types de droits en tant qu’ils
supposent en quelque façon l’Etat.
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
CONCLUSION :
Le contrat social est donc un modèle de légitimité politique qui va nous permettre
de penser le fondement de l'Etat de droit et de l'Etat démocratique. Rousseau, en
particulier, expose dans toute son ampleur la question des rapports entre la loi, la
liberté et l'égalité, sans donner une réponse entièrement satisgfaisante, come on le voit
à travers les nombreues critiques qui ont été adressées à sa conception. Nous allons
voir, à partir de la matrice rousseauiste, que si la source de la souveraineté réside dans
le peuple, cela ne signifie nullement que l'exercice de la souveraineté lui revient.
II) L'ETAT ET LA DEMOCRATIE
Qu'est-ce qui caractérise réellement le pouvoir de l'Etat ? L'Etat a-t-il tous les
pouvoirs ? Quelles en sont les limites ? Dans quelles conditions l’Etat est-il légitime
et l’obéissance exigible ? A contrario, à quoi reconnaît-on la perte de légitimité d’un
Etat ? Par quels moyens est-il possible d’établir ou de garantir l’existence d’un Etat
légitime ? La démocratie n'est-elle pas finalement le meilleur des régimes ?
A) LES POUVOIRS DE L'ETAT
Quelles sont, en premier lieu, les caractéristiques distinctives du pouvoir de l'Etat
par rapport à d'autres formes de pouvoir ?
A.1) La souveraineté
La première caractéristique distinctive du pouvoir de l’Etat, c’est sa souveraineté.
L’Etat dispose de pouvoirs souverains en cela qu’il n’existe pas de pouvoirs
supérieurs ou égaux aux siens sur le territoire sur lequel il exerce son pouvoir. Cela
signifie d’une part qu’il exerce son pouvoir sur tous sans distinction et de telle sorte
qu’il n’y ait aucun pouvoir qui puisse le contredire ou s’opposer à lui sur le territoire
sur lequel il exerce son pouvoir. Cela signifie que là où l’Etat a un pouvoir, son
pouvoir est souverain.
La souveraineté se traduit par l’unité et la concentration des lieux de pouvoir, de
l’exercice du pouvoir. L’autorité légale de l’Etat suppose l’unification intérieure
d’un patrimoine territorial collectif, ainsi que des limites géographiques à l’exercice
de cette autorité, c’est-à-dire des frontières. Pas d’Etat sans territoire (cf. Le
contentieux israélo-palestinien). Toute territorialisation étatique définit un espace
centré et homogène : existence d’une capitale administrative garante de l’unité
politique et d’un espace juridique commun (même monnaie, armée nationale, langue
officielle commune, etc.).
L’Etat a seul le pouvoir de fixer des règles de comportement et d’en imposer
légitimement le respect. Selon Max Weber, en effet, l’Etat est l’institution qui
revendique avec succès pour son propre compte le “monopole de la violence
physique légitime”. Par légitimité, il faut entendre la qualité du pouvoir dont
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
l’acceptation se fonde non sur la coercition comme ressource première, mais sur le
consentement réputé libre de la population.
La souveraineté du pouvoir de l’Etat implique que l’Etat n’est lui-même soumis
qu’aux limites qu’il s’impose à lui-même. Il peut donc passer outre ce qu’il exige de
ceux sur lesquels ils exercent son pouvoir, puisque souverain il n’a de compte à rendre
à personne. Ce qui peut se traduire par ce qu’on appelle des abus de pouvoir, c’est-àdire par l’usage de ses pouvoirs au-delà des limites dans lesquelles il est sensé agir.
Ces abus de pouvoir sont souvent expliqués et justifiés par ce qu’on appelle la
raison d’Etat, c’est-à-dire que dans certaines circonstances qui mettent en jeu la
sécurité de l’Etat, ses intérêts, son influence, sa puissance, ses secrets, l’Etat s’autorise
à recourir à des moyens d’action qu’il interdit aux individus et cela pour sa propre
sauvegarde. Exemples : terrorisme d’Etat, atteinte aux libertés publiques.
Si la souveraineté est un trait fondamental, mais qui tend à s'estomper : les
transferts et les abandons (souverains) de souveraineté à des niveaux infra-étatiques
ou extra-étatiques tendent à limiter, voire annuler tout à fait cette souveraineté. Ce qui
se traduit par exemple par la possibilité offerte aux individus de s'opposer aux Etats
auxquels ils appartiennent, par la cour européenne des droits de l'homme par exemple,
ou pour une entreprise, par l'intermédiaire de l'Etat auquel elle appartient de s'en
prendre à un autre Etat, comme c'est possible avec l'O.M.C. (Organisation Mondiale
du Commerce).
A.2) L’institutionnalisation
Les pouvoirs dont disposent les hommes d’Etat ou ceux qui sont mandatés par
l’Etat pour les exercer ne leur appartiennent pas et ne disparaissent pas avec eux. Ils
ont une durée qui dépasse celle des détenteurs du pouvoir, une continuité dans le
temps en dépit des changements de personnes. Cette caractéristique de l’Etat est
déterminée par son caractère institutionnel : ceux qui disposent d’un pouvoir en
disposent au sein d’une institution ou grâce à une institution qui les dépasse et en
vertu de laquelle ils ont ce pouvoir.
Cela signifie que les pouvoirs dont ils disposent ne sont pas des pouvoirs qu’ils
possèdent en propre, dont ils ont la propriété, mais que ce pouvoir appartient à
l’institution au sein de laquelle ils sont et en laquelle ils ont un statut particulier et une
fonction déterminée. Un fonctionnaire de police ne dispose pas personnellement des
pouvoirs qu'il a : il en dispose en tant que fonctionnaire, donc en tant que l'institution
policière lui a confié ce pouvoir et tant qu'elle peut le lui ôter.
Mais qu’est-ce qu’une institution exactement ? Une institution, c’est quelque
chose que les hommes ont institué, c’est-à-dire crée, décidé et qui détermine des
usages, les comportements. Ici, ce sont des organisations, des organismes, des
structures hiérarchisées (comme une armée) par lesquelles l’Etat exerce son pouvoir
propre. L’ensemble des administrations sont à ce titre des institutions : police, armée,
fisc, Justice... Mais, plus largement, les structures même de l’Etat, son régime, son
organisation sont des institutions, politiques celles-là. On comprend en ce sens qu’il
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
est possible de détenir un pouvoir par l’appartenance à une institution, par un statut et
une fonction à l’intérieur d’une institution. Ainsi, grâce à la durée de l’institution ellemême, l’Etat peut-il assurer sa propre durée, sa pérennité.
Ce qui est ici important, c’est que le caractère institutionnel de l’Etat
s’accompagne presque toujours d’une législation et donc d’une légalisation de l’Etat.
Pourquoi ? Parce que la loi est précisément le moyen par lequel l’Etat
s’institutionnalise, se donne une structure, une organisation, ainsi qu'un régime (sous
la forme d’une constitution, c’est-à-dire de lois dites fondamentales). Sans quelques
lois, décrets, décisions définitives du pouvoir, il n’y a pas d’Etat. Or, c’est par la loi
que l’Etat crée des institutions, les organise et les fait agir de telle sorte qu’elles soient
l’expression même de son pouvoir sur l’ensemble des individus. Sans administration,
il ne peut y avoir d’Etat.
Mais si on obéit à la loi parce qu'elle est la loi, alors on n'obéit à personne, et si
on n'obéit à personne, on n'agit pas sous l'effet d'un pouvoir qui nous ferait faire ce
qu'on fait, on agit parce qu'on juge que c'est ce qui est le mieux, y compris si cela doit
nous coûter quelque chose. On se sent obligé sans être "contraint" de faire sous la
menace par exemple. Se sentir obligé voulant dire que nous ressentons la nécessité de
faire telle ou telle chose non pas parce que nous sommes inviter à le faire par quelque
chose d'extérieur (une menace, une autorité, un discours), mais parce que nous
sommes intimement, intérieurement convaincus d'être en présence d'un principe qu'il
ne faut pas transgresser.
En résumé, les pouvoirs de l'Etat se distinguent des pouvoirs sociaux en cela qu'ils
sont souverains et institutionnalisés.
B) LES LIMITES DU POUVOIR DE L'ETAT : L'ETAT DE DROIT ET LA
DEMOCRATIE
Si l'Etat exerce le pouvoir souverain et possède le monopole de la violence
légitime, a-t-il, doit-il pour autant avoir tous les pouvoirs ? Quelles sont les limites de
son pouvoir ? Or, pour limiter le pouvoir de l'Etat, peut-on s'en remettre à l'Etat ? S'il
faut limiter le pouvoir de l'Etat, quelle instance, quel pouvoir seront habilités à le fixer
? L'Etat peut-il être à la fois ce qui limite et ce qui est limité ? Si l'on laisse à l'Etat
seul le soin de déterminer ces limites, quelle garantie avons-nous que ces limites ne
seront jamsi franchies ?
B.1) La notion d'Etat de droit
En premier lieu, ce sont les limites - ce qui délimite, ce qui restreint, ce qui
contient à l'intérieur d'un espace particulier - que l'Etat s'impose qui confèrent à l'Etat
sa vérirtable nature : un Etat ne peut pas prétendre tout régenter (sauf l'Etat totalitaire),
sans se diluer et se condamner à l'impuissance. Ensuite, les limites de l'Etat sont
imposées par le droit lui-même et par la séparation entre la sphère de l'existence
privée et celle de l'existence publique (l'Etat totalitaire, en revanche, confond ces deux
sphères).
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
L’Etat de droit répond à deux nécessités : accorder au citoyen un statut juridique
qui soit en accord avec le respect de la personne humaine; limiter autant que possible
le Pouvoir, le soumettre à des règles imartiales et impersonnelles, afin que les
individus qui l’exercent ne puissent en abuser. L'etat de droit désigne ainsi une
structure juridico-ethique s’attachant à la dignité humaine et supposant la mise à
distance de l’Etat de police dans lequel les autorités gouvernementales et
administratives agissent à leur guise et où existe parfois une “police politique”
habilitée à intervenir sans tenir compte de la loi et des règlements. L'action de
l’Etat doit être soumis, au même titre que les particuliers, au respect du droit positif;
ce respect est sanctionné en dernier ressort par un juge.
Un Etat de droit est un Etat fondé sur une constitution. Placée au sommet de
l’organisation politique d’une communauté, elle fixe sa structure politique, détermine
les modalités selon lesquelles les différents groupes peuvent prétendre accéder au
Pouvoir et définit la constitutionnalité des lois, des traités et des engagements
internationaux. La Constitution définit les règles de l'exercice du pouvoir, celles de
son acquisition; elle définit les conditions de la modification de toutes les lois
existantes.
Dans le système constitutionnel, la loi règle et limite la liberté d’action du
gouvernement, les tribunaux sont indépendants. Le citoyen peut faire valoir ses
droits contre les prétentions et l’arbitraire du gouvernement ou de l’administration.
Dans l’Etat autocratique, au contraire, le citoyen ne dispose d’aucun recours légal
contre les actes de l’administration. Ce recours, dans un Etat de droit, existe soit
devant les tribunaux ordinaires, soit devant des cours spéciales. Le citoyen peut
obtenir du gouvernement ou de l’administration, si sa plainte aboutit, soit qu’une
mesure illégale soit invalidée, soit qu’un tort soit redressé (dommages-intérêts,
restitutions…).
L’indépendance du juge est l’autre nom de la souveraineté de la loi. Dans les
limites de ses fonctions, le juge est supérieur à tout autre organe de l’Etat, il peut
donner des ordres à tous les organes de l’Etat. Il ne reçoit d’instruction d’aucune autre
autorité et dépend exclusivement de la loi. Le contrôle de l’activité du juge revient à
d’autres juges, non au gouvernement ou à l’administration.
Partage du pouvoir à tous les échelons : le pouvoir de l’Etat de droit désigne une
puissance partagée, à l’opposé du pouvoir totalitaire concentrant toutes les puissances
dans les mains. La séparation des pouvoirs, théorisée par Montesquieu, repose sur
l'idée réaliste qu'il est impossible de s'en remettre à la probité colective ou à la probité
individuelle. Montesquieu parle d'ailleurs plutôt de distribution des pouvoirs : "
Pour qu'on ne puisse abuser du povoir, il faut que, par la disposition des choses, le
pouvoir arrête le pouvoir." Cette séparation n'est pas indépendance, division mais
interdépendance des pouvoirs. Chaque pouvoir founrit à un autre pouvoir sa parade.
(Montesquieu, L'esprit des lois, IX, 4).
Existence de contre-pouvoirs permanents (partis politiques, d’opposition,
syndicats, etc…) résistant au pouvoir et garantissant la survie d’un Etat non totalitaire,
sans parti unique ni contrôle autoritaire sur les personnes.
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
B.2) République et démocratie
Etymologiquement, la république est la chose publique. Le mot désigne bien
davantage : une forme d'organisation de la société, et de l'Etat, dans laquelle le
pouvoir appartient à tous, au moins en droit, et s'exerce, au moins en principe, au
bénéfice de tous. C'est le pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple - même si
ce pouvoir s'exerce le plus souvent par l'intermédiaire de représentants élus. La
république est donc une démocratie, mais radicale. Une démocratie peut très bien
avoir un roi, si le peuple le juge bon ou l'accepte (exemples de l'Angleterre etd e
l'Espagne, où le peuple, non le roi, qui décide de la politiuqe suivie,e t même du
maintine ou non de la monarchie). Mais, dans ce cas-là, ce n'est pas une république :
une partie du pouvoir - le choix du monarque - échappe au peuple.
On entend donc par « république » un Etat non monarchique, fondé sur le
principe de la souveraineté populaire. La république, en un sens constitutionnel, est
une démocratie où tout le pouvoir appartient au peuple et ne s'exerce que par ses élus :
la France, les USA ou l'Allemagne sont des républiques; l'Angleterre et l'Espagne,
non.
Qu'entend-on alors par démocratie ? En une première acception, le régime où le
peuple est souverain. Type d’organisation politique dans laquelle c’est le peuple,
c’est-à-dire l’ensemble des citoyens sans distinction de naissance, de richesse ou
de compétence, qui détient, ou qui contrôle, le pouvoir politique. C’est le peuple
qui choisit ses gouvernants et sanctionne leur action; ce choix s’effectue parmi
l’ensemble du peuple : chacun peut, en droit, se lancer dans la compétition politique.
Souveraineté du peuple ne signifie pas, en permier lieu, que le peuple gouverne, ni
même qu'il fait la loi, mais que nul ne peut gouverner ou légiférer sans son accord ou
hors de son contrôle. Démocratie s'opopse à monarchie (souveraneté d'un seul),
aristocratie (souveraineté de quelques-uns), anarchie ou ultralibéralisme (pas de
souverain).
Dès lors, n'est pas démocratique n'importe quel pouvoir issu du peuple, mais
seulement un pouvoir qui n'impose pas des lois arbitraires, ce qui suppose la
préservation de la liberté d'opinion et de jugement.
La démocratie est d’abord une forme de gouvernement. On peut distinguer la
démocratie directe (lorsque le peuple, par exemple, est appelé à se prononcer par
voie de référendum) et la démocratie représentative (où le peuple gouverne par le
truchement de représentants élus ou désignés). Il faut également distinguer le régime
démocratique présidentiel (lorsque le chef de l’Etat possède plus de pouvoirs que le
parlement, comme aux USA), le régime parlementaire (quand il y a équilibre des
pouvoirs entre le gouvernement et le parlement), le régime d’assemblée (lorsque le
parlement impose sa volonté au gouvernement, exemple de la IVe République en
France).
Cinq traits sont caractéristiques de la démocratie occidentale :
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun





La souveraineté du peuple qui s’exprime notamment, dans les démocraties
représentatives, par le choix des gouvernants qui procède d’élections libres (liberté
de candidature, libre formation et fonctionnement des partis politiques, liberté de
suffrage, liberté du scrutin, etc.).
L’exercice du gouvernement appartient à la majorité.
Reconnaissance, par la majorité, des droits de la minorité, qui constitue une
forme centrale de contre-pouvoir (droit pour l’opposition à la libre critique, droit,
à la suite de nouvelles élections, à l’alternance du pouvoir).
Le constitutionnalisme : les pouvoirs publics, comme les citoyens, sont tenus au
respect de la Constitution;
Garantie accordée aux droits fondamentaux des citoyens : application de l’Etat
de droit.
Se pose alors ici le problème de l’éducation du citoyen. Une démocratie exige des
citoyens un certain sens de l’universel, la capacité d’adopter des principes d’action
acceptables par tous, correspondant à l’intérêt de la communauté dans son ensemble.
Elle leur demande une forme de moralité que le XVIIIe siècle appelait vertu.
La démocratie est cet Etat qui éduque les hommes, par ses lois, ses institutions,
l’esprit qui les anime, dans lequel les individus s’humanisent en apprenant à
consituer une véritable communauté, fondée sur le refus de la violence et de
l’arbitraire. Il s’agit de former des citoyens actifs, assumant leur statut de “
gouvernants en puissance “ : la discipline et l’acquisition des comportements
fondamentaux doivent préserver et renforcer le libre exercice du jugement individuel;
éducation du jugement politique comme éducation à la discussion : c’est par la
confrontation des points de vue que l’individu échappe à l’étroitesse de ses propres
opinions pour accéder à une conception d’ensemble des problèmes et de l’intérêt de la
communauté.
En somme, l’éducation des citoyens actifs doit donner les moyens - l’information,
la méthode, le pouvoir -, le goût et l’habitude de la participation à la discussion.
B.3) Les difficultés de la démocratie : la démocratie, forme ou critère ?
On peut se demander dans quelle mesure les démocraties occidentales
correspondent à cette définition de la démocratie et de l’éducation du citoyen : pseudo
démocraties qui sont en fait des aristocraties, des oligarchies ou des “médiocraties”
(démocraties gouvernées, non par de véritables hommes d’Etat, mais par des
médiocres obsédés par des intérêts partisans), le pouvoir réel de décision échappant au
citoyen; beaucoup d’individus se désintéressent totalement des problèmes politiques :
on parle d’une crise de la citoyenneté et de la politique qui est aggravée par la crise
économique et les phénomènes de marginalisation; pour mener une vie “publique”, il
faut disposer de temps, de ressources finacières, se faire reconnaître au sein d’un parti,
d’un syndicat, d’un groupe de pression, acquérir de l’influence et de l’autorité : poids
des institutions, des “appareils”, des positions acquises; etc.
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
Les démocraties modernes sont en réalité des aristocraties, si l’on considère
qu’elles sont gouvernées par l’élite des citoyens les plus compétents, ou bien des
oligarchies, si l’on estime qu’elles le sont par la minorité des plus fortunés, ou par
celle des “décideurs” issus du monde des affaires. Maurice Duverger définit les
démocraties occidentales comme des “technodémocraties” étroitement contrôlées par
une oligarchie économique.
Plus fondamentalement, la notion même de démocratie est porteuse de difficultés
considérables : " S'il y avait un peuple de Dieux, dit Rousseau, il se gouvernerait
démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne onvient pas à des hommes."
Rousseau souligne lui-même qu'il y a divers degrés de démocraties. La
participation du peuple en grand ou en tèrs grand nombre renforce la difficulté et la
fvragilité de ce régime. Dans sa fgorme, ene ffet, le gouvernement démocratique ne
maqnue pas d'inconvénients : soumission des volontés particulières à la volonté
générale; le modèle du suffrage universel garanti-il la qualité et la justice ce qui sort
des urnes (exemple d l'avènement du régime hitlérien) ? Toute idée est-elle bonne du
moment qu'elle émane d'une majorité ? Il y a des despotes éclairés et des démocrates
dans l'erreur…
La contrainte exercée par une majorité, qui peut avoir tort, sur une minorité, qui
peut avoir raison, constitue une limite du modèle démiocratique. Risque que la
démocratie deviennne le despotisme de la majorité. Alexis de Tocqueville, analysant
la démocratie américaine, pose la question de la " tyrannie de la majorité ". Le postulat
démocratique selon lequel chaque citoyen est apte à forger sa priopre opinion
librement n'est pas réliste. En pratique, la majorité des citoyens s'appuie sur les
croyances et les préjugés de l'opionion moyenne. Or, la fiction démocratique réside
dans le fait que l'individu prend la pensée de la masse pour sa priopre pensée. La
démocratie, en ce sens, conduit à un conformisme.
Possibilité alors d'un passage de la servitude douce du conformisme à la
servitude politique. Exemple des régimes tyranniques fascistes qui sont nés pour la
plupart de la " volonté du peuple ". On peut se demander si la formation de
mouvements politiques fondés sur le racisme n'est pas la face obscure de la
démocratie.
Analyse de Hayek : " si démocratie veut dire gouvernement par la volonté
arbitraire de la majorité, je ne suis pas démocrate ". Hayek dénonce le glissement des
démocraties actuelles vers le clientélisme catégoriel, vers ce qu'il appelle une
"démocratie de marchandages". La règle de la majorité a ceci de pervers qu'elle ne
peut que se trahir. Il est en effet rapidement impossible à un gouvernement " de se
cantonner dans le service des visées qui ont l'accord formel d'une majorité d'électeurs.
Il est constamment obligé d'assembler et maintenir unie une majorité, en accédant aux
demandes d'une multitude d'intérêts sectoriels " (Droit, législation et liberté).
Ici Hayek pointe la contradiction, dans les démocraties parlementaires, entre
l'exigence de perpétuation de l'Etat et l'exigence de justice, toute majorité ne pouvant
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
rester cohérente qu'au prix d'une plongée inévitable vers le privilège. Idée que la
démocratie contemporaine ne reste jamais démocratique.
Ainsi, le terme de démocratie aurait pris une valeur négative : elle désignerait un
seuiol de sauvegarde contre la tyrannie ou le despotisme par la vertu. Plutôt qu'une
forme d"e gouvernement, la démocratie serait devenue une manière de gouverner :
une monarchie constitutionnelle, dans cette perspective, pourrait sembler plus proche,
moralement tout au moins, de cet idéal démocratique que les démocraties dites
populaires. Le terme est souvent confondu avec « démocratie ».
En ce sens, on retrouve la notion de république. Lorsque le pouvoir, dans une
démocratie, ne se met plus au service que des influents ou des plus nombreux, même
sans roi, ce n'est plus tout à fait une république, qui veut, rappelons-le, que le pouvoir
vise l'intérêt commun et non la simple moyenne des intérêts particuliers. Où l'on
retrouve la notion rousseauiste de volonté générale.
Le mot république revêt alors un sens normatif : il suppose un jugement de
valeur, une volonté obstinée de résister aux égoïsmes, aux privilèges, aux
corporatismes, aux Eglises, et même aux individus. Qu'est donc une république ? Par
quoi se caractérise-t-elle ?
Par la liberté incontestablement. Mais pas au prix de l'égalité, de la justice, voire de
la laïcité (neutralité de l'Etat et de l'école, indépendance de l'Etat vis-à-vis des Eglises
et réciproquement, liberté de conscience et de culte; la laïcité est ce qui nopus permet
de vivre ensemble, malgré nos différences d'opinions et de croyances; la laïcité est le
contraire, non de la religion, mais du cléricalisme et du totalitraisme).
La république est donc moins un type de gouvernement qu'un idéal : être
républician, en ce sens-là, c'est vouloir que la démocratie se mette au service du
peuple et non de la majorité ou de l'idéologie domionante. La république se définit
ainsi davantage comme une « personne publique » (Rousseau parle de « volonté
générale ») que comme une « chose publique ».
CONCLUSION :
La démocartie est ainsi le minimum obligé et la république, le maximum
souhaitable. La démocratie est le meilleur des régimes, en ce sens qu'elle est la
reconnaissance du rôle fondateur du sujet libre. De même que le sujet est l'origine de
sa propre vie, de même le citoyen est l'origine des institutions qui vont gérer sa vie
sociale. Si la liberté, comme nous l'avions vu dans le cours sur le désir et le bonheur,
est la condition du bonheur et si la démocratie se fonde précisément sur la liberté, le
véritable fondement de la démocratie est la poursuite du bonheur. Si la démocratie est
le meilleur des régimes, elle est aussi le plus difficile à réaliser : la démocrtatie n'est
pas un régime politique sans défauts, défauts que nous avons examinés et qu'il
importe d'autant plus de reconnaître que cette reconnaissance est la condition pour que
la démocratie se réalise comme un régime authentique de liberté.
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
III) LES CRITIQUES DE L'ETAT
Le reproche majeur adressé aux théories de l'Etat est qu'elles ne séparent pas le
droit du fait et peuvent paser insensiblement de l'explication rationnelle du politique à
la rationalisation légitimant les Etats existants. La critique radicale de l'Etat, " le plus
froid des monstres froids" selon Nietzsche, est en même temps celle du politique et
renvoie à l'essence du pouvoir politique. L'enjeu de cette critique est alors le suivant :
une société sans Etat est-elle possible, voire souhaitable ?
A) ANARCHIES, ANARCHISME
La critique la plus radicale est sans contete celle qui pense la possibilité d'une
société sans Etat - anarchie -, reposant sur l'autonomie absolue des individus. Ne pas
confondre l’anarchie, désordre social résultant d’une carence d’autorité, et
l’anarchisme, doctrine politique réfutant toute intervention de l’Etat dans la vie des
individus. L’anarchisme est une conception politique, mais aussi “existentielle”
(Stirner), voyant dans le pouvoir de l’Etat le mal absolu car il se constituerait contre la
liberté humaine. L'anarchisme désigne un ordre sans pouvoir spécial pour le garantir :
“ le plus colossal des désordres, la désorganisation la plus complète de la société
et…la constitution d’un ordre nouveau, stable et rationnel, fondé sur la liberté et la
solidarité “ (Daniel Guérin, in L’anarchisme). “ Le désordre, c’est l’ordre moins le
pouvoir “ (Léo Ferré).
Sur un fond commun d'idées, il faut distinguer deux grands types d'anarchisme :
l'anarchisme individualiste et l'anarchisme collectiviste.
A.1) L'anarchisme individualiste
Max Stirner (1806-1856), dans L’unique et sa propriété (1845) : révolte de
l’unique contre l’Etat; exaltation de l’Individu créé en un seul exemplaire; l’individu
doit s’affranchir de ce qui lui est inculqué par la famille et l’éducation; rejet de tout ce
qui s’oppose à l’Unique (le moi) : les forces d’oppression, les mythes aliénants (le
travail, la propriété), les institutions sacro-saintes. L'Etat est l'ennemi de l'individu.
Tout Etat, qu'il soit monarchique ou républician, n'a pas d'autre but que d'opprimer
l'individu.
L’anarchisme est considéré avant tout comme une position d’esprit; ceux qui se
reconnaissent dans cette sensibilité font le choix de l’isolement car ils voient dans
toute organisation des sources de contraintes et de dérives bureaucratiques. Mais la
position radicale de Stirner conduit à des difficultés insurmaontables : elle interdit de
penser tout lien social.
A.2) L'anarchisme collectiviste
L'anarchisme colectivitse trouve sa principale inspiration chez Proudhon (18091864), dans son ouvrage majeur, Qu’est-ce que la propriété ? Il ne sa'git pas d'opposer
l'individu à l'Etat, mais de refuser un principe extérieur d'autorité qui s'imposerait aux
associations concrètes, dans lesquelels se produit la vie immédiate des indiviodus. Il
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
s'agit de remplacer la domonation poitique par l'association économique des
producteurs. Rejet du politique en tant que tel.
Communisme libertaire (Proudhon, Bakounine, Kropotkine, Elisée Reclus, Emile
Pouget, etc.) : le bien-être et la liberté exigent l’abolition de l’appropriation privée et
la mise en commun du sol, des matières premières, des biens, des moyens de
production, etc. (communisme); nécessité de détruire l’Etat et ses institutions
(s’oppose au communisme dit autoritaire, incarné par le marxisme).
La philosophie de Proudhon offre un programme censé résoudre la question
sociale, en substituant à la propriété capitaliste un epropriété sociale et coopérative des
travailleurs. Critique de la bureaucratie, de l'autonmisation croissante dun pouvoir
politique à l'égard de la société civile.
Le mutuellisme : Proudhon est le père du mutuellisme. Créer des associations
ouvrières conformes au thème de la mutualité des services (principe de la mutualité :
les membres d’un groupe, moyennant le paiement d’une cotisation, s’assurent
réciproquement une protection sociale). Assurances mutuelles, crédit mutuel, secours
mutuel, enseignement mutuel selon un système de garanties réciproques de débouché,
d’échange, de travail, de bonne qualité et de juste prix des marchandises. Crédit
gratuit qui rendrait l’investissement très attractif et qui stimulerait une offre abondante
: crédit confié à une société mutuelle représentant la totalité des producteurs; la
banque crédite sur hypothèque, sans intérêt, autre que les frais de comptabilité, et
moyennant annuités. Proudhon fonde, en 1848, la banque du peuple qui constitue son
capital en émettant des actions souscrites par ses clients.
Le mutuellisme proudhonien a abouti en France, en Angleterre, aux Etats-Unis à la
création de coopératives et de sociétés de secours mutuel.
L’autogestion : prise en main, concrète et quotidienne, par les individus et les
collectivités d’individus, de la vie sociale, économique, politique et culturelle. Modèle
de démocratie directe (“gouvernement de soi-même par soi-même”). Plus d’économie
de marché, ni planification autoritaire. C’est la population qui décide des grandes
orientations lors d’assemblées de fédérations, de réunions de communes,de régions,
etc. Des individus sont mandatés pour coordonner la mise en application des
politiques ainsi définies, pour étudier et préparer les projets. Ces mandatés n‘ont
aucun pouvoir décisionnel et peuvent être révoqués à tout moment. Unités et réseaux
de production appartiendraient à l’ensemble de la collectivité humaine.
- Le projet autogestionnaire est central dans nos sociétés depuis les années 60 :
expériences autogestionnaires en Yougoslavie, en Algérie, en France avec l’affaire Lip
dans les anées 70, etc.
Le fédéralisme : principe essentiel de l’organisation économique et politique
anarchiste. Transposition et prolongement du mutualisme dans le domaine politique.
La fédération est un principe d’association libre qui relie les divers niveaux de la
société; elle remplace l’Etat et coordonne des systèmes autogérés. Cimenter la société
par un lien social sur la base du volontariat et non de la coercition (contrat qui
implique de savoir prendre des engagements et de les respecter). Mise en place de
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
fédérations communales, régionales, inter-communales, inter-régionales, et des
fédérations de travailleurs, par branche professionnelle, par métier, par type d’activité.
Conclusion :
L’anarchisme présente une conception de l’ordre social sans recours à la contrainte
et à l’autorité. Il s’agit de trouver une forme d’autorégulation naturelle de la
société. Réaliser une société de liberté et d’égalité. Mutuellisme, fédéralisme,
autogestion comme modes de fonctionnement de la société qui donnent aux individus
la possibilité de coordonner les activités sociales, en traitant d’égaux à égaux.
B) LE MARXISME ET LA CRITIQUE DE L’ETAT
Trois aspects : Démystification du discours de l’intérêt public que l’Etat tient sur
lui-même (l’Etat apparaît comme un universel fictif); étude de la nature réelle de
l’Etat; analyse de l’avenir de l’Etat à partir de la révolution socialiste et du projet
communiste d’une société sans classe.
B.1) La démystification de l'Etat
L’Etat républicain est l’essence de l’Etat en ce sens qu’en lui se manifestent
complètement les illusions constitutives du politique (cf : La question juive). L’Etat
démocratique ou républicain paraît accéder à l’universel mais c’est là une illusion :
l’Etat républicain est séparé de la société civile dont il laisse subsister toutes les
particularités, et le citoyen est séparé de l’homme réel qui peut continuer d’être
bourgeois ou prolétaire, exploiteur ou exploité. Dans la religion aussi, l’homme est
séparé de lui-même et ne peut que fantasmer son accomplissement. Marx reproche à
l’Etat de dévoyer l’aspiration des hommes à l’universel, d’en empêcher l’effectivité en
ne la satisfaisant qu’en imagination sous la figure du citoyen.. Marx va penser
l’universel non dans l’Etat mais dans la révolution, dans l’émancipation réelle de la
condition d’exploités, non dans l’émancipation fictive du politique.
Nature de l’Etat : l’Etat a aussi une existence matérielle, des appareils dont il faut
comprendre l’origine et la nature : selon Engels (L’origine de la famille, de la
propriété privée et de l’Etat, 1884), l’Etat est contemporain de la division de la société
en classes antagonistes (Engels les situe au moment de la cité athénienne), elle- même
résultant du développement des forces productives et de la division croissante du
travail. Il existait une société d’économie domestique communiste qui ne connaissait
pas l’Etat. Lorsque la société est divisée en classes, il faut que s’en détache un pouvoir
- l’Etat - qui se place au-dessus d’elle, pour estomper le conflit. D’où trois thèses sur
l’Etat :
1)  l’Etat est né du développement économique de la société ; il n’a
pas toujours existé et est appelé à disparaître;
2)  contrairement à la thèse du libéralisme politique, l’Etat n’est pas
un arbitre, il est lié non seulement dans ses origines mais aussi dans ses fonctions à la
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
lutte des classes au sein de la société civile  l’Etat permet à la lutte des classes de
jouer dans la société sans que celle-ci explose ; il règle cette lutte au profit de la classe
dominante  l’Etat, loin d’être neutre, est au service de la classe économique
dominante. A cette importante fonction économique de l’appareil d’Etat, Althusser a
ajouté la fonction idéologique. Si l’Etat est d’abord un appareil répressif fonctionnant
essentiellement à la violence (armée, police, tribunaux, prisons, etc.), il recourt aussi à
l’idéologie : existence d’appareils idéologiques d’Etat (AIE) :
*
*
*
*
*
*
*
*
l’AIE religieux (le système des différentes Eglises);
l’AIE scolaire (le système des différentes “écoles” publiques et privées);
l’AIE familial;
l’AIE juridique;
l’AIE politique (les système politique, dont les différents partis);
l’AIE syndical;
l’AIE de l’information (presse, radio, télé, etc.);
l’AIE culturel (lettres, beaux-arts, sports, etc.).
Ces appareils ont pour fonction première l’intégration sociale, c’est-à-dire le
maintien de l’ordre social, des rapports de production capitalistes. L’idéologie qui les
traverse ou les unifie est celle de la classe dominante : “aucune classe ne peut
durablement détenir le pouvoir d’Etat sans exercer en même temps son hégémonie sur
et dans les appareils idéologiques d’Etat” (Althusser).
B.) Le dépérissement de l'Etat
L’Etat étant lié à l’existence d’une société de classes, il disparaîtra avec la
disparition de ce type de société. Lénine, L’Etat et la révolution : distinction entre
“suppression” et “extinction de l’Etat”. Ce qu’il s’agit de supprimer, c’est l’Etat
bourgeois ; c’est l’Etat prolétarien mis à la place qui doit progressivement s’éteindre,
au fur et à mesure que sa domination sur la bourgeoisie renversée permettra la
disparition de cette dernière comme classe et l’émancipation du genre humain.
L’Etat prolétarien est l’Etat qui commence à dépérir et qui aura la même fonction
et la même nature que tous les autres Etats : instruments de repression d’une classe prolétariat - sur une autre, la bourgeoisie. Notion de dictature du prolétariat : nature de
classe du nouvel Etat, et non une forme de gouvernement. Lorsqu’il n’ y a plus de
classe à mater, l’Etat n’est plus nécessire. Il doit développer une démocratie bien
supérieure en qualité et en extension que la démocratie bourgeoise.
Les étapes de la société sans classes :


L’étape de transition du capitalisme vers le socialisme : étape de la dictature du
prolétariat, survie du capitalisme dans d’importants pays, survie de la production
marchande et des classes sociales, survie de l’Etat pour défendre les intérêts des
travailleurs contre les partisans d’un retour au règne du capital;
L’étape du socialisme : “le socialisme, c’est la société sans classes” (Lénine).
Dépérissement des classes sociales, disparition de l’économie marchande et
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun

monétaire, disparition de l’Etat. La rétribution de chacun continuera à être
mesurée en fonction de la quantité de travail fournie à la société;
L’étape du communisme : application intégrale du principe “de chacun selon ses
capacités, à chacun selon ses besoins”. Disparition de la division du travail.
L’humanité se réorganise sous forme de communes libres de producteursconsommateurs, capables de s’administrer eux-mêmes sans aucun organe séparé.
La succession de ces étapes résultera d’une évolution progressive des rapports de
production et des rapports sociaux. Dès que les travailleurs auront le pouvoir effectif,
aucune révolution ne sera plus nécessaire.
B.3) Une conception complexe de l'Etat
A la différence des anarchistes, Marx pense que l'Etat est nécessaire, au moins
provisoirement, et que la loi, le droit libèrent : l'Etat peut, dans une certaine mesure,
représenter le bien commun et la défense des intérêts et des droits des plus démunis.
La critique de Marx, en réalité, est moins dirigée contre l'Etat en généra que contre un
Etat qui a oublié sa mission de défense du bien public, et s'est transformé en simple
organe despotique au service du petit nombre. On retrouve alors la notion de
démocratie, ou plutôt de république et de contart social.
La critique marxiste pourrait alors renvoyer au problème essentuiel des formes de
gouvernement et à la différence entre la forme de gouvernement démocratique et
l'Etat autoritaire. L'expérience de la Commne de Paris amène Marx à ompléter son
analyse : la forme sous laquelle la domonation de classe peut être supprimée est la
république démocratique sur le modèle de la Commune. Organiser l'Etat dans le sens
de l'autonomie communale la plus grande et de la participation croissante des citoyens
à toutes les décisions.
Conclusion :
La théorie de Marx n'est donc ni l'étatisme qu'on lui prête souvent sur le modèle
des régimes bureaucratiques staliniens, ni le simple refus anarchiste de l'Etat. Le
dépérissement de l'Etat dont il parle n'est peut-être pas autre chose que sa
transformation d'organe de domination en assocation libre, ce qui réhabiliterait la
notion rousseuaiste de contrat. Le thème du dépérissemnt de l'Etat aurait donc un sens
éminemment politique qui renverrait à une réflexion fondatrice sur l'alternative au
mode de production capitaliste.
CONCLUSION GENERALE : UNE SOCIETE SANS ETAT ?
Les critiques anarchistes et marxistes de l’Etat ont en commun, malgré leurs
différences, l’idée qu’une société de liberté et d’égalité n’est réalisable que sur la base
d’une société sans Etat, - entité parasitaire, communauté illusoire; c’est la société, et
non l’Etat, qui incarne la rationalité, la vraie réalité. Société transparente qui se
substituerait à l’Etat mais qui, selon certains théoriciens, produirait un déséquilibre
aboutissant soit à des utopies, soit à des régimes totalitaires.
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
Contre ces critiques de l'Etat, on peut faire valoir plusieurs arguments soulignant sa
nécessité irréductible.
Le politique ne se réduit pas au social; le pouvoir de l’Etat désigne une production
de décisions assurant la régulation juridique, politique, économique des ensembles
sociaux permettant leur existence et leur survie.
Dans Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique (1784), dans la
Sixième proposition plus précisément, Kant signale la nécessité de règles et de lois
constitutives d'un pouvoir politique. Toute idée d’une société fonctionnant d’ellemême, sans contrainte, sans maîtres, se trouve écartée. L'homme est un animal qui a
besoin d'un maître pouvant battre en brèche sa volonté particulière. L'homme ne
saurait échapper à la maîtrise, ce principe de la société et du pouvoir politiques.
Dans cette perspective, il y aurait deux maladies qui guetteraient le pouvoir
d’Etat : la pathologie d’un pouvoir omniprésent, voire totalitaire; la pathologie
par le manque, c’est-à-dire l’oubli de la fonction vitale du pouvoir. L’Etat serait alors
ce pouvoir sauvant l’humanité de la destruction, assurant la survie des groupes
humains, l’unité sociale et juridique du groupe. Structuré par les règles du droit, le
pouvoir de l’Etat permettrait le maintien de l’ordre social, la promotion de l’intérêt
commun et exercerait fondamentalement une fonction d'intégration et de régulation.
Toutefois, les conceptions anarchiste et marxiste ont le mérite de proposer une
critique virulente de l’Etat et de la démocratie bourgeois, ainsi que du capitalisme,
- critique qui reste sans doute à réactualiser, à revisiter. Les démocraties modernes ont
manifestement trahi leurs promesses d’universalité et de rationalité (le pouvoir est aux
mains d’une élite, il échappe aux citoyens, la logique est celle du profit plus que de
l’intérêt commun, on va sans doute vers de nouvelles formes de barbarie et de
violences…).
Il reste à réinventer la démocratie et la citoyenneté qui sont gravement menacées
et à changer peut-être radicalement la nature de l’Etat actuel. Anarchistes et marxistes
donnent de puissants arguments pour penser la démocratie authentique contre ses
formes dégénérées (la bureaucratie, la technocratie, par exemple) et nous invitent à
travailler en permanence dans le sens d'une citoyenneté active qui ne laisse pas le
pouvoir politique aux mains d'une élite. L’idéal - républicain ! - à réaliser est, avec ou
sans l’Etat, une société d’autonomie, d’égalité, de réciprocité. Il s'agit de faire
descendre le droit du ciel de l’Etat vers la société réelle. L’idéal d’un dépérissement
de l’Etat resterait alors valide pour penser une société libre où serait résolu le conflit
entre la société et le juridique, l’économique et le politique.
La question de l'Etat renvoie finalement à celle de la politique, laquelle est grosse
de contradictions majeures. D'un côté, en effet, la philosophie politique cherche à
décrire l'essence du politique, de la démocratie par exemple, au risque de n'être qu'une
simple rationalisation de l'état de fait et de devenir ainsi un des rouages du pouvoir ou
des pouvoirs. D'un autre côté, en étant purement normative, à la manière de Rousseau,
elle prend le risque de l'impuissance, de l'arbitraire des "cités parfaites " - des utopies !
- qui ont ensanglanté l'histoire.
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
De même, l'action poitique proprement dite est la mise en commun d'actes et de
paroles dans un espace public; "elle détermine les structures qui permettent aux
hommes d'agir ensemble et de garantir l'existence d'un monde humain " (DenisCollin,
La société, le pouvoir, l'Etat). D'un autre côté pourtant, l'action politique est la
conquête du pouvoir.
Or il est nécessire, et urgent, de réhabiliter la politique, en rappellant que, selon
la belle formeule de Barret-Kriegel, c'est " le sommeil de la raison " qui " engenrde
des monstres ". La violence de ce " sommeil " peut être conjurée seulement dans
l'espace politique, même si, en même temps, cet espace politique est le lieu par
excellence du déchaînement de la violence. C'est le seul lieu où le bien commun a
un sens, même si c'est aussi le moyen privilégié pour que la soif du pouvoir, des
honneurs et de la richesse se donne libre cours.
DEFINITIONS
- L’Etat : Corps poltiique rassemblant un certain nombre d'individus (le peuple) sous
un même pouvoir. Ensemble des institutions (politiques, juridiques, militaires,
administratives, économiques) qui organisent une société sur un territoire donné.
- La nation : communauté humaine élargie regroupant des individus partageant, le
plus souvent, une histoire, une langue, des instituions et un territoire. Au sens
politique, la nation désigne le principe de souveraineté : identifiée au peuple depuis la
Révolution française, elle est considérée comme détentrice de l’autorité politique. Il
peut y avoir organisation étatique sans nation, même si une nation implique
forcément l’Etat.
- Le pouvoir : droit d’exiger quelque chose, capacité effective d’exercer une autorité,
sous peine de sanction (ex : le directeur exerce le pouvoir); instituions ou personnes
exerçant l’autorité politique, publique.
- La démocratie : régime politique dans lequel la souveraineté (le pouvoir légitime)
appartient à l’ensemble des citoyens, sans distinction d’aucune sorte, c’est-à-dire au
peuple.Société libre et égalitaire où le peuple a une influence déterminante dans
l'invention et l'exécution de la loi.
- La république : par oppositon à la monarchie, forme d'organisation politique où
l'aurotité a été conféré pour un teps déterminé ets elon certyaines conditions par les
suffrages libres du peuple.
SUJETS DE DISSERTATION
-
Est-il juste de dire qu’on a le gouvernement qu’on mérite ?
Pour limiter le pouvoir de l’Etat, peut-on s’en remettre à l’Etat ?
L’Etat doit-il éduquer les citoyens ?
L’intérêt de l’Etat coïncide-t-il avec le bien commun ?
Le rôle de l’Etat est-il de faire régner la justice ?
Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
-
Peut-on vivre sans Etat ?
La démocratie est-elle un régime sans défauts ?
L'Etat doit-il déduquer les citoyens ?