Le régime de fonte de la banquise arctique change

Transcription

Le régime de fonte de la banquise arctique change
Le Temps
Mardi 10 septembre 2013
> Environnement
La glace de mer
arctique a très peu
fondu en 2013,
au contraire
de la tendance
de ces dernières
années
La banquise au fil des mois
Surface mensuelle moyenne
de banquise arctique,
en août, en millions de km2
Surface de glace de mer en Arctique
(océan couvert au moins à 15% par la banquise),
en millions de km2
8
6
12
Moyenne
4
1979
11
2013
10
9
8
7
6
Moyenne sur 1981–2010
Marge d’erreur
2013
2012 (année record)
5
OLIVIER DESSIBOURG
> Les scientifiques
expliquent ce
phénomène par une
variabilité naturelle et
des règles climatiques
qui changent
dans la zone
4
3
juin
juillet
août
septembre
Glace de mer. Les vents et le mauvais temps de cet été ont éparpillé les petits icebergs tabulaires. ARCHIVES
octobre
SOURCE: NATIONAL SNOW AND ICE DATA CENTER
«Le régime de fonte de la banquise arctique change»
Olivier Dessibourg BOULDER
position dans le livre des records
négatifs. Il faut cependant observer les tendances à long terme: en
quarante ans, la température de
surface de l’océan Arctique a par
exemple augmenté de 4 °C. Surtout, l’épaisseur de la glace pluriannuelle (qui survit durant l’été)
a perdu un mètre. Au printemps,
on a donc de plus en plus de glace
datant uniquement de l’hiver
précédent. Ces pans de banquise
disparaissent plus rapidement.
Cela enclenche un cercle vicieux:
la surface blanche de la glace, qui
réfléchit 80% de la lumière, diminue de plus en plus tandis que
celle de l’océan, qui elle absorbe
90% de l’énergie solaire incidente,
augmente sans cesse. Ce qui fait
que l’eau se réchauffe et fait fondre la glace encore plus vite. Et
ainsi de suite.
«Une banquise qui fond plus vite
que jamais», titrait ce journal en
automne 2012. Pas cette année!
Alors que, le 19 septembre dernier,
la surface de l’océan Arctique, couverte par au moins 15% de glace,
avait atteint un minimum de
3,41 millions de km2 – un record
depuis le début des mesures –, cette
valeur était encore d’environ 6 millions de km2 à fin août dernier. La
Terre refroidirait-elle? Comment
justifier cette variation? Les explications de Mark Serreze, directeur du
National Snow and Ice Data Center
NSIDC, à Boulder (Colorado), le
plus important centre de collecte
de données météo du monde.
Le Temps: Que se passe-t-il avec la
banquise en Arctique cette année?
Mark Serreze: La fonte est certes
moins importante qu’en
2012, mais
elle dépasse
toujours
la valeur
moyenne des
années 1979 à
2000. Les passages maritimes du
nord-ouest et du nord-est sont
encombrés de glace; je doute ainsi
que le tanker chinois qui veut
emprunter ce dernier – la presse
en a parlé récemment – puisse le
faire entièrement sans brise-glace.
L’année 2013 sera en 5e ou 6e
observe aussi dans une campagne
enneigée, tandis qu’il y fait très
froid par une nuit dégagée. Or,
durant l’été, les nuages semblent
avoir un effet refroidissant: ils
bloqueraient davantage le rayonnement incident du Soleil (plus
important en juillet et août et qui
accélère la fonte si le ciel est clair)
qu’ils ne jouent ce rôle de couverture «chauffante».
Par ailleurs, les étés venteux,
comme celui qu’on vient de vivre,
ont tendance à éparpiller les
fragments de glace – ce qui explique aussi la grande surface observée cette année. Cela était considéré comme un phénomène
préservant la banquise. Mais on
observe que ces «règles» semblent
changer. La raison tiendrait au
fait que la glace est plus fine, ce
qui change le régime de fonte.
Que l’on soit clair, on connaît
bien l’image globale: si l’on continue à émettre des gaz à effet de
serre, la banquise en été va totalement disparaître d’autant plus
vite; on évoque aujourd’hui
l’échéance de 2030. Par contre, les
12 à 20 différents modèles climatiques existants livrent des prévisions entachées d’une grande
incertitude quant à l’évolution
détaillée de ce scénario, justement à cause de ces règles descriptives changeantes.
UNIVERSITY OF COLORADO
– Cela n’explique encore pas la
singularité observée cette année…
– Elle est probablement due à la
variabilité naturelle. Comme on
peut avoir des hivers plus ou
moins rigoureux, les conditions
météo peuvent être plus ou
moins chaudes en Arctique. Cette
année, les basses pressions là-bas
ont fait qu’elles étaient plus fraîches. De plus, les nuages ont joué
un rôle. En Arctique, leur présence tend le plus souvent à tempérer l’atmosphère en piégeant la
chaleur provenant du Soleil
réfléchie par le sol – c’est ce qu’on
– Pas si vite. Lorsque les chiffres
sont évocateurs, comme l’an der-
nier, le ton adopté pour rendre
responsable le réchauffement est
péremptoire. Mais lorsque la situation est floue, comme cette année,
vous modérez votre discours, arguant d’une grande incertitude…
– Un point pour vous. Les raisons à
cet état de fait sont diverses. La
première touche au comportement des médias: lorsqu’il y a un
record, la presse en fait ses gros
titres, de manière parfois caricaturale. Or, si l’on se penche sur la
littérature scientifique, ces notions
de variabilité naturelle et d’incertitude sont bien documentées. Une
période d’une décennie durant
laquelle la surface de glace «récupérerait» ne surprendrait pas trop
les glaciologues. Mais les climatosceptiques, eux, s’en délecteraient
pour nier tout changement. Cela
dit, il y a aussi des chercheurs qui
surévaluent avec alarmisme certains événements. La réalité est au
milieu.
– Peut-on améliorer les modèles?
– C’est ce que l’on fait en augmentant les observations. Concernant
les nuages, nous lançons un projet
qui permettra, à l’aide de mesures
faites à bord d’avions volant au
dessous et au-dessus des stratus,
de mieux qualifier leurs propriétés
de radiation. On essaie aussi de
déterminer les processus en cause
les plus importants – par exemple,
on quantifie encore mal les impacts sur la glace des schémas de
Météo
circulation des masses d’air dans
l’Arctique. Avec toutes ces données, on affinera les modèles de
prévision.
– La fonte de la banquise ne faisant
pas augmenter le niveau des
océans, pourquoi l’étudier en détail
est-il si crucial?
– Premièrement, l’Arctique a
toujours constitué un terrain
d’expérimentation exacerbé du
réchauffement. Depuis 1970, les
modèles climatiques qui décrivent son évolution, même les
plus grossiers, ont vu juste.
Cela montre à quel point cette
science est tout de même robuste, et extrapolable dans
d’autres situations, toutes proportions gardées.
Deuxièmement, les changements
dans l’Arctique vont avoir des
impacts aux latitudes moyennes.
Concrètement: on peut observer
des variations au niveau des
précipitations, des vents, des
températures, du budget énergétique lié à l’irradiance solaire.
Autant de paramètres qui font
qu’il fait actuellement froid en
Arctique. Il existe donc un gradient de température entre les
hautes et les basses latitudes, qui
fait que la chaleur à l’équateur
est transportée vers les pôles. La
disparition complète de la banquise ferait s’atténuer fortement
ce gradient. Avec pour conséquence des modifications de la
machine climatique, notamment
des régimes climatiques à nos
latitudes. Par contre, on ne peut
pas encore préciser aujourd’hui
leur nature exacte ni leur ampleur.
– On évoque souvent un «point de
non-retour» en ce qui concerne la
fonte de la banquise arctique…
– C’est une autre notion que les
médias adorent, l’idée d’un changement irréversible. Des chercheurs ont en effet émis l’hypothèse de seuils de température, de
taux de CO2, au-delà desquels la
disparition de la glace serait irréversible. Une étude publiée en
2011 montre le contraire: ses
auteurs ont fait tourner leur modèle sur des décennies. Tous les
vingt ans, au 1er juillet, ils ont
totalement ôté la banquise. Or,
la glace générée durant l’hiver
suivant ne fondait pas totalement
durant l’été consécutif, ce qui
aurait dû être le cas si l’on avait
connu un «point de bascule».
Par contre, un tel «point de nonretour» existe pour un autre phénomène beaucoup plus grave de
conséquences lié à l’Arctique: si la
température augmente trop aux
hautes latitudes, le pergélisol (sol
gelé en permanence) va fondre en
libérant des stocks de CO2 et de
méthane, deux importants gaz à
effet de serre. On quantifie ces
réserves à environ deux fois ce
qu’il y a aujourd’hui dans l’atmosphère! Mais ce phénomène constitue encore un vaste sujet d’études.
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Situation générale aujourd’hui à 13h
995
B
1015
1010
1005
Haute
pression
Bâle
1015
9°
17°
Berne
1010
B
H
12°
13°
La Chaux-de-Fonds
B
1030
B
Saint-Gall
Zurich
H
1025
Basse
pression
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véritables trésors
dorés de la Suisse.
1020
1020
H
Isobares
(hPa)
B
1010
16°
14°
Coire
<wm>10CAsNsjY0MLQ00DW3MLYwMAQAx7CqCw8AAAA=</wm>
13°
B
11°
11°
Lausanne
1015
Genève
1015
11°
18°
Sion
16°
11°
16°
Saint-Moritz
Locarno
11°
2°
19°
<wm>10CFWMMQ6EMAwEX-RoN3aCcy5PdIgC0btB1Py_QrnuRtpudrYtWsFv33U_1yMIDsji6mDU3ou1JWprhfTAgFVQP5youv_5AnQ1IKcjGAJLUgiplh2a1FnIeQbLc90vdFZYcoAAAAA=</wm>
13°
Verbier
Front
froid
1015
B1015
Front
chaud
5 à 10° 10 à 15°
15 à 20°
20 à 25° 25 à 30°
Ephéméride
Prévisions à cinq jours
Mardi 10 septembre 2013
Jour/degré de fiabilité:
Soleil
Bassin lémanique,
Plateau romand et Jura
lever: 07h07
coucher: 19h57
3 minutes de soleil en moins
Alpes vaudoises
et Valais (500 m)
Lune
Suisse centrale
et orientale
lever: 12h35
coucher: 22h27
Lune: croissante
taux de remplissage: 25%
Sud des Alpes
13°
30 à 35° 35 à 40° 40° et plus
Mercredi 60% Jeudi
9°
15°
20°
13°
De l’air humide et un peu frais pour la saison afflue vers les Alpes.
Le temps se montrera changeant avec des épisodes faiblement pluvieux,
notamment ce matin sur le Plateau et cet après-midi dans les Alpes,
ainsi que dans la nuit de mercredi à jeudi. Entre ces périodes, des éclaircies
se développeront. Elles seront nettement plus généreuses au Tessin.
La fin de la semaine pourrait s’avérer sèche, plus ensoleillée avec des
températures en légère hausse.
B
H 1020
0 à 5°
18°
8°
Front
occlus
moins de -5°
13°
60% Vendredi 60% Samedi
8°
7°
16°
18°
50% Dimanche 40%
8°
9°
19°
20°
10°
18°
9°
19°
7°
21°
9°
22°
10°
22°
9°
15°
7°
15°
7°
18°
8°
19°
9°
20°
14°
22°
12°
21°
11°
22°
13°
22°
14°
23°
Prévisions en Suisse pour
le matin et l’après-midi. Les
températures sont les valeurs
minimales (bleu) et maximales
(rouge) à 2 mètres du sol.
MétéoSuisse
tél. 0900 162 666
en ligne avec nos météorologues,
24 heures sur 24
(fr. 3.- l’appel, fr. 1,50 la minute)
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Panorama
Biologie
Distinction
Nez artificiel
Lauréats des Prix Balzan
Les bactéries puent et c’est parfois
bien utile. Car des chercheurs de
l’Université de Kaohsiung (Taïwan)
ont mis au point un «nez» artificiel
capable de diagnostiquer à l’odeur
les germes responsables d’infections sanguines beaucoup plus
rapidement que les tests classiques, ce qui pourrait sauver de
nombreuses vies. (AFP)
Les lauréats des Prix Balzan 2013,
dotés de 750 000 francs chacun,
sont connus: il s’agit des Français
André Vauchez (catégorie Histoire
du Moyen Age), Alain Aspect (Informatique et communications quantiques), Pascale Cossart (Maladies
infectieuses) et de l’Espagnol Manuel Castells (Sociologie). Ils seront
remis le 15 novembre à Berne. (LT)