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Questions contemporaines
Collection dirigée par B. Péquignot, D. Rolland
et Jean-Paul Chagnollaud
Chômage, exclusion, globalisation… Jamais les « questions
contemporaines » n’ont été aussi nombreuses et aussi complexes à
appréhender. Le pari de la collection « Questions contemporaines »
est d’offrir un espace de réflexion et de débat à tous ceux,
chercheurs, militants ou praticiens, qui osent penser autrement,
exprimer des idées neuves et ouvrir de nouvelles pistes à la réflexion
collective.
Dernières parutions
Chantal PERRAS, La coopération policière globale contre le trafic
de drogue transnational, 2014.
Gaby NAVENNEC, Les souffrances sociales. De l’acceptation aux
alternatives, 2014.
Julien PINOL, Essais nucléaires : 1961, une apothéose ?, 2014.
François COUDERC, Chronique d’une aventure politique
ordinaire, 2014.
Gérard DAHAN, La manipulation par les sondages. Techniques,
impacts et instrumentalisations, 2014.
Nadine JASMIN, Les mairies au défi des politiques d’égalité,
2014.
Georges Claude GUILBERT, Le genre des objets, 2014.
Guillaume FONGANG, Les Politiques agro-environnementales en
France. Dispositifs de concertation et enjeux de gouvernance,
2014.
Françoise FRISCH, La boulotdiversité, Ensemble vers
l’extermination du chômage, 2014.
Frédéric JONNET, Défense, 2007-2012 : un plan pour l’égalité
des chances, 2014.
Lise GREMONT, Mutation dans les collectivités territoriales,
2014.
Géopolitique de l’Arctique
© L’HARMATTAN, 2014
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
www.harmattan.fr
[email protected]
[email protected]
ISBN : 978-2-343-01101-1
EAN : 9782343011011
Cyril MARÉ & Rémi RAHER
Géopolitique de l’Arctique
*
La terre des ours face à l’appétit des nations
L’HARMATTAN
Autres ouvrages de Rémi Raher
Discours du manager
Comment écrire un discours, parler en public et devenir un leader
Studyrama
La Signature en Politique
Entre attribut du pouvoir et contrainte matérielle
L’Harmattan
Discours & Protocole : 240 modèles de discours et 60 fiches
protocolaires pour optimiser la gestion de votre temps
Weka
Mots pour Maux
Chansons, slams, poèmes et rimes en vrac
Triumph Press
Autres ouvrages de Cyril Maré
Le commerce équitable
Un mouvement éthique-table ?
Studyrama
La coopération décentralisée
Studyrama
SOMMAIRE
INTRODUCTION
p9
Partie I : LE MYTHE DE L’ELDORARO POLAIRE
p 13
Chapitre 1 - La conquête du Nord
p 15
p 15
p 28
I - Les explorations géographiques
II - Les explorations scientifiques
Chapitre 2 - Le potentiel de développement
I- Les enjeux économiques et commerciaux
II - Les enjeux énergétiques et stratégiques
p 45
p 45
p 59
Partie II : UN POINT CHAUD POUR ETATS EN FROID
p 71
Chapitre 3- La persistance de différends juridiques
p 73
p 73
p 78
p 82
p 93
I - Le statut des passages du Nord-Ouest et du Nord-Est
II - L’extension concurrentielle des plateaux continentaux
III - Le contentieux des délimitations des frontières maritimes
IV - L’indépendance programmée du Groenland
Chapitre 4 - L'expression des rapports de force
I - Le renforcement des capacités militaires
II - Le jeu des alliances historiques
III - La faible probabilité de conflit
p 101
p 101
p 108
p 113
Partie III : LA COOPERATION COMME BRISE-GLACE
p 117
Chapitre 5 - Le processus d’institutionnalisation
p 119
p 119
p 128
I - L'état des lieux de la gouvernance régionale
II - La réforme des instances arctiques
Chapitre 6 - L'approfondissement des domaines d'intervention
I - Préserver l'environnement et la biodiversité
II - Terminer et appliquer le Code polaire pour la navigation
III - Élaborer une organisation régionale pour la pêche
IV - Sauvegarder le mode de vie autochtone
V - Encadrer l’exploration et l'extraction des hydrocarbures
p 143
p 143
p 154
p 157
p 163
p 166
CONCLUSION
p 169
ANNEXES
p 173
7
INTRODUCTION
1er avril 2013. Un ours polaire, sur un morceau de banquise dérivant le long
de la rivière Moskova, se dresse devant les murs rouges du Kremlin. Un
poisson d'avril ? Non, un membre déguisé de l’association écologiste
Greenpeace. À ses pieds, deux panneaux arborent en anglais les mentions
« Help! » (« Au secours! ») et « Arctic not for Sale » (« L'Arctique n'est pas
à vendre »). L'objectif de cette mise en scène insolite est d'attirer l'attention
sur le projet de prospection en mer de Barents des groupes pétroliers Rosneft
et Statoil qui pourrait, selon l’organisation, endommager le terrain de chasse
de celui qui est considéré comme un mammifère marin1 tout en étant le plus
imposant carnivore terrestre2.
Plus largement, elle vise à protester contre la course aux ressources
naturelles qui s'instaure en Arctique, la « Terre des Ours » en grec ancien,
malgré des conditions difficiles d'exploitation et des risques
environnementaux concomitants. Le temps d'être filmé et photographié, le
faux animal et vrai militant est vite capturé puis relâché par la police...
Six mois plus tard, le 19 octobre 2013, la flamme olympique vient pour la
première fois réchauffer le pôle Nord dans le cadre des préparatifs des jeux
de Sotchi 2014 en Russie dont l'une des trois mascottes est aussi un ours
blanc. Sur place, onze personnes se succèdent pour porter le précieux
étendard qui incarne des valeurs pacifiques et universelles. Toutes se
distinguent par leurs études scientifiques sur la région et sa préservation.
Mais toutes se distinguent aussi par leur appartenance respective à huit
pays dont elles arborent solennellement les drapeaux : le Canada, le
1
2
La taxinomie, imprécise, des mammifères marins les définit comme les mammifères qui
font de la mer leur habitat pour toute ou partie de leur vie ou toute leur vie. L'ours blanc
passe l'essentiel de son temps sur la banquise.
En concurrence avec l'ours Kodiak qui vit en Alaska.
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Danemark, les États-Unis, la Norvège, la Russie, la Finlande, l'Islande et la
Suède. La flamme olympique, emmenée symboliquement à travers la
banquise par le brise-glaces nucléaire le plus grand du monde, le 50 Let
Pobedy (« 50 ans de la Victoire »), n'éclaire pas seulement la nuit polaire.
Elle met en lumière la volonté d'appropriation de l'Arctique par ces États qui
ont la particularité d'être les seuls à avoir un pied dans le cercle polaire3 et
même, pour les cinq premiers, dans l'océan glacial.
La réponse qu'ils donnent au message associatif est donc claire : personne ne
dictera leur conduite dans ce qu'ils entendent faire leur chasse gardée. Le
seigneur de l'Arctique, comme est appelé parfois l'ours blanc en Russie, n'est
plus maître en son royaume, dont les contours sont encore débattus.
L'Arctique est, comme l'Europe, une construction intellectuelle à partir d’un
espace physique mal déterminé, qui inclut l'océan glacial et ses environs et
dont la réalité varie selon les critères choisis. Suivant l'évolution annuelle de
la superficie de la banquise, la Terre des Ours est tantôt un monde terrestre
qui relie l'Asie et l'Amérique, tantôt un monde marin qui les sépare. Les
frontières sont donc créées artificiellement par convention, en tenant compte
de considérations géographiques ou sociopolitiques.
Le Programme de contrôle et d’évaluation de l’Arctique a établi un
compromis et inclut une partie des espaces qui possèdent un climat
intermédiaire entre tempéré et polaire. La région arctique recouvre de la
sorte les mers ainsi que les terres continentales et insulaires des huit pays
cités qui s'étendent vers le pôle depuis, grosso modo, l’extrême nord de
l'Amérique, de l’Eurasie, de l'Atlantique et du Pacifique4.
Cet engouement nouveau pour ce qui semble être un simple désert de glaces
plutôt hostile à l'être humain est dû à un phénomène : le réchauffement
climatique. Autour du plus petit des océans5, les bouleversements sont les
plus sévères et les plus rapides de la planète. Pourtant, alors qu'ailleurs le
processus est plutôt dénoncé et craint, les perspectives économiques le
rendent ici attractif auprès des États et des entreprises d'extraction et de
transport. En effet, à mesure que la banquise recule après avoir déjà perdu un
3
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5
Le cercle polaire arctique correspond au parallèle de latitude 66°33'44" nord à partir
duquel le soleil de minuit est observable.
Voir la carte sur les limites de l'Arctique en annexe 1.
Avec une superficie de 14 millions de km2 et une profondeur maximale de 5000 m.
10
tiers de sa surface en trente ans, les possibilités de navigation commerciale
s'intensifient et les ressources naturelles deviennent accessibles. Minerais,
pêche et combustibles fossiles, les profits en jeu sont considérables, quoique
se basant sur des données perfectibles. Toutes ces richesses n'intéressent pas
seulement les pays limitrophes et attirent l’œil de la plupart des grandes
puissances, comme la Chine ou l'Union européenne (UE).
Derrière pareilles attentes et affluences, surgissent rivalités et risques. En se
retirant, la glace libère des eaux dont le statut juridique n'a pas été défini et
que les cinq riverains de l'océan s'empressent de revendiquer pour bénéficier
de droits exclusifs d'exploitation. Leurs prétentions s'accompagnent de
démonstrations de force, menaçant la stabilité de la région. Néanmoins, c'est
surtout son équilibre écologique qui est en danger. L'impact de la hausse des
températures se ressent déjà localement et pourrait se doubler, en l'absence
d'application de standards de protection élevée, d'une pollution liée aux
activités envisagées. Or, de tels désordres ne concernent pas uniquement la
région et ses 4 millions d'habitants dont 10 à 15 % d'autochtones6 qui tentent
de préserver leur mode de vie traditionnel. Leur isolement n'est qu’apparent.
Le climat et l'environnement arctiques ont une influence sur le reste du
monde. Modifier leur situation, c'est en partie changer celle de la planète.
Le défi est donc de trouver le juste milieu entre l'exploitation d'un territoire,
déjà en marche, et sa protection qui se fait attendre, tout en composant avec
les positions concurrentielles des États. C'est un sujet qui intéresse la
géopolitique en tant qu'étude des rapports entre la géographie physique et
humaine et les comportements et projets des acteurs internationaux, en
intégrant les données de divers champs disciplinaires.
En l'occurrence, il s'agit tout d'abord de montrer comment l'Arctique est
passé d'un enfer blanc énigmatique à un nouvel eldorado convoité. Les
enjeux concourant à cette transformation doivent ensuite être
convenablement évalués afin d'en mesurer la portée sur l'environnement.
C'est seulement sur cette base que pourront être appréciées la pertinence et la
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Bien qu’il existe une trentaine de peuples autochtones relativement différents, plusieurs
partagent une langue et une organisation similaire, autorisant une classification arbitraire :
l’Ouralique en Scandinavie et dans l’ouest russe, l’Altaïque au centre nord de la Russie,
les Tchouktches-kamtchadales, les Kètes et Yukagir à l’est, l’Aléoute dans les îles
Aléoutiennes, le Yupik en Alaska, les Na-Dené au Canada et l’Inuit sur le pourtour nordaméricain et au Groenland.
11
performance des moyens mis en œuvre par les gouvernements pour organiser
le développement durable de la région. Des propositions seront alors
formulées afin de remédier aux faiblesses constatées et d'encourager les
acteurs impliqués à approfondir leur coopération.
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PARTIE I
LE MYTHE DE L’ELDORADO POLAIRE
Chapitre 1
La Conquête du Nord
La conquête de l'Arctique ne s'est pas faite en un jour. Elle n'est d'ailleurs pas
terminée. Il faut dire que son inhospitalité naturelle n'invite pas à y entrer et
encore moins à y rester. Pourtant, des motivations suffisantes ont été
trouvées au cours de l'Histoire pour affronter le froid, le vent, les glaces et
l'obscurité. Avant d'exposer celles qui font l'actualité internationale, un retour
en arrière s'impose pour mieux les appréhender. L'Arctique a déjà été au
centre de l'attention, en tant que contrée inexplorée et en tant que théâtre
d’observation scientifique.
I – Les explorations géographiques
Alors que l'être humain a toujours été absent du continent antarctique, il a su
s'installer à proximité du pôle Nord pour y vivre. Très tôt même. Pendant le
Néolithique, le détroit de Béring est recouvert par la banquise et forme un
pont entre la pointe orientale de la Sibérie et l'Alaska. Il est franchissable à
pied en quelques jours. De petits groupes de chasseurs l'empruntent et
quittent l'Ancien Monde pour le Nouveau, bien avant Christophe Colomb. Ils
investissent progressivement l'archipel canadien, le Groenland et les îles
Aléoutiennes, traquant les troupeaux de bœufs musqués, les phoques et tout
autre animal pouvant servir de nourriture. Les ancêtres des peuples
autochtones actuels de l'Arctique sont donc installés depuis très longtemps
lorsque les civilisations européennes commencent à convoiter cet espace.
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