Les Brasseries font «pschit»

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Les Brasseries font «pschit»
TAXE SODA L E GEL DES INVESTISSEMENTS NE SUSCITE AUCUNE RÉACTION
Les Brasseries font «pschit »
L'annonce par les Brasseries de Bourbon du gel d'un investissement de 10 millions d'euros n'a guère suscité
de réactions syndicales ou politiques . . . Loin du tollé provoqué par Coca-Cola en métropole . En coulisses,
nombreux sont ceux qui misent sur un coup de bluff.
Serait-ce l'effet des vacance s
scolaires ? De la primaire socialiste? De la psychose du requin ?
Toujours est-il que les Brasserie s
de Bourbon, filiale du groupe
Heineken, n'ont pas suscité
beaucoup de réactions en annonçant le gel d'un investisse ment de 10 millions d'euro s
dans l'usine dionysienne du Ba s
de la Rivière (Quotidien du 1 0
octobre) . Cette décision est
pourtant lourde de sous-entendus pour les 300 salariés du site ,
qui voient leur avenir s'assombrir.
Pour mémoire, le fabricant de
boissons (Dodo, Coca-Cola, Fan ta, Schweppes . . .) a mis en suspens cet investissement destin é
à moderniser une de ses trois
lignes de production, vieille d e
20 ans . Cette décision est liée à
la future « taxe soda » que l e
gouvernement souhaite mettr e
en place et qui intervient e n
même temps qu'une fort e
hausse des prix du sucre décidé e
par Tereos (Quotidien d'hier) .
L'idée, un temps évoquée, d'un e
délocalisation de la production à
Maurice refait surface .
Comme au poker
Contrairement aux Bouches du-Rhône, où Coca-Cola avait
provoqué un tollé en faisant un e
annonce similaire (lire gro s
plan), les Brasseries de Bourbo n
n'ont suscité aucune prise d e
position des responsables politiques ou syndicaux locaux . Contactés hier par téléphone, plusieurs d'entre eux affirmaient
d'ailleurs ne pas connaître l e
dossier.
C'est notamment le cas de David Lorion, vice-président de l a
Région, en charge des affaire s
économiques . «]e n'ai pas con naissance d'un courrier de s
Brasseries de Bourbon nous de mandant d'intervenir », répond
o
Le gel de 10 millions d'euros d'investissements n'a guère suscité de réactions . Beaucoup misent
sur un coup de bluff des Brasseries de Bourbon . (Photo Raymond Wae Tion )
l'élu . Dans l'interview qu'il nou s
a accordée, le directeur général
des Brasseries, Philippe El Bez ,
interpellait pourtant les collectivités en annonçant que l'investissement était « fortement remis en cause à moins d'un soutien local» .
« Nous avons des dispositifs
régionaux qui permettent d'apporter des aides à certains domaines d'activité . L'industrie agro-alimentaire en fait partie ,
rappelle David Lorion . A Maurice, la main d'oeuvre est peut être moins chère, mais il n'y a
pas les mêmes subventions » .
De son côté, le maire de Saint Denis, Gilbert Annette, s'inquiète de cette annonce, qu i
pourrait être lourde de conséquences pour les finances de s a
commune . « ]e ne comprend s
pas trop cette réaction. Même s i
cette taxe est pénalisante, il y a
toujours la possibilité de la ré percuter dans les prix d e
vente », estime le premier élu,
qui espère que la décisio n
« n'est pas définitive » (lire cicontre) .
LE PRÉCÉDENT COCA-COLA . L'argument des Brasseries de Bourbon ressemble fortement à celui dé ployé par Coca-Cola début septembre . Après l'an nonce de la création d'une taxe sur les sodas, le géan t
d'Atlanta avait riposté en déclarant renoncer à u n
investissement de 17 millions d'euros sur son site de s
Pennes-Mirabeau dans les Bouches-du-Rhône . La décision avait suscité une vive réaction des élus locau x
qui ont dénoncé un chantage à l'emploi . Déjugé par sa
maison-mère, Coca Europe, la filiale française avai t
alors été obligée de faire machine arrière .
Côté syndical, les réaction s
sont assez timorées. Du côté de s
fédérations de salariés c'est l e
silence radio . Quant aux organisations patronales, malgré un timide soutien en coulisses, aucune n'a réagi publiquement
pour soutenir les Brasseries .
« Il n'y a pas de réaction,
parce qu'il n'y a pas d'inquiétude particulière », assène un .
bon connaisseur du dossier. «E n
réalité, personne ne croit vraiment que l'investissement ne s e
fera pas . Il y a un tel march é
dans la zone, que les Brasseries
ont besoin de le faire .» Comm e
au poker, beaucoup d'acteurs
misent sur un coup de bluff du
groupe Heineken . Souhaitons
juste qu'ils ne se trompent pas .
Guillaume KEMPF
?GILBERT ANNETT E
« Je ne comprends pas trop
cette réaction»
«Je trouve que c'est une décision grave et j'ose espérer
qu'elle n'est pas définitive . Si
l'entreprise va au bout de s a
démarche, ce serait le début d e
la fin des emplois industriels à
La Réunion .
A vrai dire, je ne comprends
pas trop cette réaction . Même s i
cette taxe est pénalisante, il y a
toujours la possibilité de la ré percuter dans les prix de vente .
]e trouve dangereux d'envisage r
de fermer des entreprises dan s
ce contexte de crise .
Le vrai problème, c'est que La
Réunion supporte les même s
efforts que le reste du territoire ,
alors que nous sommes déjà
sinistrés en terme d'emploi . Le
gouvernement devrait faire plus
attention aux conséquences de
ses décisions . La Réunion devrait être sanctuarisée . ]'ai rencontré de nombreux chefs d'en -
Gilbert Annette, maire de
Saint-Denis. (Photo Philipp e
Chan Cheung)
treprise . Il y a une forme de
découragement qui s'installe .
Nous sommes dans un contexte
de ralentissement de la consommation, tout ce qui peut apparaître comme un obstacle aux
entrepreneurs décourage l'investissement » .