France: Les premiers pas de Dominique de Villepin à Matignon

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France: Les premiers pas de Dominique de Villepin à Matignon
France: Les premiers pas de Dominique de Villepin à Matignon
(Samedi 04 Juin 2005 à 00:00) - Contributed by Figaro Magazine
Le nouveau Premier ministre est un fidèle d'entre les fidèles du chef de l'Etat. A la tête du gouvernement, il a pour
charge de redonner de l'élan à un pays qui doute.
Sylvie Pierre-BrossoletteLe nouveau Premier ministre est un fidèle d'entre les fidèles du chef de l'Etat. A la tête du
gouvernement, il a pour charge de redonner de l'élan à un pays qui doute. Jacques Chirac a choisi ce hussard gaulliste
pour son tempérament adapté au temps de crise. Portrait d'un homme qui a toujours été partisan d'une action
forte.C'était encore sous les lambris dorés de l'Elysée. Dans son bureau tendu de vieux rose, entouré de ses masques
en provenance du Gabon et d'ailleurs - «Je suis un vrai primitif», affirmait-il dans un sourire -, le secrétaire général de
l'Elysée, un an après l'élection de Jacques Chirac à la présidence de la République, plaidait déjà pour le changement :
«C'est dans le mouvement et l'initiative que l'on se prémunit. On se protège en avançant.» Moins de dix ans plus tard, le
nouveau Premier ministre que Jacques Chirac a donné à la France n'a pas changé. Après une intense campagne pour
imposer sa ligne stratégique - et sa personne -, Dominique de Villepin arrive à Matignon muni de son credo : «Aller plus
vite, plus loin, plus fort.» Le grognard à l'allure de hussard l'a emporté. Le chef de l'Etat a choisi un homme du troisième
type pour finir le quinquennat. Pour redonner espoir à la France. Et pour tenter de faire oublier le désaveu cinglant reçu le
29 mai. A 51 ans, Dominique de Villepin, énarque et poète, diplomate et bretteur, charme et poigne, doit relever un triple
défi. Réconcilier la France avec l'Europe, rendre du tonus à une économie en berne, incarner une forme de leadership
sur une majorité troublée. Un forcing spectaculaire, inlassablement renouvelé depuis un an, a mené ce technocrate
féru de politique au plus haut niveau. A un poste très convoité, bien que traditionnellement destructeur pour son
occupant. Le Président, plutôt qu'un Nicolas Sarkozy au jeu personnel ou une Michèle Alliot-Marie au profil plus
consensuel, a préféré un sabreur au style inhabituel. «J'aime les crises», a toujours affirmé ce gaulliste chiraquien.
Cela tombe bien. Fidèle mousquetaire de l'hôte de l'Elysée, Villepin est prêt à tous les combats. Une batterie de
propositions Côté Europe, il doit à nouveau mettre à l'épreuve ses talents de diplomate volontariste. Une de ses idéesforces, c'est l'intégration franco-allemande. Nul doute qu'il mettra à profit ses relations outre-Rhin pour raccommoder le
tissu déchiré de l'Union. Côté France, le nouvel hôte de Matignon a son plan. Longuement mûri par ses équipes depuis
six mois, il consiste, grosso modo, à préserver le système social français tout en cherchant, sans le dire ouvertement, à le
faire évoluer sur un point clé, l'emploi. Enfin, côté majorité, le retour de Nicolas Sarkozy l'assure d'une paix, peut-être
armée mais certaine, pour de nombreux mois. Quelles que soient les motivations politiques ou intimes du ministre de
l'Intérieur bis, il ne pourra tirer sur un gouvernement dont il fait partie. Il y va de l'intérêt bien compris de chacun. Il sera
bien temps, à la veille de la présidentielle, d'ouvrir d'éventuelles hostilités. En attendant, la vraie question est de savoir si
Dominique de Villepin a les moyens de ses ambitions. Dans le domaine économique et social, où chacun l'attend, il ne
pourra se contenter de belles paroles. Son conseiller le plus proche, Bruno Lemaire, qui se prépare à l'éventualité d'une
arrivée à Matignon depuis longtemps, tient prête une batterie de propositions concrètes qui changerait la donne. Il
s'agirait, pour simplifier, de garantir leurs sécurités habituelles aux Français, contre l'adoption de réformes concernant le
chômage. Entre autres idées, appliquées ailleurs, l'obligation pour les demandeurs d'emploi d'accepter les offres qui leur
sont faites. Une révolution en France, mais que l'ex-ministre de l'Intérieur se faisait fort de parvenir à mettre en oeuvre.
Dominique de Villepin est hostile à la remise en cause officielle et généralisée de notre modus vivendi républicainsocial. Mais il n'aime pas les demi-mesures. Déjà, en 1994, lorqu'il n'était qu'un conseiller de l'ombre d'un candidat au fin
fond des courbes de sondages, il disait à Chirac, maire de Paris, avec son culot habituel : «Si vous choisissez le
compromis, une ligne radicale-socialiste, vous finirez à 12% !» Le candidat l'a écouté et a été élu. La suite ne dit pas
jusqu'où est allée l'influence du nouveau favori du prince. Sauf pour une calamiteuse dissolution que l'épouse du chef
de l'Etat ne lui a jamais pardonnée. Celui qu'elle avait baptisé Néron n'est jamais revenu dans le cercle de ses favoris.
"J'ai la religion du résultat" «Je ne suis pas un mondain, je ne fais pas de ronds de jambe, je n'ai pas un petit mot pour
chacun, je ne suis pas négociable... Alors, évidemment, je ne plais pas à tout le monde, je dérange. Mais les critiques,
c'est l'honneur du métier. Quand on est attaqué, c'est la preuve que l'on fait son travail.» C'était en 1996, quelques
mois avant cette fameuse dissolution. Villepin n'a pas changé. Passionné et philosophe, il a seulement pris quelques
bosses, appris quelques leçons, envisagé d'être séducteur à son heure. Sinon, c'est le même homme, capable du
meilleur et du pire, à la fois aimé et détesté, aujourd'hui adoubé, donc courtisé, demain peut-être solitaire, replié dans
un splendide isolement fait d'orgueil et de détachement. C'est ainsi qu'il a toujours choisi de dire la ou «sa» vérité à
Jacques Chirac. Dès leur rencontre en 1981, leurs rapports ont commencé, dit-il, par «une engueulade». Le jeune
homme encore inconnu du Quai d'Orsay avait une idée précise sur les hommes et les choses. «Il m'a accepté tel que
j'étais. La principale qualité de Chirac est d'accepter de se faire engueuler.» Pas commode, le camarade, exigeant,
mais tellement entraînant... «J'ai la religion du résultat.» C'est du Villepin dans le texte, mais voilà au moins un point qu'il
partage avec Nicolas Sarkozy. Il reconnaît aussi volontiers ce qui passe pour ses défauts : «Je suis passionné,
autoritaire, j'aime les équipes qui marchent, où il n'y a ni trahison, ni faille, ni indiscrétion.» Cet homme qui dit préférer
«une mauvaise nouvelle à une bonne» (pour pouvoir montrer ses talents) mène sa barque à l'inverse des carrières
habituelles. Jamais élu - ce que Sarkozy lui reprochait encore récemment -, il vient «au peuple» sur le tard. Un de ses
conseillers reconnaissait récemment : «Il faut que Dominique s'éloigne de la France et se rapproche des Français.»
Certes, il a une expérience certaine de la réaction de ses concitoyens. Alain Juppé disait de lui, épaté : «Il a une
qualité étonnante, la prescience de la presse.» Tout de même, aujourd'hui que le fossé s'est creusé plus que jamais
entre la base et les gens d'en haut - cela devient une banalité de le dire -, le microcosme se demande si cet «aristo»
éclairé, épris de peinture et de littérature, écrivain et joggeur, beau gosse et beau parleur, peut réduire la fracture
sociale, objectif de Chirac lors de ses deux élections présidentielles. On attend de voir ce qui se cache sous le verbe de
l'impétrant, derrière ce panache qui a comblé les Français - et une bonne partie du reste du monde - lors de son discours
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historique à l'ONU. Il veut aller vite, façon Blitzkrieg. Normal : le Président ne peut plus attendre, il n'y a plus que vingtdeux mois jusqu'à la prochaine échéance. Restent les moyens dont il dispose alors que les caisses sont vides et que la
colère gronde. Voilà des mois qu'il réclame une accélération du rythme des réformes. Chirac s'est laissé convaincre de
suivre son cadet sur une voie étroite qui doit concilier les contraires. Le Président n'avait guère plus de choix, s'il voulait
éviter de mettre Nicolas Sarkozy en première ligne. Son pari est que l'alchimie Villepin prendra mieux dans le pays que
le libéral-sarkozysme. Un pari qui se double d'une certitude. L'homme qu'il vient de nommer pour terminer son mandat
ne le poignardera pas dans le dos. Il peut être bouillant, insolent, véhément, sûr de lui, cassant et fracassant, il sera
correct. Chirac n'aura plus le confort des charentaises façon Raffarin. Mais il chausse avec Villepin des bottes de sept
lieues qui lui permettront de faire le sprint final sans avoir à se retourner chaque seconde pour vérifier si une lame se
profile. «De toute impatience, faisons une force.» Ainsi Dominique de Villepin conclut-il son dernier livre coécrit avec
Jorge Semprun. Il a souvent montré qu'il n'aimait pas perdre son temps, notamment avec les élus : un jour, à
l'Assemblée, alors qu'il venait d'être nommé ministre de l'Intérieur, il s'étonnait qu'un de ses collègues, également
promu, réponde par des petits mots manuscrits aux félicitations des députés : « Pourquoi tu t'embêtes ? Un carton
suffit !» Il a fait quelques progrès depuis sa nomination Place Beauvau, s'assurant des fidélités dans la majorité. Mais la
politique de la main dans le dos n'est pas son fort. Il y a quelques mois, recevant un jeune secrétaire d'Etat qu'il voulait
honorer, il se lance dans une philippique et vante les mérites d'un gouvernement resserré à quinze ministres, sans
s'apercevoir que son cadet blêmissait devant la description de son avenir... On ne se change pas. Quand il déploie ses
longues jambes dans l'avion de l'ex-Glam qui l'emmène sous la neige à Lyon début février, le futur Premier ministre est
déjà en campagne... pour Matignon. «Il faut accélérer le pas pour gagner le référendum. Il faut pouvoir changer de
rythme en politique. On ne prépare pas une élection comme si de rien n'était», confie l'hôte du moment de la Place
Beauvau, entendu mais pas écouté, alors, par le Président. Les faits lui ont donné raison. La roue a tourné. Le voici
aux manettes, au défi de montrer ce qu'il sait faire dans ces situations paroxystiques qu'il affectionne. Clin d'oeil de
l'actualité : au moment précis où Dominique de Villepin était nommé Premier ministre, la biennale de Lyon présentait
sa collection d'automne au palais de Tokyo à Paris, sous le titre «C'est arrivé demain». Il y a deux ans, elle était
baptisée «Expérience dans la durée»... Quel intitulé pour 2007 ? C'est la dernière devinette en vogue.
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