la feuille de brick à la conquête du Monde

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la feuille de brick à la conquête du Monde
a
CTU
la feuille de brick à la
conquête du Monde
Depuis son industrialisation en France il y a près de 30 ans, la feuille de brick
casse la baraque ! Symbole du raffinement de la gastronomie maghrébine,
et particulièrement prisée en période de Ramadan, elle a définitivement
quitté les rayons « exotiques » pour se faire une place de choix au rayon
épicerie ou au rayon frais des grandes surfaces, au même titre que les autres
pâtes ménagères. Zoom sur un produit oriental à l’ambition internationale.
l’épopée
de la feuille de brick est ­aussi
fascinante
qu’exemplaire.
D’origine ottomane pour
certains, berbère pour d’autres, cette fine feuille
de blé croustillante change de noms et de formes
au gré de ses voyages : la brick tunisienne en forme
de demi-lune, qui lui donnera son « nom de scène »,
le bourek algérien et sa cousine turque, ­
plutôt
­rectangulaires, ou la ronde pastilla marocaine et ses
dérivés triangulaires appelés briouat... de Tanger à
Tunis en passant par Alger ses formes et ses farces
changent mais sa recette de base reste la même :
une pâte délicate, presque transparente, composée
de blé, d’eau, de sel et d’huile, à la fabrication aussi
lll
ancestrale que fastidieuse. Elle sera transformée en
feuilletés croustillants souvent salés, parfois sucrés,
farcis de poulets, d’amandes, de viandes hachés, ou
de fruits de mer, et particulièrement prisés pour les
fêtes et autres grandes occasions. La plus importante
reste incontestablement le Ramadan puisque, 86 %
des foyers français d’origine maghrébine déclarent
en acheter plus souvent pendant cette période selon
une étude du cabinet Solis, offrant ainsi à la feuille de
brick la deuxième place du podium du Ramadan, juste
derrière l’incontournable datte.
Et leurs pâtes orientales « Made in France »
s’exportent déjà dans ­
­
plusieurs pays ­
d’Europe,
convoitant ­
désormais les marchés nord-américain,
asiatique et africain. La marque ­travaille ­également
au ­développement de produits innovants, à l’image
de son tout nouveau « format ­rouleau », i­nitialement
­dédié à la grande r­ estauration, et désormais ­disponible
pour le grand public. Il s’agit d’un format de pâte
non plus circulaire mais rectangulaire, ­
offrant au
­consommateur une plus grande économie de m
­ atière
à la ­découpe.
86 % des foyers français
d’origine maghrébine
déclarent en acheter plus
souvent pendant cette
période.
Autre fabricant français à innover dans la feuille de
brick : la marque Mil Brick, qui s’enorgueillit ­
aussi
d’avoir été parmi les premières à miser sur cette
fine pâte craquante. Pour tirer son épingle du jeu,
la marque fait aujourd’hui le pari de l’originalité.
En 2015, elle a en effet lancé toute une gamme de
produits insolites : des feuilles de brick aux goûts
­
piment, ­
­
tomate-basilic, et même vanille pour les
desserts ­
! Plus récente mais tout aussi innovante,
la toute jeune marque «
­ ­
Lalla ­
Mariam » créée au
deuxième trimestre 2015 par ­
­
Mohamed Nakach,
conseillé par Nassim Chekhab, Consultant en ­Islamic
business, a ­pourtant déjà tout d’une grande. En ­effet
cette nouvelle ­venue souhaite se distinguer en ­faisant
dans « l’ethnique éthique », proposant un produit
certifié halal et 100 % ­naturel, garanti sans ­additifs
ni ­
conservateurs, qui de plus se veut très proche
gustativement de la feuille de brick maison. Une
­
formule élaborée après une étude de faisabilité, et
la concertation d’un p
­ anel de c­onsommatrices pour
trouver la c­omposition la plus proche de la r­ecette
traditionnelle. Après le « grand oral » du R
­ amadan
2015, qui fut réussi, la marque qui est pour l’instant
distribuée dans les commerces orientaux des régions
parisiennes, lyonnaises et ­grenobloises, vise à moyen
terme la grande ­
distribution, et ambitionne de
­s’exporter à l’échelle européenne. Et « Lalla Mariam »
ne s’arrête pas là, car la jeune entreprise voit déjà son
avenir en Bio...
Ça, c’est pour la tradition. Car depuis son
­industrialisation en France, la feuille de brick a peu
à peu gagné ses lettres de noblesse, passant de rare
et exotique à tendance et gastronomique, comme
nous l’explique Michael Castro, Directeur Général
de la marque Sofrabrick, l’une des pionnières de la
feuille de brick en France depuis sa création en 1989 :
« Mes parents, originaires de Tunisie, ont fait p
­ artie de
l’aventure dès la création de la marque, qui s­ ’appelait
à l’époque France Brick. Puis ils l’ont racheté aux deux
fondateurs : Joe et Roger, dont ils laissèrent les initiales
JR sur le logo, en leur hommage. A l’époque c’était
un produit exclusivement maghrébin et fait-maison
qui se vendait uniquement sur les trottoirs à Barbès ».
Il aura fallu beaucoup d’audace pour parier sur son
­industrialisation, en misant sur un marché à l’époque
de niche. Mais l’audace sera vite couronnée de chance
lorsque l’enseigne Métro décide de développer une
gamme de produits destinée aux Chefs cuisiniers.
« Les Chefs français se sont très vite appropriés la
feuille de brick, et c’est grâce à eux que le grand p
­ ublic
l’a découverte, et a fini par l’adopter à son tour » nous
explique Michael Castro.
Ce dernier ne renie pas pour autant le marché ­initial
de la marque, qui reste aujourd’hui encore son cœur
de cible, à savoir les foyers d’origine maghrébine,
puisque 30 à 35 % du chiffre d’affaire de ­l’entreprise
est réalisé sur une période de 6 à 8 semaines ­autour du
mois de Ramadan ! Loin de s­ ’endormir sur ses l­ auriers,
Sofrabrick s’est également lancé dans la ­fabrication
de produits voisins tels que la pâte filo ou les kadaifs
ou cheveux d’ange.
ras el hanout
Un marché en plein essor, un grand public conquis
et des nouvelles parts de marché en France et à
­l’international... La success story de la feuille de brick
ne va pas sans rappeler celle de sa grande cousine la
semoule de couscous. Aussi légère soit-elle, la feuille
de brick compte bien peser dans un marché des
­produits orientaux et/ou halal en pleine mutation.