Aumilieudesvestigesdel`Histoire

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Aumilieudesvestigesdel`Histoire
Voyages
Le Temps l Mercredi 27 mars 2013
Le village de Corleone. Le clan des «Corleonesi» jouerait toujours un rôle central dans les affaires de Cosa Nostra, malgré les arrestations à répétition dont il est la cible depuis plusieurs années.
SICILE
Levoyage
anti-mafia
C’
est un village fier,
que l’on découvre pourtant accroupi dans l’hiver bourru d’un
haut plateau. Un
gros bourg agricole perché, grelottant sous une pluie battante et
le brouillard de février. C’est aussi
un nom qui chante et pourtant un
mot qui effraie: Corleone est le fief
historique de Cosa Nostra, la mafia sicilienne. La «Pieuvre». La
mère du crime organisé à grande
échelle. C’est là, à 58 km de Palerme, au bout de la nationale 118
qui serpente dans la montagne,
que la petite ville de province se
serre au pied d’une paroi, sous un
crucifix géant. Sauvage, hostile,
reculée. Dix mille habitants, 100
églises et les plus grands noms des
tueurs et parrains de «l’honorable
société».
Le contraire d’une Sicile de
carte postale. Pas d’île noyée sous
une chaleur qui s’évapore comme
un mirage au-dessus du bleu de la
Méditerranée. En cette saison, le
soleil est en villégiature dans l’hémisphère Sud. On le verra en coup
de vent. Pas le village pittoresque
fantasmé du film Le Parrain non
plus, qui fait croire à une société
d’entraide musclée, inventée par
des paysans fiers, au milieu de paisibles champs d’oliviers et d’agrumes. Nous sommes à Corleone,
sur la plus grande île de Méditerranée, pour un circuit de tourisme
organisé par Addiopizzo Travel,
un tour-opérateur créé par les bénévoles de l’association anti-racket Addiopizzo (dont le relais en
Au milieu des vestiges de l’Histoire, sur une terre fière et
éblouissante rongée par une criminalité omniprésente.
De Corleone à Palerme en passant par les champs
d’orangers et les trésors de la plus grande île
de Méditerranée, excursion touristique sur les traces
de Cosa Nostra en compagnie de ceux qui luttent
de façon concrète contre la mafia.
Par Pierre Chambonnet
Suisse est Planet Positive Action,
p. 15). Etape d’un voyage responsable et tourisme anti-mafia, pour
découvrir la réalité du crime organisé en Sicile et le combat en faveur de la légalité lancé par une
poignée de jeunes Palermitains
déterminés et courageux.
Oubliez «Don Vito» en smoking, le parrain flamboyant, sociable et protecteur du film de Coppola. Dans la réalité, le patron du
crime organisé se nomme il capo
dei capi («le chef des chefs») et plus
communément «le boss». Il règne
sur une organisation dont l’omniprésence a pris ces dernières années une allure sournoise, loin des
années de plomb, la période des
assassinats massifs, entre les années 70 et 90. Le dernier boss d’envergure – Bernardo Provenzano –
a été arrêté en 2006 à 3 km du
centre de Corleone.
Ce petit paysan trapu vivait seul
et reclus les dernières années de sa
cavale. Une Bible et un manuel
d’investigation anti-mafia sur sa
table de chevet, une soupe de chicorée fumante sur le fourneau. Le
boss passait dix heures par jour à
taper à la machine puis à plier de
petits morceaux de papier – les
pizzini –, avant de les expédier
pour faire exécuter ses ordres. Une
manière d’irriguer par le crime organisé les vaisseaux de la société
sicilienne, un corps social dans lequel la mafia propage les métastases d’un cancer jusque dans ses
plus petites ramifications.
Le poison et son antidote. Corleone est un symbole à double titre. C’est le berceau de la mafia,
mais aussi celui de la lutte antimafia. 1906, dans une Sicile encore féodale, les grands propriétaires terriens font gérer leurs
terres par les campieri, des hommes de main violents et cruels.
Des paysans se regroupent à l’initiative de Bernardino Verro, pour
contrer la mafia naissante. Devenu maire de Corleone par la
suite, Verro sera assassiné en
1915. Un siècle plus tard, Addiopizzo Travel fait visiter, entre
autres, à Corleone un bien confisqué à Cosa Nostra: la maison du
frère de Bernardo Provenzano, où
une très belle exposition de tableaux retrace un siècle de lutte
anti-mafia.
Un peuple sans dignité
Eté 2004, cette fois dans la chaleur
étouffante de Palerme. Le centre
de la ville est couvert d’autocollants «Un peuple entier qui paie le
pizzo est un peuple sans dignité».
A l’origine de cette campagne d’affichage sauvage: un groupe
d’amis, des étudiants décidés à
ouvrir un pub, et révoltés contre
l’idée de devoir payer le pizzo,
l’«impôt» mafieux. Ces jeunes activistes sont issus de la génération
qui a grandi au milieu des massacres institués par la mafia pour
asseoir et consolider son pouvoir.
Une période de terreur traumati-
sante qui aboutira en 1992 aux
assassinats spectaculaires des juges anti-mafia Falcone et Borsellino, et qui, décidant l’Etat à réagir, marque un changement d’ère.
Dorénavant, les activités criminelles de la mafia seront moins
sanglantes, mais toujours aussi
étendues, notamment grâce aux
collusions avec le pouvoir. «Nous
en avions marre qu’on parle de
mafia uniquement de façon abstraite, dit Chiara Utro, qui a rejoint Addiopizzo en 2006. Cette
énergique étudiante en Histoire
de l’art de 29 ans s’occupe bénévolement aujourd’hui d’Addiopizzo
Travel, la branche de l’association
dédiée au tourisme anti-mafia. Il
fallait une mobilisation en faveur
d’une action concrète.»
L’association
parvient
à
convaincre quelques commerçants de Palerme de refuser le racket, voire de dénoncer les mafieux
qui réclament le pizzo. Ils sont
aujourd’hui près de 800, commerçants et entrepreneurs de Palerme
et des environs, à avoir osé dire
non, et recensés sur une liste officielle. «Cela reste une goutte d’eau
à l’échelle du crime en Sicile, sans
parler des activités internationales de la mafia, relativise l’étudiante qui affiche pourtant une
détermination sans faille. Mais
c’est un début, et changer les mentalités en faveur de la légalité ne
peut pas se faire en un clin d’œil.»
Changer les mentalités. C’est
pourtant bien ce qui arrive,
comme dans ce petit village des
> Suite en page 14
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PIERRE CHAMBONNET
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Le Temps l Mercredi 27 mars 2013
PHOTOS: PIERRE CHAMBONNET
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> Suite de la page 13
environs de Palerme. Caccamo, un
bourg lui aussi posé dans la montagne, à 45 minutes de la capitale.
Avec leurs amis, les membres
d’Addiopizzo se sont relayés pendant des mois dans le bar de la
famille Scimeca pour aider cette
dernière à poursuivre l’activité de
son commerce. Par crainte de représailles, les habitants du village
avaient déserté l’endroit après le
refus des tenanciers de se soumettre à la mafia. Intimidations en
tout genre, procès. La détermination et la solidarité des membres
d’Addiopizzo auront finalement
eu raison du crime et de la peur.
Au cours de notre voyage antimafia, nous serons hébergés dans
un B&B «pizzofree», et nous ne
prendrons nos repas que dans des
restaurants qui refusent eux aussi
le racket. En plus des lieux symboliques pléthoriques liés à la lutte
anti-mafia, nous verrons également quelques trésors du patrimoine architectural et historique
de l’île, une partie intégrante des
séjours Addiopizzo Travel, qui
sont organisés à la carte, de la demi-journée dans Palerme jusqu’à
la semaine sur différents sites de
l’île. Notamment des fermes
d’agrotourisme (repas traditionnels somptueux au milieu de
champs d’orangers et d’amandiers en fleurs) sur des terres qui
résistent ou directement confisquées à la mafia.
Chiara Utro se charge de la visite, en compagnie de Silvio Bologna, un autre membre d’Addiopizzo. Vingt-huit ans, un regard
de myope et une connaissance encyclopédique de l’histoire politique et intellectuelle de l’Italie.
L’étudiant en droit, comme sa collègue, est parfaitement francophone, amoureux et fier de son
pays, curieux, engagé, courageux.
Et optimiste, malgré cette lutte de
David de la légalité contre le Goliath du crime. Par leur combat,
les membres d’Addiopizzo redonnent à l’engagement politique ses
lettres de noblesse. Impossible de
recenser toutes leurs activités qui
vont du soutien aux commerçants
qui dénoncent les mafieux aux vi-
sites guidées du tourisme antimafia, en passant par la sensibilisation à la légalité dans les
écoles, etc. Le tout bénévolement,
en plus de leur travail pour financer leurs études. L’idée générale?
En luttant contre la mafia, faire de
la légalité le cheval de bataille
d’une action citoyenne responsable, dans tous les domaines.
La famille et les amis
A Palerme, le tour anti-mafia débute devant le Teatro Massimo, un
colossal édifice néoclassique que
l’on voit dans Le Parrain III. Un
double symbole lui aussi car il
permet d’expliquer que la mafia
n’est pas celle du film de Coppola,
et que les subventions destinées à
sa restauration, après avoir été détournées pendant une vingtaine
d’années par Cosa Nostra, ont fini
par être récupérées.
La ville est sale, désordonnée,
pleine de caractère, déroutante.
On ne peut que l’aimer. Le temps y
a abrasé chaque pierre, dans un
dédale de rues chargées d’Histoire
et d’églises, d’orgueil et de souffrances.
Dans la plupart des quartiers, il
n’y a plus que les affiches électorales de candidats gominés tout
sourire et qui promettent un avenir radieux à la Sicile pour tenir les
façades croulantes des immeubles. Celle d’un candidat à un scrutin régional, sourire en coin, fait
directement référence «à la famille et aux amis». Autrement dit,
la mafia. La «Pieuvre» achète partout les votes, comme dans ce
quartier en ruine recouvert ce
jour-là par le sable africain du sirocco, Danissini, l’un des plus pauvres de la ville. Et l’un des plus
gangrenés par la mafia.
A deux pas du marché di Capo,
on visite la partie arabo-normande de la ville qui a inspiré le
livre Beati Paoli, paru en 1909, sur
une société secrète qui protégeait
les pauvres de la violence des riches. Une invention littéraire dans
un cadre réaliste, que la mafia utilise pour convaincre de son action
prétendument bienfaitrice.
A part les résistants d’Addiopizzo, tout le monde sans exception paie le pizzo. Y compris le pro-
priétaire de ce vieux triporteur
turquoise à la peinture écaillée et
à l’âge canonique, à l’angle de
deux rues, et chargé de brocolis
vendus 90 centimes d’euro pièce.
Sans doute une dizaine d’euros
par mois dans les poches de la mafia. Personne n’échappe au racket.
Le temps d’avaler des spaghettis
à l’encre de seiche dans une Foccaceria qui affiche l’autocollant Addiopizzo à l’entrée, nous sommes
devant le Palais de Justice. Coup de
chance: la fin d’une audience d’un
procès anti-mafia. La voix éraillée
par le tabac sans filtre et les plaidoiries que l’on devine de la même
facture, Valerio D’Antoni est associé dans un cabinet et membre
d’Addiopizzo: «Les choses peuvent
changer, lance ce jeune avocat
d’une trentaine d’années au sortir
du tribunal. Je représente en ce
moment un ancien mafieux reconverti qui aujourd’hui dénonce
avec ses fils les crimes de la mafia.
Cinq personnes ont pu être arrêtées grâce à lui, dont quatre qui
viennent d’être condamnées à des
peines de 4 à 7 ans de prison ferme
pour extorsion.»
Quelques mètres plus loin, un
homme aux cheveux poivre et sel
fait nerveusement les cent pas. Regard doux dans un visage tendu.
C’est Enrico Colajanni, le président de Libero Futuro, la première
association anti-racket, créée par
Addiopizzo. Elle vise à aider les
commerçants tout au long de la
procédure de dénonciation du
racket, dans les démarches légales
elle offre aussi un soutien psychologique et financier. Deux personnes sont actuellement suivies.
Enrico Colajanni vient pour la
première fois de témoigner dans
un procès, en présence des accusés. «J’ai expliqué la philosophie
de notre association et qu’il était
possible pour un ancien mafieux
de s’impliquer dans une action légale. Le plus important est de dire
que ceux qui défient la mafia ne
sont pas isolés. L’action collective
est notre force. Addiopizzo est
très connue aujourd’hui et d’une
certaine manière protégée par sa
notoriété. Si la mafia veut s’en
prendre à quelqu’un elle y réfléchit à deux fois.»
De gauche à droite:
Le Christ Pantocrator
de la cathédrale de Monreale,
une des plus célèbres mosaïques byzantines du monde.
Une manchette de l’édition
palermitaine de la Reppublica
portant sur une enquête sur
les collusions entre mafia et
politique et sur un meurtre.
La façade principale du Teatro
Massimo Vittorio Emanuele
à Palerme, le plus grand
bâtiment de théâtre d’Italie.
Dans la ville qui frissonne et
désespère du printemps et de la
chaleur mordante de l’été, on est
frappé par le nombre de monuments et de sites liés à la lutte
anti-mafia. Et par la présence diffuse, sans violence visible, de Cosa
Nostra, qu’on sent partout. Et pas
uniquement à cause des manchettes de journaux, qui parlent de la
violence du crime organisé, une
violence qui ne concerne
d’ailleurs plus aujourd’hui que les
règlements de comptes entre
clans rivaux.
«Tout le monde doit savoir»
On quitte à nouveau la capitale.
Direction cette fois Cinisi, la commune sur laquelle a été bâti en
1960 l’aéroport de Palerme.
«C’est bizarre, l’autoroute zigzague
beaucoup sur cette plaine côtière
pourtant sans obstacle naturel»,
fais-je remarquer. «C’est «normal»,
répondent mes guides. Elle a été
construite selon un tracé qui contourne les propriétés de mafieux…» Fief de la puissante famille
Badalamenti, Cinisi a été «choisie»
pour la construction de l’aéroport
sur un site naturel extrêmement
dangereux pour le décollage et
l’atterrissage des avions, dans un
couloir naturel pour les vents,
coincé entre mer et montagne. La
mafia a obtenu la construction de
l’aéroport sur ses terres grâce à la
corruption, pour avoir un accès
privilégié à cette nouvelle plateforme d’export de la drogue…
C’est également sur cette autoroute que l’on passe entre deux immenses stèles: un monument en
hommage à Giovanni Falcone, à
l’endroit où, le 23 mai 1992, 500kg
d’explosifs creusaient un cratère
géant dans le bitume, pulvérisant
le cortège du juge anti-mafia.
Une maison banale du centre
de Cinisi, à la tombée de la nuit.
Assis sur une chaise en plastique
entre des murs couverts d’affiches
et de photos jaunies, Giovanni
Impastato devise avec une quinzaine d’enfants. Dans la maison
de famille reconvertie en lieu de
mémoire, il reçoit presque quotidiennement des élèves de toutes
les écoles d’Italie, à qui il raconte
inlassablement la vie et le combat
de son frère Peppino, un célèbre
activiste anti-mafia assassiné en
1978, dont le combat a été reconnu par la justice seulement en
2001.
«La porte est toujours ouverte
ici, tout le monde doit pouvoir savoir», dit l’homme qui consacre
bénévolement tout son temps à la
lutte anti-mafia, sans pour autant
craindre pour sa sécurité. Le commerce que gère sa femme a pourtant été brûlé en partie l’an dernier
par la mafia. «Avec les enfants
j’aborde les thématiques liées à la
famille, à l’honneur, à la violence, à
la légalité et à l’antifascisme. Et
mon discours suscite parfois des
vocations, se réjouit-il. J’ai parlé
une fois à un garçon qui est devenu un juge célèbre à Milan. Une
fois à une fille devenue journaliste
à La Stampa. Tout ceci grâce au
combat de Peppino contre la mafia et à son engagement politique.»
«Intéresser les jeunes à la légalité et à l’engagement est pourtant
une gageure, dans un pays où la
jeunesse hyperconnectée et gavée
de télévision, la génération Berlusconi, a perdu l’habitude de
s’engager et même de réfléchir»,
se désole Silvio Bologna. Et le
membre d’Addiopizzo qui est
aussi notre guide de fustiger le
Cavaliere et sa roublardise: «Un
modèle ici, où l’idée de tricher
avec l’Etat est tellement banale…»
La «Pieuvre» et le goupillon
L’attitude est lasse, le regard triste.
Impossible de le rater. Nous sommes cette fois face à un très vieux
Sicilien, sur les hauteurs de Palerme. Monreale, dans un matin
de pluie. Dans sa main, une table
Voyages
Le Temps l Mercredi 27 mars 2013
celui des différents chefs mafieux
de la ville…
Mais plus grave encore que les
liens avec l’Eglise, ceux avec l’Etat.
La mafia occupe en Sicile le terrain
abandonné par un pouvoir public
défaillant, désengagé, quand il
n’est pas directement lié au crime
organisé. La mafia est un problème global qui dépasse très largement la criminalité telle qu’on
peut la lire dans les manchettes
des journaux ou la fantasmer
dans les films de gangsters américains. Il s’agit d’un problème bien
plus vaste qui touche à l’éducation, la santé, l’économie, la politique dans son ensemble, celle qui
manque le plus cruellement à ce
bout d’Europe du Sud loin de tout.
L’activité politique doit être reconnectée à la réalité. Il ne suffit
pas de promulguer des lois antimafia et de proclamer des
condamnations éditoriales de
principe. Il faut une action politique concrète, courageuse et tenace. Et prendre en compte les besoins d’un peuple qui souffre de la
crise, là où l’Etat, défaillant et invisible, laisse un vide dans lequel la
mafia plonge ses racines, pour développer un cancer sans commune mesure, qui déborde les
frontières. Les activités criminelles de la mafia nous concernent
tous. Le problème de la criminalité est notre problème. La lutte
contre Cosa Nostra notre cause.
Planet Positive Action
> Un portail
de voyages pas
comme les autres
DR
des lois, comme pour rappeler à
ceux qui prennent la peine de le
regarder et de réfléchir que l’on
n’est rien sans règles et le respect
qu’elles impliquent. Nous sommes face à l’une des plus belles
mosaïques du monde de l’art byzantin. Le Christ Pantocrator de la
cathédrale arabo-normande située 8 km à l’ouest de Palerme.
C’est là que Mgr Michele Pennisi, le nouvel évêque, a refusé il y
a cinq ans de célébrer les funérailles d’un puissant boss de Cosa
Nostra. Une attitude inhabituelle
dans un diocèse où existaient jusque-là de fortes collusions entre
l’Eglise et la mafia. Jusqu’à la prise
de position contre elle du pape
Jean Paul II à Agrigente en 1992
après les assassinats des juges Falcone et Borsellino, l’Eglise a toujours entretenu un silence pudique sur les activités de la
«Pieuvre». Un silence surtout coupable, dans un pays où la mafia a
toujours précisément utilisé le
sentiment religieux pour légitimer son action. Le code de comportement de Cosa Nostra, à l’origine, se base entre autres sur des
préceptes catholiques. Et la confusion des genres va loin: souvent,
les boss, que l’on voit tous les dimanches à l’église et dans les fêtes
patronales, utilisent des images
pieuses pour transmette leurs ordres, notamment les meurtres.
Autre signe positif de changement: le maire de Palerme a demandé l’an dernier aux membres
d’Addiopizzo de tirer le char durant la procession consacrée à
sainte Rosalie, la patronne de la
ville. Jusque-là, ce privilège était
www.addiopizzo.org
www.addiopizzotravel.it
>> Les images du reportage
sur www.letemps.ch/lifestyle
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Voici la nouvelle
attraction de Singapour.
En qualité de représentant de la Suisse, SWISS assure des liaisons directes vers 70 destinations
dans le monde entier et dès le 12 mai 2013 vers Singapour également. Service personnalisé,
cuisine régionale et hospitalité suisse demeurent nos valeurs essentielles. Pour de plus amples
informations, rendez-vous sur swiss.com
Vol quotidien à destination
de Singapour dès le 12 mai
L’idée d’un portail de voyages éthiques est née dans l’esprit d’Isabelle
Bourgeois. Cette ex-journaliste, devenue déléguée humanitaire auprès
du CICR par conviction, réalisait une
mission temporaire en Tunisie lorsque ce dessein prit forme: offrir un
accompagnement, un cadre à des
personnes désireuses de passer des
vacances éthiques, des voyages sur
mesure «qui couplent des visites
culturelles avec des gestes utiles à la
collectivité». Permettre à des voyageurs de découvrir des ailleurs proches ou lointains, de découvrir des
paysages et des lieux culturels sublimes, de dormir dans des endroits
beaux et authentiques, tout en vivant
l’expérience humanitaire. «De donner de leur temps pendant leurs loisirs à des œuvres utiles, à une cause
qui les touche», explique-t-elle.
Ce beau désir, Isabelle Bourgeois l’a
partagé avec un ami et collègue tunisien Marouen Zaara. Il est des rêves
qu’il vaut mieux vivre à deux. Ils se
sont associés et ont fondé Planet Positive Action*. Que ce soit le Kenya, la
Namibie, le Pérou, la Tunisie, le Japon,
la Sicile (lire p. 13), ou même la
Suisse, chaque destination a été
choisie en fonction d’un but précis –
parrainer des enfants atteints du sida,
participer à la sauvegarde des girafes
et des éléphanteaux, s’embarquer
pour une mission scientifique de protection des mammifères marins, etc.
– et des partenaires sur place et qui
partageaient les valeurs éthiques de
Planet Positive Action. Les deux associés ont ouvert le chemin, ils ont
exploré chaque destination afin de
rencontrer leurs partenaires, dont
Addiopizzo Travel, de visiter les associations humanitaires et les fondations impliquées dans les voyages.
«Tous ces voyages ont été conçus au
fil de la magie des rencontres», souligne Isabelle Bourgeois. Son rêve à
elle, c’est de promouvoir les échanges entre les différentes cultures, les
différentes générations, «pour jeter
des passerelles de tolérance». Elle
souligne aussi très joliment «qu’en
donnant, son temps, on reçoit
aussi». Goûter à la joie de donner et
de recevoir. Beau programme…
Isabelle Cerboneschi
www.planetpositiveaction.com
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