La décomposition de l`indice de Gini - lameta
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La décomposition de l`indice de Gini - lameta
http://www.lameta.univ-montp1.fr/online/gini.html : Décomposition de l’indicateur de Gini et des mesures dérivées de l’entropie Stéphane Mussard1, Françoise Seyte et Michel Terraza LAMETA, Faculté des Sciences Economiques Avenue de la Mer - BP 9606 - 34054 Montpellier Cedex 1 - France Tel : 04.67.15.83.67 1 [email protected] 1 http://www.lameta.univ-montp1.fr/online/gini.html : Décomposition de l’indicateur de Gini et des mesures dérivées de l’entropie Résumé La décomposition de l’indice de Gini proposée par Camilo Dagum permet la désagrégation de l’inégalité totale en trois composantes. La première représente la contribution à l’inégalité totale des inégalités à l’intérieur de chaque groupe d’une population ; la deuxième, la contribution à l’inégalité totale des inégalités nettes entre chaque paire de groupes qui prévaut au sein de la population mère ; et la dernière, la contribution de l’intensité de la transvariation entre les groupes, autrement dit, la contribution à l’inégalité totale des inégalités intergroupes dérivées du chevauchement entre les distributions. Cette séparabilité additive en trois éléments n’est pas intégrée à l’ensemble des mesures décomposables. En effet, les mesures dérivées de la loi de l’entropie de Theil, Hirschman-Herfindahl et Bourguignon autorisent uniquement une décomposition en deux parties : la contribution des inégalités intragroupes et la contribution des inégalités intergroupes à l’inégalité totale. Il est donc intéressant de mettre en évidence les propriétés de chacun des ces indicateurs afin de montrer leurs complémentarités et leurs oppositions. Ce travail présente de manière théorique la décomposition de l’indicateur de Gini et des indices dérivés de l’entropie, et explique l’utilisation du logiciel informatique mis à la disposition du public : http://www.lameta.univ-montp1.fr/online/gini.html, avec un exemple d’application. Classification JEL : C10, D63, D31 Mots clés : Bourguignon, Dagum, Décomposition, Gini, Hirschman-Herfindahl, Inégalités, Programme informatique, Theil 2 1. Introduction Les travaux précurseurs de S-C Kolm ont permis de fonder le domaine théorique des inégalités en économie. Theil (1967), Bourguignon (1979) et Shorrocks (1980) ont par la suite ouvert la voie à la construction des mesures d’inégalité vérifiant la propriété de décomposabilité. En 1967, Theil introduit un nouvel indicateur d’inégalité de revenu dérivé par analogie de la seconde loi de thermodynamique, la loi de l’Entropie. Celle-ci mesure le désordre d’un système thermodynamique, en offrant la possibilité d’évaluer la contribution des inégalités intergroupes et intragroupes à l’inégalité totale. L’entropie est l’information espérée dans une distribution à laquelle est associée une probabilité. Theil effectue une transposition en remplaçant l’idée de probabilité par les parts de revenu de chaque souspopulation calculées à partir du revenu total de la population mère. Parallèlement, Bhattacharya et Mahalanobis (1967) proposent la décomposition de l’indice de Gini appliquée à la consommation des ménages en Inde par région et désagrégée en population kurde et non kurde. Cette approche définit la contribution des inégalités intragroupes (Iw) à l’inégalité totale comme un résidu, c’est-à-dire provenant de la différence entre l’inégalité totale (I) et la contribution des inégalités intergroupes (Ib) : I - Ib. A titre d’information, selon Theil, Ib est l’inégalité entre les moyennes de revenu des souspopulations, tandis que Bhattacharya et Mahalanobis ont introduit Ib comme une hypothèse de base, représentant l’indice de Gini entre les moyennes des revenus. La composante Ib ne pouvant représenter pertinemment la contribution de l’inégalité de revenu intergroupe à l’inégalité globale, Silber (1989) et Dagum (1997a, 1997b) présentent des coefficients de Gini désagrégés en contributions distinctes et définies de l’inégalité totale. Shorrocks (1980), Lerman et Yitzhaki (1985) et Silber (1989, 1993) ont inséré dans le domaine des mesures décomposables la séparabilité de l’inégalité globale en sources de revenu. Dès lors, l’inégalité totale n’est plus décomposée en souspopulations mais morcelée en plusieurs parties expliquant l’importance des facteurs qui composent les revenus individuels : salaires nets, primes, prestations sociales… Le présent document s’intéresse à la décomposition des mesures d’inégalité en sous-groupes. Dagum (1997a, 1997b) présente une synthèse de plusieurs indicateurs d’inégalité décomposés en souspopulations et offre une nouvelle décomposition du coefficient de Gini en le dotant de trois éléments fondamentaux : 3 - (i) Gw la contribution des inégalités intragroupes à l’inégalité totale (G) ; - (ii) Gb la contribution nette de l’inégalité intergroupe à l’inégalité totale, prenant en compte les différences de moyenne, de variance et d’asymétrie entre les paires des différents groupes ; - (iii) et Gt qui représente l’intensité de la transvariation entre les distributions de revenu considérées. Le programme informatique que nous proposons sur le site : http://www.lameta.univmontp1.fr/online/gini.html, permet de calculer ces trois composantes et de les comparer aux résultats obtenus avec les trois indices dérivés de la loi de l’entropie, Theil, Hirschman-Herfindahl et Bourguignon, décomposables en un élément intragroupe et un élément intergroupe. L’exposé théorique de ces mesures d’inégalité séparables additivement et la mise à disposition du programme informatique autorisent la comparaison de ces trois indices avec celui de Gini et la découverte des groupes générateurs de disparités ou les groupes les plus enclins à subir ces inégalités de revenu. L’objectif de notre travail est de fournir une explication théorique des mesures décomposées de Gini, Theil, Hirschman-Herfindahl et Bourguignon, et de faciliter l’utilisation du programme informatique relatif à la décomposition. L’organisation du document est la suivante. La section 2 expose la décomposition du coefficient de Gini et des indicateurs dérivés de l’entropie. La section 3 explique comment obtenir et utiliser rapidement le programme de la décomposition des quatre mesures d’inégalité. Nous proposons dans la section 4 un exemple d’application sur les salaires français. Nous terminons par une conclusion brève sur l’apport des méthodes de décomposition et la comparaison de ces mesures d’inégalité de revenu désagrégées. 2. La décomposition de l’indicateur de Gini et des indices dérivés de l’entropie L’utilisation des mesures d’inégalité décomposées concerne une population mère Q, où prévalent n unités de revenu : yi (i = 1,…, n), partitionnée en k souspopulations Qj (j=1,…,k) où le jème groupe est de taille nj, de fonction de répartition Fj(y) et de moyenne µj. On note F(y) et µ, respectivement, la fonction de répartition et la moyenne 4 mesurées sur Q. Afin de faire apparaître les revenus des k souspopulations, le vecteur de revenu sur Q s’écrit : (y 1 , y i, ..., y n ) = ((y 11 , ..., y 1 n ),...,(y ji , ..., y jn ), ..., (y k 1 , ..., y kn )) . 1 j k (1) 2.1. La décomposition de l’indice de Gini A partir du vecteur des revenus (1) l’indice de Gini (G) est calculé pour analyser les disparités de revenu à l’intérieur de la population. Lorsque l’indicateur tend vers 1, la répartition des revenus est inégalitaire et quand G tend vers 0 la répartition des revenus est égalitaire. Le coefficient de Gini mesuré sur Q est donné par : n n ∑∑ y - y i G= r i =1 r =1 (2) . 2n²µ Il peut être calculé à l’intérieur d’une souspopulation Qj (indice de Gini intragroupe) : nj nj ∑∑ y - y i Gjj = r i =1 r =1 2nj²µj (3) . La différence moyenne des revenus ∆jh est une généralisation de la différence moyenne de Gini (Dagum (1980)). Elle représente la moyenne des valeurs absolues des différences de revenu des nj×nh combinaisons binaires des individus appartenant à Qj et Qh : n j nh ∆jh = ∑∑ y i =1 r =1 ji - y hr nj nh (4) . Elle permet de calculer le coefficient de Gini intergroupe (Dagum (1987)). Celui-ci quantifie les inégalités de revenu entre deux souspopulations. Par définition, il mesure la différence de revenu espérée entre un individu tiré au hasard de la souspopulation j et un individu tiré au hasard de la souspopulation h. Il s’exprime sous la forme : Gjh = ∆jh , ∀ j,h = 1, ...,k . µj + µh (5) Lorsque les groupes Qj et Qh sont de même taille et distribués de manière identique, l’indice de Gini intergroupe est égal à l’indice de Gini intragroupe mesuré sur Qj ou Qh : Gjj = Ghh = ∆jj , j = h = 1, ...,k . 2µ j (6) Il faut aussi remarquer que les indicateurs intergroupes sont symétriques : (7) Gjh = Ghj et ∆jh = ∆hj . 5 La différence moyenne de Gini ∆jh mesurée entre les souspopulations Qj et Qh peut se réécrire à partir de deux éléments : - le premier est la richesse économique brute djh. Il s’agit d’une moyenne pondérée des différences de revenu yji - yhr pour chaque revenu yji d’un membre de Qj supérieur au revenu yhr d’un membre de Qh, étant donné que le groupe Qj est en moyenne plus riche que le groupe Qh. La richesse économique brute se formule de la manière suivante : ∞ y 0 0 (8) djh = ∫ dFj(y) ∫(y - x)dFh (x) . - Le deuxième concept est le moment d’ordre 1 de transvariation pjh entre la jème et la hème souspopulation avec µj > µh . Il s’agit de la moyenne pondérée des différences de revenu yhr – yji pour chaque revenu yhr d’un membre de Qh plus important que yji d’un membre de Qj. L’expression transvariation (Gini (1916), Dagum (1959, 1960, 1961)) vient du fait que les différences de revenu considérées sont de signes opposées à la différence des moyennes de leur sous-groupe correspondant. Elle est définie par : ∞ y 0 0 (9) pjh = ∫ dFh(y) ∫(y - x) dFj (x) . Ces deux éléments sont liés par la relation (10) suivante : (10) djh + pjh = ∆jh . On démontre que lorsque deux distributions ne se chevauchent pas, le moment d’ordre 1 de transvariation est nul : pjh = 0 ⇒ djh = ∆jh. Aussi, lorsque la richesse économique brute est égale au moment d’ordre 1 de transvariation les moyennes des deux distributions sont égales : pjh = djh = ½ ∆jh ⇒ µj = µh. Dagum (1997a, 1997b) conclut d’après les résultats précédents que : 0 ≤ p jh ≤ 1 ∆jh ≤ d jh ≤ ∆jh . 2 (11) La richesse économique brute et le moment d’ordre 1 de transvariation permettent de définir la richesse économique nette entre les souspopulations Qj et Qh : djh - pjh ∀ µj>µh. De plus, étant donné que djh - pjh admet 0 comme origine et ∆jh comme maximum, on peut normaliser la richesse économique nette, qui devient ainsi la richesse économique relative ou encore distance économique. 6 La richesse économique relative Djh entre les souspopulations Qj et Qh est le ratio entre la richesse économique nette et son maximum ∆jh : Djh = ( djh - pjh) ( djh - pjh) . = ∆jh ( djh + pjh) (12) Djh est inclus dans l’intervalle fermé [0,1], et est un nombre sans dimension car djh, pjh et ∆jh ont la dimension du revenu. La richesse économique relative sépare les inégalités intergroupes en deux composantes : - la contribution nette à l’inégalité totale des inégalités de revenu entre les souspopulations Qj et Qh, obtenue par le produit Gjh×Djh ; - et la contribution des transvariations de revenu entre Qj et Qh, obtenue par Gjh×(1-Djh). L’addition de ces deux produits mesure de manière brute les inégalités de revenu entre deux souspopulations Qj et Qh. La décomposition du coefficient de Gini, proposée par Dagum (1997a, 1997b) est séparable en trois éléments. Ce sont des contributions distinctes de l’inégalité globale mesurée sur la population mère Q. Dagum (1997b) montre que l’indice de Gini total calculé sur Q s’écrit différemment de l’équation (2) : k G= k nj nh ∑∑∑∑ y j =1 h =1 i =1 r =1 ji - y hr 2n²µ (13) . Cette expression fait apparaître les différences de revenu intragroupes et intergroupes. Les caractéristiques des sous-groupes sont très importantes dans la mesure où elles vont être décisives dans l’évaluation de la contribution de chaque groupe à l’inégalité totale. Ces spécificités sont notamment le pourcentage d’individu appartenant au groupe j dans la population mère (pj) et le pourcentage de son revenu total dans le revenu global de la population Q (sj) : nj µ j . pj = nj , sj = nµ n (14) D’après les pondérations de l’équation (14), l’indice de Gini calculé sur Q devient : (15) G = p' Φ s . Dans l’équation (15), Φ est une matrice symétrique k×k où les éléments sont les indices de Gini intergroupes (Gjh) entre l’ensemble des paires de souspopulations Qj et Qh formées à partir des k sous-groupes. Les éléments de Φ situés sur la diagonale principale sont les indices de Gini intragroupes : Gjj (de 1 à k). Les vecteurs p et s sont 7 les proportions de population et de revenu des k souspopulations (dont les éléments sont respectivement les pj et sj). En développant l’équation (15), on met en évidence, de manière additive, les termes de la matrice Φ : k k j-1 (16) G = ∑Gjj pj sj + ∑∑Gjh (pj sh + ph sj) . j =1 j = 2 h =1 L’équation (16) est constituée de deux sommes. La première indique la contribution des inégalités à l’intérieur des k sous-groupes. La deuxième composante, la double somme, est la contribution des inégalités entre les C 2k paires de souspopulation. Elle représente les inégalités intergroupes brutes : k j-1 (17) Ggb = Gb + Gt = ∑∑Gjh (pj sh + ph sj) . j = 2 h =1 Cette dernière peut offrir davantage d’explication. En effet, en multipliant la contribution des inégalités intergroupes par Djh puis par 1-Djh (soit au total par 1), nous pouvons distinguer les inégalités intergroupes nettes des inégalités intergroupes de transvariation : k k j-1 G = ∑Gjj pj sj + ∑∑Gjh Djh(pj sh + ph sj) + j =1 j = 2 h =1 k j-1 ∑∑G jh (1 - Djh)(pj sh + ph sj) . (18) j = 2 h =1 La contribution des inégalités de revenu inhérentes à l’intensité de la transvariation, k j-1 Gt = ∑∑Gjh (1 - Djh)(pj sh + ph sj) , (19) j = 2 h =1 permet de mesurer le poids des inégalités intergroupes issues du chevauchement des distributions. Il s’agit d’inégalités particulières. En effet, le chevauchement signifie que certains individus de la distribution la plus pauvre possèdent des revenus supérieurs aux personnes de la distribution la plus riche. L’intensité de la transvariation permet de savoir si les inégalités sont générées par les hauts revenus des souspopulations les plus pauvres. A contrario, les disparités provenant des revenus élevés des souspopulations riches sont données par la contribution nette des inégalités intergroupes à l’inégalité totale : k j-1 (20) Gb = ∑∑Gjh Djh(pj sh + ph sj) . j = 2 h =1 Il s’agit des inégalités entre les k souspopulations issues du non-chevauchement des distributions. Le dernier élément de l’équation (18) est la contribution des inégalités intragroupes à l’inégalité totale : 8 k (21) Gw = ∑Gjj pj sj . j =1 Les trois contributions de l’inégalité globale permettent d’introduire l’équation fondamentale de la décomposition de l’indicateur de Gini : (22) G = Gw + Gb + Gt , où : - Gw est la contribution des inégalités à l’intérieur des souspopulations ; - Gb est la contribution nette des inégalités entre les souspopulations ; - et Gt l’inégalité due à l’intensité de transvariation entre les souspopulations. Les inégalités sont donc partagées en contributions intragroupes et intergroupes. La partie intergroupe est conditionnée par le comportement des distributions. En effet, pour des distributions de même moyenne, la composante intergroupe est constituée uniquement des transvariations intergroupes : k k j-1 Gb = 0, Gw = ∑Gjj pj², Gt = 2∑∑Gjh pj ph ssi µ1 = ... = µk . j =1 (23) j = 2 h =1 Si les distributions sont de même moyenne et de même taille, c’est-à-dire pour des distributions identiques, on a : Djh = 0, Gb = 0, Gjh = Gjj = G = Gw = Gb = Gt = 0 . (24) En revanche, si les k distributions ne se chevauchent pas alors les distances économiques entre chaque groupe sont égales à l’unité : (25) Djh = 1 ⇔ Gt = 0 . La décomposition du coefficient de Gini permet de prendre connaissance des groupes générateurs d’inégalité et de savoir dans quelles mesures ils s’éloignent des autres souspopulations dans le souci d’atteindre une répartition plus égalitaire des revenus, préalable nécessaire à la redistribution entre les groupes. 2.2. La décomposition des indicateurs dérivés de l’entropie Les indicateurs de Theil, Bourguignon et Hirschman-Herfindahl sont issus de l’indice d’entropie généralisée. Etant donné le paramètre β compris dans l’intervalle fermé [0,1], la mesure de l’entropie généralisée se formule comme suit : Iβ = ∞ yi 1 β(β +1) ∫0 µ yi β µ - 1 dF(y) . (26) Si le vecteur de revenu fait apparaître les k souspopulations (j = 1,…,k), on a : 9 1 β(β +1)n Iβ = k yji yji nj ∑∑ µ µ j =1 i =1 β - 1 . (27) L’indicateur d’entropie généralisé pour la souspopulation j est : 1 β(β + 1 )nj Iβwj = β yji yji - 1 . ∑ i =1 µj µj nj (28) A partir de l’équation (27), il est possible d’obtenir le premier élément de la décomposition de l’indicateur d’entropie généralisée, la contribution des inégalités intragroupes à l’inégalité totale : β njµj µj Iβwj . j =1 nµ µ k Iβw = ∑ (29) Iβw est une somme pondérée de l’indice d’entropie à l’intérieur de chaque souspopulation : (Iβwj : j = 1,…, k) où les poids sont (njµj/nµ)(µj/µ)β. Le deuxième élément de la décomposition de l’indice d’entropie généralisée est la contribution des inégalités intergroupes à l’inégalité totale : Iβb = β k nj µj µj - 1 . 1 ∑ β(β +1) j =1 n µ µ (30) L’équation (30) représente la partie intergroupe de l’inégalité totale, pondérée par la moyenne relative de chaque groupe µj/µ, et pondérée par la taille relative de chaque groupe nj/n, ∀ j = 1,…,k. La décomposition des indices dérivés de l’entropie généralisée offre uniquement une décomposition en deux éléments : Iβ = Iβw + Iβb . (31) A partir de ce cas général, il est possible d’obtenir la décomposition des indices de Theil, Hirschman-Herfindahl et Bourguignon. 2.2.1. L’indice de Theil L’indicateur de Theil est la limite de l’indice de l’entropie généralisée quand β tend vers 0. On obtient donc : T = lim I β →0 k n yji yji . = 1 ∑∑ log n j =1 i =1 µ µ (32) j β 10 L’indicateur T est séparable en la somme des indicateurs intragroupes pondérés (Tw) et la somme des indicateurs intergroupes pondérés (Tb). La contribution des inégalités intergroupes à l’inégalité totale est donnée par : k µj µj Tb = ∑ nj log . µ j =1 n µ (33) La contribution des inégalités intragroupes à l’inégalité totale est formulée de la manière suivante : njµj 1 j =1 nµ nj k Tw = ∑ nj yji ∑µ i =1 j log yji . µj (34) L’indicateur de Theil est, au même titre que l’indicateur d’entropie généralisée, seulement séparable en deux éléments. L’équation fondamentale de la décomposition de l’indice de Theil est donc : T = Tw + T b . (35) 2.2.2. L’indice de Hirschman-Herfindahl La décomposition de l’indice I1 de Hirschman-Herfindahl (H-H) correspond au cas où le paramètre β de l’entropie généralisée tend vers 1. L’indicateur mesuré sur la population Q est donné par : k n yji yji I1 = lim Iβ = 1 ∑∑ - 1 . β →1 2n j =1 i =1 µ µ (36) j La contribution des disparités intragroupes à l’inégalité totale est : I1w = 1 2 njµj² var yj 1 = µj² 2 j =1 k ∑ nµ² k njµj² ∑ nµ² (37) V²(yj ) . j =1 La contribution des inégalités entre les k souspopulations à l’inégalité globale est : I1b = 1 2 k ∑ j =1 ( ) njµj µj var µj - 1 = = 1V 2 µ j . n µ µ 2µ² 2 (38) L’indicateur I1 est donc séparable en deux contributions : I1 = I1w + I1b (39) , Les termes V²(yi), V²(yj) et V²(µj) sont respectivement les coefficients de variation (au carré) mesurés sur yi (pour i = 1,….,n), sur yj = (yj1,…, yjn) et calculés sur les moyennes des souspopulations µj (j = 1,…,k). 11 2.2.3. L’indice de Bourguignon Bourguignon (1979) propose un nouvel indicateur d’inégalité et analyse la décomposition additive des mesures d’inégalité. L’indicateur de Bourguignon est la limite de Iβ quand β tend vers –1. Le coefficient de Bourguignon mesuré sur Q est : (40) B = lim Iβ = log µ - log Mg . β → -1 Celui-ci se décompose en deux éléments : une composante intragroupe Bw et une composante intergroupe Bb. La contribution des inégalités intragroupes à l’inégalité totale est donnée par : Bw = k ∑ nn j (41) ( log µj - log Mgj) . j =1 La contribution des inégalités intergroupes à l’inégalité totale se formule : k µ Bb = ∑ nj log = log µ - log Mgµ . j n µ j =1 (42) j Les expressions Mg, Mgj et Mgµj représentent respectivement la moyenne géométrique calculée sur le vecteur yi (i = 1,…,n), sur le vecteur (yj1,…,yjnj) et enfin sur les moyennes de revenu µj (j = 1, …, k) des k souspopulations. Comme les indicateurs de Theil et Hirschman-Herfindahl, la mesure de Bourguignon est séparable en deux contributions : B = Bw + Bb . (43) 2.3. La comparaison des différentes décompositions Tout d’abord, au niveau des pondérations des mesures, on observe des différences. En effet, contrairement aux indices issus de l’entropie généralisée, la somme des poids de l’indice de Gini est égale à 1. Ensuite, nous remarquons que les décompositions offrent des contributions différentes. Les mesures de l’entropie sont décomposables en deux éléments, alors que l’indice de Gini offre trois composantes, en particulier grâce à la dualité de la contribution intergroupe. Celle-ci procure les inégalités intergroupes nettes et l’intensité de transvariation, indisponible par l’intermédiaire des indicateurs de l’entropie. Aussi, ces deux éléments Gb et Gt sont fonctions du revenu des individus et de la taille de chaque groupe, alors que les contributions des inégalités intergroupes des mesures issues de l’entropie sont seulement fonctions des moyennes de revenu de chaque souspopulation. 12 D’autre part, les contributions de l’indicateur de Gini sont construites sur les valeurs absolues des différences binaires de revenu des individus. C’est pour cette raison que Ggb, Gw, Gb et Gt sont non négatifs alors que les mesures intergroupes de l’entropie peuvent l’être ce qui soulève un problème conceptuel important. En adoptant l’idée selon laquelle la valeur des inégalités intergroupes est négative, on souscrit à la possibilité que les inégalités mesurées entre deux groupes peuvent diminuer l’inégalité totale. En revanche, en rejetant la possibilité que les indices intergroupes soient négatifs, comme le coefficient de Gini, on accepte l’idée que les écarts entre deux groupes peuvent, au mieux, avoir une contribution nulle aux inégalités intergroupes. Enfin, il convient de souligner l’importance des valeurs micro-économiques intégrées par l’indicateur de Gini comme le revenu de chaque individu. Plus précisément, il permet de prendre en compte l’ensemble des différences binaires de revenu (n²) alors que les indicateurs dérivés de l’entropie tiennent compte uniquement du vecteur de revenu, de la taille et de la moyenne de chaque souspopulation. 3. Le programme informatique Dans cette section, nous présentons2 le programme informatique mis à la disposition gratuitement auprès des personnes qui s’intéressent aux questions d’inégalités. Ce logiciel est dans un premier temps destiné au calcul rapide des inégalités à l’intérieur d’une population, divisée en plusieurs groupes. Il s’agit d’une macro éditée en Visual Basic sur Excel. Elle est adaptée à des réels strictement positifs. En effet, les mesures de Theil et Bourguignon sont édifiées sur l’utilisation des logarithmes. Il faut donc s’assurer dans un premier temps d’être en possession de données adéquates. Les données sur lesquelles se calculent les indices d’inégalité sont des distributions de revenus, de salaires ou tout autre indicateur de richesse à partir duquel au minimum deux groupes peuvent être comparés. La macro comprend la décomposition de l’indice 2 Le programme a été réalisé avec la collaboration de la SOCREES (Société d’Etudes Economiques et Statistiques), et avec le concours de C. DAGUM. Nous remercions notre laboratoire d’avoir mis à notre disposition le site http://www.lameta.univ-montp1.fr/online/gini.html 13 de Gini et des mesures dérivées de l’entropie : Theil, Hirschman-Herfindahl et Bourguignon. L’autre finalité du programme est la comparaison des résultats obtenus avec les quatre mesures. Il est donc possible de choisir en fonction des propriétés normatives3 de chaque indice, l’indicateur approprié. 3.1. Le traitement des données4 L’utilisation du programme demande une préparation des données. Celles-ci doivent être classées en trois colonnes. La première colonne représente les codes des individus. Ce sont les n personnes de la distribution, affectées d’un nombre distinct, afin de les repérer (par exemple : 1,...,n). La deuxième colonne regroupe les modalités renvoyant au groupe d’appartenance. Par exemple, le chiffre 1 est attribué aux individus appartenant au groupe 1. Ensuite, tous les chiffres 2 de la deuxième colonne représentent les individus appartenant au groupe 2, etc. Enfin, la troisième est constituée des revenus des n individus. Les données doivent être intégrées dans un tableau à trois colonnes et (n+1) lignes ; et leurs libellés doivent apparaître, comme dans le tableau 1 ci-dessous. Tableau 1 Codes individus 1 2 3 i n-1 n Groupes 1 1 1 j k-1 k Revenus 110 91 200 … 45 15 Les termes du libellé sont laissés à la guise de l’utilisateur. Il n’est pas non plus nécessaire que les revenus de la troisième colonne soient classés par ordre croissant. Il est simplement recommandé de vérifier que les revenus des individus correspondent 3 Les propriétés normatives sont disponibles dans l’article de Dagum (1998). Le site propose des données qui facilitent l’utilisation et permet de se familiariser avec le programme informatique. 4 14 bien au numéro du groupe d’appartenance, sous peine de modifier les indicateurs relatifs à chaque groupe ainsi que les mesures intergroupes. 3.2. L’utilisation du programme5 Sur le site http://www.lameta.univ-montp1.fr/online/gini.html, deux versions sont mises à disposition : une version française et une version anglaise. 1) Le téléchargement du programme Il faut se diriger vers le lien hypertexte « Télécharger le logiciel ». Le programme étant sauvé dans le disque dur au nom de la macro « Dagum », il faut ensuite ouvrir le logiciel Excel, puis le fichier « Dagum » et « oui » pour l’activation des macro. 2) Les données Il est possible de télécharger les données disponibles sur le site ou bien de créer un tableau (comme le tableau 1) dans une nouvelle feuille de calcul Excel, pour utiliser ses propres données. 3) Exécuter le programme Pour exécuter le programme, il faut se situer sur la feuille de calcul Excel où est intégré le tableau des données, taper « Alt+F8 », sélectionner « Dagum.xls!CalculDagum » puis « exécuter » et enfin mettre le nombre de groupes puis « OK ». Le site propose aussi une version Gauss du programme6. Celle-ci permet d’obtenir les mêmes résultats par un programme ayant l’avantage de pouvoir traiter des fichiers contenant plus de 64000 observations. 4. L’interprétation des résultats : un exemple d’application L’application proposée est issue d’un échantillon7 de la population salariée du Languedoc-Roussillon en 19968. Elle concerne les salaires nets annuels de 27660 individus, soit un quart de la population salariée. Il y a 12266 femmes et 15394 5 Le site permet de disposer du programme gratuit ainsi que de toutes les modalités d’utilisation. La version Gauss de la décomposition de l’indice de Gini a été réalisée par Michele Costa, Département des Sciences Statistiques, Université de Bologne, Italie. 7 Echantillonnage réalisé par l’INSEE de Montpellier. 8 Les résultats de la décomposition de l’indicateur de Gini et des mesures dérivées de l’entropie en Languedoc-Roussillon sont disponibles dans Mussard, Seyte, Terraza (2002a). 6 15 hommes. Nous proposons un exemple de décomposition par sexe. L’inégalité est donc décomposée en trois éléments : la contribution des inégalités intragroupes (inégalités à l’intérieur de la population féminine et inégalités à l’intérieur du groupe des hommes), la contribution nette des inégalités intergroupes (les inégalités nettes entre les hommes et les femmes), et enfin l’intensité de transvariation intergroupe (les inégalités inhérentes au chevauchement entre les distributions des hommes et des femmes). Ce type de décomposition permet de savoir, à l’intérieur d’un espace donné, si les disparités sont générées par des différences salariales entre individus de même sexes ou entre individus de sexes différents. En particulier, il est possible d’évaluer la contribution des inégalités entre les hommes, la contribution des disparités entre les femmes et la contribution des disparités entre les hommes et les femmes, où chacune étant une contribution fondamentale de l’inégalité totale. De plus, la partie intergroupe est divisée en deux éléments : - les inégalités intergroupes nettes qui sont les inégalités générées par les salaires de la population en moyenne la plus riche (hommes) supérieurs à ceux de la population la plus pauvre (femmes) ; - et la transvariation qui représente les inégalités générées par les salaires de la population la plus pauvre (femmes) supérieurs à ceux de la population la plus riche (hommes). Les résultats de la décomposition des quatre indices apparaissent dans un tableau d’ensemble que nous avons séparé en quatre tableaux (no 2, 3, 4 et 5) pour les quatre méthodes. 4.1. L’interprétation des résultats de la décomposition de l’indice de Gini Le tableau 2 ci-après donne les résultats de la décomposition de l’indicateur de Gini. Tableau 2 Nom du groupe Libellé du groupe Code de modalité Taille du groupe Revenu total du groupe € Revenu moyen du groupe € Part du groupe/total Rev du groupe/Rev total GTT Ensemble nj Rj Mj pj=nj/n Sj=Rj/R G2 Modalité 2 2 27660 12266 298379048,6 114615325,1 10787,38426 9334,148467 1 0,443456255 1 0,384126585 16 G1 Modalité 1 1 15394 183763723,5 11937,36024 0,556543745 0,615873415 L5 : Distance économique relative et directionnelle Djh G2 G1 Matrice Delta G2 G1 G2 0,000000 0,275275 G1 0,000000 G2 G1 52295,07422 61794,08594 68994,35156 52295,07422 68994,35156 Vecteur Delta (∆jj) L6 : Rapport de GINI Intra (vecteur Gjj) 0,439201 0,426595 0,440555 L7 : Rapport de GINI Intra pondéré (vecteur PSGjj) 0,223672 0,072668 0,151005 G2 0,426595 0,442659 G1 G2 G1 0,440555 0,215529 G2 G1 G2 G1 0,072668 0,215529 0,151005 0,059330 G2 G1 G2 G1 0,000000 0,059330 0,000000 0,156199 G2 G1 G2 0,145335 0,156199 L8 : Rapport de GINI inter (Matrice Gjh) L8a : Contribution brute between (Matrice Gbbjh) L9 : Contribution nette du rapport de Gini (Matrice Gbjh) L10 : Transvariation inter (Matrice Gtjh) G1 0,302009 Les femmes sont représentées par la modalité 2 (G2), et les hommes par la modalité 1 (G1). On remarque que les femmes gagnent en moyenne 9334,1€ par an contre 11937,4€ pour les hommes. La ligne L6 du tableau 2 donne les indicateurs de Gini mesurés respectivement sur la population globale (hommes et femmes), sur la population féminine et sur la population masculine. La valeur de l’indicateur global, qui doit être décomposée, est de 0,439201. La première composante de la décomposition de l’indice de Gini est la contribution des inégalités intragroupes. La ligne L7 indique que celle-ci (Gw) s’élève à 0,223672 soit 50,9% de l’inégalité totale. Cette même ligne montre aussi que les hommes ont un poids particulièrement important. En effet, Gw est : Gw = Gw2 + Gw1 = 0,072668 + 0,151005. (44) Les femmes (0,072668) représentent 32,5% de l’inégalité intragroupe, soit 16,5% de l’inégalité totale. Les hommes (0,151005) représentent 67,5% de l’inégalité intragroupe soit 34,4% de l’inégalité totale. 17 La deuxième composante de la décomposition du coefficient de Gini est la contribution nette des inégalités intergroupes. Il s’agit des inégalités entre les hommes et les femmes issues du non-chevauchement entre les deux distributions. La ligne L9 montre que cette part s’élève à 0,05933. Elle représente 13,5% de l’inégalité totale. Enfin, la dernière composante est l’intensité de transvariation entre les hommes et les femmes. La ligne L10 indique que la valeur de cet élément et de 0,156199. La transvariation représente 35,6% de l’inégalité totale. Elle apparaît comme très importante. L’amplitude du chevauchement des distributions est donc très marquée. Elle indique que les distributions sont très proches et que les inégalités proviennent aussi des hauts salaires féminins creusant des écarts avec les faibles salaires masculins. Les parties intergroupes nettes et transvariation peuvent être regroupées en un seul élément : la contribution brute des inégalités intergroupes : (45) Ggb = Gb + Gt = 0,05933 +0,156199. Les inégalités intergroupes (nettes et transvariation) représentent donc 49,1% de l’inégalité totale. Cette application permet de conclure que : - les inégalités salariales entre les hommes représentent 34,4% de l’inégalité totale ; - les disparités entre les femmes représentent 16,5% de l’inégalité totale ; - et les inégalités entre les hommes et les femmes s’élèvent à 49,1% de la totalité des inégalités de salaire mesurées en Languedoc-Roussillon. 4.2. L’interprétation de la décomposition des mesures dérivées de l’entropie 4.2.1. La mesure de Theil Le tableau 3 ci-après donne les résultats de la décomposition de l’indice de Theil appliquée aux salaires du Languedoc-Roussillon par sexe. Tableau 3 GTT 0,328889 G2 0,300818 G1 0,334682 L12 : Rapport de THEIL intra pondéré (vecteur sjTwj) 0,321674 0,115552 0,206122 L13 : Rapport de THEIL inter (vecteur pj(mj/m)log(mj/m) 0,007214 -0,055171 0,062385 L11 : Rapport de THEIL intra (vecteur Twj=Tjj) 18 L’indicateur de Theil mesuré sur les 27660 salaires donne la valeur 0,328889 (ligne L11). Cette valeur se décompose en une composante intragroupe (ligne L12 : 0,321674) et une composante intergroupe (ligne L13 : 0,007214). Les inégalités intragroupes contribuent à hauteur de 97,8% de l’inégalité totale. On remarque que les hommes ont une contribution deux fois plus importante que les femmes (0,206122 contre 0,115552). Les inégalités intergroupes participent pour seulement 2,2% des disparités globales. Un groupe peut contribuer de manière négative aux inégalités. En effet, les femmes diminuent les inégalités intergroupes (-0,055171) alors que les hommes les font progresser (0,062385). 4.2.2. La mesure de Hirschman-Herfindahl Au même titre que la décomposition de l’indice de Theil, l’indice I1 de HirschmanHerfindahl offre une séparabilité additive en deux éléments. Le tableau 4 montre que les inégalités intragroupes (ligne L15 : 0,380635) constituent 98,2% de l’inégalité totale contre 1,8% pour les inégalités intergroupes (ligne L16 : 0,007131) : I1 = I1w + I1b = 0,380635 + 0,007131. (46) On retrouve assez précisément les pourcentages des contributions calculés avec l’indice de Theil. Les hommes participent 2,6 fois plus que les femmes à la contribution intragroupe et ces dernières tendent à diminuer les inégalités intergroupes (-0,025696). Tableau 4 GTT 0,387767 G2 0,317337 G1 0,403573 L15 : Weighted H-H index within (vecteur Sj(Muj/Mu)I1wj) 0,380635 0,105589 0,275046 L16 : H-H index between (vecteur I1bj) 0,007131 -0,025696 0,032827 L14 : H-H index within (vecteur I1wj) 4.2.3. La mesure de Bourguignon L’indice de Bourguignon mesuré sur la totalité de l’échantillon procure une mesure globale de 0,40838 (ligne L18). Cette valeur, comme le montre le tableau 5, est décomposée en une contribution intragroupe et une contribution intergroupe : B = Bw + Bb = 0,401063 + 0,007317. (47) 19 Les disparités intragroupes (ligne L19 : 0,401063) représentent 98,2% de l’inégalité globale et les inégalités intergroupes (ligne L20 : 0,007317) participent à hauteur de 1,8% des disparités totales. Ces pourcentages montrent que l’indice de Bourguignon offre les mêmes proportions d’inégalités intragroupes et intergroupes que les coefficients de Theil et Hirschman-Herfindahl. Tableau 5 L17 : Moyenne Géométrique (Mugj) GTT G2 G1 47036,43547 41867,57967 51608,12238 L18 : Bourguignon index Within (Vecteur (Bwj) 0,408380 0,381164 0,416919 L19 : Weighted Bourguignon index Within (Vecteur (Pj Bwj) 0,401063 0,169029 0,232034 L20 : Bourguignon index between (Vecteur (Bbj) 0,007317 0,063692 -0,056375 L’indice B indique que la population salariée masculine fournit 1,4 fois plus d’inégalité intragroupe que les femmes et que celle-ci diminue les inégalités entre les hommes et les femmes (-0,056375). 4.3. La comparaison des résultats En analysant le tableau 6, on s’aperçoit que le coefficient de Gini se comporte de manière opposée aux indices issus de l’entropie généralisée. En effet, ces derniers sont unanimes sur le fait que les inégalités intragroupes et intergroupes représentent respectivement 98% et 2% de l’inégalité totale. L’indicateur de Gini accorde, sur les salaires du Languedoc-Roussillon, autant d’importance aux inégalités à l’intérieur des groupes (50,9%) qu’entre les groupes (49,1%). Le deuxième point sur lequel on note une divergence est le pourcentage de participation de chaque groupe à l’inégalité totale. Selon l’indicateur de Gini, la contribution des hommes s’élève à 34,4% et celle de femmes à 16,7% de l’inégalité totale. Quant aux mesures de l’entropie, elles fournissent des contributions deux fois plus élevées que celles de l’indice de Gini. D’autre part, le tableau 6 montre que les mesures de l’entropie ne peuvent fournir d’estimation sur la transvariation. L’intensité de transvariation intergroupe explique, 20 dans la décomposition de l’indice de Gini, 35,6% de l’inégalité totale. Autrement dit, elle nous enseigne que 35,6% des inégalités sont issues des écarts de salaire entre hommes et des femmes dérivés du chevauchement entre les deux distributions. Tableau 6 Indices* G T I1 B % d’inégalité % d’inégalité intergroupe intragroupe 50,9 2,2 1,8 1,8 49,1 97,8 98,2 98,2 % d’inégalité % d’inégalité % de du aux hommes du aux femmes Transvariation 34,4 62,7 71 56,8 16,7 35,1 27,2 41,4 35,6 ND** ND** ND** * En pourcentage de l’inégalité totale ** Non disponible pour ces mesures Les valeurs intergroupes négatives des mesures de Theil, Hirschman-Herfindahl et Bourguignon fournissent des informations qui ne sont pas disponibles à partir de la mesure décomposée de Gini. En effet, pour Theil et H-H, les femmes tendent à réduire les inégalités intergroupes, alors que pour Bourguignon, il s’agit de la population masculine. En acceptant l’idée selon laquelle un groupe peut diminuer une inégalité intergroupe, il est possible de souscrire aux mesures dérivées de l’entropie. En revanche, les utilisateurs des mesures d’inégalité refusant de consentir à l’idée selon laquelle un groupe ne peut diminuer une inégalité intergroupe peuvent préférer l’indice de Gini. Néanmoins, pour les partisans des mesures de l’entropie, il est nécessaire de prêter attention à la mesure choisie car les contributions négatives sont contradictoires suivant l’indice retenu. Quel indicateur d’inégalité choisir ? En effet, si les mesures de l’entropie généralisée donnent des résultats proches mais opposés en contributions intergroupes et si les contributions intragroupes ou intergroupes diffèrent entre le coefficient de Gini et les indices issus de l’entropie, nous nous trouvons devant un « choix » difficile. La théorie du choix social permet de trouver des éléments de réflexions critiques. Dagum (1998) montre que l’indice de Gini satisfait aux trois propriétés principales : - la comparaison interpersonnelle d’utilité ; - la préférence pour une satisfaction croissante (fonction d’utilité croissante U’>0) ; - l’aversion à l’inégalité (concavité de la fonction d’utilité U’’<0). 21 Il apparaît que les mesures de l’entropie satisfont seulement les deux dernières propriétés. Il est donc autorisé d’accepter l’indicateur de Gini comme mesure principale des inégalités. Néanmoins, la quantité de propriétés satisfaite par un indice ne constitue pas un critère de choix. Il faut aussi se demander si ces propriétés sont compatibles entre elles. Fleurbaey (1998) montre par exemple que les indices de Gini, Theil, HirschmanHerfindahl et Bourguignon satisfont le principe essentiel de transfert de Pigou-Dalton et que les mesures dérivées de l’entropie permettent de vérifier, de surcroît, le principe des transferts décroissants. Nous concluons donc que les préférences individuelles motivent l’importance subjective des propriétés axiomatiques et permettent de choisir les indices usuels d’inégalité à notre disposition. 5. Conclusion Les différentes mesures d’inégalité proposées et utilisées à travers la diffusion du programme informatique, permettent d’obtenir des informations supplémentaires par rapport à l’utilisation des mesures non décomposables. En particulier, elles donnent des indications sur la contribution des inégalités intragroupes et intergroupes à l’inégalité totale. Parmi la classe des indicateurs décomposables, certains comme l’indice de Gini, offrent une distinction entre les inégalités intergroupes nettes et les inégalités intergroupes de transvariation ; quant aux mesures de l’entropie, elles satisfont des propriétés différentes comme l’attribution de contributions intergroupes négatives. BIBLIOGRAPHIE Atkinson A. 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