Au tour du CHSCT
Transcription
Au tour du CHSCT
NUMÉRO 54 MAI 2016 p.2 p.3 p.4-5 p.6 p.7 p.8 En bref Questions juridiques Dossier Flash Mémo Expériences Expertise pour risque grave Quand le salarié est surchargé Faire une sieste au travail, c’est grave Rémunération des heures de délégation Consultation du CHSCT en cas d’accord d’entreprise Durée du mandat des représentants du personnel au CHSCT A voir, à lire En bref L’employeur qui ne réunit pas le CHSCT à la suite d’un accident grave commet un délit d’entrave Réunions du CHSCT : on peut les enregistrer ou les faire en visioconférence Au tour du CHSCT La loi Rebsamen du 17 août 2015, on en a surtout parlé à propos de la nouvelle délégation unique du personnel et du regroupement des consultations récurrentes du comité d’entreprise. Pour autant, il ne faut pas oublier le reste. Le reste, c’est notamment l’encadrement dans le temps des consultations du CHSCT. C’est déjà le cas pour le CE depuis la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013. Pas de jaloux, le CHSCT a désormais lui aussi une épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Très bientôt, le temps lui sera compté, il devra rendre ses avis consultatifs dans un certain délai déterminé à l’avance. Et, cerise sur le gâteau, s’il ne donne pas d’avis à l’issue de ce délai, on présumera automatiquement qu’il a été consulté et qu’il a rendu un avis négatif. L’employeur pourra poursuivre son chemin et mettre en œuvre son projet. Tel que modifié par la loi Rebsamen, le code du travail prévoit aujourd’hui que le délai de consultation du CHSCT est fixé par un accord d’entreprise négocié par les syndicats et l’employeur. S’il n’y a pas d’accord, on doit appliquer les délais réglementaires fixés par décret. Le quotidien en ligne www.actuel-CE.fr a pu se procurer l’avant-projet de décret. Ainsi, le délai réglementaire devrait être de 1 mois à compter de la communication par l’employeur des informations et de 2 mois en cas d’intervention d’un expert. On en reparlera une fois le décret paru au Journal officiel. Frédéric Aouate © Éddie Pons Consulter aussi www.elnet.fr A voir, à lire En bref Sachez-le vite 10 questions sur l’absentéisme L’Anact publie un nouveau numéro de sa collection « 10 questions sur… ». Sujet : l’absentéisme en entreprise. L’absentéisme est une réalité qui concerne de nombreuses entreprises, tous secteurs économiques confondus. Apprécié au moyen des indicateurs de gestion des ressources humaines, il doit constituer un signal d’alerte pour tous les acteurs de l’entreprise. Mais l’analyse de ses causes reste délicate, alors qu’elle détermine la pertinence des solutions à mettre en œuvre. Comprendre ses caractéristiques et ses manifestations au plus près du terrain permet d’agir efficacement sur les mécanismes qui conduisent un salarié à s’absenter. Quels sont les indicateurs de mesure de l’absentéisme ? Quelles sont les causes les plus fréquemment évoquées ? Face à la complexité de l’absentéisme : comment s’y prendre ? Quelle démarche développer pour mobiliser les acteurs ? Prévention et gestion de l’absentéisme : comment s’y prendre ? C’est à ce genre de question que répond ce petit guide de l’Anact. On peut le trouver sur le site www.anact.fr. ● Seuls les membres du CHSCT bénéficient de la protection des représentants du personnel La protection instituée par le code du travail au profit des représentants du personnel ne bénéficie qu’aux membres du CHSCT dont la désignation résulte d’un vote des élus du CE et des délégués du personnel réunis en collège désignatif. En conséquence, un salarié dont la présence en CHSCT s’explique seulement par ses fonctions de responsable d’entrepôt et la délégation de pouvoir en matière d’hygiène et de sécurité qu’il lui avait consentie ne bénéficie pas de ce statut protecteur. Pas besoin d’autorisation de l’inspecteur du travail pour le licencier. Cass. soc., 12 avr. 2016, no 14-23.855 ● Mise en place de plusieurs CHSCT au sein d’un même établissement Dans les établissements de 500 salariés et plus, le CE détermine, en accord avec l’employeur, le nombre de CHSCT devant être constitués, eu égard à la nature, la fréquence et la gravité des risques, aux dimensions et à la répartition des locaux ou groupes de locaux, au nombre des travailleurs occupés dans ces locaux ou groupes de locaux ainsi qu’aux modes d’organisation du travail (C. trav., art. L. 4613-4). Un critère géographique peut être pris en compte pour décider de l’implantation de ces comités. Si tel est le cas, sauf accord en disposant autrement, seuls les salariés travaillant effectivement dans les périmètres ainsi déterminés sont éligibles au CHSCT correspondant. Cass. soc., 12 avr. 2016, no 15-20.767 ● Quand l’employeur doit rémunérer les temps d’habillage et de déshabillage C’est prévu par le code du travail, le temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage fait l’objet de contreparties, sous forme de repos ou sous forme financière, lorsque le port d’une tenue de travail est obligatoire et que l’habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l’entreprise ou sur le lieu de travail (C. trav., art. L. 3121-3). Ainsi, des salariés travaillant à la production et astreints au port de vêtements de sécurité ont droit à une contrepartie dès lors que l’habillage 2 Mai 2016 ● Numéro 54 C H S C T Act u a l i t é s et le déshabillage doivent être réalisés dans les vestiaires de l’entreprise. Cass. soc., 16 mars 2016, no 14-16.354 ● Harcèlement moral : l’absence de protestation de la part du salarié ne constitue pas une justification valable Une baisse de rémunération, une réduction des prérogatives, des retards fréquents et des omissions de paiement de certains éléments de salaire et, enfin, un défaut de visite médicale périodique consécutif à l’absence d’adhésion de l’employeur à un service de santé au travail. Pour les juges, voilà un ensemble de faits susceptibles de porter atteinte aux droits, à la dignité et à la santé du salarié ou de compromettre son avenir professionnel, et permettant de faire présumer l’existence d’un harcèlement moral. Ni l’exécution du contrat de travail aux conditions modifiées sans protestation du salarié, ni les déclarations d’un témoin selon lesquelles la réduction de sa durée de travail lui aurait convenu, ni les difficultés inhérentes au système d’établissement et de règlement des bulletins de paie, ni le caractère prétendument non intentionnel des omissions de l’employeur dans le suivi de la santé du salarié, ne constituent des faits justificatifs étrangers à tout harcèlement. Cass. soc., 18 mars 2016, no 14-26.827 ● Quand l’employeur ne respecte pas les préconisations du médecin du travail L’employeur qui ne respecte pas les préconisations du médecin du travail est susceptible de se voir reprocher un manquement à son obligation de sécurité de résultat. Dans cette affaire, la salariée souffrait d’une grave maladie inflammatoire et avait été victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) sur son lieu de travail. L’employeur n’avait pas suivi la recommandation du médecin du travail, qui préconisait un aménagement de poste par rapprochement entre le domicile et le lieu de travail. Il est condamné à payer des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat. Cass. soc., 2 mars 2016, no 14-19.639 Chiffres Questions juridiques Le droit du CHSCT Peut-on reprocher à l’employeur de ne pas avoir réuni le CHSCT à la suite d’un accident grave ? Oui Prévention des risques 46 % D’après l’enquête Conditions de travail 2013 effectuée par le ministère du travail, seuls 46 % des responsables d’établissements disent avoir élaboré ou actualisé un document unique d’évaluation des risques professionnels (DUER) au cours des 12 mois précédant l’enquête. L’évaluation actualisée des risques est associée à la présence de pénibilités physiques et d’innovations organisationnelles. Les établissements dotés d’un CHSCT sont beaucoup plus enclins à disposer d’un DUER actualisé. Dares Analyses, mars 2016, no 013 Risques psychosociaux 24 % Pour prévenir les risques psychosociaux, au cours des 12 mois précédant l’enquête, 24 % des établissements ont recouru à une mesure d’ordre collectif : aménagement des horaires, modification de l’organisation du travail ou encore mise en œuvre de procédures de résolution des conflits. 22 % des établissements ont pris des mesures au niveau individuel : procédures de signalement de salariés en situation de risque, de salariés ayant des conduites addictives, ou assistance aux salariés de manière confidentielle. Le troisième type de mesure, la formation spécifique des salariés ou des managers à la prévention des risques psychosociaux, est moins courant : seulement 14 % des établissements y ont eu recours. Dares Analyses, mars 2016, no 013 L’employeur a l’obligation de réunir le CHSCT à la suite de tout accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves en prétendant que le CHSCT a été régulièrement et suffisamment informé. S’il ne le fait pas il commet un délit d’entrave. Observations. - L’affaire se passe au sein de la RATP, et plus précisément au sein de son Département Bus qui est couvert par un seul et même CHSCT, le CHSCT Bus. Ligne 167, le 21 octobre 2012, un usager exhibe une arme blanche depuis le trottoir au chauffeur. Le secrétaire du CHSCT Bus demande une réunion extraordinaire, la direction refuse en lui rétorquant que le CHSCT a été régulièrement et suffisamment informé sur cet événement. Les initiatives prises par l’employeur à la suite d’un Ligne 159, le 24 octobre 2012, un usager montre au conducteur un poing américain et l’insulte. Même demande du secrétaire du CHSCT Bus, même réponse de la direction. accident pour éviter que celui-ci ne se reproduise ne dispensent pas la direction de son obligation de réunir le CHSCT. CA Paris, 22 mars 2016, no 15/02323 Et ainsi de suite sur d’autres lignes. Menaces avec un marteau, avec une fourche, avec une matraque et une bombe lacrymogène, avec une bouteille de verre… Toujours pas de réunion du CHSCT qui suit l’agression, ou alors c’est une réunion extraordinaire plusieurs semaines après une série d’agressions. En ayant assez de demander et de se heurter à un refus, en entendant toujours la même justification, le CHSCT du département Bus et plusieurs syndicats décident de poursuivre la RATP et le président du CHSCT pour délit d’entrave. A cet effet, ils invoquent un article du code du travail qui dit que le CHSCT « est réuni à la suite de tout accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves » (C. trav., art. L. 4614-9). Pour se défendre, la direction de la RATP fait essentiellement valoir : – que les faits invoqués, qui se sont souvent déroulés en dehors du bus lui-même, constituent des incidents et non des accidents ayant entraîné des conséquences graves. En conséquence, une « simple information a posteriori » du CHSCT via l’alerte informatique interne à l’entreprise et l’envoi d’un SMS était suffisante ; – que pour faire face au risque de menace avec arme, la RATP a mis en place plusieurs mesures de prévention et de protection (procédure de signalement, cabine sécurisée, vidéo, intervention en urgence de la sécurité et de la police, etc.). Aucun manquement à son obligation de sécurité de résultat ne pouvait lui être reproché. Elle met également en avant le fait que le CHSCT a été réuni 58 fois en 2012 et 23 fois en 2013 et qu’elle a fait droit aux demandes de réunions formulées par 2 membres du CHSCT. Les juges ne sont vraiment pas convaincus. Ils condamnent la RATP et le président du CHSCT Bus pour entrave en s’appuyant sur les éléments suivants : – en cas d’accident grave, le CHSCT doit être réuni dans les plus brefs délais afin d’analyser les causes de l’accident et de proposer, le cas échéant, des mesures de prévention ; – cette obligation qui pèse sur l’employeur d’organiser une réunion du CHSCT en cas d’accident grave n’est pas subordonnée à une demande motivée de deux de ses membres ; – doit être regardé comme grave au sens de l’article L. 4614-9 du code du travail, tout accident ayant pu entraîner des conséquences graves, mêmes si celles-ci ont pu être évitées ; – les initiatives prises par la direction de la RATP à la suite d’un accident pour éviter que celui-ci ne se reproduise ne pouvaient pas faire échec à la compétence et aux attributions propres du CHSCT. De plus, la RATP avait bien admis qu’il s’agissait d’accidents suffisamment graves pour faire intervenir la police et faire l’objet d’un accompagnement psychologique de la victime, d’un dépôt de plainte et d’une déclaration d’accident du travail. Dès lors, en refusant ou en retardant, malgré les demandes des élus les réunions du CHSCT à la suite d’accidents ayant entraîné ou pu entraîner des conséquences graves, l’employeur a commis le délit d’entrave. Terminus, tout le monde descend… d’autant qu’il n’y aura pas de pourvoi en cassation de la part de la RATP. C H S C T Act u a l i t é s Mai 2016 ● Numéro 54 3 Dossier Le CHSCT Réunions du CHSCT : on peut les enregistrer ou les faire en visioconférence © Fotolia - dxinerz Depuis la loi Rebsamen du 17 août 2015 et un décret d’application du 12 avril 2016, le code du travail donne la possibilité d’organiser les réunions du CHSCT en visioconférence. Il est en revanche totalement muet sur les conditions dans lesquelles un CHSCT peut enregistrer ses réunions, alors qu’il réglemente ce genre de pratique pour le comité d’entreprise. La visioconférence peut être utilisée pour les réunions du CHSCT. Le CHSCT peut prendre la décision d’enregistrer ses réunions, l’employeur ne peut pas s’y opposer Qui paye la retranscription des enregistrements ? Généralement, quand un comité d’entreprise enregistre ses réunions, c’est pour confier à un prestataire externe la rédaction des PV. Pour le CHSCT, qui n’a pas de budget de fonctionnement, c’est plus compliqué, il faut forcément négocier avec l’employeur la prise en charge de ce genre de prestation. Un article du code du travail nous dit que le CHSCT reçoit de l’employeur (…) les moyens nécessaires à la préparation et à l’organisation des réunions (C. trav., art. L. 4614-9). On ne peut pas faire dire à cet article ce qu’il ne dit pas et penser que l’employeur a l’obligation de prendre en chargé la rédaction des PV par un prestataire. Le CHSCT pourrait-il s’adresser au comité d’entreprise qui, lui, dispose bien d’un budget de fonctionnement ? La réponse ne fait aucun doute, c’est non. Le CE ne pourrait pas utiliser son 0,2 pour prendre en charge la rédaction des PV du CHSCT. En pratique, c’est quand même ce qui risque de se passer en présence d’une délégation unique du personnel regroupant le CE, le CHSCT et les délégués du personnel car il n’y a qu’un seul PV de réunion. 4 Mai 2016 ● Sur un plan juridique Le code du travail ne réglemente pas l’enregistrement des réunions du CHSCT, alors qu’il le fait pour le comité d’entreprise depuis la loi Rebsamen du 17 août 2015 et son décret d’application du 12 avril 2016 (C. trav., art. L. 2325-20 et D. 2325-3-2). Avant que cette réglementation n’existe, quelques jurisprudences avaient eu l’occasion d’admettre que le CE pouvait décider d’enregistrer ses réunions. Ces jurisprudences n’ont pas perdu de leur intérêt car on peut continuer à les appliquer au CHSCT. Le CHSCT peut décider d’enregistrer ses débats. Cette décision doit être prise en réunion et être adoptée par un vote à la majorité des membres présents, auquel le président a le droit de participer (TGI Sens, 6 mai 1999, no 99/38). Il vote mais sa voix ne vaut pas plus que celle des représentants du personnel, il ne peut donc pas s’opposer à la décision du CHSCT. Une fois la décision adoptée, il est bon d’ajouter une clause dans le règlement intérieur du CHSCT afin d’y Numéro 54 C H S C T Ac t u a l i t é s consigner noir sur blanc que les réunions sont enregistrées. Il y a cependant certaines conditions à respecter (CA Paris, 20 oct. 1987, no 86/19143) : – s’il le souhaite, le président du CHSCT a lui aussi le droit d’enregistrer les réunions, les élus ne peuvent pas s’y opposer (Cass. crim., 4 févr. 1986, no 84-82.809) ; – l’audition des bandes doit être réservée au président et membres du CHSCT, à l’exclusion de toute personne étrangère ; – les informations données par la direction sous le sceau de la confidentialité ne doivent pas être enregistrées ; – les enregistrements doivent être effacés après l’adoption du procès-verbal de réunion définitif. Sur un plan pratique L’enregistrement des réunions du CHSCT présente à la fois des avantages et des inconvénients dont il faut avoir conscience avant de prendre la décision. Il est donc important d’en débattre en réunion préparatoire et de bien peser le pour et le contre. REMARQUE : il y a beaucoup de facteurs à prendre en compte : le climat social, la nature des relations CHSCT/employeur, le temps dont dispose le secrétaire du comité, l’attente des salariés en terme d’information, l’importance des sujets débattus en CHSCT, etc. Côté avantages, l’enregistrement : – permet en principe, de libérer celui qui a l’habitude de prendre l’essentiel des notes, à savoir le secrétaire. Ce n’est pas vrai à 100 %, même si on a posé un dictaphone sur la table, il est bien de continuer à prendre un peu de notes pour informer les salariés après la réunion ; – empêche toute contestation ultérieure, par l’employeur ou par un élu, des propos tenus en réunion. Parfois, l’employeur est tenté de dire aux élus qu’ils n’ont pas compris, qu’il s’est mal exprimé, qu’il ne s’est pas engagé… Tant qu’on a l’enregistrement, on peut vérifier ; Il y a aussi des inconvénients auxquels il faut penser : – il faut se discipliner et respecter chaque prise de parole. Si tout le monde parle en même, ça risque d’être inaudible ; – cela peut bloquer certains participants, dont l’employeur. Se sachant enregistré, même s’il y a une relation de confiance avec les élus, il pourrait se montrer plus prudent. Par ailleurs, si le secrétaire se charge d’établir le PV à partir de l’enregistrement, il va vite se rendre compte que c’est un travail très fastidieux et très long, qu’il est préférable de continuer à faire en priorité le PV à partir d’une prise de notes. En ce qui concerne l’utilisation de la visioconférence, à défaut d’accord avec le CHSCT, l’employeur décide La visioconférence, c’est du son et de l’image Le recours à la visioconférence pour réunir le CHSCT peut être autorisé par accord entre l’employeur et les représentants du personnel au CHSCT. En l’absence d’accord, ce recours est limité à trois réunions par année civile (C. trav., art. L. 4614-11-1 et D. 4614-5-1). REMARQUE : en fait, le code du travail se contente de fixer les conditions d’utilisation de la visioconférence pour le comité d’entreprise (C. trav., art. L. 2325-5-1, D. 2325-1-1 et D. 2325-1-2) et d’y renvoyer pour le CHSCT. La visioconférence peut être utilisée dans les mêmes conditions : –pour l’instance de coordination des CHSCT mise en place par l’employeur en cas de projet commun à plusieurs établissements de l’entreprise (C. trav., art. L. 4616-6 et D. 4616-6-1) ; –pour les réunions communes à plusieurs instances représentatives du personnel en cas de projet commun, par exemple, au CHSCT et au comité d’entreprise (C. trav., art. L. 23-101-2 et D. 23-101-1). REMARQUE : du point de vue du CHSCT, il semble préférable de négocier un accord essayant d’encadrer un minimum les conditions dans lesquelles il pourra être réuni en visioconférence. Même si la visioconférence arrange tout le monde, les membres du CHSCT doivent avoir conscience qu’il est important de se voir de temps à autre et que l’examen de certaines questions mérite que l’on soit tous assis autour de la même table. On imagine mal une réunion de consultation sur un plan de sauvegarde de l’emploi en visioconférence ou sur un important projet de réorganisation. Lorsque le CHSCT est réuni en visioconférence, le dispositif technique mis en œuvre doit garantir l’identification des membres du comité et leur participation effective, en assurant la retransmission continue et simultanée du son et de l’image des délibérations. La visioconférence ne fait pas obstacle à la tenue de suspensions de séances (C. trav., art. D. 2325-1-1). REMARQUE : rien n’autorise l’enregistrement vidéo des réunions du CHSCT. Quand le PV est fait par l’assistante de direction Dans certaines entreprises, il arrive que la rédaction du procès-verbal de réunion soit confiée à l’assistante du DRH ou du président du CHSCT. Pourquoi pas mais, comme pour tout, il y a des avantages et des inconvénients. Il est vrai que ce genre de pratique évite au secrétaire du comité d’avoir à prendre en charge la rédaction du PV. A l’inverse, cela peut donner à l’employeur une sorte de mainmise sur le contenu du procès-verbal. Il faut donc rester vigilant. Les garanties en cas de vote à bulletin secret Lorsqu’il est procédé à un vote à bulletin secret, le dispositif de vote doit garantir que l’identité de l’électeur ne peut à aucun moment être mise en relation avec l’expression de son vote. Il doit également assurer la confidentialité des données transmises ainsi que la sécurité de l’adressage des moyens d’authentification, de l’émargement, de l’enregistrement et du dépouillement des votes (C. trav., art. D. 2325-1-1). Il est également prévu (C. trav., art. D. 2325-1-2) : – que l’engagement des délibérations est subordonné à la vérification que l’ensemble des membres a accès à des moyens techniques permettant de garantir le secret du vote et la confidentialité des données transmises ; – que le vote a lieu de manière simultanée. A cette fin, les participants disposent d’une durée identique pour voter à compter de l’ouverture des opérations de vote indiquée par le président du CHSCT. Frédéric Aouate Que dit la Commission nationale de l’informatique et des libertés ? ■ Interrogée par le quotidien en ligne www.actuel-CE.fr sur la question de savoir au bout de combien de temps un comité d’entreprise doit détruire les enregistrements de ses réunions, la CNIL a apporté la réponse suivante : « S’agissant de la durée de conservation, si l’enregistrement vise uniquement à permettre une retranscription fidèle des échanges en vue d’établir le procès-verbal (qui est obligatoire) alors on peut considérer que l’enregistrement doit être détruit une fois le procès-verbal validé par les membres du CE et l’employeur ». ■ On peut considérer que cette règle s’applique aux enregistrements des réunions du CHSCT. C H S C T Act u a l i t é s Mai 2016 ● Numéro 54 5 Flash Santé/sécurité Pour justifier une expertise pour risque grave, rien ne vaut les faits Un médecin du travail qui fait convoquer le CHSCT et qui témoigne de cas de souffrances au travail, une forte augmentation du taux d’absentéisme, des attestations écrites des membres du CHSCT, pas de doute, il y a bien risque grave. Les faits. - Inquiet du mal-être au travail croissant exprimé par les salariés, le CHSCT d’un laboratoire pharmaceutique décide par délibération du 27 juillet 2012 de se faire assister par un expert en vue de lui confier une expertise sur les risques psychosociaux. Quelques mois plus tard, le 31 octobre 2012, l’employeur conteste et saisit le tribunal de grande instance pour faire annuler la délibération du CHSCT. Il obtient gain de cause en appel. Le CHSCT ne baisse pas les bras. Il décide de saisir la Cour de cassation, qui tranche en sa faveur. Il avait bien été constaté que le médecin du travail avait pris l’initiative en 2012 de demander la convocation d’une réunion du CHSCT, qu’il y avait relaté en réunion avoir rencontré en consultation des salariés en grande souffrance au travail, se plaignant de subir des propos sexistes, des humiliations, que ce témoiDans sa décision, gnage était corroboré par les attestations la Cour de cassation produites par les membres du CHSCT et, enprécise par ailleurs que fin, que les statistiques de l’employeur metl’action de l’employeur taient en évidence une augmentation des en contestation de arrêts de travail pour maladie pour les six l’expertise décidée par premiers mois de l’année 2012. le CHSCT n’est soumise, en l’absence de texte De toutes ces constatations, on ne pouvait spécifique, qu’au délai que déduire qu’il existait bel et bien un de prescription de droit risque grave, identifié et actuel, justifiant commun du code civil. l’expertise du CHSCT. Or, le droit commun, Cass. soc., 17 févr. 2016, no 14-22.097 c’est 5 ans. Un pompier qui fait la sieste au travail, c’est grave Le fait pour un pompier affecté à la sécurité d’un aéroport d’avoir interrompu volontairement son travail pour faire une sieste constitue une faute grave. Les faits. - Un pompier chargé d’écarter tous les animaux susceptibles de percuter un avion au sein d’un aéroport, poste requérant un contact permanent avec la tour de contrôle, est retrouvé confortablement installé dans son camion en train de faire une sieste. Licencié pour faute grave, il conteste cette mesure. L’intéressé fait valoir qu’il s’est endormi en raison de la fatigue due à sa surcharge de travail. La cour d’appel de Bordeaux rejette sa demande. En effet, les juges relèvent que le salarié a été retrouvé endormi sur son siège en position semi-allongée, les écouteurs de son téléphone portable dans les oreilles. Par ailleurs, il a Ici, c’est surtout été démontré que le véhicule a été volontaila fonction du salarié qui rement organisé pour y faire la sieste. Ils en justifie la faute grave. déduisent donc que le pompier ne s’était Cette décision n’est pas isolée. Il a ainsi déjà pas inopinément assoupi comme il le préété jugé que constitue tendait. une faute grave le fait Compte tenu de la mission de sécurité qui pour un vigile de s’être lui était assignée, ces faits justifient la rupendormi alors qu’il était ture du contrat de travail, et eu égard aux chargé de la fonctions du salarié sont constitutifs « d’un surveillance de nuit manquement d’une importance telle qu’elle d’un site industriel a empêché la poursuite de la relation salaen déconstruction riale, même pendant la période du susceptible d’attirer préavis ». des malfaiteurs o (CA, Grenoble, 1er juill. CA Bordeaux, 17 févr. 2016, n 13/05556 o 2009, n 08/04142). 6 Mai 2016 ● N u m é r o 5 4 C H S C T Act u a l i t é s Quand la charge de travail du salarié devient excessive L’employeur qui augmente la charge de travail d’un salarié, sans lui octroyer de moyens matériels et humains supplémentaires pour lui permettre d’accomplir des missions, manque gravement à ses obligations contractuelles. Voilà un manquement qui justifie une prise d’acte de rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’entreprise. Les faits. - Un salarié, directeur régional chargé de l’animation et de l’accompagnement des directeurs des 12 centres commerciaux de sa région, se voit confier à la suite du départ du second directeur régional la charge de l’intégralité des 28 centres commerciaux sur toute la France. L’intéressé tire la sonnette d’alarme. Par différents courriers, mails et entretiens avec la direction générale, il attire l’attention de son employeur sur la dégradation de ses conditions de travail. Rien n’y fait ! Pas de moyens supplémentaires pour absorber la nouvelle charge de travail. Pire même, le salarié est privé de son véhicule de fonction et ça fait 5 ans qu’il réclame, en vain, une augmentation de salaires. Ne voyant pas d’issue, le salarié finit par prendre acte de la rupture de son contrat de travail. En clair, il adresse à son employeur un courrier par lequel il lui fait savoir, de manière très motivée, qu’il le rend responsable de la rupture de son contrat de travail. Alors, démission du salarié ou licenciement Quand la prise d’acte abusif de la part de l’employeur ? de rupture du contrat de travail aux torts de Les juges tranchent, la prise d’acte de rupl’employeur est justifiée, ture du contrat de travail doit produire les elle produit les effets effets d’un licenciement abusif car l’emd’un licenciement sans ployeur n’a pas été de bonne foi et a cause réelle et sérieuse. commis des manquements graves à ses Dans le cas inverse, obligations contractuelles. elle est assimilée à une Cass. soc., 31 mars 2016, no 14-26.052 démission du salarié. Calcul de la rémunération des heures de délégation Un représentant du personnel ne peut pas demander le remboursement de frais professionnels qu’il n’a pas exposés pendant qu’il était en délégation. Les faits. - Dans cette affaire, deux stewards représentants du personnel s’estiment victimes d’une discrimination syndicale au prétendu motif que les indemnités de repas, de « voiture courrier » et de « découcher » ne leur sont pas versées pour les journées consacrées à l’exercice de leurs mandats. Estimant que ces différentes indemnités étaient là pour compenser une « sujétion particulière à leur emploi », et qu’elles constituaient de ce fait un véritable complément de rémunération, ils saisissent en référé les prud’hommes pour en obtenir le paiement. Raté. Pour les juges, ces sommes avaient bien pour objet de compenser les frais supplémentaires entraînés par les repas et l’hébergement hors de la base d’affectation en raison de la participation effective du personnel navigant à une activité de vol. En plus, il n’était même pas prouvé qu’elles Le principe selon lequel étaient également versées au personnel nale représentant du personnel qui prend vigant lors des journées de travail n’implides heures de quant pas de vol. délégation ne doit subir Bien que forfaitaires, ces indemnités aucune perte de constituaient donc un remboursement de rémunération veut tout frais et non un complément de salaire. De simplement dire qu’il a ce fait, elles n’avaient pas à être intégrées le droit de percevoir la dans la rémunération due aux représenmême somme que celle tants du personnel au titre des heures de qu’il aurait perçue délégation. s’il n’avait pas bougé o de son poste de travail. Cass. soc., 3 févr. 2016, n 14-18.777 Mémo Consultation du CHSCT en cas d’accord d’entreprise Les changements des conditions de travail peuvent très bien résulter d’un accord d’entreprise Les réorganisations de l’entreprise, les changements des conditions de travail des salariés ne résultent pas toujours d’une décision unilatérale de la direction. Elles peuvent en effet être issues d’une négociation et donner lieu à un accord d’entreprise. Organisation et aménagement du temps de travail, travail de nuit, mesures en faveur des seniors, plan d’adaptation à des mutations technologiques, plan de réduction des effectifs, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, prévention de la pénibilité… les exemples ne manquent pas. Au regard des droits à information/consultation du CHSCT et du rôle qui est le sien en matière d’évaluation/prévention des risques professionnels et d’analyse des conditions de travail, cela ne change strictement rien. S’il y a aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, il y a consultation Pour déterminer s’il y a ou non obligation de consulter le CHSCT, on en revient toujours au même article du code du travail. Il s’agit de l’article L. 4612-8-1, qui impose la consultation du CHSCT avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. Même si la jurisprudence n’a jamais eu l’occasion de l’affirmer explicitement, la conclusion d’un accord d’entreprise dont l’objet entre dans les compétences du CHSCT doit donner lieu à consultation préalable. Par exemple, il est logique de soumettre au CHSCT un projet d’accord qui réaménage le temps de travail sur l’année, qui met en place des astreintes, qui modifie l’organisation du travail posté, qui instaure le travail de nuit, etc. De même, on ne peut pas imaginer une négociation d’un accord sur la prévention du stress ou de la pénibilité sans consultation du CHSCT. En fait, indépendamment de l’obligation de consultation, il est important pour le CHSCT de suivre l’état d’avancement des négociations et de fournir un appui technique aux délégués syndicaux. Il est également important d’essayer d’anticiper le plus possible sur les Le CHSCT n’est pas seulement amené à intervenir lorsque l’employeur prend une décision unilatérale en matière, par exemple, d’organisation de l’entreprise ou d’aménagement du temps de travail. La négociation d’un accord d’entreprise avec les syndicats doit également donner lieu à consultation du comité dès lors que cet accord est susceptible d’avoir des conséquences sur les conditions de travail. changements à venir des conditions de travail des salariés et les problèmes que cela pourrait poser en terme de risques professionnels. Sous prétexte que l’accord est négocié avec les syndicats, il ne faut surtout pas croire que l’intervention du CHSCT ne sert à rien. De par leur mandat et la connaissance qu’ils ont des réalités de terrain, les membres du CHSCT sont plus au fait que les délégués syndicaux des problèmes de santé/sécurité au travail. Étant surtout dans une logique de revendication, les délégués syndicaux ne verront pas forcément les problèmes de surcharge de travail, de risques psychosociaux, d’adaptation des salariés à leurs nouvelles conditions matérielles de travail, etc. Le CHSCT doit également être consulté en cas de dénonciation par l’employeur d’un accord d’entreprise Lorsque l’employeur dénonce un accord d’entreprise, le CHSCT doit être préalablement consulté car cette dénonciation va forcément rejaillir à plus ou moins long terme sur les conditions de travail des salariés. C’est particulièrement vrai pour les accords relatifs à l’organisation et l’aménagement du temps de travail. L’application d’une nouvelle convention collective doit éventuellement donner lieu à consultation du CHSCT La convention collective dont relève l’entreprise n’est jamais gravée dans le marbre. Au gré des négociations des partenaires sociaux et des réformes de la législation sociale, elle fait régulièrement l’objet de modifications plus ou moins importantes, pouvant parfois aller jusqu’à une réécriture complète. Si l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions conventionnelles modifie les conditions de travail des salariés, l’employeur doit a priori consulter le CHSCT et le CE. Peu importe qu’il ne soit pas à l’origine du changement auquel sont confrontés les salariés. Par exemple, lorsqu’un avenant à la convention collective vient modifier l’organisation et l’aménagement du temps de travail, le CHSCT et le CE doivent être consultés avant l’application de ces changements dans l’entreprise. C H S C T Act u a l i t é s Mai 2016 ● Numéro 54 7 Expériences ■ Durée du mandat des représentants du personnel au CHSCT On nous a dit en formation que les membres du CHSCT étaient désormais désignés pour 4, 3 ou 2 ans, comme le sont les membres du CE. Or, on a trouvé un article du code du travail qui prévoit une durée de mandat de 2 ans. On aimerait bien comprendre et savoir ce qu’il en est. La rédaction du Guide CHSCT répond - Depuis la loi Rebsamen, le code du travail prévoit effectivement que les membres du CHSCT sont désignés pour une durée prenant fin avec celle des mandats des élus du CE les ayant désignés (C. trav., art. L. 4613-1). Cela revient à aligner la durée des mandats CHSCT et CE. En pratique, il n’est pas tout à fait exact de dire que le mandat des membres du CHSCT est de 4, 3 ou 2 ans car il y a quasiment toujours un décalage, plus ou moins important, entre l’élection du CE et des délégués du personnel et la désignation des membres du CHSCT. Curieusement, un article réglementaire du code du travail continue à prévoir que les représentants du personnel au CHSCT sont désignés pour 2 ans (C. trav., art. R. 4613-5). A notre sens, il ne faut plus tenir compte de cet article réglementaire, qu’on a tout simplement oublié de faire disparaître du code du travail. L’article L. 4613-1 est d’abord plus récent, mais surtout de nature législative. En application du principe de la hiérarchie des normes, et pour faire bref, les articles législatifs commençant par L. ont une autorité juridique supérieure aux articles réglementaires, qui commencent par R. Directeur de la rédaction sociale : Dominique LE ROUX l Rédacteur en chef : Frédéric AOUATE l Rédactrice : Floriane RIFFAUD-UNG l Rédactrice en chef technique : Sophie-Charlotte CAMPET-JOURNET Service relations clientèle : 01 40 92 36 36 l Publicité : José GOMES - Tél. : 01 40 92 69 66 - Fax. : 01 40 92 30 15 - E-mail : [email protected] © 2016 - Éditions Législatives l SARL au capital de 1 920 000 € l SIREN 732 011 408 RCS NANTERRE l 80, avenue de la Marne l 92546 Montrouge Cedex Gérants : Laurent CHERUY et Philippe DÉROCHE l Directeur de la publication : Philippe DÉROCHE l Principal associé : ÉDITIONS LEFEBVRE SARRUT Corlet Imprimeur - 14110 Condé-sur-Noireau l Dépôt légal : mai 2016 l Imprimé en France l Publication mensuelle - ISSN 2256-6104 Commission paritaire n° 1018 T 91083 l 5e année l Avance sur abonnement annuel 2016 : Mise à jour seule 76 € HT ; Bulletin seul 38 € HT ; Abonnement complet 114 € HT Cet envoi comporte un encart publicitaire « Solution CE » de 6 pages. Pour les comités d’entreprise Paré pour toutes vos missions d’élu ! www.elnet- CE .fr Pour tout renseignement, contactez-nous au 01 40 92 36 36 ou rendez-vous sur www.editions-legislatives.fr 8 Mai 2016 ● Numéro 54 C H S C T Ac t u a l i t é s