Le Journal d`un Poilu
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Le Journal d`un Poilu
Le Journal d’un Poilu 5 Extraits des carnets de notes de Théode BONVALLET (né le 21/11/1886 à Ravenel - mort le 21/09/1918 à Doiran (Macédoine)) SUPPLEMENT AU BULLETIN « RAVENEL ACTUALITES » N° 68 D'AVRIL 2015 La première attaque française, la première bataille d'Artois (17 au 19 décembre 1914) échoue et entraîne la mort de 8000 "Poilus" . C'est au cours de la seconde bataille d'Artois (9 mai au 25 juin 1915) que Notre Dame de Lorette gagne le surnom de "colline sanglante" Les Français s'empare de la colline mais échouent sur la crête de Vimy malgré des bombardements massifs et des combats acharnés. 40.000 soldats français sont tués, 64.000 sont blessés, pour la reconquête de 20 km2. Les pertes allemandes s'élèvent à 75.000 hommes (tués, blessés, prisonniers). La percée espérée n'a pas eu lieu. Enfin la troisième bataille dArtois (25 septembre au 14 octobre 1915) s'achève par un nouvel échec. Au XVIIéme siècle , revenu guéri du sanctuaire de Loretto, en Italie, un peintre, originaire d'Ablain-Saint-Nazaire érige un oratoire sur la colline de Notre Dame de Lorette en reconnaissance à la Vierge. Détruit à la Révolution, il est remplacé par une chapelle qui sera, à son tour, rasée par les bombardements de 1914 et 1915. Notre Dame de Lorette abrite aujourd'hui la plus grande nécropole militaire française. Plus de 40.000 combattants français y sont inhumés dont 22.000 inconnus au sein de huit ossuaires. Les dépouilles proviennent de plus de 150 cimetières des fronts de l'Artois, de Flandre, de l'Yser et du littoral belge. A l'intérieur de la Nécropole, les travaux de construction d'une basilique aux allures "romano-byzantines" sont engagés dès 1921 sous l'impulsion de Mgr JULIEN. Cette basilique est l'œuvre de l'architecte Louis-Marie CORDONNIER, tout comme la Tour lanterne, haute de 52 m qui lui fait face. Le phare de cette dernière symbolise la flamme du souvenir, ranimée chaque dimanche à 11 heures 45. Une garde d'honneur assure depuis 1928 une présence quotidienne sur le site à partir du jour de Pâques jusqu'au 11 novembre. A l'intérieur de la Tour Lanterne, une chapelle ardente renferme 32 cercueils ( 4 groupes de huit, en chêne teinté ébène) dont un contenant depuis le 16 juillet 1950 le corps d'un soldat inconnu de 1939-1945, un second depuis le 16 octobre 1977, le corps d'un soldat inconnu d'Afrique du Nord, un troisième depuis le 8 juin 1980, celui d'un soldat inconnu d'Indochine. Un reliquaire contenant terre et cendres des camps de concentration a été déposé le 25 avril 1955. RAVENEL ACTUALITES Crédit photo : Internet Crédit photo: Ravenel Actualités Crédit photo : Ravenel Actualités Le Journal d’un Poilu (5) Page 1 Mardi 28 septembre 1915 (suite) : Après la descente rapide et la traversée du ravin j’arrive sur l’autre versant du coteau tout essoufflé. Là j’attends, au repos, les nouveaux ordres que l’adjudant est parti chercher. Nous sommes sur la côte 110. L’ordre arrive d’aller en avant. Nous gravissons l’autre versant et derrière un rideau à mi-côte, nous attendons. Partout des éclatements de Schnapels au bruit assourdissant. Il est 11 heures. Notre adjudant reçoit une balle dans le ventre. Je vais me coucher à ses côtés avec son ordonnance, le consolant de notre mieux. Nous restons sous la protection de notre attaque par l’artillerie mais les boches qui s’en doutent répondent. L’air est noir de poudre. Chacun a la fièvre. Le 246ème , un bataillon en colonne de compagnie, ensuite en tirailleurs monte la côte en rampant et prend formation de combat. A droite le 231ème, à gauche le 57ème bataillon de chasseurs à pied. La canonnade boche fait rage mais les obus passent par-dessus nos têtes pour éclater dans la côte, en face ou au-dessus du ravin. De gros noirs tombent sur Souchez à 1500 mètres de nous, soulevant des vagues de flammes et de terre. Nos fantassins sont partis au signal, baïonnette au canon, avec un entrain admirable, les chefs au milieu de leur section. L’air est empesté et presque irrespirable. A 16 h 30 la pluie fine commence à tomber. A 17 heures il fait nuit. Nos troupes sont restées sur les positions conquises à plat ventre. Un obus tombe dans une section à 10 m de moi faisant 2 tués et 5 blessés. Donc à la nuit nous avançons jusqu’à la première ligne de troupe, face aux boches. A chaque trou de marmites un à plusieurs cadavres. A 50 m des boches, protégés par une Compagnie couchée dans les trous d’obus nous commençons un boyau pour relier le 231ème avec le 246ème qui est arrêté par le réseau de fils de fer barbelés (tranchée boche appelée tranchée de la Walkyrie) et plus loin tranchée de Hesse. Le 231ème occupe le boyau de la Landuvers. Sous la pluie battante et froide, nous creusons le boyau. Terre ingrate ce n’est qu’un tuf de silex. L’outil glisse dans la main. Vers onze heures un homme de mon escouade travaillant avec moi, le côté le plus près des boches, reçoit une balle dans la cuisse et va rouler sur un cadavre tombé l’après-midi sur le parapet. Je le relève sous les balles et malgré la lumière des fusées, avec un autre, je le conduis au poste de commandement. Un trou de marmite plus grand que les autres, je lui panse sa blessure et le couche à côté d’autres blessés et morts et en attendant qu’il soit relevé. Je retourne au travail. Je suis encore tout chose du bruit et de la poudre et sans prendre garde à rien, je marche sans crainte. Debout. Partout dans les trous, on entend des cris et des râles de mourants, les gémissements des blessés qui appellent les brancardiers. Spectacle affreux, sans nom par son horreur. Quand arrive une fusée, on voit des bras qui se lèvent, des corps qui se Le Journal d’un Poilu (5) roulent dans la boue sous l’impulsion de la douleur. A certaines places près des tranchées sous des tas de morts on les entend et un peu de rhum. Temps affreux. Vers onze heures je rentre mouillé jusqu’aux os et couvert de sueur car il y a 20 à 50 cm de boue Les tranchées aux environs de Souchez en septembre 1915 (crédit photo "L'illustration" - Album de la Grande guerre 1914-1919 aimablement prêté par M. et Mme TIRON ) gémir et pas moyen de s’en occuper : la défense du terrain conquis avant tout. Spectacle effrayant, hideux et cependant combien nobles sont ces braves couchés là pour défendre leur patrie. Nous autres, il faut travailler couchés d’abord, à genoux ensuite au fur et à mesure que l’on avance dans la boue. Les balles sifflent drues et plusieurs des nôtres tombent encore. Néanmoins le travail avance. Mercredi 29 septembre 1915 : Nous travaillons ainsi jusque 4 heures du matin. Le jour nous chasse rapidement. Quoiqu’exténués, nous rentrons dans un abri (N° 11 route des pylônes), traversant de nouveau sur les cadavres entassés dans les boyaux remplis de boue : c’est affreux. Il pleut sans cesse. Je suis trempé jusqu’aux os, gelé, claquant des dents et, empilé dans cet abri à environ 80 hommes sous plusieurs mètres de terre, couverts de boue, sans prendre même le temps de manger je m’endors accroupi car il n’y a pas moyen de se coucher. Les canons tonnent sans cesse car les allemands essayent une contre-attaque qui rate. Le combat d’hier nous a couté cher : une compagnie du 246ème et la 17ème laissent ses officiers et ses hommes – une vingtaine – sur le terrain, fauchés par les mitrailleuses boches. Je reste là. Après, ordres aux pionniers de rester en arrière, à 50 m le fusil en main . Quoique j’avais chargé le magasin je n’ai pas tiré un seul coup de fusil cependant j’en avais bien envie. Donc la journée se passe accroupi, gelé sans faire aucun mouvement, en complet état d’hébétude. Je mange un bout de chocolat pour tout déjeuner. A 7 heures je pars avec une corvée chercher le rata, un quart de vin dans le boyau d’arrière et ça tire sur les jambes. Je mange un peu de rata froid dans mon quart et je m’endors aussi vite. Jeudi 30 septembre 1915 : A 6 heures avec mon escouade je pars au travail consistant à enlever la boue dans le boyau de l’Arbre isolé vers l’avant, travail ingrat car les obus tombent et l’on peut être tué à chaque instant par un éclat venant même de très loin. Je vais faire un tour à l’ancienne première ligne boche, bouleversée partout par nos obus et à chaque pas il y a des morts couchés dans tous les sens Comme ça sent mauvais ! C’est horrible à voir tous ces cadavres dans toutes les positions dont certains sont même la tête en bas, ne laissant voir que les pieds. Spectacle étrange et effrayant. Je descends alors dans le ravin où nos troupes, le 9 mai, se sont heurtées aux boches. Les rideaux de terre sont encore couverts de cadavres de zouaves tirailleurs et de boches reconnaissables seulement à leur équipement car les corps sont en putréfaction et non identifiés. J’ai vu plusieurs noms sur les poignets de certains. Je ramasse quelques menus objets boches. Leurs tranchées sont toutes faites et surélevées avec des sacs à terre, faits avec des étoffes de toutes sortes, double rideaux, oreillers, édredons, jupons, chemises, corsages, etc. et partout des cadavres. Quelle horreur c’est dégoutant. Nos pertes en cette attaque sont très élevées néanmoins la cote 119 est à nous et nous poussons sur la cote 140 au sud de Givenchy en Gohelle. Les boches résistent encore. A 6 heures du soir ils essayent une autre contre-attaque et nous envoient de nombreuses marmites mais on sent que leurs pièces sont reculées sauf quelques-unes. Page 2 Que de morts, partout c’est incroyable ! Par milliers et des blessés se trainent en criant, beaucoup meurent faute de soins car il est impossible de les relever entre les lignes et il faut attendre la nuit pour ces soins. Certains restèrent même 4 jours dans la boue sans soins et quel supplice ces malheureux ont-ils dû endurer. L’après-midi deux heures de même travail que le matin et le soir à 19 h 30 je repars avec 4 hommes au ravitaillement copieusement bombardés et c’est merveille que personne ne soit atteint. La pluie ayant cessé dans le jour, reprend à la nuit et avec quelle peine reviennent mes hommes chargés les uns de pain, de rata, les autres de vin et de café. Quel mal pour s’arracher de cette boue gluante et le chemin que l’on pourrait parcourir en une heure, il faut en compter le double et quel mal pour faire peu de choses. Aussitôt arrivé je fais la distribution de ce que j’ai touché et après avoir cassé une croûte – quelle croûte, mon Dieu ! - je repars aussitôt chercher 50 litres de vin au même endroit pour ne rentrer qu’à 3 heures. En somme 6 heures de marche impossible à travers des boyaux étroits et remplis de boue alors qu’en une heure et demie ou deux heures, en passant par les champs on pourrait mieux marcher – mais ça siffle trop fort. Exténué, je me couche sur les marches de l’escalier dans la boue sans couverture, trempé dans la boue jusqu’aux genoux mais je m’endors aussitôt, réveillé de temps en temps par ceux qui me marchent dessus. Vendredi 1er octobre 1915 : A 6 heures je reprends mon équipe pour aller réparer et aménager notre ancienne première ligne, démolie par les boches mais, aperçus par eux, nous sommes aussitôt bombardés. Je fais rentrer mes hommes et moi-même je me terre dans une guitoune. Tout est bouleversé autour de nous. Notre entrée est à moitié obstruée. En trois petits quarts d’heure je compte 182 obus sur le même objectif (environ 100 mètres de tranchées) dont 3 seulement n’éclatent pas. Je pense en devenir sourd et par les explosions et par le déplacement d’air. Des éclats viennent même se ficher dans le fond de notre guitoune. Ce que je crains c’est qu'un obus vienne tomber juste dans l’entrée et nous enterre là-dedans, tous vivants, ce qui est arrivé à peu près à deux hommes de mon équipe qui y sont sans doute encore. Je reçois l’ordre, dès que le bombardement cesse un peu, de déblayer le barrage qui nous sépare des boches autrefois pour permettre l’accès d’une tranchée dans l’autre. Nous sommes à flanc de coteau et bien en vue des boches. Néanmoins je commence. Mes hommes hésitent un peu ; à peine 10 minutes de travail que le second bombardement recommence pendant une heure. Je compte encore plus de 300 obus (en les comptant ça fait une diversion et on ne pense pas à soi) dans les mêmes parages et surtout des gros ; des éclats arrivent dans les trous où je me suis réfugié avec deux hommes. Je reçois un petit Le Journal d’un Poilu (5) éclat qui me coupe un peu le dessus de la main gauche en me protégeant. Les autres sont blessés, l’un à la joue et au bras, l’autre à la figure mais légèrement. Peut-être a-t-il reçu au moins 20 éclats mais des petits, heureusement. Je suis verni, sans y être, car leurs blessures vont leur valoir un peu de repos : hôpital et permission. Je les aide à sortir du trou et comme deux fous, il y a de quoi dans un bruit pareil, ils se sauvent sous les obus au risque de se faire achever. J’ai su plus tard qu’ils étaient bien parvenus au poste de secours. Le bombardement fini, je vais terminer le déblaiement du passage et j’y réussis. Troisième fois bombardés nous nous terrons de nouveau et la danse terminée, je fais ramasser les outils et nous nous rendons à notre abri, un peu en arrière. Ce que nous avons fait est à recommencer : tout est bouleversé par les obus. Après un moment de repos, je repars seul aux tranchées boches. A travers un chaos indescriptible et enjambant plusieurs morts, je rentre dans un poste de commandement contigu et communiquant à un poste de secours. Ils sont aménagés avec confort et construits comme des fortins. Dans le poste de secours, un plancher, une table d’opérations, des étagères contenant encore de nombreuses fioles, une boite avec cadavres boches. Je me sauve rapidement et reviens à notre abri. L’après-midi je fais nettoyer encore quelques boyaux et cela pendant 3 heures. A 15 heures les nôtres attaquent. Le 97ème Régiment d’Infanterie alpine reprend encore deux tranchées aux boches. Ils n’ont pas fait un seul prisonnier. Tous ont été tués. Ceux qui se rendent descendaient le coteau derrière les nôtres en levant les bras et criant « Kamarad » mais tous y restent et c’est curieux de voir ces grands corps rouler du bas du rideau ou tomber dans les boyaux ou dans le ravin. Comme c’est sauvage et sanguinaire cette chose-là ! A 19 heures je repars au ravitaillement et ne rentre qu’à minuit, avec quelle peine dans la nuit noire. Heureusement que je connais le secteur à fond et tous les boyaux parallèles et tranchées. Aussitôt rentré, je fais la distribution, casse une petite croûte et me couche encore dans l’escalier – les boches bombardent nos positions. Il est minuit. Samedi 2 octobre 1915 : Ils nous envoient des obus suffocants qui vous prennent à la gorge et vous font pleurer au point que l’on ne voit plus rien – quoique portant des lunettes et des masques spéciaux. J’ai trouvé une cagoule c’est plus pratique. J’ai Le village de La Neuville Saint Vaast après les combats de 1915 (Illustration Internet) quelques morceaux de chair humaine – bras – jambes … Impossible de décrire l’intérieur : un véritable charnier, 5 ou 6 corps sont là, des blessés morts faute de soin. Leurs visages sont atroces, morts dans une agonie terrible et l’on voit qu’ils ont été abandonnés précipitamment. Nous n’avons pas pu les secourir, la tranchée ayant été canonnée par les boches et l’entrée était obstruée. Horreur, horreur !!! Et cela au milieu de meubles éventrés, armoires, fauteuils, apportés là par les vandales. Je me glisse au dehors. Au même instant un obus arrive dans l’observatoire situé au-dessus du commandement, faisant tomber les sacs de terre et je manque d'être enterré sur les aussi un casque protégeant efficacement contre les petits éclats. J’en reçois quelques-uns dessus ne le cabossant même pas. L’un en me frôlant m’a déchiré ma capote dans le dos. Je dors quand même et à 6 heures je vais prendre l’air sur une banquette de tir ; je suis tout raide. A 8 heures ordre de partir au repos. Je m’équipe et nous arrivons aux huguenots, endroit où nous devons bivouaquer. Il fait bon. Le soleil brille, je m’allonge sur le sol après avoir mis mes affaires à sécher. Sans ordre, nous attendons. Chacun grogne. Il y a de quoi car nous sommes vraiment mal commandés. A 15 heures ordre d’aller cantonner à la parallèle de Carency dans des abris que nous Page 3 avons faits précédemment pour y mettre l’infanterie en cas de recul. Fatigués moralement autant que physiquement nous arrivons à la nuit dans l’abri qui est désigné pour mon escouade. Il n’y a à peine de quoi loger 6 à 8 hommes et nous sommes 16. Nous y tenons assis et quelle tristesse! Du repos ainsi sous le canon, sans manger depuis la veille. Chacun est morne et murmure contre les chefs. On nous avait demandé un grand effort : nous l’avons fourni et on ne nous donne même pas à manger. C’est dégoûtant! Tant bien que mal – plutôt très mal, nous nous installons et à 21 heures la soupe arrive. Quelle soupe et quel travail pour la distribution. A peine un quart de boule de pain que je dévore rapidement. Chacun se tasse et s’endort. Nous sommes usés heureusement qu’il a fait beau dans la journée. La nuit, il gèle. Je suis transi et je grelotte. Le canon boche nous envoie des obus qui éclatent au-dessus de notre abri, mais il est profond et solide et nous ne craignons rien. A 23 heures la fusillade fait rage sur la Neuville St Vaast. Dimanche 3 octobre 1915 : Debout de bonne heure, je me promène pour me réchauffer. Je fais chauffer un peu de café dans une gamelle boche que j’ai ramassée. La mienne, avec mon sac, est restée à Comblain l’Abbé et je me débarbouille : le sixième jour que je ne me suis pas passé d’eau sur le visage. Je suis sale et ne peux changer de linge n’en ayant pas. Je n’ai même pas le courage de nettoyer ma capote toute plaquée de boue et je traîne ainsi toute la matinée dans la tranchée de tir. La soupe arrive enfin vers 10 heures et je mange de grand appétit. Nous avons ½ litre de vin pour deux repas mais je les absorbe au même repas. Je m’allonge au soleil et dors une heure. Ensuite avec cinq autres je vais à Comblain l’Abbé chercher des provisions. Je rapporte un litre Losange de bras d'un caporal du 146° Régiment d'infanterie (Crédit photo : Internet) Le Journal d’un Poilu (5) Un cimetière improvisé sur le champ de bataille de La Neuville St Vaast (Crédit photo : Bibliothèque Nationale de France D.R.) de vin, un pot de confiture et ½ livre de chocolat. Je me restaure un peu et dans la nuit vers 8 heures, nous rentrons à notre abri, le numéro 8 de la parallèle de Carency. Nous vidons les bidons. Je mange une tartine de confiture et vais me coucher dans un abri avec les sous-officiers où je peux m’allonger un peu sur la terre. Lundi 4 octobre 1915 : Depuis 4 jours je n’ai pas reçu de lettre et ça me semble bien long de ne pas avoir de nouvelles des miens. En reconnaissant, il est vrai, que pendant cinq jours je n’ai pas pu écrire. Je bois un coup de café bien chaud. Mes poilus ont fait un peu de feu, discrètement car nous pourrions être repérés et bombardés. Je mets mes notes à jour et il est 10 heures. La soupe n'est toujours pas arrivée et la pluie recommence. Je fais faire du café avec celui que nous avons en réserve et nous buvons un quart bien chaud et sucré. Les boches ayant aperçu à découvert des brancardiers qui transportaient un blessé se mettent à bombarder la piste et le boyau du Bois mais il ne réussissent pas à les démonter. Seulement ayant aperçu sur la passerelle de la parallèle de Carency une voiture renversée, ils la bombardent et réussissent à la démolir et à blesser quelques hommes qui passaient dans le boyau. Là encore, un spectacle affreux. La voiture contenait des morts ramenés de la première ligne et arrivée au boyau elle se renversa, jetant les morts pêle-mêle dans le boyau et sur le côté du pont. Les corps en putréfaction certains très avancés étaient hideux, les têtes, bras et jambes se détachaient et ils n’étaient pas encore tous ramassés lorsqu’ils furent de nouveau bombardés. Quelle horrible chose que la guerre tout de même. Donc nous attendons jusque 14 heures. Pas encore à manger. Un ordre arrive nous devons retourner à Comblain. Nous passons donc par Villers aux Bois où nos cuisiniers d’escouade sont installés et nous mangeons un morceau et buvons un bon coup. Un pot de confiture acheté hier 25 sous a terminé ce repas. Donc sac au dos, je ramène mon escouade à Comblain et nous installons nos tentes. Je vais chercher des outils portatifs, des vivres pour un jour et je mange encore un peu. Ayant un peu de paille, j’arrange une place et ce soir je vais pouvoir me reposer. A 16 heures, 15 aéros passent ensemble par escadrille pour bombarder quelque chose probablement. A 17 heures il y a encore une attaque formidable car toutes nos pièces donnent ensemble. Heureusement, j’en suis loin. Il est 17 heures je me couche et je vais essayer de bien dormir. Mardi 5 Octobre 1915 : Je me lève à 4 heures après une bonne nuit passée sur de la paille sèche. Je me hâte de mettre mes affaires en état et de faire mon sac qui pèse joliment lourd. A 8 heures rassemblement. Il commence à pleuvoir. En route !! Nous sommes versés à la Compagnie 5/13 du 1er génie et nous nous rendons au bois de Haleux. Là-bas pas d’ordre. Nous faisons la halte, buvons un quart de café et sous la pluie fine qui ne cesse de tomber, nous restons à la même place jusque 14 heures : la Compagnie 5/13 n’ayant pas été prévenue que nous devions arriver. Ce jour-là, quel désordre et quel gâchis il y a dans notre armée : chacun murmure et il y a de quoi car nous laisser là, à 150 parqués sous la pluie et sans rien savoir, nous sommes de véritables animaux que l’on conduit à l’abattoir. A suivre ….. LE JOURNAL D’UN POILU est une réalisation de la Commission « Information-Communication » de la Commune de RAVENEL . Reproduction interdite. Copyright 2015 Page 4