LES GRANDES PHASES DE LA CROISSANCE

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LES GRANDES PHASES DE LA CROISSANCE
LES GRANDES PHASES DE LA CROISSANCE
ECONOMIQUE AU 20ème SIECLE
Question du découpage chronologique possible
avec croisement de logiques économiques et de
logiques politiques (guerres mondiales)
Identification de ruptures claires : 1914 – 1929 –
1945
D’autres inflexions sont moins évidentes à situer :
portée du tournant de 1973 ?
Distinction de 4 grandes phases :
1- 1ère Guerre Mondiale et ses conséquences
2- l’entre-deux guerres
3- la période des « 30 Glorieuses »
4- une nouvelle ère à partir de 1973 ?
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1- La 1ère Guerre Mondiale et l’entrée dans un
monde nouveau
1ère Guerre Mondiale peut être considérée comme la résultante
des tensions qui se nouent autour des puissances européennes et
qui explosent à l’été 1914
1ère Guerre Mondiale souligne les limites de la puissance
européenne et entraîne immédiatement un blocage des
processus de mondialisation
1ère Guerre Mondiale est marquée par l’importance de la
mobilisation économique : durée de la guerre, poids de plus
en plus important du matériel par rapport aux hommes
1.1 La 1ère Guerre Mondiale : une guerre totale
Guerre jusqu’au 19ème siècle est marquée par des
engagements de courte durée (succession de
batailles), une logique de mouvement et passe par la
mobilisation d’un nombre important de soldats
1ère Guerre Mondiale se traduit par la durée (plus de 4
ans), une guerre de position (après la phase de forte
mobilité de l’été 1914) et l’importance du matériel dans
les combats (cf. rôle des taxis de la Marne)
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1ère mobilisation est celle de la main d’œuvre
puisqu’un fort pourcentage de la population active est
mobilisé
appel à la main d’œuvre féminine
« L'ouvrière, toujours debout, saisit l'obus, le porte sur l'appareil dont elle
soulève la partie supérieure. L'engin en place, elle abaisse cette partie,
vérifie les dimensions ( c'est le but de l'opération), relève la cloche, prend
l'obus et le dépose à gauche.
Chaque obus pèse sept kilos. En temps de production normale, 2 500 obus
passent en 11 heures entre ses mains. Comme elle doit soulever deux fois
chaque engin, elle soupèse en un jour 35 000 kg.
Au bout de 3/4 d'heure, je me suis avouée vaincue.
J'ai vu ma compagne toute frêle, toute jeune, toute gentille dans son grand
tablier noir, poursuivre sa besogne. Elle est à la cloche depuis un an. 900
000 obus sont passés entre ses doigts. Elle a donc soulevé un fardeau de 7
millions de kilos.
Arrivée fraîche et forte à l'usine, elle a perdu ses belles couleurs et n'est
plus qu'une mince fillette épuisée.
Je la regarde avec stupeur et ces mots résonnent dans ma tête :
35 000 kg ».
Marcelle Capy – La voix des femmes - 1916
retour des ouvriers qualifiés du front avec appel aux
agriculteurs pour les combats
mécanisation accrue
"Le nombre de tours appropriés était tout à fait insuffisant pour la production des obus, des
gaines et des fusées qui nous furent demandés au début de 1915. [D'où] des achats de
machines-outils en Amérique à des prix exorbitants (...): tours, tours à décolleter, fraiseuses,
machines à percer, etc. (...) Dans le milieu de l'année 1915 on nous demanda un nouvel effort
pour augmenter nos fabrications de camions, de façon à les porter de 100 unités par mois à
300. Nous fûmes obligés de commander dans ce but un nombre important de machines. En
vue de répondre au programme de l'aviation qui avait débuté par la fabrication de 50 moteurs
par mois qui nous est poussée à l'heure actuelle à 300 (...), nous avons dû procéder à l'achat
de machines à fraiser [et] de machines à rectifier (...). A cause de l'impossibilité de nous
approvisionner du matériel qui nous était nécessaire, nous avons fabriqué les machines-outils
les plus diverses.
Bien que notre chiffre d'affaires ait été accru dans une proportion considérable, la puissance de
production de notre usine est encore supérieure à cet accroissement du chiffre d'affaires car
avant la guerre nous n'avions pas d'atelier de forges, nous n'avions pas d'ateliers
d'emboutissage, nous n'avions pas de fonderies de fonte et de bronze (...). En conséquence
nous étions obligés d'acheter à l'extérieur toutes les marchandises correspondant à ces
ateliers.
Documentation archives Renault, in P. Fridenson, Histoire des usines Renault, Seuil, 1972.
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2ème mobilisation est celle du financement du conflit
Place de l’impôt reste limitée
Exemple de la France où le principe de l’impôt sur le
revenu est voté en 1914 (débat politique acharné)
1er prélèvement a lieu en 1916 et s’accompagne d’une
modernisation de l’ensemble du système fiscal en 1917
Prélèvements restent limités et insuffisants pour le
financement de l’effort de guerre : impôt finance 16 %
de l’effort de guerre français
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Recours à
l’emprunt s’impose
Coexistence
d’emprunts d’État
« classiques » et
d’appels à l’or
thésaurisé par les
ménages
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L’importance de la création monétaire
Impôts et emprunts se révèlent insuffisants face au coût de la 1ère Guerre
Mondiale donc les États ont recours à la création de monnaie :
multiplication par 6 des billets en circulation en France entre 1914 et 1919
Situation différente des principaux pays concernant le
financement de la 1ère Guerre Mondiale :
Royaume-Uni privilégie l’impôt
France privilégie l’emprunt
Allemagne privilégie la création monétaire
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3ème mobilisation est celle des acteurs de la vie
économique
Etat prend en main la question de l’organisation de la production et
surtout de la répartition des produits et des moyens vers l’effort de
guerre
Mise en œuvre progressive de procédures de rationnement
(surtout en Allemagne)
Effort pour coordonner l’action des industriels et de l’État (action
passe par l’incitation et non la coercition) : Albert Thomas en France,
Walter Rathenau en Allemagne
« Le gouvernement aura le devoir de régler et organiser la production. Si, un jour,
il est obligé de répartir les commandes selon l'ordre d'urgence ou de répartir la
main-d‘oeuvre selon les nécessités, il devra imposer aux industriels quelques
obligations lourdes. Mais il sait que ce n'est pas en vain qu'il fera appel à leur
dévouement envers la Patrie et qu'il n'aura pas besoin de recourir à des mesures
d'autorité.
Albert Thomas, ministre français de l'armement, devant une réunion d'industriels,
28 août 1915
1.2 Le bilan de la Guerre
1.2.1 Le bilan humain
Bilan humain est d’abord celui des pertes : tués,
blessés, invalides
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Bilan humain se traduit aussi par un moindre dynamisme
démographique (double impact de la guerre : faible
natalité pendant le conflit, impact des classes creuses une
génération après)
Bilan humain doit également tenir compte des questions
sociales :
« génération sacrifiée »
Revendications ouvrières
Revendications féministes (suffragettes)
1.2.2 Un bilan économique partagé
Bilan économique marqué par l’ampleur des
destructions dans certaines régions (Nord est de la
France) et par l’usure du capital productif
1ère Guerre Mondiale a représenté une incitation à
l’innovation dans certains domaines :
Rationalisation et mécanisation du travail
Développement d’industries nouvelles (automobile,
aviation, radio, chimie)
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1.2.3 La question du coût du conflit
Difficulté pour évaluer précisément le coût du
conflit : coût budgétaire doit prendre en compte les
dépenses durant le conflit mais aussi les
conséquences (invalides, reconstruction)
Coût humain et économique est difficile à mesurer
Effort essentiel pèse sur l’État à travers l’endettement
public et les conséquences sur le système monétaire
1.3 Un nouvel équilibre international
1.3.1 La perte d’influence de l’Europe
Europe est d’abord affaiblie politiquement : la
guerre mondiale naît des tensions internes au
continent
Fragilisation (ou disparition) d’États essentiels :
Allemagne, Empire austro-hongrois, Empire russe
Europe devient un continent beaucoup plus morcelé
dans les années 20
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Traités de règlement du conflit ne permettent pas de
rétablir l’équilibre en Europe
Traité de Versailles est considéré comme un « diktat »
par l’Allemagne et la question des réparations est
largement discutée
Dénonciation par Keynes des « Conséquences
économiques de la paix »
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Europe est affaiblie humainement et économiquement,
principalement à travers le coût financier du conflit et la
remise en cause de sa prééminence financière
1.3.2 La montée de nouvelles puissances
Pays à l’écart du conflit mondial apparaissent comme les
vainqueurs économiques : États-Unis, Japon, dans une
moindre mesure Amérique latine
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1.3.3 L’affirmation du socialisme
Révolution d’octobre accentue le morcellement de
l’espace européen (autarcie de la Russie est autant
choisie que subie)
Existence du régime socialiste contribue à
accentuer certaines tensions sociales en Europe :
mouvement revendicatifs importants à la fin et aux
lendemains immédiats de la guerre
Acceptation par les États de certaines revendications
essentielles du mouvement ouvrier : journée de 8
heures en 1919 en France
Première Guerre Mondiale marque la fin du 19ème
siècle :
Remise en cause du rôle central de l’Europe dans le
monde
Apparition d’un système rival du capitalisme (même si
sa place reste marginale
Conditions monétaires sont profondément bouleversées
Blocage des flux de la 1ère mondialisation
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