Maureen C. Miller, Clothing the Clergy. Virtue and

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Maureen C. Miller, Clothing the Clergy. Virtue and
Francia­Recensio 2015/3
Mittelalter – Moyen Âge (500–1500)
Maureen C. Miller, Clothing the Clergy. Virtue and Power in Medieval Europe, c. 800–1200, Ithaca, NY, London (Cornell University Press) 2014, XVIII–286 p., 40 col., 79 b/w ill., ISBN 978­0­8014­7943­4, USD 39,95.
rezensiert von/compte rendu rédigé par
Christine Barralis, Metz
Maureen C. Miller livre ici une synthèse bienvenue et novatrice sur l’évolution des vêtements du clergé séculier durant le haut Moyen Âge et le Moyen Âge central en Europe (Italie, Angleterre, terres carolingiennes). Son approche est résolument historienne, ce qui redouble l’intérêt de cet ouvrage, considérant que la plupart des études récentes sur le vêtement médiéval sont surtout le fait d’historiens de l’art ou de la littérature, qui se sont intéressés prioritairement à l’habillement des laïcs ou à la signification des vêtements dans l’imaginaire médiéval (littérature, images). Tandis que M. Miller, combinant les sources textuelles (législations, textes liturgiques, chartes, chroniques …), iconographiques et matérielles, s’applique à replacer systématiquement les évolutions du vêtement clérical, tant liturgique que quotidien, dans leur contexte historique, socio­politique et économique, afin de rendre manifeste l’inscription de ces transformations vestimentaires dans des évolutions plus larges. Son propos est d’éclairer les pratiques et leurs significations socioreligieuses, non les simples représentations. Ceci explique que l’étude soit centrée sur la période 800–1200, dans laquelle l’auteur met en lumière une transformation profonde du vêtement clérical, selon un double mouvement: d’une part, l’adoption progressivement généralisée pour les vêtements liturgiques de ce qu’elle appelle le »style orné« (ornate style), c’est­à­dire le développement des décors vestimentaires, de la virtuosité de la fabrication et de l’usage de matériaux et de couleurs de grande valeur, qui tranche avec les exhortations christiques à ne pas se préoccuper des vêtements et des apparences; et d’autre part la dichotomie nette qui se développe entre le vêtement des clercs à l’intérieur des églises (orné) et à l’extérieur (modeste et sombre). Une transformation qui n’allait pas forcément de soi et qui est à mettre en lien, comme le démontre l’auteur, avec la promotion de la fonction pastorale et de la sainteté du corps clérical dans son entier, mais aussi avec l’évolution des relations entre les clercs et les femmes, entre les clercs et les pouvoirs temporels, et entre les différents ordres du clergé eux­
mêmes. L’exclusion du champ d’étude de la péninsule Ibérique est justifiée par les différences radicales dans l’iconographie des manuscrits du haut Moyen Âge par rapport au reste de l’Europe qui rendait difficile, selon l’auteur, toute comparaison.
Le premier chapitre (»Let Them Exhibit Holiness«) porte essentiellement sur l’analyse des législations ecclésiastiques en matière de vêtement clérical, ce qui permet à l’auteur de revenir sur les origines de cette histoire, depuis le IVe siècle, avec la mise en place progressive, d’abord de vêtements liturgiques spécifiques, puis, plus largement d’un habillement distinctif du clergé à partir du VIe siècle. Rappelant Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/4.0/
la spécificité et l’influence de Rome en matière de vêtements liturgiques durant le haut Moyen Âge, l’auteur s’attarde ensuite sur les nettes évolutions de la réglementation aux XIe et surtout XIIe siècles. L’étude des sources liturgiques, qui forme le substrat du chapitre deux (»A Clerical Spirituality«), met en lumière l’essor, à partir de l’époque carolingienne, de l’interprétation allégorique des pièces de vêtements, pour promouvoir les vertus que les clercs doivent cultiver, dans le cadre des efforts d’éducation du clergé. Une évolution spirituelle qui provoque l’essor, à partir de la fin du IXe siècle, de nouvelles pratiques religieuses liées aux vêtements. Le chapitre trois (»Resplendent in Gold«) décrit l’évolution des vêtements liturgiques à partir des sources iconographiques et matérielles et démontre le lien entre le développement du »style orné«, dont l’origine se situe très probablement dans l’Angleterre anglo­saxonne du début du IXe siècle, et un autre aspect de la spiritualité diffusée par les Carolingiens, à savoir l’insistance sur le rôle des évêques comme collaborateurs du pouvoir royal dans sa mission de recherche du salut. Le chapitre quatre (»Women and Men«), un des plus originaux, met en lumière le rôle des femmes dans la création du »style orné«: collaborant avec les clercs pour concevoir ces vêtements, elles facilitèrent les pratiques spirituelles développées à leur propos, non seulement par leur production mais aussi en les transformant, notamment lors de la création de vêtements­reliquaires contenant des tissus­reliques. Cette participation à la vie et la spiritualité du clergé, valorisée dans l’hagiographie, est cependant partiellement cachée, par crainte des rumeurs, et nourrit des craintes sur »l’influence féminine« au tournant des XIe–XIIe siècles. L’auteur analyse alors le rôle des dons de vêtements liturgiques par les femmes de l’aristocratie et propose d’y voir un indice, parmi d’autres éléments, de l’existence de réseaux féminins soutenant la réforme.
Dans le stimulant chapitre cinq (»Reform«), l’auteur incite à surmonter une vision entièrement clivée du clergé à l’époque grégorienne en montrant comment et pourquoi les réformateurs grégoriens se sont inspirés des concepts développés par leurs prédécesseurs carolingiens à propos des vêtements et ont adopté le style orné, malgré son association à l’Église impériale au XIe siècle. Elle démontre que les pratiques vestimentaires, langage commun et unificateur du clergé, soutinrent la diffusion des idées réformatrices et le renforcement des hiérarchies ecclésiastiques. Le chapitre six (»Good Lordship«) revient enfin sur la question de l’exercice du pouvoir par les clercs, au cœur de la réforme grégorienne, et montre que le débat sur les caractéristiques du bon ou du mauvais pasteur au XIIe siècle s’est exprimé, entre autres, par la critique du »style orné« des vêtements cléricaux. La conclusion s’achève sur un rapide tableau de la subsistance, dans les siècles suivants, et de la diffusion à d’autres pans de la société de cette assimilation par les clercs du vêtement sombre et modeste à la pratique de vertus morales.
Maureen C. Miller réussit la gageure de livrer un ouvrage de haute teneur scientifique, appuyé sur de multiples notes et la maîtrise d’une vaste bibliographie, tout en restant parfaitement accessible aux Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/4.0/
étudiants découvrant le sujet, car elle prend soin de toujours poser clairement le contexte historique des phénomènes décrits et de définir systématiquement les termes concernant tant le fonctionnement du clergé médiéval que les aspects vestimentaires. L’adjonction à la fin de l’ouvrage d’un index et d’un glossaire sur les pièces vestimentaires, accompagné de croquis les représentant, témoigne de ce souci pédagogique et s’avèrera fort utile pour tous ceux qui ne sont pas spécialistes du sujet. Un beau livre donc, tant par l’éclairage nouveau qu’il apporte sur l’histoire des vêtements, du clergé et des réformes carolingiennes et grégoriennes, que par l’intelligence et la clarté du propos, soutenu par des illustrations nombreuses, pertinentes et de qualité.
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